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14/02/2008 | FRANCE | N°165

France | France, Cour d'appel d'agen, Commission reexamen, 14 février 2008, 165


COUR D'APPEL D'AGEN
1ère Chambre
MATRIMONIAL

DU 14 FEVRIER 2008
-------------------------

Jean-Paul X...

C /

Gisèle Y... épouse X...

RG N : 07 / 00389

Aide juridictionnelle-A R R E T No 165 / 08

Prononcé à l'audience publique du quatorze février deux mille huit, par Bernard BOUTIE, Président de Chambre, assisté d'Isabelle LECLERCQ, Greffier

LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire,

ENTRE :

Monsieur Jean-Paul X...
né le 10 Janvier 1951 à AUJAN MOURNEDE (32300)
de nationalité

française
agriculteur
demeurant...
32300 VIOZAN

représenté par la SCP HENRI TANDONNET, avoués
assisté de Me Christine FAIVRE, a...

COUR D'APPEL D'AGEN
1ère Chambre
MATRIMONIAL

DU 14 FEVRIER 2008
-------------------------

Jean-Paul X...

C /

Gisèle Y... épouse X...

RG N : 07 / 00389

Aide juridictionnelle-A R R E T No 165 / 08

Prononcé à l'audience publique du quatorze février deux mille huit, par Bernard BOUTIE, Président de Chambre, assisté d'Isabelle LECLERCQ, Greffier

LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère Chambre dans l'affaire,

ENTRE :

Monsieur Jean-Paul X...
né le 10 Janvier 1951 à AUJAN MOURNEDE (32300)
de nationalité française
agriculteur
demeurant...
32300 VIOZAN

représenté par la SCP HENRI TANDONNET, avoués
assisté de Me Christine FAIVRE, avocat (SCP NONNON-FAIVRE)

APPELANT d'un jugement du Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance d'AUCH, décision attaquée en date du 06 Février 2007, enregistrée sous le no 04 / 0699

D'une part,

ET :

Madame Gisèle Y... épouse X...
née le 15 Septembre 1952 à MIRANDE (32300)
de nationalité française
demeurant ...
32140 MONLAUR BERNET

représentée par la SCP A. L. PATUREAU et P. RIGAULT, avoués
assistée de la SCP ABADIE MORANT DOUAT DUBOIS, avocats

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 47001 / 02 / 2007 / 1516 du 30 / 03 / 2007 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AGEN)

INTIMEE

D'autre part,

A rendu l'arrêt contradictoire. La cause a été débattue et plaidée en Chambre du Conseil, le 15 Novembre 2007 sans opposition des parties, devant Dominique NOLET, Conseiller rapporteur assistée d'Isabelle LECLERCQ, Greffier. Le Conseiller rapporteur et rédacteur en a, dans son délibéré, rendu compte à la Cour composée, outre lui-même, de Bernard BOUTIE, Président de Chambre et de Christophe STRAUDO, Conseiller, en application des dispositions des articles 945-1 et 786 du Nouveau Code de Procédure Civile, et qu'il en ait été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.

* *
*

EXPOSE DU LITIGE

Dans des conditions de régularité de forme et de délai non discutées, Jean-Paul X... a interjeté appel du Jugement rendu en lecture de rapport d'expertise patrimoniale par le Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance d'AUCH le 06 / 02 / 07 ayant, avec exécution provisoire :

- déclaré Gisèle Y... épouse X... recevable en sa demande,

- fixé au profit de cette dernière une contribution aux charges du mariage
indexée :

. " du 15 mars 1998 au 15 mai 2000 : sous la forme d'une rente mensuelle de 200 Euros,

. du 15 mai 2000 au 15 novembre 2002 : sous la forme d'une rente mensuelle de 200 Euros ",

- débouté les parties de leurs plus amples prétentions,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- mis les entiers dépens à sa charge ;

Les faits de la cause ont été relatés par le premier Juge en des énonciations auxquelles la Cour se réfère expressément ;

Vu les écritures déposées par l'appelant le 05 / 11 / 07 aux termes desquelles il conclut à la réformation de la décision entreprise et demande à la Cour de :

* débouter l'intimée de toutes ses demandes,

* de la condamner à lui verser la somme de 1. 500 Euros par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

* de la condamner aux entiers dépens tant de première instance que d'appel ;

Il fait pour l'essentiel valoir l'argumentation suivante :

1) le Jugement attaqué est entaché d'un erreur, le dispositif ne reprenant pas les mesures prescrites dans les motifs s'agissant des périodes concernées et des montants dus,

2) par Jugement en date du 15 / 10 / 97, il a été décidé en vertu des dispositions de l'art. 258 du Code Civil que la jouissance du domicile conjugal serait attribuée à l'intimée et qu'il devrait payer les charges afférentes à ce domicile, savoir l'eau, l'électricité, la taxe d'habitation, l'assurance et le chauffage ; ce domicile a été détruit par un incendie survenu le 17 mars 1998 ; la décision en question n'a pu s'appliquer plus longtemps en raison d'un cas de force majeure,

3) il n'est pas possible de modifier rétroactivement l'étendue de la contribution aux charges du mariage, notamment pour la période antérieure à la procédure de redressement judiciaire ouverte à son égard ; en effet, si la règle selon laquelle les " aliments ne s'arréragent pas " n'est pas applicable en matière de contribution aux charges du mariage, il faut nécessairement en déduire que ce type de créance n'a pas de caractère alimentaire ; or, à l'exclusion des créances nées de la pension alimentaire et de la prestation compensatoire, le crédirentier a l'obligation de déclarer sa créance au passif ; Gisèle Y... épouse X... n'en a rien fait si bien qu'aucune contribution ne peut être fixée rétroactivement à son encontre pour la période antérieure au Jugement d'ouverture de la procédure collective,

4) la situation active et passive respective des parties ne justifie pas le service d'une contribution aux charges du mariage ; il est notamment faux de dire qu'il a perçu des indemnités d'assurance à la suite de l'incendie ayant ravagé l'immeuble occupé par l'intimée ; ces indemnités ont été appréhendées par le créancier hypothécaire à qui il ne remboursait plus ses emprunts ;

Vu les écritures déposées par l'intimée le 13 / 11 / 07 aux termes desquelles elle conclut à la réformation du Jugement querellé et demande à la Cour de :

- fixer à la somme de 1. 000 Euros le montant de la contribution mensuelle aux charges du mariage due par l'appelant,

- de le condamner à lui payer cette somme du mois de mars 1998 au mois de novembre 2005,

- de rejeter l'intégralité des prétentions de ce dernier,

- de condamner l'appelant, outre à supporter les entiers dépens, à lui régler la somme de 1. 500 Euros par application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Elle fait pour l'essentiel valoir l'argumentation suivante :

1) l'appelant ne peut prétendre à l'existence d'un cas de force majeure alors qu'au lieu de percevoir l'indemnité d'assurance après sinistre de 75. 313, 48 Euros qui lui était due pour lui permettre la reconstruction de l'immeuble, lequel constituait un de ses propres, il a préféré subroger un de ses créanciers pour percevoir cette somme, ce qui revient à invoquer sa propre turpitude,

2) la créance dont elle se prévaut résulte du Jugement du 15 / 10 / 97, lequel est définitif ; il s'agit d'un titre judiciaire exécutoire,

3) la contribution aux charges du mariage a une nature alimentaire ; bien que née antérieurement au Jugement ouvrant le redressement judiciaire, elle est de ce fait dispensée de déclaration dans le cadre d'une telle procédure,

4) la règle selon laquelle les " aliments ne s'arréragent pas " n'est pas applicable en matière de contribution aux charges du mariage,

5) les ressources et charges des parties justifient sa demande ;

MOTIFS DE LA DECISION

Par Jugement en date du 15 / 10 / 97, le Tribunal de Grande Instance d'AUCH, faisant application des dispositions de l'art. 258 du Code Civil, attribuait à Gisèle Y... la jouissance du domicile conjugal et condamnait Jean-Paul X... à régler les charges y afférentes, à savoir l'eau, l'électricité, la taxe d'habitation, l'assurance et le chauffage y afférents ;

L'immeuble abritant ce domicile était détruit par un incendie le 18 mars 1998 ;

L'appelant était indemnisé dès 1998 à hauteur de 35. 059 Euros de ses " pertes sur contenu d'exploitation " et subrogeait dans ses droits le Crédit Agricole qui a perçu la somme de 40. 254, 16 Euros à titre d'" indemnité sur bâtiments " ;

Par Jugement en date du 24 / 05 / 00, le Tribunal de Grande Instance d'AUCH ouvrait une procédure de redressement judiciaire agricole simplifiée à l'égard de Jean-Paul X... puis, par Jugement du 27 / 11 / 02, arrêtait le plan de cession totale de l'entreprise du débiteur ;

Sur la rectification de l'erreur matérielle affectant le jugement appelé :

Ledit Jugement est effectivement entaché d'une erreur matérielle, le dispositif ne reprenant pas les mesures prescrites dans les motifs ; de ce fait, la totalité des périodes concernées et des montants réclamés par la demande de Gisèle Y... n'est pas couverte dans le dispositif alors qu'il l'est dans les motifs ;

La raison le commandant, il doit être fait application des règles posées à l'article 462 du Nouveau Code de Procédure Civile, et il y a en conséquence lieu :

1) de retrancher du dispositif de la décision entreprise les deux lignes situées entre le paragraphe commençant par " Fixe comme suit " et se terminant par " son épouse " (page 4) et le paragraphe commençant par " dit que cette contribution " et se terminant par " selon la formule " (page 5),

2) de remplacer ces deux lignes par les sept lignes situées (page 4) entre le paragraphe commençant par " Attendu qu'en considération de l'ensemble " et se terminant par " Mr X... " et le paragraphe intitulé " III. sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile " ;

Sur la demande de " révision " avec effet rétroactif de la forme de la contribution aux charges du mariage :

Il est de Jurisprudence constante que la contribution aux charges du mariage se distingue de la stricte obligation alimentaire par son fondement juridique-articles 213 et 214 du Code Civil-mais aussi par son objet, regardé comme plus large que celui de la dette d'aliment, en ce sens qu'elle a une vocation collective couvrant le conjoint et les enfants et peut être allouée même à celui qui n'est pas dans le besoin pour lui assurer un certain niveau de vie ;

Pour autant, la contribution aux charges du mariage, qui inclut diverses dépenses indispensables à la vie de la communauté familiale, n'en recoupe pas moins par son contenu l'obligation alimentaire ; il en est spécialement ainsi des frais de logement et de nourriture ;

Dans ces conditions, la contribution aux charges du mariage allouée à l'intimée, en ce que son contenu, à l'instar de la prestation compensatoire, présente au moins partiellement un caractère alimentaire, n'avait pas à faire l'objet d'une déclaration de créance dans le cadre de la procédure collective ouverte à l'égard de Jean-Paul X... ;

Il est ainsi indifférent que la créance de Gisèle Y... n'ait pas été chiffrée après l'ouverture de cette procédure en vue de sa déclaration puisqu'elle en était dispensée ;

La demande formée par l'intimée est depuis l'origine et nonobstant sa qualification une demande de conversion consistant obtenir la transformation d'une obligation en nature en une obligation en deniers ;

Il est à ce stade important de souligner que le principe de la créance est fixé depuis 1997 et que rien n'est venu le remettre en cause ; l'exigibilité de l'obligation n'a jamais cessé ; aucune Juridiction n'a été saisie pour y mettre un terme ;

La force majeure invoquée par l'appelant, tirée de la destruction de l'immeuble sur lequel la contribution aux charges du mariage se réalisait en pratique, n'a produit aucun effet sur l'obligation elle-même ; elle n'a retenti que sur les modalités d'exécution imposées à la charge du mari ;

Or, ces modalités sont, par nature, modifiables ;

L'appelant invoque le principe selon lequel " aliments ne s'arréragent pas " ;

Mais, d'une part, de Jurisprudence constante, cette règle ne s'applique pas à la contribution aux charges du mariage ;

D'autre part, la demande de la femme ne consiste nullement à se voir octroyer une contribution aux charges du mariage, a fortiori rétroactivement ;

En effet, le principe de la contribution aux charges du mariage est acquis depuis 1997 ;

Il ne s'agit donc pas pour l'intimée d'obtenir une contribution aux charges du mariage pour le passé mais simplement de faire changer les modalités devenues impraticables de celle qui existe déjà et est exigible depuis des années ;

La conversion doit concerner la période allant de la destruction du domicile conjugal au prononcé de l'Ordonnance de Non-Conciliation, soit du 18 mars 1998 au 08 / 11 / 05 ;

Nul ne conteste les conclusions chiffrées du rapport d'expertise établi par Richard A...dans le cadre de la présent instance ; chargé d'évaluer les frais engagés mensuellement par l'intimée d'une part pour se loger dans des conditions décentes et équivalentes à celles qu'elle aurait eues si elle avait continuer à disposer de la jouissance du domicile conjugal, et d'autre part pour faire face aux frais relatifs à sa consommation d'eau, de taxe d'habitation, d'assurance et de bois de chauffage, il en a estimé le montant à la somme de 917, 42 Euros ;

Ce montant doit être retenu ; il correspond a ce qu'aurait dû payer l'intimée pour des prestations équivalentes ;

Il n'y a pas lieu d'en défalquer le montant des allocations de logement servies à l'intimée au cours de la période retenue ; en effet, il n'est ici question que de la seule conversion d'une obligation en nature en une obligation en deniers et non d'un litige portant sur l'indemnisation du préjudice éventuellement souffert par Gisèle Y... ;

La période considérée a été de 92 mois ;

L'appelant doit en conséquence être condamné à payer à l'intimée la somme de (917, 42 Euros x 92 mois) 84. 402, 64 Euros ;

Cette dernière, qui est attributaire de l'Aide Juridictionnelle totale et n'invoque ni de justifie avoir exposé des frais particuliers, ne peut bénéficier des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Les dépens de première instance et d'appel doivent être mis à la charge de Jean-Paul X... qui succombe ;

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant en audience publique, après débats en Chambre du Conseil, contradictoirement et en dernier ressort après en avoir délibéré conformément à la Loi,

Rectifie l'erreur matérielle affectant le Jugement attaqué,

Retranche de son dispositif les deux lignes situées entre le paragraphe commençant par " Fixe comme suit " et se terminant par " son épouse " (page 4) et le paragraphe commençant par " dit que cette contribution " et se terminant par " selon la formule " (page 5),

Les remplace par les sept lignes situées dans les motifs (page 4) entre le paragraphe commençant par " Attendu qu'en considération de l'ensemble " et se terminant par " Mr X... " et le paragraphe intitulé " III. sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ",

Réforme la décision déférée,

Condamne Jean-Paul X... à payer à Gisèle Y... la somme de 84. 402, 64 Euros représentant la contrevaleur en deniers de l'obligation en nature mise à sa charge,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Condamne Jean-Paul X... aux entiers dépens de première instance et d'appel, étant précisé que l'intimée est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle,

Autorise les Avoués de la cause à recouvrer directement ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision.

Le présent arrêt a été signé par Bernard BOUTIE, Président de Chambre et par Isabelle LECLERCQ, greffier présente lors du prononcé.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'agen
Formation : Commission reexamen
Numéro d'arrêt : 165
Date de la décision : 14/02/2008

Analyses

MARIAGE - Devoirs et droits respectifs des époux - Contribution aux charges du mariage - / JDF

Il est de jurisprudence constante que la contribution aux charges du mariage se distingue de la stricte obligation alimentaire par son fondement juridique -articles 213 et 214 du Code Civil- mais aussi par son objet, regardé comme plus large que celui de la dette d'aliment, en ce sens qu'elle a une vocation collective couvrant le conjoint et les enfants et peut être allouée même à celui qui n'est pas dans le besoin pour lui assurer un certain niveau de vie .Pour autant, la contribution aux charges du mariage, qui inclut diverses dépenses indispensables à la vie de la communauté familiale, n'en recoupe pas moins par son contenu l'obligation alimentaire .Il en est spécialement ainsi des frais de logement et de nourriture.Dans ces conditions, la contribution aux charges du mariage allouée à l'intimée, en ce que son contenu, à l'instar de la prestation compensatoire, présente au moins partiellement un caractère alimentaire, n'avait pas à faire l'objet d'une déclaration de créance dans le cadre de la procédure collective ouverte à l'égard de l'appelant.Il est ainsi indifférent que la créance de l'intimée n'ait pas été chiffrée après l'ouverture de cette procédure en vue de sa déclaration puisqu'elle en était dispensée .La demande formée par l'intimée est depuis l'origine et nonobstant sa qualification une demande de conversion consistant obtenir la transformation d'une obligation en nature en une obligation en deniers


Références :

articles 213 et 214 du code civil

Décision attaquée : Tribunal de grande instance d'Auch, 06 février 2007


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.agen;arret;2008-02-14;165 ?
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