ARRÊT DU
08 Juin 2022
CG/CR
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N° RG 21/00425
N° Portalis
DBVO-V-B7F-C4GN
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[T] [F] épouse [Y], [G] [Y]
C/
S.A.S. PREMIUM ENERGY
S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
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GROSSES le
Ã
ARRÊT n°
COUR D'APPEL D'AGEN
Chambre Civile
LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,
ENTRE :
Madame [T] [F] épouse [Y]
née le 28 Septembre 1949 à [Localité 4] (46)
de nationalité Française
Monsieur [G] [Y]
né le 03 Février 1950 à [Localité 4] (46)
de nationalité Française
Domiciliés :
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentés par Me Laurent BRUNEAU, avocat postulant inscrit au barreau D'AGEN et par Me Francois DUFFAU, avocat plaidant inscrit au barreau de PAU
APPELANTS d'un Jugement du Juge des contentieux de la protection de CAHORS en date du 02 Mars 2021, RGÂ 1120000033
D'une part,
ET :
S.A.S. PREMIUM ENERGY
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Me David LLAMAS, avocat postulant inscrit au barreau D'AGEN et par Me Paul ZEITOUN, avocat plaidant inscrit au barreau de PARIS
S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me François DELMOULY, avocat postulant inscrit au barreau D'AGEN et par Me Laure REINHARD, Plaidant, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉES
D'autre part,
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 02 Mars 2022 devant la cour composée de :
Présidente : Claude GATÉ, Présidente de Chambre, qui a fait un rapport oral à l'audience
Assesseurs : Dominique BENON, Conseiller
Jean-Yves SEGONNES, Conseiller
Greffières : Lors des débats : Nathalie CAILHETON
Lors de la mise à disposition : Charlotte ROSA, adjoint administratif faisant fonction de greffier
ARRÊT : prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
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FAITS ET PROCEDURE
Suivant bon de commande du 10 novembre 2015, [G] et [T] [Y] ont conclu avec la SAS Premium Energy 'Fédération habitat écologique' (société Prémium Energy) un contrat portant sur une installation solaire photovoltaïque de 4000 Wc comprenant une installation solaire aérovoltaïque de 3 200 Wc au prix TTC de 29 500 euros, financé au moyen d 'un crédit consenti par la SA Sygma banque d'un montant de 29 500 euros, remboursable, après un report d'un an, en 156 mensualités au taux de 5,76 %.
Selon bon de commande du 9 décembre 2015, [G] [Y] a conclu avec la société Premium Energy un contrat portant sur un installation solaire photovoltaïque de 2 500 Wc au prix TTC de 26 500 euros, financé au moyen d'un crédit consenti à [G] et [T] [Y] par la SA Sygma banque d'un montant de 26 500 euros, remboursable, après un report d'un an, en 144 mensualités au taux de 5,76 %.
Les installations ont été réalisées et raccordées au réseau électrique le 20 mai 2016.
Les prêts ont été remboursés par anticipation aux mois de mars et avril 2017.
L'électricité produite a été revendue à EDF suivant contrat conclu le 10 aout 2018, avec effet rétroactif à compter du 20 mai 2016.
Se plaignant de revenus ne couvrant pas le remboursement des crédits et la non fourniture de documents réclamés à la société Premium Energy, [G] [Y] et [T] [F] épouse [Y] ont fait assigner les sociétés Premium Energy et BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE venant aux droit de la SA Sygma banque, par actes délivrés les 13 et 14 février 2020, a comparaitre devant le tribunal judiciaire de Cahors afin de voir prononcer la nullité, et à défaut la résolution, des bons de commandes et des crédits affectés, avec les restitutions subséquentes et versement de diverses sommes.
Après renvois, l'affaire a été fixée à l'audience du juge des contentieux de la protection, exclusivement compétent pour en connaitre, du 3 novembre 2020.
M. et Mme [Y] ont maintenu leurs demandes initiales.
La société Premium Energy et la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE ont opposé la conformité des documents contractuels, la confirmation par l'exécution complète des contrats des éventuelles nullités, l'absence de preuve d'un dol et de préjudice.
Par jugement du 2 mars 2021 le tribunal a :
- débouté [G] [Y] et [D] épouse [Y] de leurs demandes de nullité et de résolution des contrats conclus avec la SAS Premium Energy et la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE le 10 novembre 2015 et le 9 décembre 2015 ;
- dit n'y avoir lieu à statuer sur les demandes relatives aux restitutions dues en cas de nullité ou de résolution des contrats ;
- débouté la SAS Premium Energy de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
- dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté [G] [Y] et [T] [F] épouse [Y] de leur demande relative aux droits proportionnels de recouvrement ou d'encaissement ;
- condamné solidairement [G] [Y] et [T] [F] épouse [Y] aux dépens ;
- rappelé que la décision est de plein droit exécutoire à titre provisoire.
Pour débouter M. et Mme [Y] de leurs demandes et au vu des originaux de leurs exemplaires des bons de commande, le tribunal a notamment retenu que la rentabilité économique ne constituait une caractéristique essentielle d'une installation photovoltaïque au sens de l'article L 111-1 du code de la consommation, qu ' à la condition que les parties l'aient fait entrer dans le champ contractuel ce qui n' était pas démontré en l'espèce.
Les bons de commande détaillent les caractéristiques techniques des installations, la loi n'impose pas de préciser le prix unitaire de chacun des éléments de l'installation, le délai de livraison ou d'exécution est indiqué à savoir quatre mois maximum à compter de la commande, les modalités de mise en oeuvre de la responsabilité de la société Premium Energy sont indiquées. S'agissant du droit de rétractation à compter de la conclusion du contrat, le formulaire détachable n'est pas conforme au texte de sorte que la nullité est encourue mais il est reproduit au verso des bons de commande les dispositions des articles L121-23 à L 121-26 du code de la consommation, dans des caractères parfaitement lisibles, ce qui permettait à M. et Mme [Y] de prendre connaissance de leurs droits et en tirer les conséquences en décidant soit de poursuivre le contrat en dépit des vices qui l'affectent, soit d'y mettre fin. Le tribunal a constaté qu'ils avaient poursuivi l'exécution du contrat sans aucune réserve, ce qui les privaient de la possibilité de se prévaloir des nullités formelles les affectant. Aucune preuve d'un dol n'a été rapportée ni que la société Premium Energy a commis des manquements justifiant de prononcer la résolution des contrats.
Par déclaration d'appel du 14 avril 2021 [G] et [T] [Y] ont relevé appel de la décision en citant tous les chefs du jugement.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par dernières conclusions déposées le 21 janvier 2022 [G] et [T] [Y] demandent à la Cour d'infirmer le jugement et :
- ordonner la nullité du bon de commande n° 001860 du 10 novembre 2015, de son crédit affecté ;
du bon de commande n° 002821 du 9 décembre 2015 et de son crédit affecté.
- ordonner à la SAS Premium Energy, redevenue propriétaire du matériel, d'effectuer à ses frais la remise en l'état initial du domicile des époux [Y] ;
- condamner la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, venant aux droits de la SA SYGMA Banque, à restituer aux époux [Y] la somme de 33 088,22 euros au titre du crédit affecté du 10 novembre 2015 et celle de 29 118,21 euros au titre du crédit affecté du 9 décembre 2015 ;
- condamner la SAS Premium Energy à restituer directement à la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE les sommes de 29 500,00 euros et de 26 500,00 euros ; à défaut, condamner la SAS Premium Energy à payer ces mêmes sommes aux époux [Y] et ordonner la compensation des dettes entre ces derniers et la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE ;
- débouter la SAS Premium Energy et la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE venant aux droits de la SA Sygma Banque, de l'intégralité de leurs demandes contraires portées à l'encontre des époux [Y] ;
- condamner in solidum la SAS Premium Energy et la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à payer aux époux [Y] la somme de 4 800,00 euros au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens de première instance et d'appel, avec distraction au profit de maître [P] [V] et en ce compris l'intégralité des droits proportionnels de recouvrement et d'encaissement prévus à l'article l. 111-8 du code des procédures civiles d'exécution.
[G] et [T] [Y] font valoir :
- les bons de commande sont nuls :
* des mentions font défaut pour apprécier la rentabilité de l'installation : le consommateur n'est pas en mesure d'évaluer la capacité de production du matériel en kilowattheure comparativement au prix de vente de l'unité à la régie d'électricité.
* le juge n'a pas à tenir compte d'une clause type par laquelle le consommateur a reconnu la pleine et correcte exécution des obligations précontractuelles incombant au professionnel, notamment d'information quant aux résultats attendus de l'utilisation du bien ou du service, car cette clause entraîne un renversement de la charge de la preuve de l'exécution de ces obligations de nature à compromettre l'effectivité des droits reconnus au consommateur. Une telle clause type est irréfragablement abusive et réputée d'office non écrite en vertu des articles R. 212-1 12° et R. 632-1 du Code de la consommation.
* la date de livraison ou le délai d'exécution de la prestation ne sont pas précisées alors que le vendeur s'est engagé à effectuer plusieurs démarches administratives, seul un vague « délai de livraison : maximum 4 mois » est indiqué et non un calendrier prévisionnel d'exécution de chacune des obligations mises à la charge du vendeur permettant, notamment, de savoir si le remboursement du crédit affecté débutera avant ou après la mise en service des installations.
* la seule mention « Attestation de responsabilité civile n° DEC-ELI-001862-02 » est insuffisante à informer le consommateur de la couverture géographique de la garantie.
* les conditions, le délai, les modalités d'exercice du droit de rétractation et le formulaire ne sont pas conformes
* l'information sur l'obligation du consommateur de payer des frais lorsque celui-ci exerce son droit de rétractation d'un contrat de prestation de services, de fourniture d'électricité dont il a demandé expressément l'exécution avant la fin du délai de rétractation : aucune mention en ce sens n'est reportée.
* la possibilité de recourir à une procédure extrajudiciaire de règlement des litiges et les modalités d'accès à celle-ci : aucune mention en ce sens n'est reportée.
* la loi applicable au contrat et la juridiction compétente : aucune mention en ce sens n'est reportée.
- sur l'absence de confirmation des nullités :
* à aucun moment [G] [Y] n'a eu à la fois connaissance des nombreux vices affectant les bons de commande et l'intention univoque de tous les réparer.
* en tout état de cause, bien que les crédits aient été remboursés par anticipation les 29 mars 2017 et 5 avril 2017, dans le seul but d'ailleurs d'échapper aux taux d'intérêts contractuels exorbitants, il n'en demeure pas moins que c'est seulement le 12 octobre 2018 que monsieur [G] [Y] a eu connaissance de la contrepartie réelle et les résultats permis par le matériel vendu, lorsqu'il a facturé l'énergie solaire à la société EDF OA pour la première fois.
- sur le dol :
* le prêteur a l'obligation de rechercher le type et le montant du crédit les mieux adaptés compte tenu de la situation financière du consommateur et du but du crédit ; en l'espèce, à aucun moment le vendeur ou les prêteurs ne démontrent que leur mandataire commun aurait prodigué des informations utiles et exactes aux époux [Y] consistant à les mettre en garde sur les risques financiers inhérents à la contrepartie réelle de tels investissements en fonction de la variation de la productivité des panneaux solaires permettant d'évaluer le gain permis par la vente d'énergie solaire produite par rapport au coût du remboursement des crédits affectés successifs.
* le vendeur ne démontre pas plus, malgré la charge de la preuve qui pèse sur lui, qu'il aurait informé les époux [Y] des réels « résultats attendus de l'utilisation » visés à l'article L. 121-1 du Code de la consommation, dans sa version antérieure à l'application de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 ; à défaut le vendeur se rend coupable au moins sur le plan civil d'une faute consistant en une pratique commerciale trompeuse.
- sur les restitutions :
* le matériel doit être repris par la société Premium Energy qui en redevient propriétaire du fait de l'annulation des contrats
- sur les fautes du prêteur qui le prive de sa créance de restitution :
* la SA SYGMA BANQUE, devenue la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, ne s'est assurée ni de la validité des bons de commande financés ni de l'exécution complète, parfaite et totale des obligations mises à la charge du vendeur sur ceux-ci, dès lors qu'elle se retranche derrière des attestations de simples livraisons soit avant l'exécution de l'ensemble des démarches administratives aboutissant à la mise en service des installations, c'est-à -dire à la signature par la société EDF OA du contrat d'achat de l'énergie solaire le 13 septembre 2018.
* il n'y a pas eu de déclaration préalable ni a fortiori d'arrêté de non-opposition concernant les seconds travaux du 22 janvier 2016 ; la commune de Cahors peut ainsi poursuivre les époux [Y] devant le tribunal judiciaire de Cahors sur le fondement de l'article L. 480-14 du
* la clause de mise à disposition des fonds directement au prestataire est abusive au sens de l'ancien article L. 132-1 du code de la consommation.
* les fonds ont été versés avant que la prestation n'ait été totalement exécutée.Code de l'urbanisme jusqu'au 22 janvier 2026.
- sur le préjudice subi par les époux [Y] :
* la SAS PREMIUM ENERGY, en redevenant propriétaire du matériel, est condamnée à remettre le domicile des emprunteurs en l'état antérieur, de sorte que dépourvus de droit de propriété sur l'installation ils ne s'enrichissent pas de l'annulation.
* si le prêteur avait vérifié la validité, et aussi l'exécution, des contrats financés, il aurait refusé ses financements et fait gagner une chance aux époux [Y] ne pas se retrouver dans la situation actuelle, et ainsi en principe débiteurs des capitaux empruntés ; la Cour de cassation vient à cet égard de rappeler que « toute perte de chance ouvre droit à réparation ».
Par dernières conclusions du 11 octobre 2021 la société Premium Energy demande à la cour ( hormis les «déclarer, juger que» qui sont la reprise de moyens et non des prétentions de :
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par Tribunal judiciaire de Cahors sauf en ce qu'il a déclaré que les époux [Y] ont confirmé par leurs actes postérieurs la nullité relative des bons de commande ;
Et statuant à nouveau,
A titre principal,
- débouter les époux [Y] de leurs demandes tendant à faire prononcer l'annulation des contrats conclus auprès de la société PREMIUM ENERGY sur le fondement de manquements aux dispositions du code de la consommation ;
A titre subsidiaire,
- débouter les époux [Y] de l'intégralité de leurs demandes formulées au soutien d'un prétendu dol ;
A titre très subsidiaire, si par extraordinaire la juridiction déclarait les contrats nuls,
- débouter la Banque BNP FP de toutes ses demandes formulées à l'encontre de la Société PREMIUM ENERGY ;
A titre infiniment subsidiaire,
- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société PREMIUM ENERGY de sa demande de condamnation solidaire des époux [Y] sur le fondement de leur action abusive,
- condamner solidairement les époux [Y] à payer à la société PREMIUM ENERGY, la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du caractère parfaitement abusif de l'action initiée par ces derniers ;
En tout état de cause,
- condamner solidairement les époux [Y] à payer à la société PREMIUM ENERGY, la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
La société Premium Energy fait valoir :
- sur l'absence de nullité des bons de commande :
* les documents contractuels remis aux époux [Y] sont conformes aux dispositions du code de la consommation sur tous les points soulevés par les appelants tel que détaillé aux écritures.
* ils font référence à l'absence de mentions qui ne sont pas prévues par la loi
* le contrat ne contient aucune promesse de rentabilité et n'a jamais indiqué que le prix de l'électricité vendue couvrirait les remboursements de l'emprunt souscrit.
* il n'y a pas de faculté de rétractation pour l'achat de la centrale solaire conformément à l'article L 221-21-8 ancien du Code de la consommation puisqu'une installation photovoltaïque est posée en intégration au bâti et à la toiture et c'est pour cette raison que ce type de travaux est couvert par la garantie décennale ; en effet, la dépose d'une telle installation endommage irrémédiablement les cellules photovoltaïques qui ne peuvent être installées ou commercialisées à nouveau.
* en tout état de cause les contrats sont conformes quant au délai, modalités et formulaire de rétractation.
- toute éventuelle nullité a été couverte par la confirmation du contrat :
* [G] [Y] a déclaré avoir pris connaissance des conditions générales de vente et des articles du code de la consommation qui figurent au dos des bons de commande.
* la réception sans réserve fait obstacle à toute remise en cause des bons de commande et en vaut confirmation.
- elle a exécuté sa prestation :
* l'expression publicitaire 'faire de son toit une source de revenus' ne vaut pas promesse d'un rendement spécifique.
* elle ne s'est pas engagée sur des calculs de rentabilité.
* aucune faute ne peut lui être imputée.
- les demandes indemnitaires de la BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à son encontre sont dénuées de fondement :
* elle n'a commis aucune faute
- sur l'appel incident :
* l'action intentée par les époux [Y] dont l'installation fonctionne depuis plus de cinq ans, est purement opportuniste et doit être qualifiée d'abusive.
***************
Par dernières conclusions notifiées le 21 octobre 2021 la SA BNP Paribas Personal Finance demande à la Cour de :
- confirmer le jugement en ce que le Tribunal a débouté les époux [Y] de l'intégralité de leurs demandes
Subsidiairement, en cas d'annulation des contrats,
- débouter les époux [Y] de leur demande visant à voir BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE privée de son droit à restitution du capital prêté dès lors qu'elle n'a pas commis de faute ;
A tout le moins,
- débouter les époux [Y] de leur demande visant à voir BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE privée de son droit à restitution du capital prêté dès lors qu'ils ne justifient pas de l'existence d'un préjudice actuel et certain, ainsi que d'un lien de causalité, à l'égard du prêteur ;
- débouter les époux [Y] de toute autre demande, fin ou prétention ;
- condamner la société PREMIUM ENERGY à garantir le remboursement, à la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, de la somme totale de 56.000 € détaillées comme suit :
* 29.500 € correspondant au montant du capital prêté concernant les contrats souscrits le 10 novembre 2015
* 26.500 € correspondant au montant du capital prêté concernant les contrats souscrits le 9 décembre 2015
En tout état de cause :
- condamner la partie succombant à porter et payer à BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE une indemnité à hauteur de 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens d'instance.
La BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE fait valoir :
- les bons de commande ne peuvent être annulés :
* ils comportent toutes les mentions requises par la loi.
* le délai de rétractation annoncé est parfaitement régulier ; la sanction encourue n'est pas l'annulation du contrat mais la prolongation du délai de rétractation de 12 mois, à compter de son terme initial, or les époux [Y] ne démontrent pas qu'ils auraient fait usage de leur droit de rétractation dans ce délai.
- il s'agit d'une nullité relative :
* conformément aux dispositions de l'article 1338 du Code civil, la nullité relative est susceptible de confirmation en cas d'exécution volontaire du contrat tel que retenu par le tribunal.
- il n'y a pas dol :
* les époux [Y] ne rapportent aucunement la preuve de ce que le vendeur aurait fait référence à un autofinancement des installations, lors de la signature des contrats de vente.
* le seul manquement à une obligation essentielle d'information n'est pas de nature à entraîner l'annulation du contrat, sur le fondement du dol, sauf à faire la démonstration de la volonté du vendeur, de tromper le consentement de l'acquéreur, qui fait défaut en l'espèce.
* La Cour de cassation n'a retenu la rentabilité comme information essentielle, que lorsque cette rentabilité était rentrée dans le champ contractuel, notamment par une simulation de production réalisée, avant la conclusion des contrats, ce qui n'est pas le cas en l'espèce et ce point ne concerne pas le prêteur ;
- elle n'a commis aucune faute :
* les époux [Y] ont d'ores et déjà remboursé les crédits par anticipation, en cas d'annulation ou résolution le prêteur devra garder le bénéfice du capital prêté, remboursé par anticipation, seuls les intérêts et frais pouvant être restitués.
* les époux [Y] devront restituer toutes les sommes perçues : prix payé par EDF, crédits d'impôts notamment.
* elle a versé les fonds sur ordre de l'emprunteur en vertu d'une clause licite.
- les époux [Y] ne subissent aucun préjudice :
* ils disposent d'une installation qui fonctionne.
* le seul préjudice dont se prévalent les époux [Y] est que la revente d'énergie ne permet pas de réaliser l'autofinancement prétendument promis : aucune preuve d'une telle promesse n'est rapportée et au demeurant, un tel préjudice, même s'il était retenu est sans lien avec les fautes invoquées contre le prêteur qui n'est pas le garant de la rentabilité du matériel qu'il finance.
* en cas d'annulation des contrats, les époux [Y] vont bien obtenir du vendeur la restitution du prix de vente, lequel équivaut au capital prêté et a été versé par le prêteur ; s'ils étaient dispensés de rembourser ce capital au prêteur, ils réaliseraient alors un enrichissement sans cause dès lors qu'ils ne disposaient pas de cette somme avant la conclusion des contrats.
- la société Premium Energy lui doit sa garantie :
* l'article L. 312-56 n'a vocation à s'appliquer que dans le cas où le contrat de crédit est annulé ou résolu suite à l'annulation ou la résolution du contrat principal de vente, en raison d'une faute commise par le vendeur.
* la banque ne réclame pas l'indemnisation de l'intégralité de son préjudice puisqu'elle ne sollicite que la condamnation de la société venderesse au paiement de la somme de 56.000 €, correspondant au montant du capital prêté, pour les deux contrats. Il ne s'agit donc pas d'une demande de réparation intégrale de son préjudice, lequel est également constitué des intérêts et frais qu'elle aurait dû percevoir, en cas d'exécution des deux contrats de crédit et qui s'élèvent à la somme de 25.069,84 €.
La Cour pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties fait expressément référence à la décision entreprise et aux dernières conclusions régulièrement déposées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile
L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 janvier 2022 et l'affaire fixée à plaider le 2 mars 2022.
MOTIFS :
1/ Sur les demandes des époux [Y] :
C'est après une analyse complète des éléments et pièces qui lui étaient soumis, qui n'ont pas variés en cause d'appel, et par des motifs pertinents que la Cour adopte, que le premier juge a débouté les époux [Y] de l'ensemble de leurs demandes, ces derniers se contentant de reprendre dans leurs écritures d'appel à l'identique les moyens présentés en première instance, sans développer formellement d'ailleurs aucune critique de la décision déférée.
L'examen des deux bons de commande permet à la Cour de constater que les dispositions des articles L 121-21 à L 121-26 du code de la consommation y sont intégralement reproduites de sorte que les époux [Y], comme tout consommateur normalement attentif, pouvaient avoir aisément connaissance des vices qu'ils invoquent par la simple lecture de ces textes en confrontation avec les termes des deux contrats. Ils en ont donc poursuivi l'exécution comme rappelé ci-avant ce qui les prive de la possibilité d'invoquer leur nullité.
Comme le tribunal l'a également relevé, les époux [Y] ne produisent aucune pièce pour démontrer le défaut d'information de la part de la société Premium Energy justifiant l'indemnisation d'un préjudice et pour établir par ailleurs un manquement aux obligations contractuelles imputable à la dite société dans l'exécution des contrats.
Ils ne produisent aucun élément objectif et donc émanant d'un tiers, démontrant d'une part une faute imputable au professionnel quant aux informations données ou omises, d'autre part un préjudice lié à la faute qu'ils invoquent.
Aucun engagement n'est versé aux débats quant à la rentabilité attendue de l'installation et en toute hypothèse le rendement fondé sur l'ensoleillement et l'exposition des panneaux photovoltaïques est par nature variable. [G] et [T] [Y] ne versent même aucune pièce qui en outre permettrait d'évaluer les coûts supportés au regard des dépenses ou économies envisagées et donc de calculer un éventuel préjudice.
Au contraire, ils communiquent le contrat d'achat d'énergie signé avec la société Electricité de France le 10 août 2018, après avoir remboursé par anticipation les deux prêts en mars et avril 2017, ce qui est de nature à caractériser leur propre négligence dans la réalisation de leur projet de vendre de l'énergie et donc de rentabiliser l'équipement puisqu'ils expliquent qu'ils ont soldé ces deux crédits à raison des taux d'intérêts selon eux «exorbitants», sans produire non plus les nouveaux contrats de prêt. Ils avaient donc dès 2017 la possibilité de se rendre compte de l'économie globale de l'opération si l'on suit leur raisonnement, ils ont pu s'en convaincre avec la signature du contrat de rachat de l' électricité en 2018, mais ne vont intenter leur action qu'en février 2020.
En tout état de cause s'ils prétendent que le prix de vente de l'électricité devait couvrir intégralement les mensualités des emprunts, rien n'indique que cet objectif était dans le champ contractuel et qu'il constituait un élément déterminant de leur consentement.
Dès lors que la centrale photovoltaïque fonctionne depuis de nombreuses années et que [G] et [T] [Y] revendent l'électricité produite à EDF, ils ne peuvent se prévaloir d'aucun préjudice.
Par conséquent, les développements sur les fautes qui auraient été commises lors de la remise des fonds à la SAS Premium Energy sont sans portée.
2/ sur l'appel incident de la société Premium Energy
La demande de dommages et intérêts présentée par la SAS Premium Energy a été à juste titre rejetée faute pour elle de justifier d'un préjudice qui lui aurait été causé par l'action intentée à son encontre par les époux [Y].
3/ sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
En application de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
L'article 700 du code de procédure civile prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Partie perdante, les époux [Y] ont été à juste titre condamnés aux dépens et à une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en première instance.
Le recours étant infondé, ils seront condamnés aux dépens d'appel.
L'équité commande de faire droit aux demandes d'indemnisation de frais irrépétibles présentées par la SAS Premium Energy et la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE et il leur sera alloué à chacune la somme de 1500 € €.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, et en dernier ressort,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement déféré ;
Y AJOUTANT,
CONDAMNE solidairement [G] et [T] [Y] à payer à la SAS Premium Energy la somme de 1 500 Euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE solidairement [G] et [T] [Y] à payer à la SA BNP Paribas Personal Finance la somme de 1 500 Euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE solidairement [G] et [T] [Y] aux dépens d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Claude GATÉ, présidente, et par Charlotte ROSA, adjointe administrative faisant fonction de greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière,La Présidente,