ARRÊT DU
22 Février 2023
CV/CR
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N° RG 20/00951
N° Portalis
DBVO-V-B7E-C2YJ
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[S] [D]
C/
[O] [K],
S.A. APRIL
SANTE PREVOYANCE,
S.A. AXERIA
PREVOYANCE,
CAISSE PRIMAIRE
D'ASSURANCE MALADIE DU GERS,
PREVIFRANCE
MUTUELLE,
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GROSSES le
à
ARRÊT n°
COUR D'APPEL D'AGEN
Chambre Civile
LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,
ENTRE :
Monsieur [S] [D]
né le 15 Août 1948 à [Localité 11] (32)
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représenté par Me Alain PEYROUZET, avocat postulant inscrit au barreau du GERS et par Me Vincent BOIZARD, avocat plaidant inscrit au barreau de PARIS
APPELANT d'un jugement du tribunal judiciaire d'AUCH en date du 08 Octobre 2020, RG 17/00326
D'une part,
ET :
Monsieur [O] [K]
né le 07 Juillet 1960 à [Localité 9] (Algérie)
[Adresse 6]
[Localité 3]
Représenté par Me Philippe MORANT, avocat postulant inscrit au barreau du GERS et par Me Eric MARTY ETCHEVERRY, avocat plaidant inscrit au barreau de TOULOUSE
S.A. APRIL SANTE PREVOYANCE
anciennement dénommée APRIL ASSURANCES
[Adresse 10]
[Localité 7]
S.A. AXERIA PREVOYANCE
[Adresse 8]
[Localité 7]
Représentées par Me Erwan VIMONT, avocat postulant inscrit au barreau d'AGEN et par Me Jacques VITAL-DURAND, avocat plaidant inscrit au barreau de LYON
INTIMES
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU GERS
[Adresse 1]
[Localité 3]
PREVIFRANCE MUTUELLE
[Adresse 2]
[Localité 4]
INTIMEES n'ayant pas constitué avocat
D'autre part,
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 05 Décembre 2022, sans opposition des parties, devant la cour composée de :
Président : Dominique BENON, Conseiller faisant fonction de président
Assesseur : Cyril VIDALIE, Conseiller qui a fait un rapport oral à l'audience
qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée outre eux-mêmes de :
Benjamin FAURE, Conseiller
en application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, et après qu'il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés,
Greffière : Charlotte ROSA, adjointe administrative faisant fonction de greffière
ARRÊT : prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 805 du code de procédure civile
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Faits et procédure :
M. [K] a souscrit auprès de la SA Axeria Prévoyance un contrat 'Providencial' n°12 78498 00 catégorie 3 contenant une garantie en cas d'incapacité totale de travail, qui était géré par SA April Assurances, devenue la SA April Santé Prévoyance.
Il a également souscrit un contrat prévoyant des prestations en cas d'incapacité de travail et d'invalidité auprès de Prévifrance Mutuelle.
M. [K] a subi, le 12 mars 2012, un traumatisme de l'épaule droite à la suite duquel il a été placé en arrêt de travail jusqu'au 31 août 2012.
La SA April Assurances a mandaté le docteur [D], à l'effet de fixer la durée prévisible de son incapacité totale de travail ; par un rapport du 17 juillet 2012, celui-ci l'a fixée du 12 mars 2012 au 24 mai 2012, compte tenu de l'absence de traitement spécifique et d'examens complémentaires, et a arrêté une date de stabilisation au 24 mai 2012.
Par courrier du 20 juillet 2012, la SA April Assurances a informé M. [K] de la cessation du versement des indemnités journalières à cette date.
Après avoir repris son activité professionnelle le 3 septembre 2012, M. [K] a subi une nouvelle luxation de l'épaule droite le 30 octobre 2013, et été placé en arrêt de travail jusqu'au 31 décembre 2015.
La SA April Assurances a indemnisé sa seconde incapacité totale de travail du 30 octobre 2013 au 2 décembre 2014.
M. [K] a été déclaré en état d'invalidité à compter du 1er janvier 2016.
Reprochant à la SA April d'avoir fixé de façon prématurée et avec légèreté une date de consolidation, M. [K] a saisi le juge des référés d'une demande d'expertise confiée au docteur [N] par ordonnance du 2 février 2016.
Le dépôt du rapport d'expertise est intervenu le 27 juin 2016.
Le 27 février 2017, la SA April Santé Prévoyance a versé à M. [K] une somme de 4 527,27 euros au titre de la garantie indemnités incapacités pour la période du 25 mai 2012 au 31 août 2012.
Par actes des 15 et 17 mars 2017, M. [K] a assigné Prévifrance Mutuelle, la SA April Santé Prévoyance, la SA Axeria Prévoyance et le docteur [S] [D] devant le tribunal de grande instance d'Auch pour obtenir, au visa des articles 1103, 1231-1 et 1240 du code civil, la communication de la convention établie entre la SA April Santé Prévoyance et SA Axeria Prévoyance, le paiement de diverses sommes dues au titre des contrats d'assurance, ainsi que la condamnation de la SA April Santé Prévoyance solidairement avec la SA Axeria Prévoyance et in solidum avec le docteur [D] à réparer son préjudice, et afin de voir ordonner une expertise.
Par jugement du 8 octobre 2020, le tribunal judiciaire d'Auch a :
- constaté que M. [K] a fait appeler en la cause les organismes sociaux et qu'en conséquence la demande d'irrecevabilité présentée par le docteur [D] est sans objet,
- rejeté la demande de nullité de l'assignation délivrée à la SA April Santé Prévoyance,
- déclaré irrecevables les demandes présentées par M. [K] à l'encontre de la SA April Santé Prévoyance,
- débouté en conséquence M. [K] de sa demande de communication sous- astreinte de la convention conclue entre la SA April Santé Prévoyance et la SA Axeria Prévoyance,
- condamné la SA Axeria Prévoyance à verser à M. [K] la somme de 137,19 euros majorée des intérêts au taux légal a compter du 15 mars 2017 au titre des indemnités journalières relatives à l'accident du 12 mars 2012,
- dit que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêt,
- condamné la SA Axeria Prévoyance à verser à M. [K] la somme de 17 971,89 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 15 mars 2017 au titre des indemnités journalières relatives à l'accident du 30 octobre 2013,
- dit que les intérêts échus, dus au moins pour une armée entière, produiront intérêt,
- débouté Prévifrance Mutuelle de sa demande reconventionnelle,
- débouté M. [K] de sa demande présentée à l'encontre de Prévifrance Mutuelle au titre de l'indemnité légale,
- dit que le docteur [D] a engagé sa responsabilité à l'égard de M. [K] et l'a condamné à réparer le préjudice subi par ce dernier à hauteur de 50%,
- rejeté la demande présentée par M. [K] à l'encontre de la SA Axeria Prévoyance tendant à obtenir sa condamnation à réparer son préjudice,
- avant dire droit,
- sursis à statuer sur la demande présentée par M. [K] à l'encontre de Prévifrance Mutuelle au titre de la rente invalidité,
- ordonné une expertise médicale de M. [K], confiée au docteur [J] [W],
- désigné pour y procéder le docteur [U] [T],
- ordonné le renvoi de l'affaire à l'audience de la mise en état du 6 mai 2021 à 9 heures,
- sursis à statuer sur les demandes présentées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- réservé les dépens.
Le tribunal a considéré que l'assignation était régulière, la présentation des faits contenue dans l'assignation et les conclusions la régularisant, suffisant à définir l'objet de la demande et le fondement de l'action.
Le tribunal a déclaré irrecevables pour défaut d'intérêt à agir les demandes visant la SA April Santé Prévoyance, courtier en assurance, et non assureur de M. [K].
Le tribunal a estimé que M. [K] était fondé à obtenir des indemnités journalières au titre des deux journées des 31 août et 1er septembre 2012, au regard des stipulations du contrat prévoyant des versements durant une durée de 365 jours sans distinguer les fins de semaines.
Le tribunal a encore retenu que M. [K] avait été en incapacité totale de travail jusqu'au 31 décembre 2015.
Par ailleurs, le tribunal a estimé que la responsabilité du docteur [D] était engagée, pour n'avoir pas réalisé un examen de la coiffe des rotateurs de M. [K], et avoir fixé la date de consolidation au 24 mai 2012 alors qu'à cette date la rupture de la coiffe des rotateurs était intervenue, ce qui avait laissé penser à ce dernier qu'il pouvait reprendre le travail, et contribué à la rechute.
Le tribunal a cependant retenu l'existence d'une faute de M. [K], pour ne pas avoir réalisé les examens et traitements préconisés, justifiant un partage de responsabilité à hauteur de 50%.
Le tribunal a écarté la responsabilité de la SA Axeria Prévoyance, considérant qu'elle avait pu se fier à l'avis du docteur [D], et qu'elle n'avait pas à répondre de sa faute en qualité de mandataire, le contrat la liant à l'expert étant un louage d'ouvrage au titre duquel il avait accompli sa prestation d'ordre intellectuel en toute indépendance.
Le tribunal a rejeté la demande reconventionnelle de Prévifrance Mutuelle reprochant à M. [K] d'avoir perçu des indemnités journalières de sa part et de celle de la SA April, retenant qu'il avait le droit de bénéficier des deux contrats et que les sommes versées ne dépassaient pas le plafond contractuel.
S'agissant des demandes formées par M. [K] à l'encontre de Prévifrance Mutuelle, le Tribunal a jugé que la demande tendant à obtenir le paiement d'indemnités légales ne reposait sur aucun fondement, et qu'il devait être sursis à statuer sur celle relative à la rente d'invalidité dans l'attente de l'expertise.
M. [D] a formé appel le 10 décembre 2020, désignant en qualité d'intimés M. [K], la SA April, la SA Axeria Prévoyance, la Mutuelle Prévifrance, et la CPAM du Gers, visant dans sa déclaration les dispositions du jugement l'ayant déclaré responsable et condamné à indemniser M. [K] de son préjudice à hauteur de 50%.
La déclaration d'appel a été signifiée le 25 janvier 2021 à la CPAM du Gers et le 27 janvier 2021 à la Mutuelle Prévifrance, qui ne se sont pas constituées.
Prétentions :
Par dernières conclusions du 15 juillet 2021, et exception faite des 'constater', et 'dire que', qui ne constituent pas des prétentions, M. [D] demande à la Cour de :
- infirmer le jugement et, statuant à nouveau,
- débouter M. [K] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
M. [D] expose l'argumentation suivante :
- Sa responsabilité ne peut pas être engagée:
- l'article L.1142-1 du code de la santé publique prévoit une responsabilité des professionnels de santé en cas de faute, dont la preuve n'est, en l'espèce, pas rapportée par M. [K],
- le rapport invoqué par M. [K], sur lequel repose la motivation du jugement, émanant du docteur [N], n'est pas opposable car non judiciaire et non contradictoire, sa communication en cours d'instance ne suffisant pas à assurer le respect du principe du contradictoire,
- il n'était pas le médecin traitant de M. [K], mais le médecin conseil mandaté par la SA April, courtier en assurance, et sa mission était, conformément au contrat, de statuer sur la réalité ou non d'une impossibilité complète, continue et absolue, d'exercer la profession, caractérisant une situation d'incapacité totale de travail, telle que prévue par le contrat 'Providencial',
- il n'avait donc pas pour mission d'établir un diagnostic, ou de prendre en charge M. [K], mais uniquement de se prononcer sur l'existence d'une incapacité totale de travail au sens du contrat, qui la définit comme une 'impossibilité absolue et totale constatée médicalement d'exercer l'activité professionnelle définie à l'adhésion',
- la date qu'il a fixée ne constitue pas une attestation de reprise de travail, étant observé que M. [K], à la date de l'examen, ne prenait aucun traitement et n'avait pas jugé utile d'effectuer l'arthroscanner prescrit par le docteur [P],
- la reprise d'activité n'a pas été influencée par l'examen qu'il a réalisé, mais par l'absence de prolongation de son arrêt de travail au-delà du 31 août 2012, par le docteur [V], son médecin traitant,
- la reprise prétendument précoce de l'activité professionnelle n'est donc pas imputable à la décision de M. [D], dont l'examen ne permettait pas de présager une rupture de la coiffe des rotateurs, laquelle, au demeurant, ne contre-indique pas l'exercice d'une activité professionnelle,
Par dernières conclusions du 16 juillet 2021, la SA April Santé Prévoyance et la SA Axeria Prévoyance demandent à la Cour de :
- confirmer le jugement rendu à l'égard de la société April Santé Prévoyance et de la Compagnie Axeria Prévoyance par le tribunal judiciaire d'Auch en date du 8 octobre 2020,
- donner acte à la compagnie Axeria Prévoyance de ce qu'elle a accepté le jugement
rendu au titre des condamnations prononcées contre elle et qu'elle les a exécutées,
- débouter M. [K] de son appel incident en ce qu'il est dirigé à l'encontre de la compagnie Axeria Prévoyance en l'absence de toute faute susceptible d'être retenue à son encontre,
- condamner M. [K] à payer à la compagnie Axeria Prévoyance au titre de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 2 000 euros,
- le condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Lex Alliance,
avocats sur son affirmation de droit.
Les intimées exposent l'argumentation suivante :
- M. [D] n'étant pas appelé à poser un diagnostic à la place du médecin traitant, et la décision de reprise de travail appartenant à l'assuré, sa responsabilité ne peut être engagée,
- M. [K] avait la faculté, s'il contestait le rapport de M. [D], de solliciter un examen contradictoire, ainsi que le prévoyait le contrat,
- M. [K] n'a repris son activité que le 3 septembre 2012, la décision de M. [D] ne l'y a donc pas conduit,
- l'arrêt de travail du 30 octobre 2013 n'est pas consécutif aux conclusions de M. [D],
- les demandes de M. [K] tendant à une mise en cause de la responsabilité de la SA Axeria Prévoyance, qui comme la SA April Santé Prévoyance, ne peut établir un diagnostic médical, et ne peut être recherchée au titre d'une responsabilité du fait d'autrui, ne peuvent être accueillies.
Par dernières conclusions du 24 mai 2021, signifiées le 20 juillet 2021 à la Mutuelle Prévifrance et le 22 juillet 2021 à la CPAM du Gers, M. [K] demande à la Cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Axeria Prévoyance à lui payer la somme de 137,19 euros au titre des indemnités journalières restant dues afférentes à l'accident du 12 mars 2012, avec les intérêts au taux légal à compter du 15 mars 2017,
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Axeria Prévoyance à lui payer la somme de 17 971,89 euros au titre des indemnités journalières afférentes à l'accident du 30 octobre 2013, avec les intérêts au taux légal à compter du 15 mars 2017,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêt,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que le docteur [D] a engagé sa responsabilité à son égard,
- l'infirmer en ce qu'il l'a condamné à réparer le préjudice subi par lui à hauteur de 50%,
- l'infirmer en ce qu'il a dit qu'il a commis une faute de nature à exonérer la responsabilité du docteur [D] de 50 %,
- l'infirmer en ce qu'il a rejeté la demande présentée par lui à l'encontre de la société Axeria Prévoyance tendant à obtenir sa condamnation à réparer son préjudice,
- condamner la société Axeria Prévoyance in solidum avec le docteur [D] à réparer son entier préjudice corporel et personnel imputable à leurs fautes,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Prévifrance Mutuelle de sa demande reconventionnelle,
- infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande présentée à l'encontre de Prévifrance Mutuelle au titre de l'indemnité légale,
- condamner Prévifrance Mutuelle à lui payer, au titre des indemnités journalières légales, la somme de 52 470,52 euros, majorée des intérêts au taux légal.
- condamner Prévifrance Mutuelle à payer la rente trimestrielle, en application des dispositions contractuelles la liant à lui, dont l'objet est le maintien de ses revenus,
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a prononcé un sursis à statuer au titre de la rente invalidité et, à titre subsidiaire, le confirmer sur ce point dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a ordonné une expertise médicale,
- condamner 'in solidum' tout succombant à lui payer la somme de 4 000 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner in solidum tout succombant au paiement des entiers dépens, dont distraction au profit de maître isabelle Bru avocat inscrit au barreau du Gers, selon les
dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
M. [K] présente l'argumentation suivante :
- en fixant de façon prématurée et avec légèreté une date de consolidation et en ordonnant la reprise de travail, la compagnie d'assurance a manqué à ses obligations professionnelles d'attention et de vigilance, mettant en danger la sécurité de son assuré,
- cet état de fait est à l'origine de la récidive de la luxation du 30 octobre 2013 et de l'état de son épaule droite,
- le jugement doit être confirmé s'agissant des sommes de 137,19 euros et de
17 971,89 allouées au titre des indemnités journalières, dues en vertu du contrat,
- l'expert judiciaire retient que M. [D] n'a pas fait d'examen spécifique de la coiffe des rotateurs de son épaule droite, qui n'est pas mentionné dans son rapport, et il n'a pas diagnostiqué à ce moment la rupture qui devait certainement exister, il a commis une faute en fixant la date de la consolidation au 24 mai 2012,
- il est désormais impotent et dans l'impossibilité d'exercer sa profession,
- sur le fondement de l'article 1382 devenu 1240 du code civil, l'expert engage sa responsabilité en cas d'erreur, omission, défaillance technique,
- il n'a commis aucune faute justifiant une limitation de son droit à réparation,
- l'assureur a commis une faute car il dispose d'un service de médecins-conseils qui n'ont pu que constater le caractère erroné de l'examen de M. [D], n'ayant pas comporté d'examen de la coiffe des rotateurs et la fixation d'une date de consolidation alors que dans le même temps l'expert évoquait l'éventualité d'un arthroscanner et d'un traitement chirurgical,
- une expertise judiciaire doit être ordonnée afin de fixer les postes de son préjudice corporel,
- la demande de répétition d'indu de la SA Prévifrance Mutuelle est infondée, il avait la possibilité de souscrire deux contrats de prévoyance, et le plafond contractuel prévu n'est pas dépassé.
- il est fondé à obtenir le paiement de l'indemnité légale journalière à l'encontre de la SA Prévifrance Mutuelle, organisme conventionné par le RSI, soit pour ce qui le concerne une durée de 924 jours représentant une somme de 52 4701,52 euros,
- la rente d'invalidité prévue par le contrat est due car son taux d'invalidité, de 36,675%, calculé par la moyenne de l'invalidité fonctionnelle de 25% et de l'invalidité professionnelle de 80%, excède le degré minimal de 33% prévu par le contrat,
- le montant annuel de la rente s'élève à 7 300 euros.
La Cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, fait expressément référence à la décision entreprise, et aux dernières conclusions déposées.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 26 octobre 2022, et l'affaire a été fixée pour être examinée le 5 décembre 2022.
Motifs
Sur l'étendue de la saisine de la Cour :
En l'absence d'appel principal ou incident visant les dispositions du jugement relatives aux sommes dues au titre de la garantie incapacité totale de travail souscrite auprès de la SA Axeria Prévoyance, la cour n'en est pas saisie et les demandes de confirmation ou de donner acte de ce qu'elles ont été acceptées et exécutées sont dépourvues d'objet.
Sur la responsabilité de M. [D] :
Les conditions générales du contrat Providencial, souscrit par M. [K], définissent l'incapacité totale de travail comme une ''impossibilité absolue et totale, constatée médicalement, d'exercer l'activité professionnelle définie à l'adhésion', et prévoient, d'une part que 'l'assureur se laisse la possibilité de désigner à tout moment un médecin afin de constater l'état de santé de l'assuré. Sauf opposition justifiée, le médecin doit avoir libre accès auprès de l'assuré. Le refus par l'assuré entraîne la déchéance de tout droit aux prestations pour le sinistre en cause', d'autre part que, 'en cas de désaccord sur l'existence, les causes ou les conséquences d'un sinistre les parties soumettront leur différend à deux médecins désignés, l'un par l'assuré, l'autre par l'assureur'.
Le rapport établi par M. [D] le 17 juillet 2012 dans le cadre de la mission qui lui a été confiée par l'assureur afin de vérifier si la condition de mise en oeuvre de la garantie, telle que définie par le contrat, était remplie, mentionne, sur la base des déclarations de M. [K] et des documents remis par lui, que celui-ci a présenté une luxation de l'épaule droite le 12 mars 2012 qui était une récidive d'une luxation de 2004, qui a été réduite de façon spontanée, qu'il n'y a eu ni hospitalisation ni traitement, que M. [K] lui a déclaré, sans en justifier, avoir porté une attelle [M] durant 45 jours, devoir subir un arthroscanner le 6 juillet 2012, et lui a signalé, pour unique doléance, une instabilité de l'épaule droite.
Le rapport relève que M. [K] présentait un bon état général apparent.
L'examen médical retenait sur la statique, comme sur la mobilité, une absence d'anomalie, et, portant essentiellement sur les régions traumatisées, relevait :
- sur la ceinture scapulaire : absence de cicatrice, déformation, absence de déséquilibre, d'atrophie des muscles sus-épineux, sous-épineux et deltoïdes, absence de contracture musculaire, le médecin relevait l'ensemble des mobilités de M. [K] qui s'avéraient présentes,
- sur les membres supérieurs : absence de cicatrice, malformation, les mouvements étaient mesurés sans anomalie,
- sur le plan neurologique, aucune anomalie n'était relevée.
Le rapport admettait, en conclusion, une justification médicale de l'arrêt de travail du 12 mars au 24 mai 2012, compte tenu de l'absence de traitement spécifique et d'examens complémentaires réalisés, observait qu'un traitement chirurgical serait très probablement indiqué devant cette récidive de luxation de l'épaule, mais n'avait pas été programmé ni décidé, et que cette seule attente de décision ne pouvait constituer un motif médical de prolongation d'arrêt de travail. La conclusion mentionnait enfin : sur la date de stabilisation : en l'absence de traitement chirurgical réalisé on peut fixer la date de stabilisation au 24 mai 2012.
Il ressort de ces éléments que M. [D] est intervenu auprès de M. [K] dans le cadre exclusif du contrat Providencial afin de procéder à une vérification de son état médical et de la mise en oeuvre de la garantie incapacité totale de travail.
Son examen l'a conduit à émettre des conclusions écartant l'état d'incapacité temporaire totale de travail à compter du 24 mai 2012 pour des raisons exposées dans ses conclusions fondée sur la prise en compte des déclarations, doléances, et de l'examen de M. [K] et il n'a pas émis d'avis portant sur une consolidation mais sur une stabilisation de l'état de celui-ci, ou d'avis relatif à une reprise d'activité professionnelle.
M. [D] n'a donc pratiqué ni acte de soin susceptible de comporter la recherche d'un diagnostic, ni investigation ou expertise relative à la reprise de l'activité professionnelle.
Il ne peut donc être déclaré responsable des préjudices résultant de la rupture de la coiffe des rotateurs dont M. [K] a été victime ni des conséquences de la décision de reprise de l'activité professionnelle de ce dernier.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit que le docteur [D] a engagé sa responsabilité à l'égard de M. [K], l'a condamné à réparer le préjudice subi par ce dernier à hauteur de 50%, et ordonné une expertise destinée à déterminer l'étendue du préjudice subi.
Sur les demandes présentées par M. [K] à l'encontre de Prévifrance Mutuelle
- au titre des indemnités légales :
M. [K] soutient que Prévifrance Mutuelle est tenue, en qualité d'organisme conventionné, de lui verser des indemnités légales, et invoque, en réponse à la motivation du jugement relevant que sa demande ne repose sur aucun fondement juridique, les articles L.211-3 et suivants du code de la sécurité sociale en vertu desquels elle gérait, en qualité d'organisme conventionné par le RSI, le régime obligatoire d'assurance maladie des travailleurs indépendants préalablement au 1er janvier 2020, date à laquelle s'y est substituée la CPAM.
Cependant, il ne démontre pas, ainsi qu'il l'affirme, qu'une convention prévoirait le versement par la Mutuelle Prévifrance des indemnités journalières légales dues aux travailleurs indépendants, en cas d'arrêt de travail, ni qu'il remplirait les conditions y ouvrant droit, l'attestation qu'il verse aux débats au soutient de sa prétention, mentionnant que ses arrêts de travail de 2012 et 2013 n'ont pas pu donner leur à indemnisation, ce qui tend à démontrer que tel n'était pas le cas.
Le jugement sera par conséquent confirmé sur ce point.
- au titre de la rente invalidité :
M. [K] soutient qu'il bénéficie d'un taux d'invalidité de 36,675% supérieur au taux minimal requis fixé par le contrat à 33%, qui est la moyenne de l'invalidité fonctionnelle de 25% et de l'invalidité professionnelle de 80% fixées par le docteur [R], médecin expert.
Ainsi que le relève le jugement, le degré d'invalidité qui détermine le droit à la prestation est déterminé en fonction du degré d'incapacité professionnelle et du degré d'incapacité fonctionnelle.
Cependant, le contrat ajoute que les degrés varient de 0 à 100 et que le degré d'invalidité 'N' qui détermine le droit à la prestation est déterminé par un tableau figurant dans les conditions générales du contrat, qui combine incapacité professionnelle et incapacité fonctionnelle.
Il n'y a pas lieu d'ordonner une expertise médicale afin de déterminer les taux d'invalidité de M. [K], car ils ont été évalués par le docteur [H] [R], médecin conseil de l'assureur, à 25% pour le taux d'invalidité fonctionnelle et à 80% pour le taux d'invalidité professionnelle. La Mutuelle Prévifrance, qui ne s'est pas constituée en cause d'appel, ne conteste pas le rapport de ce médecin daté du 20 décembre 2016 retenant un taux d'invalidité fonctionnelle de 25%, et a elle-même opposé à M. [K] le taux d'invalidité professionnelle de 80%, ainsi qu'en atteste le courrier adressé par son conseil à ce dernier daté du 15 juin 2016.
Le désaccord opposant les parties tient, en réalité, à l'application par l'assureur, erronée, du taux d'invalidité fonctionnelle de 20% qui conjugué au taux d'incapacité professionnelle de 80%, correspond, sur le tableau, à un degré d'invalidité 'N' de 31,75%, alors que M. [K] affirme que le degré d'invalidité est en réalité supérieur à 33%, soit 36,675% puisque son taux d'invalidité fonctionnelle est de 25%.
Le tableau, qui ne prévoit pas l'hypothèse d'un degré intermédiaire compris entre 20% et 30%, fixe le degré d'invalidité pour un taux d'incapacité fonctionnelle de 30% à 41,60%, ce qui ouvre droit à la rente.
Dès lors, le tableau contractuel doit s'analyser comme fixant ce degré d'invalidité à une valeur médiane entre un taux d'incapacité fonctionnelle de 20% et de 30% dans l'hypothèse où le taux est de 25%, soit :
(41,60 - 31,75) / 2 + 31,75 = 4,925 + 31,75 = 36,675 %
M. [K] est donc fondé à obtenir le paiement de la rente due au titre d'un degré d'invalidité compris entre 33% et 66%, et dont le montant sera établi suivant les modalités prévues par le contrat.
Le jugement sera infirmé, et sa demande accueillie.
Sur les autres demandes
En application de l'article 696 du Code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
En l'espèce, les dépens de première instance doivent être supportés d'une part par la SA April Santé Prévoyance et la SA Axeria Prévoyance à hauteur de moitié, et d'autre part par la Mutuelle Prévifrance à hauteur de moitié.
Les dépens d'appel doivent être supportés par la Mutuelle Prévifrance, partie perdante.
Il sera alloué à M. [K] une indemnité de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, qui sera supportée d'une part par la SA April Santé Prévoyance et la SA Axeria Prévoyance à hauteur de moitié, et d'autre part par la Mutuelle Prévifrance à hauteur de moitié, soit 1 500 euros chacune.
Par ces motifs,
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt réputé contradictoire, prononcé par sa mise à disposition au greffe et en dernier ressort,
Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la Cour, SAUF en ce qu'il a :
- rejeté la demande présentée par M. [O] [K] à l'encontre de la SA Axeria Prévoyance tendant à obtenir sa condamnation à réparer son préjudice,
- débouté M. [O] [K] de sa demande présentée à l'encontre de Prévifrance Mutuelle au titre de l'indemnité légale,
Statuant à nouveau sur les points infirmés,
Rejette les demandes présentées par M. [O] [K] à l'encontre de M. [S] [D], de la SA April Santé Prévoyance, et de la SA Axeria Prévoyance afin d'obtenir leur condamnation à réparer le préjudice subi à la suite de leurs fautes,
Condamne Prévifrance Mutuelle à payer à M. [O] [K] la rente trimestrielle due en vertu du contrat souscrit par lui, en cas d'invalidité permanente d'un degré supérieur à 33% et inférieur à 66%,
Condamne la SA April Santé Prévoyance et la SA Axeria Prévoyance, d'une part, et Prévifrance Mutuelle, d'autre part, à supporter les dépens de première instance, chacune à hauteur de moitié,
Condamne Prévifrance Mutuelle à supporter les dépens d'appel,
Condamne Prévifrance Mutuelle à payer à M. [O] [K] 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SA April Santé Prévoyance et la SA Axeria Prévoyance à payer à M. [O] [K] 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Autorise Maître Bru à recouvrer directement ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans en avoir reçu provision, en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Vu l'article 456 du code de procédure civile, le présent arrêt a été signé par Dominique BENON, Président, et par Charlotte ROSA, adjoint administratif faisant fonction de greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière, Le Président,