ARRÊT DU
22 Février 2023
JYS/CR
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N° RG 21/00458
N° Portalis
DBVO-V-B7F-C4IX
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[E] [Y],
[O] [Y]
C/
[P] [T]
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GROSSES le
à
ARRÊT n°
COUR D'APPEL D'AGEN
Chambre Civile
LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,
ENTRE :
Monsieur [E] [Y]
né le 16 Avril 1919 à [Localité 11] (47)
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 8]
Monsieur [O] [Y]
né le 29 Septembre 1944 à [Localité 11] (47)
de nationalité Française
[Adresse 13]
[Localité 7]
Représentés par Me François DELMOULY, avocat inscrit au barreau D'AGEN
APPELANTS d'un Jugement du tribunal judiciaire d'AGEN en date du 09 Mars 2021, RG 18/00327
D'une part,
ET :
Monsieur [P] [T]
né le 07 Décembre 1946 à [Localité 12] (62)
de nationalité Française
[Adresse 9]
[Localité 8]
Représenté par Me Christine ROUL, avocate inscrite au barreau D'AGEN
INTIMÉ
D'autre part,
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 09 Février 2022 devant la cour composée de :
Président : Claude GATÉ, Présidente de Chambre,
Assesseurs : Dominique BENON, Conseiller
Jean-Yves SEGONNES, Conseiller qui a fait un rapport oral à l'audience
Greffière : Nathalie CAILHETON
ARRÊT : prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
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FAITS
M. [P] [T] est propriétaire résident à [Localité 10] (Lot-et-Garonne) d'une parcelle jouxtant celles de MM. [E] [Y], le père et [O] [Y], le fils, respectivement usufruitier et nu-propriétaire résidents, en limite desquelles parcelles [S] [T] a monté un abri pour son camping-car en 2016.
Par lettre recommandée du 14 décembre 2017, à laquelle [S] [T] n'a pas répondu, [D] et [O] [Y] lui ont demandé de déplacer cet abri au motif qu'étant accolé à leur maison, il les prive d'accès à leur mur de façade ainsi qu'au débord de leur toiture pour son entretien.
Suivant acte d'huissier délivré le 6 février 2018, [E] et [O] [Y] ont fait assigner [P] [T] devant le tribunal judiciaire d'Agen sur le fondement des articles 545, 678 et 1240 du code civil pour, au principal, dire qu'eux-mêmes sont propriétaires du sol du terrain du [Adresse 3] à [Localité 10] cadastré section ZV n° [Cadastre 6] jusqu'au droit du débord de toiture de la maison du 11 de la même rue édifiée sur la parcelle cadastrée même section n° [Cadastre 4] et lui, être condamné à faire démolir l'abri ouvert sur la parcelle [Cadastre 6] en totalité et subsidiairement, sur une distance de 4 mètres depuis la limite séparative d'avec leur propriété, ainsi que remettre en état leur propriété.
Reconventionnellement, [S] [T] a demandé l'élagage des branches du cerisier du fonds [Y] sur son fonds et 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Par jugement réputé contradictoire du 9 mars 2021, le tribunal a :
- dit que [P] [T] est propriétaire de toute la parcelle située [Adresse 3] à [Localité 10] 47 cadastrée section ZV n° [Cadastre 6] y compris au niveau du débord du toit de ses voisins [E] et [O] [Y], propriétaires des parcelles cadastrées section ZV n° [Cadastre 4] et [Cadastre 5], situées [Adresse 1],
- précisé que la limite de propriété entre les fonds riverains demeure celle qui a été définie par l'expert [N] [G] dans son rapport établi le 15 mai 1984 homologué par jugement du tribunal d'instance de Marmande en date du 6 décembre 1984,
- dit que la parcelle cadastrée section ZV n° [Cadastre 5] bénéficie d'une servitude de surplomb allant jusqu'au débord de leur toiture sur le terrain cadastré section ZV N° [Cadastre 6] appartenant à [P] [T],
- débouté [E] et [O] [Y] de leur demande de démolition de l'abri construit par [P] [T] comme de leur demande de remise en état des lieux,
- déclare irrecevable l'exception d'incompétence soulevée par [E] et [O] [Y] à propos de la demande reconventionnelle d'élagage présentée par [P] [T],
- constaté sur le fond que cette demande d'élagage est devenue sans objet,
- condamné [E] et [O] [Y] à payer à [P] [T] 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- condamné [E] et [O] [Y] aux dépens,
- autorisé les avocats de la cause à recouvrer directement ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir obtenu provision,
- condamné [E] et [O] [Y] à payer à [P] [T] 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté la demande d'[E] et [O] [Y] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement.
PROCEDURE
Par déclaration au greffe le 19 avril 2021, [E] et [O] [Y] ont fait appel de ce que le tribunal a :
- dit que [P] [T] est propriétaire de toute la parcelle située [Adresse 3] à [Localité 10] 47 cadastrée section ZV n° [Cadastre 6] y compris au niveau du débord du toit de ses voisins [E] et [O] [Y] propriétaires des parcelles cadastrées section ZV n° [Cadastre 4] et [Cadastre 5], située [Adresse 1],
- précisé que la limite de propriété entre les fonds riverains demeure celle qui a été définie par l'expert [N] [G] dans son rapport établi le 15 mai 1984 homologué par jugement du tribunal d'instance de Marmande en date du 6 décembre 1984,
- débouté [E] et [O] [Y] de leur demande de démolition de l'abri construit par [P] [T] comme de leur demande de remise en état des lieux,
- condamné [E] et [O] [Y] à payer à [P] [T] 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- condamné [E] et [O] [Y] aux dépens,
- condamné [E] et [O] [Y] à payer à [P] [T] 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté la demande d'[E] et [O] [Y] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Selon dernières conclusions visées au greffe le 24 novembre 2021, E. et M. [Y] demandent, en confirmant le jugement en ce qu'il a dit que [S] [T] est propriétaire de toute la parcelle située [Adresse 3] à [Localité 10] 47 cadastrée section ZV n° [Cadastre 6] y compris au niveau du débord du toit de ses voisins [E] et [O] [Y] propriétaires des parcelles cadastrées section ZV n° [Cadastre 4] et [Cadastre 5], située [Adresse 1] et a constaté sur le fond que la demande de [P] [T] d'élagage est devenue sans objet, et, en l'infirmant sur le surplus et statuant à nouveau, de :
- condamner [S] [T] à :
* faire démolir à ses frais exclusifs par un professionnel dûment assuré l'abri ouvert sur la parcelle [Cadastre 6] et plus généralement tous ouvrages venant joindre leur mur privatif en totalité et subsidiairement, sur une distance de 4 mètres depuis la limite séparative d'avec leur propriété cadastrée n°[Cadastre 4],
* faire remettre en état à ses frais, par un professionnel assuré le mur privatif de leur maison,
* à défaut d'en justifier dans le délai de deux mois suivant la signification de l'arrêt, être condamné à l'astreinte journalière pour 150 euros,
* payer 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, comprenant les frais de constat de Me [K], dont distraction à Me [R],
- débouter [S] [T] de toutes ses demandes.
Les appelants exposent que l'appentis construit est adossé à leur mur privatif de maison d'habitation, sinon par les poteaux de soutien, du moins par le contact de la gouttière du toit et du fait du mur en parpaing de fermeture de l'abri accolé à son mur de maison.
Ils font valoir qu'ils sont fondés, sans démonstration d'un préjudice, à solliciter la suppression du simple adossement de l'abri contre leur propre bien et il s'ensuit de l'article UB7 du règlement d'urbanisme de la commune que la construction doit être éloignée de 4 mètres ; ils subissent également une aggravation de la vue dans leur fonds du fait de la construction du parcage automobile qui peut changer d'affectation pour celle d'une terrasse couverte.
Selon conclusions visées au greffe le 8 septembre 2021, [S] [T] demande de :
- confirmer le jugement,
y ajoutant de :
- condamner 'in solidum' E. et M. [Y] à lui payer 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et 1 662 euros en remboursement des frais et honoraires de géomètre.
L'intimé expose que son abri a été monté dans le respect de la limite séparative posée à l'expertise du géomètre du 15 mai 1984 sans aucun empiètement possible sur le fonds [Y] en raison du trottoir autour du mur de la maison qui interdit l'appui de son abri ; suivant des constats d'huissier des 28 février et 15 mars 2018, aucun poteau de soutènement n'y est adossé, le mur de l'abri est disjoint de 2 cm. du mur de la maison [Y], la couverture et les gouttières de l'abri sont en léger retrait de la ligne divisoire des fonds entre les bornes de propriété et l'intérieur du véhicule n'offre aucune vue directe chez eux sauf sur un mur aveugle.
Il fait valoir que les consorts [Y] reconnaissant que toute la parcelle n°[Cadastre 6], y compris sous le surplomb, lui appartient, ils ne subissent aucun préjudice, même de vue, car le garage d'un camping-car n'est pas assimilable à l'existence d'une véranda.
La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions et moyens des parties, fait expressément référence à la décision entreprise et aux dernières conclusions déposées en application de l'article 455 du code de procédure civile. Le conseiller de la mise en état a clôturé la procédure le 12 janvier 2022.
MOTIFS
L'article 544 du code civil dispose : " La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. "
Le géomètre-expert M. [X] requis par les époux [T] a conclu le 9 août 2019 que : " la limite séparative des époux [T] des consorts [Y] est fixée par un jugement du tribunal d'instance de Marmande du 6 décembre 1984'Les Bormes reconnues par les époux [T] comme la matérialisation de leur propriété n'ont jamais été remises en question depuis plus de 30 ans par les propriétaires successifs de la parcelle n°[Cadastre 5] riveraine...Aucun élément de l'abri ouvert construit en 2016 ne s'appuie, ne s'ancre ou n'empiète ni au sol ni en hauteur (toiture gouttières) conformément aux règles d'urbanisme, habituelles en périphérie urbaine qui imposent que les constructions jouxtent les limites séparatives à défaut de s'en tenir en retrait à une certaine distance, les gouttières de l'abri son situées au ras de la limite séparative respectant parfaitement les prescriptions en la matière'Le jugement ayant fixé la limite de propriété le long du mur de l'habitation [Y] et non le long de cette avancée de toiture (existant depuis la fin des années 60), ce débord constitue une servitude de surplomb sur le fonds [T] au profit des consorts [Y]. "
Les consorts [Y], en ne poursuivant plus la propriété du terrain à l'aplomb, ont acquiescé à ce rapport.
1/ Sur la propriété des consorts [Y] :
Pour débouter de la revendication de propriété, sauf la servitude de surplomb (au profit de la toiture du fonds [Y] sur le fonds [T]), le tribunal a jugé que les consorts [Y] ne peuvent remettre en cause le jugement de bornage du tribunal d'instance de Marmande du 6 décembre 1984, alors que plus de trente ans se sont écoulés depuis ce bornage judiciaire.
C'est par des motifs adaptés que la cour approuve et qu'elle adopte, que le tribunal a rejeté l'action en empiètement de propriété immobilière et la demande en démolition de l'abri de véhicule camping-car de JM [T].
Il suffira de rappeler la distinction de fait entre l'adossement et la juxtaposition de la structure béton-bois de cet abri. En effet, rien dans les pièces des consorts [Y] n'indique que cette structure s'appuie à la paroi du mur de la maison [Y] puisque nul ne prétend que son équilibre en dépendrait.
A défaut d'un adossement, en droit, ledit abri, étant seulement juxtaposé vis-à-vis du mur [Y], n'empiète pas sur le droit de la pleine propriété du mur de ces derniers par la création d'une servitude d'appui ; du fait du jour, vis-à-vis du mur [Y], il ne remet pas non plus en cause la servitude de tour d'échelle du fonds [Y] qui peut continuer à s'exercer sur le fonds [T].
Le jugement sera confirmé de ce chef.
2/ Sur la démolition de l'abri [T] :
Pour rejeter la démolition, le tribunal a jugé que l'abri a été monté dans les strictes limites du fonds [T] (en retrait léger de la ligne divisoire des fonds) et sa présence ne cause aucun préjudice, en n'empêchant pas l'entretien de la maison [Y] ni ne créant aucune vue qui n'existe déjà chez [Y].
L'article UB7 du plan local d'urbanisme de la commune [Localité 10] dispose que c'est lorsque les constructions ne joignent pas les limites séparatives, que leur distance doit être au moins à 4 m. de cette limite.
Cette disposition ne s'applique pas aux éléments de l'abri que [S] [T] a pris soin de monter strictement à la jonction des limites séparatives sans contact avec le mur privatif [Y].
Enfin, les dispositions de l'article 678 du code civil sur les distances de vues entre les ouvertures des bâtiments, ne s'appliquent pas au stationnement des véhicules qui ne sont pas immobilisés et la demande n'est pas fondée en fait ni justifiée en droit.
La demande n'est ni fondée en fait ni justifiée en droit.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
3/ Sur la procédure abusive :
Celui qui agit en justice de mauvaise foi ou seulement légèrement peut être condamné sur le fondement de sa faute à payer à son adversaire des dommages et intérêts au montant prouvé de son préjudice. Le fait de la construction, par ailleurs inesthétique, de l'abri du camping-car dans des conditions litigieuses mais pas illégales au voisinage immédiat de leur maison, autorisait les consorts [Y] à agir en justice sans que leur bonne foi soit remise en cause ni leur animosité personnelle caractérisée, même en usant du droit d'appel. La demande n'a pas de fondement.
Le jugement sera infirmé sur ce point.
4/ Sur les dépens et les frais :
L'article 696 du code de procédure civile dispose :
" La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. "
Les consorts [Y] qui succombent en toutes leurs prétentions les supporteront entièrement en application de l'article 696 du code de procédure civile.
L'article 700 du code de procédure civile dispose :
" Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
" 1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
(')
Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. "
Il y sera statué en équité.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, et en dernier ressort,
Confirme le jugement sauf les condamnations à dommages-et-intérêts pour abus du droit d'ester en justice, aux dépens et frais irrépétibles,
Jugeant à nouveau les chefs infirmés,
Déboute [C] [T] de sa demande à titre de dommages et intérêts,
Condamne [E] et [O] [Y] aux dépens mais déboute [C] [T] de sa demande de 1 662 euros de frais de géomètre-expert au titre des dépens,
Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de [C] [T],
Y ajoutant,
Condamne [E] et [O] [Y] aux dépens d'appel,
Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de [C] [T].
Vu l'article 456 du code de procédure civile, le présent arrêt a été signé par Dominique BENON, Conseiller ayant participé au délibéré en l'absence de Mme la présidente de chambre empêchée, et par Nathalie CAILHETON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière, Le Président,