ARRÊT DU
22 Février 2023
JYS/CR
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N° RG 21/00698
N° Portalis
DBVO-V-B7F-C5BK
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[U] [N]
C/
[S] [R]
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GROSSES le
à
ARRÊT n°
COUR D'APPEL D'AGEN
Chambre Civile
LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,
ENTRE :
Monsieur [U] [N]
né le 29 Juin 1957 à [Localité 5] (64)
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représenté par Me François ROUJOU DE BOUBEE, avocat inscrit au barreau du GERS
APPELANT d'un Jugement du Juge des contentieux de la protection d'Auch en date du 09 Juin 2021, RG 20/01582
D'une part,
ET :
Monsieur [S] [R]
né le 24 Avril 1932 à [Localité 4] (32)
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représenté par Me Blaise HANDBURGER, avocat inscrit au barreau du GERS
INTIMÉ
D'autre part,
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 09 Mars 2022 devant la cour composée de :
Président : Claude GATÉ, Présidente de Chambre
Assesseurs : Dominique BENON, Conseiller
Jean-Yves SEGONNES, Conseiller qui a fait un rapport oral à l'audience
Greffière : Nathalie CAILHETON
ARRÊT : prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
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Faits
Suivant contrat, assorti de la clause résolutoire, de bail meublé du 8 février 2020, [S] [R] a loué à [U] [N] un logement ancien type 2 à [Localité 4] (Gers), à effet du 1er mars suivant durant 1 an moyennant 380 euros de loyer sans charges après un état des lieux d'entrée contradictoire : " entrée, séjour et chambre état moyen, cuisine, 'sdb'' et 'wc' bon état ". [U] [N] a manqué à payer le loyer depuis le mois suivant son entrée dans les lieux en s'en justifiant par l'indécence du logement.
Suivant acte d'huissier du 3 septembre 2020, [S] [R] a fait faire commandement à [U] [N] de régler 2 280 euros des loyers d'avril à septembre 2020 en principal et visant la clause résolutoire.
Suivant assignation du 2 décembre 2020, [S] [R] a fait citer [U] [N] devant le tribunal judiciaire d'Auch sur le fondement de l'article 24 de la loi du 6 juillet 1989 modifiée, pour au principal, ordonner son expulsion, le condamner à payer 1 862,25 euros de reliquat d'arriéré de loyers et une indemnité d'occupation de 380 euros par mois jusqu'à la libération des lieux.
Par jugement contradictoire du 9 juin 2021, le tribunal a :
- constaté que par l'effet de la clause résolutoire, inscrite au bail et du commandement du 3 septembre 2020, le bail est résolu de plein droit à effet du 3 novembre 2020,
- condamné [U] [N] au paiement, au profit de [S] [R] de 1 862,25 euros au titre des loyers échus, avec intérêts au taux légal à compter du commandement,
- condamné [U] [N] au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle de 380 euros à compter du 3 novembre 2020 jusqu'à parfaite libération des lieux ou expulsion,
- ordonné son expulsion et celle de tous occupants de son chef, au besoin avec l'aide de la force publique et d'un serrurier et dit que le sort des meubles sera régi par le code des procédures civiles d'exécution,
- condamné [U] [N] au paiement d'une astreinte provisoire de 20 euros par jour de retard un mois après la signification de la décision, la liquidation étant réservée par ce tribunal,
- rejeté toute demande plus ample ou contraire,
- rappelé que le jugement est exécutoire,
- dit que le jugement sera communiqué au préfet de Département,
- condamné [U] [N] au paiement de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Procédure
Suivant déclaration au greffe le 5 juillet 2021, G.eorges [N] a fait appel de ce que le tribunal l'a débouté de : constater l'indécence du logement, ordonner sa réhabilitation, dire que sans motif grave, la résiliation judiciaire ne saurait prospérer, constater le prolongement de la trêve hivernale jusqu'au 31 mai 2021, condamner le demandeur à 1 500 euros d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ; il a intimé [S] [R].
Selon conclusions visées au greffe le 21 septembre 2021, [U] [N] demande, en infirmant le jugement et déboutant R. [R] de ses demandes en résiliation de bail, expulsion des lieux, paiement d'indemnité d'occupation et mise à sa charge des dépens et d'une indemnité de l'article 700 du code de procédure civile, principalement, de :
- constater l'indécence du logement,
- ordonner sa réhabilitation aux normes de décence légales,
- dire que sans motif grave, la résiliation judiciaire ne saurait prospérer,
subsidiairement, de :
- octroyer tel délai qu'il plaira,
- constater le prolongement de la trêve hivernale jusqu'au 31 mai 2021,
- condamner le demandeur à payer 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
L'appelant expose et fait valoir que le logement présente des carreaux de vitres cassés, des spots lumineux arrachés, des murs endommagés et des fenêtres vétustes et cet état est contraire aux dispositions du décret du 30 janvier 2002 ; il a suspendu l'exécution du bail en suspendant le paiement des loyers pour obtenir les réparations, sans succès. Il est fondé subsidiairement à obtenir des délais de paiement.
Selon conclusions visées au greffe le 26 octobre 2021, [S] [R] demande de :
- confirmer le jugement intégralement et, y ajoutant, de :
- condamner [U] [N] à payer 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entier dépens et qu'à défaut de règlement spontané des condamnations conduisant à l'exécution forcée, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire en application du tarif seront supportées à titre de dommages-intérêts supplémentaires en sus de ces dernières condamnations.
L'intimé expose et fait valoir qu'aucun des griefs du locataire ne figure à l'état des lieux contradictoire et il n'a pas réagi à la signification du commandement ; il n'a pas sollicité l'autorisation judiciaire pour consigner, non suspendre, le paiement des loyers ; il est de mauvaise foi. Lui-même ne dispose que d'une trop faible retraite pour pouvoir se passer de ce complément de ressources.
La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions et moyens des parties, fait expressément référence à la décision entreprise et aux dernières conclusions déposées en application de l'article 455 du code de procédure civile.
Par ordonnance du 26 janvier 2022, le conseiller de la mise en état a clôturé la procédure et fixé l'affaire à plaider à l'audience du 9 mars 2022.
Motifs
1/ Sur le fond :
L'article 7 de la loi du 6 juillet 1989 dispose notamment :
" Le locataire est obligé :
a) De payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus ; le paiement mensuel est de droit lorsque le locataire en fait la demande. Le paiement partiel du loyer par le locataire réalisé en application de l'article L. 843-1 du code de la construction et de l'habitation ne peut être considéré comme un défaut de paiement du locataire ;
b) D'user paisiblement des locaux loués suivant la destination qui leur a été donnée par le contrat de location ;
c) De répondre des dégradations et pertes qui surviennent pendant la durée du contrat dans les locaux dont il a la jouissance exclusive, à moins qu'il ne prouve qu'elles ont eu lieu par cas de force majeure, par la faute du bailleur ou par le fait d'un tiers qu'il n'a pas introduit dans le logement ;
d) De prendre à sa charge l'entretien courant du logement, des équipements mentionnés au contrat et les menues réparations ainsi que l'ensemble des réparations locatives définies par décret en Conseil d'Etat, sauf si elles sont occasionnées par vétusté, malfaçon, vice de construction, cas fortuit ou force majeure. Les modalités de prise en compte de la vétusté de la chose louée sont déterminées par décret en Conseil d'Etat, après avis de la Commission nationale de concertation. (') " ;
Pour faire droit à la demande en paiement des loyers impayés depuis plus d'un mois et ses conséquences, le jeu de la clause résolutoire et l'expulsion locative, le tribunal a jugé que la dette n'est pas contestée et s'établit à un montant plus important qu'à la date du commandement de payer deux mois auparavant, l'exception d'inexécution ne peut pas être retenue faute d'avoir invoqué l'indécence avant l'instance et les loyers d'avoir été consignés par autorisation judiciaire, outre que les justifications avancées d'un carreau cassé et une fenêtre vétuste ne suffisent pas à remettre en cause l'état des lieux.
C'est par des motifs que la cour approuve et qu'elle adopte que le tribunal a débouté [U] [N] de sa défense à la résiliation du bail.
Il conviendra de rappeler :
- en droit que le locataire d'un logement indécent mais habitable ne peut se prévaloir de l'exception d'inexécution en suspendant unilatéralement le paiement des loyers,
- en fait, que le remplacement d'une vitre cassée incombe au locataire après l'état des lieux qui ne l'a pas mentionnée, l'encadrement de fenêtre vétuste renvoie à l'objet du contrat datant le bien ancien de '1850' et il n'est versé aucune preuve comme un rapport d'un service public local d'insalubrité ni d'indécence sur la vétusté à l'appui de l'exception d'inexécution. Les allégations de lumières arrachées et de murs endommagés ne figurent pas à l'état des lieux ni ne font l'objet d'aucun versement de pièce au dossier. Le locataire n'a pas demandé à remplir de grille de vétusté en annexe à l'état des lieux conformément à l'article 4 relatif à la prise en compte de la vétusté au décret du 30 mars 2016 relatif aux modalités d'établissement des états des lieux d'entrée et de sortie.
Le jugement sera confirmé sur la condamnation aux paiements, la résiliation du bail et l'expulsion locative.
2/ Sur le délai :
L'alinéa 1er de l'article 1343-5 du code civil dispose :
" Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues. "
Nonobstant la procédure, [U] [N] n'a offert que 380 euros en septembre et 270 euros en novembre 2020 en réponse au commandement de payer. Malgré le jugement exécutoire, [U] [N], qui se proclame solvable, conclut encore au jeu de l'exception d'inexécution jusqu'à la mise en conformité de son logement dont il ne rapporte toujours pas un commencement de preuve de son indécence. La mauvaise foi de [U] [N] est caractérisée et le délai n'est pas de droit. [S] [R] justifie qu'il forme avec son épouse un couple d'octogénaires aux revenus de pensions mensuelles de retraite de moins de 1 000 euros chacun. Ces deux situations n'autorisent aucun délai de paiement.
Le jugement sera confirmé.
3/ Sur les dépens :
L'appelant qui succombe en son recours supportera les frais de procédure en appel comme en première instance.
Le jugement sera confirmé.
3/ Sur l'abus :
L'article 32-1 du code de procédure civile dispose :
" Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés. "
L'action en justice est un droit des personnes, notamment le droit d'appel, qui est fondamental mais peut dégénérer en abus. Cet abus résulte en l'espèce de l'absence de tout fondement juridique et toute justification à la défense de [U] [N] contre l'action de [S] [R], en rallongeant arbitrairement la procédure engagée. Le locataire n'avait pas le droit de se faire sa propre justice à lui-même alors qu'il devait demander au juge du contentieux de la protection de consigner les loyers entre les mains d'un commissaire de justice conformément à l'article 20-1 de la loi sur l'amélioration des rapports locatifs ; et ce, d'autant qu'il ne justifiait aucunement de la non jouissance de l'habitation louée malgré l'indécence alléguée.
Le présent appel, de mauvaise foi et dilatoire contre un jugement motivé, est une faute qui justifie le prononcé d'une amende de 1 500 euros.
Par ces motifs
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, et en dernier ressort,
Confirme le jugement,
y ajoutant :
Condamne [U] [N] aux dépens d'appel,
Dit qu'à défaut de règlement spontané des condamnations conduisant à l'exécution forcée, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire en application du tarif seront supportées à titre de dommages-intérêts supplémentaires en sus de ces dernières condamnations.
Condamne [U] [N] à payer à [S] [R] 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne [U] [N] à 1 500 euros d'amende civile.
Vu l'article 456 du code de procédure civile, le présent arrêt a été signé par Dominique BENON, Conseiller ayant participé au délibéré en l'absence de Mme la présidente de chambre empêchée, et par Nathalie CAILHETON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière, Le Président,