ARRÊT DU
14 MARS 2023
PF/CO
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N° RG 21/00328 -
N° Portalis DBVO-V-B7F-C36X
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[D] [X]
C/
SARL AU PETIT PAS
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Grosse délivrée
le :
à
ARRÊT n° 51 /2023
COUR D'APPEL D'AGEN
Chambre Sociale
Prononcé par mise à disposition au greffe de la cour d'appel d'Agen conformément au second alinéa des articles 450 et 453 du code de procédure civile le quatorze mars deux mille vingt trois par Pascale FOUQUET, conseiller faisant fonction de président assistée de Chloé ORRIERE, greffier
La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire
ENTRE :
[D] [X]
né le 22 Juillet 1967 à[Localité 6])
demeurant [Adresse 4]
[Adresse 4]
Représenté par Me Camille GAGNE, avocat inscrit au barreau d'AGEN
APPELANT d'un jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MARMANDE en date du 26 février 2021 dans une affaire enregistrée au rôle sous le n° R.G. 19/00002
d'une part,
ET :
LA SARL AU PETIT PAS prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Ludovic VALAY, avocat postulant inscrit au barreau d'AGEN et par Me Ludivine MIQUEL, avocat plaidant inscrit au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE
d'autre part,
LA SCP ODILE [A] ès qualités de liquidateur prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège :
[Adresse 2]
[Adresse 2]
L'ASSOCATION AGS - CGEA DE BORDEAUX prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège :
'[Adresse 5]
[Adresse 5]
INTERVENANTS FORCÉS NON CONSTITUÉS
A rendu l'arrêt réputé contradictoire suivant après que la cause a été débattue et plaidée en audience publique le 10 janvier 2023 sans opposition des parties devant Pascale FOUQUET, conseiller rapporteur, assistée de Chloé ORRIERE, greffier. Le magistrat rapporteur en a, dans son délibéré rendu compte à la cour composée, outre lui-même, de Jean-Yves SEGONNES et Benjamin FAURE, conseillers, en application des dispositions des articles 945-1 et 805 du code de procédure civile et il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.
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EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Selon contrat de travail à durée déterminée du 13 au 30 juillet 2016, M. [D] [X] a été embauché par la société Au petit pas, exerçant à [Localité 3], en qualité de conducteur de transport de voyageurs. La relation contractuelle s'est poursuivie avec un second contrat à durée déterminée du 12 au 27 août 2016, puis par contrat à durée indéterminée à compter du 1er septembre 2016, d'abord à temps partiel, puis à temps complet.
La convention collective applicable est celle du transport routier.
M. [D] [X] a été placé en arrêt maladie à compter du 22 septembre 2018 jusqu'à son licenciement notifié le 14 mars 2019 pour inaptitude.
M. [D] [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Marmande le 4 janvier 2019, notamment aux fins de voir condamner la société Au petit pas à lui verser diverses sommes.
Par jugement du 26 février 2021, le juge départiteur a :
- débouté M. [D] [X] de l'ensemble de ses demandes,
- débouté la société Au petit pas de sa demande visant à obtenir la condamnation
de M. [D] [X] à lui payer la somme de 3 000 euros pour procédure abusive,
- condamné M. [D] [X] à payer à la société Au petit pas la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [D] [X] aux dépens de l'instance.
Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 24 mars 2021, M. [D] [X] a régulièrement déclaré former appel du jugement, en désignant la société Au petit pas en qualité de partie intimée et en visant les chefs du jugement critiqué qu'il cite dans sa déclaration d'appel.
M° [E], représentant la société Au petit pas, a conclu le 21 septembre 2021.
La société Au petit pas a été placée en liquidation judiciaire le 16 mars 2022 par jugement du tribunal de commerce d'Agen et M° [A] a été désignée en qualité de mandataire liquidateur.
Le 12 mai 2022, M. [D] [X] a appelé M° [A] ès qualités en intervention forcée.
Par courrier du 19 mai 2022, M° [A] a indiqué à la cour que la société ne serait pas représentée à l'audience en l'absence de fonds disponibles.
Par message RPVA du 9 décembre 2022, M° [E] représentant la société Au petit pas a indiqué ne plus intervenir.
L'association AGS-CGEA de Bordeaux sur appel en intervention forcée n'a pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 novembre 2022 et l'affaire fixée pour plaider à l'audience du 10 janvier 2023.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
A titre liminaire, la cour rappelle que la société Au petit pas ayant été placée en liquidation judiciaire en cours de procédure d'appel, M° [E] ne l'a représente plus et que ladite société, représentée par son manadateur liquidateur, n'a pas constitué avocat.
I. Moyens et prétentions de M. [D] [X] appelant principal et intimé sur appel incident
Dans ses dernières conclusions, enregistrées au greffe le 3 février 2022, expressément visées pour plus ample exposé des moyens et prétentions de l'appelant, M. [D] [X] demande à la cour de :
- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Marmande du 26 février 2021 en ce qu'il l'a débouté de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
Statuant à nouveau,
- condamner la société Au petit pas au paiement des sommes suivantes :
- 8 348,82 euros au titre des heures supplémentaires, outre l'indemnité compensatrice de congés payés y afférent de 834,88 euros,
- 1 452,51 euros au titre des heures de lavage de véhicule, outre l'indemnité compensatrice de congés payés y afférent de 145,25 euros,
- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts destinés à compenser le préjudice résultant du dépassement de la durée journalière maximale de travail.
- condamner la société Au petit pas au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
Sur l'appel incident de la société au petit pas,
- débouter la société Au petit pas de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive à son encontre.
Au soutien de ses prétentions, M. [D] [X] fait valoir que :
I. Sur la demande au titre du paiement des heures supplémentaires
- Il a procédé au pointage des heures mentionnées sur les feuilles de route journalières, en ôtant les temps de pause et de trajet. La totalité des heures effectuées n'a pas été réglée.
- Il a demandé à l'employeur de lui fournir l'intégralité des feuilles de route, finalement transmises en appel. Celles-ci mettent en évidence de nombreuses heures supplémentaires. L'employeur prétend que ces heures correspondent aux heures rémunérées sur les bulletins de salaire, ce qui est faux. Pour exemple, 36 heures 80 supplémentaires ont été effectuées en septembre 2016, alors qu'aucune n'a été rémunérée ce mois-ci.
- Outre les heures inscrites sur les feuilles de route, il effectuait également des trajets pour l'école de [7], le mardi et jeudi après-midi, comme en témoigne l'attestation de M. [N] [K], gérant d'une entreprise de taxi ayant repris ces trajets.
- Le conseil de prud'hommes a relevé que les feuilles de route ne précisaient pas les heures d'embauche et de sortie, mais uniquement de prises en charge des clients. L'employeur n'a pas démontré que ces heures de prises en charge étaient erronées, alors qu'en matière d'heures supplémentaires la charge probatoire est partagée.
- Il ressort des témoignages de Mme [M] [W] et Mme [J] [T], anciennes salariées de l'entreprise, que des heures supplémentaires étaient régulièrement effectuées à la demande de l'employeur.
- Le conseil de prud'hommes a retenu que le décompte des heures supplémentaires aurait été réalisé au plus tôt après le 13 août 2018, date à laquelle il a sollicité l'ensemble des plannings à son employeur ce qui est faux puisqu'il disposait de la grande majorité des feuilles de route. Il n'était pas nécessaire par ailleurs qu'il tienne un carnet comprenant ses heures effectuées, puisque ces dernières étaient nécessairement inscrites sur les feuilles de route.
- Il réclame à ce titre les sommes suivantes, outre les congés payés afférents :
année 2016 : 2 379,36 euros bruts,
année 2017 : 5 839,20 euros bruts,
année 2018 : 130,36 euros bruts.
II. Sur la demande portant sur le décompte des heures de lavage du véhicule
- Contractuellement, il était tenu à l'entretien son véhicule, ce qui représentait 1 heure 30 par semaine. Ces heures de lavage ne lui ont jamais été réglées. L'employeur affirme que 20 minutes hebdomadaires seraient suffisantes pour l'entretien du véhicule, soit 3,33 minutes par jour. Il est invraisemblable de réussir, en un si court laps de temps, à réaliser quotidiennement les niveaux du véhicule, le laver intérieurement et extérieurement sur un fourgon de 9 places, et faire le plein d'essence cinq fois par semaine.
- Les allégations de l'employeur au sujet d'un prétendu usage du véhicule à des fins personnelles sont infondées. Il ressort des différentes attestations de Mme [W] et [T] que les salariés rentraient chez eux avec les véhicules de l'entreprise. Suite à une altercation avec Mme [Y] au sujet de ses heures supplémentaires, celle-ci lui a demandé de restituer le véhicule à chaque coupure, alors que cela n'était jamais demandé aux salariés. Mme [J] [T] a connu la même situation, comme elle en atteste.
- Il sollicite à ce titre les sommes suivantes, outre les congés payés afférents :
année 2016 : 261,09 euros bruts,
année 2017 : 732 euros bruts,
année 2018 : 459,42 euros bruts
III. Sur la demande de dommages et intérêts en raison du non-respect de la durée maximale journalière de travail
- Ses feuilles de route laissent apparaître des dépassements de la durée de travail maximale journalière. L'employeur s'appuie sur les feuilles de route postérieures au 10 octobre 2017 pour affirmer que la durée journalière de travail s'étendait de 6h à 14h. Avant cette date, la durée de travail maximale n'était absolument pas respectée.
- Cette situation a fini par le conduire à être placé en arrêt maladie, puis à être déclaré inapte par le médecin du travail. M. [F] [C], psychiatre, a établi un certificat indiquant qu'il présentait « un état dépressif avec pleurs, troubles du sommeil, angoisses (') ». Son état de santé ne lui permet pas de reprendre son activité de chauffeur et il perçoit actuellement 750 euros d'indemnités journalières par mois, qui finiront par ne plus être versées. Il a déposé un dossier auprès de la Maison départementale des personnes handicapées.
IV. Sur les frais irrépétibles
- Il a subi pendant plusieurs mois des préjudices financiers et moraux et se trouvait ainsi bien fondé à solliciter le conseil de prud'hommes. La condamnation aux frais irrépétibles est inéquitable. Il est bien fondé à réclamer la condamnation de la société à lui verser la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, pour la première instance et l'appel.
V. Sur l'appel incident de la société pour procédure abusive
- Il a légitimement demandé le paiement des heures supplémentaires effectuées pendant plusieurs années. Si la cour déclarait recevables ses demandes, alors la société devrait se séparer de la plupart de ses salariés, voire même définitivement fermer. Or, la recevabilité des demandes d'un salarié ne doit pas dépendre de la situation économique d'une entreprise.
MOTIVATION
I- Sur le rappel de salaire en heures supplémentaires :
Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles et, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, en évalue le nombre et fixe les créances salariales s'y rapportant.
Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de présenter, préalablement, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies pour permettre à l'employeur, qui doit assurer le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en fournissant ses propres éléments.
En l'espèce, M. [X] produit, au soutien de sa demande en paiement d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires, un nouveau décompte quotidien des heures effectuées de septembre 2016 à août 2018 établi en fonction des feuilles de route, finalement communiquées par l'intimé, qui démontre la discordance entre les heures figurant sur les feuilles de route et celles figurant sur les bulletins de salaire.
Au vu de ces éléments et de l'absence de production de tout élément par le mandataire liquidateur de la société employeur défaillant, la cour constate que le décompte établi par le salarié n'est pas utilement contredit et que celui-ci a bien effectué les heures supplémentaires dont il réclame la rémunération.
Par suite, il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris en ses dispositions déboutant l'appelant de ses demandes en paiement de rappel de salaire et d'indemnité compensatrice de congés payés afférents et de fixer la créance due à M. [X] de ce chef aux sommes de 8 348,82 euros et 834,88 euros au titre des congés payés afférents.
II- Sur le paiement des heures de lavage du véhicule :
Pour confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [X] de sa demande en paiement de la somme de 1452,51 euros à ce titre outre 145, 25 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférents, il suffira de relever que le salarié n'apporte aucun nouvel élément en cause d'appel.
III- Sur le dépassement de la durée journalière maximale de travail :
L'article L.3121-18 du code du travail dispose que : « La durée quotidienne de travail effectif par salarié ne peut excéder dix heures, sauf :
1° En cas de dérogation accordée par l'inspecteur du travail dans des conditions déterminées par décret ;
2° En cas d'urgence, dans des conditions déterminées par décret ;
3° Dans les cas prévus à l'article L. 3121-19. »
et l'article L3121-19, que :
« Une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut prévoir le dépassement de la durée maximale quotidienne de travail effectif, en cas d'activité accrue ou pour des motifs liés à l'organisation de l'entreprise, à condition que ce dépassement n'ait pas pour effet de porter cette durée à plus de douze heures. »
C'est à l'employeur et à lui seul qu'il appartient de prouver le respect des temps de repos et des durées maximales journalières ou hebdomadaires de travail.
En l'espèce, M° [A] ès qualités de mandataire liquidateur de la société Au petit pas non représentée, aucune pièce n'est produite.
En conséquence, en raison des heures supplémentaires accomplies, la cour constate que la durée maximale journalière de travail n'a pas été respectée et infirme le jugement entrepris de ce chef.
En conséquence, la cour fixe la créance de M. [X] à la somme de 2 000 euros.
IV-Sur la demande en procédure abusive :
La demande n'étant pas soutenue en appel, la cour confirme le jugement entrepris.
V- Sur les demandes annexes :
La société Au petit pas, représentée par M° [A] ès qualités de liquidateur judiciaire, qui succombe, devra supporter les dépens de première instance et d'appel, qui seront liquidés en frais privilégiés de la procédure collective.
L'équité commande de laisser la charge des frais irrépétibles à chacune des parties et de confirmer la condamnation aux frais irrépétibles de première instance.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire rendu par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a :
- débouté la société Au petit pas de sa demande en paiement des heures de lavage et en dommages et intérêts pour procédure abusive
- condamné M. [D] [X] aux frais irrépétibles de procédure,
INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [D] [X] de sa demande en rappel d'heures supplémentaires et en congés payés afférents, en dépassement de la durée journalière maximale de travail et l'a condamné aux dépens,
Statuant des chefs infirmés et y ajoutant,
FIXE la créance due à M. [X] au titre des heures supplémentaires à la somme de 8 348,82 euros et 834,88 euros au titre des congés payés afférents et 2 000 euros au titre du dépassement de la durée journalière maximale de travail,
DIT que ces créances seront inscrites au passif de la liquidation judiciaire de la société Au petit pas,
CONDAMNE la société Au petit pas, prise en la personne de son liquidateur judiciaire, M° [A], aux dépens de première instance et d'appel et DIT qu'ils seront liquidés en frais privilégiés de procédure collective,
DÉBOUTE M. [X] de sa demande en frais irréptibles de procédure.
Le présent arrêt a été signé par Pascale FOUQUET, conseiller faisant fonction de président et Chloé ORRIERE, greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT