ARRÊT DU
14 MARS 2023
NE/CO*
-----------------------
N° RG 22/00250 -
N° Portalis DBVO-V-B7G-C7NE
-----------------------
[Y] [I]
C/
SAS PARTEDIS CHAUFFAGE SANITAIRE
-----------------------
Grosse délivrée
le :
à
ARRÊT n° 47 /2023
COUR D'APPEL D'AGEN
Chambre Sociale
Prononcé par mise à disposition au greffe de la cour d'appel d'Agen conformément au second alinéa des articles 450 et 453 du code de procédure civile le quatorze mars deux mille vingt trois par Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président de chambre assistée de Chloé ORRIERE, greffier
La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire
ENTRE :
[Y] [I]
né le 10 juin 1974 à OLORON STE MARIE (64400)
demeurant [Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Guy NARRAN, avocat postulant inscrit au barreau d'AGEN et par Me Yves DARMENDRAIL, avocat plaidant inscrit au barreau de PAU
DEMANDEUR AU RENVOI DE CASSATION suite à l'arrêt de la Cour de Cassation du 05 janvier 2022 dans une affaire enregistrée sous le pourvoi N°Y 20-14.729 (arrêt n°18F-D)
d'une part,
ET :
La SAS PARTEDIS CHAUFFAGE SANITAIRE, venant aux droits de la société ACCUEIL NEGOCE CHAUFFAGE SANITAIRE, prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Vanessa LE GUYADER, avocat postulant inscrit au barreau d'AGEN et par Me Matthieu BARTHES, avocat plaidant inscrit au barreau de TOULOUSE
DÉFENDEUR AU RENVOI DE CASSATION
d'autre part,
A rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue et plaidée en audience publique le 07 février 2023 devant Nelly EMIN, conseiller faisant fonction de président de chambre, Pascale FOUQUET et Benjamin FAURE, conseillers, assistés de Chloé ORRIERE, greffier, et il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.
* *
*
FAITS ET PROCÉDURE :
Monsieur [I] a été embauché par la société ANCONETTI STAR, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée signé le 17 mai 2002 en qualité de vendeur salle exposition, niveau IV, échelon 1 de la convention collective du commerce de gros.
Par avenant du 21 décembre 2006, en complément de ses fonctions de vendeur salle exposition, Monsieur [I] a exercé à compter du 1er janvier 2007 également les fonctions d'animateur carrelage pour l'ensemble de la société .
Au cours de l'année 2008, la société ANCONETTI STAR a été rachetée par la société Accueil Négoce Chauffage et Sanitaire (ANCS), aux droits de laquelle vient la société Partedis chauffage sanitaire.
A compter du 1er septembre 2012, Il a été promu aux fonctions de chef de produit,
catégorie cadre, niveau 7, échelon 1 de la convention collective.
Le 24 juillet 2013, l'employeur a notifié à Monsieur [I] son licenciement pour motif économique.
Monsieur [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Pau le 7 octobre 2013 afin de contester son licenciement.
Par jugement du 8 décembre 2014, le conseil de prud'hommes de Pau a débouté Monsieur [I] de l'ensemble de ses demandes.
Monsieur [I] a relevé appel de ce jugement.
Par arrêt du 1 juin 2017, la Cour d'appel de Pau a confirmé le jugement du conseil de prud'hommes de Pau en ce qu'il a débouté Monsieur [I] de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de formation, débouté Monsieur [I] de sa demande de dommages et intérêts pour agissements déloyaux, constaté que Monsieur [I] ne sollicitait pas de dommages et intérêts devant la cour au titre du document unique d'évaluation des risques, infirmé le surplus des dispositions et statuant à nouveau :
- dit que le licenciement pour motif économique de Monsieur [I] ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse,
- condamné la société ANCS à payer à Monsieur [I] la somme de 32 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
y ajoutant,
- condamné la société ANCS à rembourser les indemnités de chômage à concurrence de trois mois,
- condamné la société ANCS à payer à Monsieur [I] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
La société ANCS a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt.
Par arrêt du 13 février 2019, la Cour de cassation a :
- cassé et annule l'arrêt de la Cour d'appel de Pau mais seulement en ce que l'arrêt dit le licenciement de Monsieur [I] dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamne la société ANCS aux droits de laquelle vient la société Partedis chauffage sanitaire à lui payer des dommages et intérêts pour le licenciement sans cause réelle et sérieuse et à rembourser à Pôle emploi des indemnités chômages à concurrence de trois mois,
- remis en conséquence les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et les a renvoyées devant la Cour d'appel de Toulouse,
- condamné Monsieur [I] aux dépens,
- rejeté les demandes en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par arrêt du 24 janvier 2020, la Cour d'Appel de Toulouse a :
- confirmé en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
Y ajoutant,
- débouté Monsieur [I] de sa demande de paiement a titre d'une indemnité de préavis et des congés payés afférents ;
- débouté Monsieur [I] de sa demande en paiement de rappel de salaire pour heures supplémentaires et congés payés y afférents, ainsi que de sa demande en paiement d'une indemnité de travail dissimulé ;
- dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Monsieur [I] aux dépens.
Monsieur [I] a formé un pourvoi contre cet arrêt.
Par arrêt du 05 janvier 2022, la chambre sociale de la Cour de Cassation a:
- cassé et annulé l'arrêt de la Cour d'appel de Toulouse, mais seulement en ce qu'il a débouté Monsieur [I] de ses demandes en paiement de rappel d'heures supplémentaires, de congés payés afférents et d'indemnité pour travail dissimulé,
- remis, sur ces points, l'affaire et les parties en l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la Cour d'appel d'Agen,
- condamné la société Partedis chauffage sanitaire aux dépens,
- en application de l'article 700 du code de procédure civile a rejeté la demande formée par la société Partedis chauffage sanitaire et l'a condamnée à payer à Monsieur [I] la somme de 3000 euros.
Par déclaration au greffe du 28 mars 2022 Monsieur [I] a saisi la cour de renvoi et l'affaire a été retenue à l'audience du 4 octobre 2022.
MOYENS ET PRÉTENTIONS :
Monsieur [I], par conclusions reçues au greffe le 12 juillet 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour une parfaite connaissance de la motivation, demande à la cour de :
- infirmer le jugement,
- débouter l'intimée de toutes ses demandes, fins et conclusions incluant la demande de remboursement de 1338,48 euros au titre des RTT de septembre 2012 à juin 2013, demande irrecevable étant prescrite et infondée ;
- statuer sur l'intégralité de ses demandes ;
- condamner l'intimée à payer :
- 46.536,80 € de rappel d'heures supplémentaires, outre 4.653,38 € de congés afférents sur le fondement des article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union europeenne et L.3171-2 a L.3171-4 du code du travail, interprétés à la lumière la jurisprudence de la Cour de justice de l'union européenne ;
- 12.471 € de rappel de contrepartie en repos obliqatoire, outre 1.247,10 € de congés afférents sur le fondement des articles L.3121 -30 et L.3121-38 du code du travail, demande recevable en application du principe d'unicité d'instance et des articles 565 et 566 du code de procedure civile ;
- 21.776,88 € d"indemnité forfaitaire spéciale pour travail dissimulé sur le fondement des articles L.8223-1 du code du travail et 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, interprétés à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice de l'union européenne ;
- 25.000 € pour violation des durées maximales de travail et minimales de repos sur le fondement des principes constitutionnels du droit au repos et à la santé et des article 6b) de la directive numero 2003/88 et 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, interprétés à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice de l'union européenne, demande recevable en application du principe d'unicité d'instance et des articles 565 et 566 du code de procedure civile,
- 5.000 € au titre des frais irrépetibles de premiere instance et d'appel sur lefondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Au soutien de ses prétentions, il fait valoir que :
- aucune prescription - même partielle - n'est acquise,ayant été licencié le 24 juillet 2013, ayant saisi le conseil de prud'hommes dès le 7 octobre 2013, il est donc fondé à solliciter le rappel d'heures supplémentaires du 24 juillet 2008 au 24 juillet 2013, sur la période de cinq ans précédant la rupture du contrat de travail, en application du régime transitoire,
- il produit des éléments suffisamment précis, qui vont même au-delà des exigences probatoires alors que l'intimée ne verse aucune pièce, ni aucun élément de contrôle de la durée du travail,
- l'intimée ne précise pas que les horaires d'ouverture de l'agence étaient à 7 h 30 pour les professionnels,
- l'intimée a donné son accord implicite et n'ignorait rien de la surcharge de travail obligeant l'appelant à effectuer des heures supplémentaires, l'ampleur des tâches et Ies besoins spécifiques des artisans et professionnels rendant Ieur exécution impossible en 35 heures par semaine,
- le bulletin de paye est un document unilateral établi par l'employeur et la circonstance que le salarié ait pu accepter, sans réserve, Ies bulletins de paie, ne l'empêche pas de solliciter le paiement des heures supplémentaires,
- l'employeur sollicite pour la premiere fois dans ses conclusions d'intimée notifiées par le RPVA 8 juillet 2022 le remboursement de 1338,48 euros au titre des RTT de septembre 2012 à juin 2013, cette demande est irrecevable comme étant prescrite,
- subsidiairement sur le fond, l'intimée se borne à effectuer un calcul théorique des RTT, nécessairement faux,puisqu'il ne tient pas compte du travail effectué au-delà de 39 heures alors que ce seuil était très largement depassé,
- il conteste la réalité de la prise effective des RTT, il appartient à l'intimée de la prouver, or les seuls bulletins de paie sont insuffisants à rapporter cette preuve,
- l'élément matériel du travail dissimulé est établi par le fait que l'employeur ne mentionnait pas, sur Ies bulletins de paie, la durée de travail effective du salarié et I'élément intentionnel est établi par le fait que l'employeur n'a pas procédé au paiement de la totalité de la remunération, il s'est abstenu de cotiser aux caisses, caractérisant ainsi l'occultation d'une partie du temps de travail et donc une situation de travail dissimulé,
- l'intimée n'ayant pas mis en place un système objectif et fiable mesurant la durée du temps de travail journalier et hebdomadaire, il est incapable de prouver le respect de la durée maximale journalière et hebdomadaire de travail et Ies durées minimales de repos journalier et hebdomadaire,
- alors qu'il ne supporte pas la charge de la preuve, il établit la violation de ces règles, sa charge excessive de travail l'empêchant de bénéficier des règles minimales de repos et l'obligeant à dépasser l'horaire maximal de travail, effectuant certaines semaines de 49 à 52 heures et parfois jusqu'à 55 heures,
- son préjudice est d'une particulière gravité compte tenu de la permanence et de l'importance des dépassements de la durée maximale absolue de 48 heures.
La société Partedis chauffage sanitaire , par conclusions reçues au greffe le 08 juillet 2022, et auxquelles il est expressément renvoyé pour une parfaite connaissance de la motivation, demande à la cour de :
à titre principal,
- juger que Monsieur [I] est impuissant à produire des éléments de nature à étayer sa demande en rappel de salaire au titre des heures supplémentaires prétendument réalisées,
- rejeter la demande de rappel de salaire de Monsieur [I],
- débouter Monsieur [I] de la totalité de ses demandes,
à titre subsidiaire,
- juger que Monsieur [I] doit lui rembourser la somme de 1338,48 euros au titre des RTT dont il a bénéficié sur la période de septembre 2012 à juin 2013 ;
en toute hypothèse,
- condamner Monsieur [I] à lui verser une somme de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que :
- Monsieur [I] est impuissant à justifier de ses prétentions et ne produit aucun élément précis de nature à étayer sa demande en paiement d'heure supplémentaire,
- le tableau dactylographié établi par ses propres soins n'a pas été établi quotidiennement, mais il a été établi pour les besoins de la cause, plusieurs années après les faits et ne saurait donc traduire un relevé précis et sincère du temps de travail de Monsieur [I],
- si Monsieur [I] produit quelques attestations isolées d'anciens clients qui témoignent du fait qu'ils l'auraient sollicité certains jours à 7h30 pour des commandes liées à leurs besoins professionnels, ces attestations ne sont pas suffisamment précises pour permettre de corroborer le décompte réalisé par Monsieur [I] et lui permettre d'y répondre,
- le relevé est par ailleurs manifestement erroné puisque Monsieur [I] y mentionne régulièrement des heures de travail entre 7h30 et 9h le matin sur la période antérieure au 1er septembre 2012, or avant cette date, il était conseiller de vente à [Localité 4] et travaillait au sein d'une agence qui ouvrait à 9h,
- la prescription en matière prud'homale n'est interrompue que par la saisine du conseil de prud'hommes, l'action en paiement de rappel de salaire ne pouvait donc remonter au-delà des cinq années précédant cette saisine soit au 7 octobre 2008,
- la demande au titre de la période du 24 juillet au 7 octobre 2018 représentant un montant total de 3025,39 euros doit être écartée,
- lorsqu'une convention de forfait-jours est annulée, les jours de RTT qui résultent de cette convention ne sont plus dus, elle est donc en droit de réclamer à Monsieur [I] le remboursement des jours de RTT qu'il lui avait accordés au cours des années concernées,
- la convention de forfait-jours était connue et acceptée par les parties au contrat de travail, elle a fait application de cette convention pendant toute la durée du contrat de travail et n'a eu aucunement l'intention de dissimuler le nombre d'heures effectivement travaillées par Monsieur [I],
- le décompte établi par Monsieur [I] ne traduit en aucune manière son temps de travail effectif et il ne rapporte pas le moindre commencement de preuve d'un préjudice qu'il aurait pu subir du fait du prétendu non-respect des dispositions relatives au temps de travail maximal ou au temps de repos minimal.
Par arrêt avant dire droit du 4 octobre 2022, la cour, constatant l'oralité de la procédure et l'absence des parties à l'audience, qu'elle n'était donc saisie d'aucune critique de la décision déférée, ni d'aucune demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, de congés payés afférents et d'indemnité pour travail dissimulé, a :
- ordonné la réouverture des débats et renvoyé l'affaire à l'audience du 7 février 2023,
- dit que la notification de la présente décision vaut convocation pour ladite audience,
- réservé les droits des parties,
- réservé les dépens.
Lors de l'audience de renvoi, les parties ont comparu, s'en sont référées à leurs conclusions, le conseil de la société Partedis chauffage sanitaire précisant soutenir le moyen évoqué dans ses écritures mais non repris aux conclusions de la prescription des heures supplémentaires.
MOTIVATION:
Sur les heures supplémentaires
Sur la precription
Aux termes de l'article L. 3245-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, la demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
Selon l'article 21 V de la loi du 14 juin 2013, les dispositions du nouvel article L.3245-1 du code du travail s'appliquent aux prescriptions en cours à compter du 16 juin 2013, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, soit cinq ans.
En l'espèce, M [I] étant payé au mois et la présente procédure ayant été introduite par requête du salarié enregistrée au greffe du conseil des prud'hommes de [Localité 4] le 7 octobre 2013, la demande est prescrite, et donc irrecevable, pour les rappels de salaire antérieurs au 7 octobre 2008.
Sur le fond
Aux termes de l'article L.3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.
Selon l'article L.3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
Enfin, selon l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d' heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
En l'espèce, Monsieur [I] produit au soutien de sa demande :
- un tableau informatique journalier mentionnant l'heure d'entrée, l'heure de sortie, la pause déjeuner, le nombre hebdomabaire d'heures supplémentaires, du 4 août 2008 au 3 mai 2013,
- une attestation de M. [N] [O], gérant de société :
' M.[I] était toujours présent à l'ouverture du magasin ANCONETTI c'est-à-dire à partir de 7h30 le matin afin de pouvoir répondre aux attentes des artisans car la salle exposition ouvrait à 9h00, bien trop tard pour une activité comme Ia mienne ainsi que celles de mes collègues....M. [I] ne regardait pas Ies heures et il était toujours disponible pour nous accompagner sur Ies chantiers en dehors des heures de travail...'
- une attestation de M. [B] [H], artisan :
'Durant ces années, nous nous voillon Ie matin à 7h30 pour faire le point sur mes chantiers avant l'ouverture de la salle d'exposition, de plus il recevait mes clients à Ia sortie de Ieur travail à partir de 18h30 »
- une attestation de M. [F] [H], Plombier chauffagiste :
'...Le matin dès 7h30 je pouvais prendre RDV avec lui pour mes clients ainsi que le soir après 18h00 ou n'importe quelle heure de la journée à l'expo sanitaire'.
- une attestation de M. [J] [E], magasinier :
' J'ai travaillé pendant plus de dix ans avec [Y] [I].
ll n'a jamais compté ses heures et il était toujours disponible pour ces clients ainsi que ces collegues.
II arrivait en même temps que moi à 7h30 et le soir quand je partais à 17h30 il était avec des clients en rendez-vous ».
- ses bulletins de salaire.
Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre.
La société Partedis chauffage sanitaire invoque l'absence de force probante et le caractère mensonger du relevé informatique versé aux débats par le salarié mais ne produit aucun élément de contrôle de la durée du travail susceptible de justifier des horaires accomplis.
En revanche, elle relève, à juste titre que jusqu'au 1er septembre 2012, Monsieur [I] exerçait en qualité de vendeur en salle d'exposition dans une agence à [Localité 4] qui ouvrait à 9 heures, ce qui est corroboré par l'attestation de M. [N] [O]. Il n'était donc pas amené par cette fonction à rencontrer les professionnels hors des heures d'ouverture de la salle comme il a pu le faire ensuite en sa qualité de chef de produit.
Tenant notamment l'imprécision des attestations produites quant aux années et fréquences auxquelles les professionnels ont eu affaire à M. [I], tôt le matin ou tard le soir, la cour, à l'examen de l'ensemble des pièces produites par les parties, considère que le salarié a effectivement accompli des heures supplémentaires mais dans une proportion bien moindre que ce qu'il affirme.
La cour tient comme établies les heures supplémentaires accomplies à compter du 1er septembre 2012 soit 197 heures en 2012 et 187 en 2013, mais minore les heures des autres années.
La créance en résultant sera arrêtée à la somme de 10380.12 euros bruts, outre 1038.01 euros bruts au titre des congés payés afférents.
Ces heures supplémentaires n'ont pas excédé le contingent annuel d'heures supplémentaires de 220 heures et n'ouvrent pas droit à une contrepartie obligatoire en repos. M. [I] sera donc débouté de ce dernier chef.
Sur la demande de remboursement des RTT
Contrairement à ce que soutient la société Partedis chauffage sanitaire aucune décision de justice n'a annulé la convention de forfait jour, la cour d'appel de Toulouse se limitant, dans sa motivation, à observer que l'avenant au contrat de travail du 3 juillet 2012 ne contient pas de convention de forfait au sens de la loi, de sorte que M. [I] est en droit de solliciter le paiement des heures supplémentaires exécutées en sus de la durée légale du travail.
Dès lors, la société Partedis chauffage ne peut qu'être déboutée de sa demande au titre du remboursement des RTT fondée sur une prétendue annulation d'une convention de forfait jour.
Sur le travail dissimulé
A titre liminaire, il convient de rappeler que l'article L.8221-1 du code du travail interdit le travail totalement ou partiellement dissimulé, qu'aux termes de l'article L.8221-5 du dit code, dans sa version applicable aux faits, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à l'obligation d'effectuer une déclaration d'embauche, de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paye ou de mentionner intentionnellement sur le bulletin de paye un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires et aux cotisations sociales auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou auprès de l'administration fiscale.
Monsieur [I], à l'appui de sa demande indemnitaire fait valoir que l'employeur n'a pas procédé au paiement de la totalité de sa rémunération, qu'il s'est abstenu de cotiser aux caisses, caractérisant ainsi l'occultation d'une partie du temps de travail et qu'il n'ignorait pas qu'il était dans l'obligation de recevoir les artisans et professionnels avant l'ouverture du rnagasin aux particullers à 7h30 au matin ou bien en soirée.
Cependant la cour relève que le salarié, compte tenu de sa qualité de cadre, bénéficiait d'une certaine autonomie dans l'organisation de son travail et qu'il n'a jamais sollicité le paiement d'heures supplémentaires, que dès lors, aucun élément ne permet de retenir une volonté délibérée de l'employeur de se soustraire au paiement des dites heures aux organismes fiscaux et sociaux.
L'appelant sera en conséquence débouté de ce chef de demande.
Sur la violation de la durée maximale de travail de 48 heures
Aux termes de l'article L.3121-35, alinéa 1er, du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, interprété à la lumière de l'article 6 b) de la directive n° 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 , au cours d'une même semaine, la durée du travail ne peut dépasser quarante-huit heures.
Le dépassement de la durée moyenne maximale de travail hebdomadaire fixée à l'article 6, sous b), de la directive 2003/88 constitue, en tant que tel, une violation de cette disposition, sans qu'il soit besoin de démontrer en outre l'existence d'un préjudice spécifique.
Surabondamment, la cour observe que le salarié a subi un préjudice résultant de la privation du repos nécessaire.
En l'espèce, la cour observe que M [I] a travaillé au delà de la durée maximale :
* en 2012
- la semaine du 3 au 9 septembre : 49 heures
- la semaine du 10 au 16 septembre : 50 heures
- la semaine du 17 au 23 septembre : 50 heures
- la semaine du 8 au 14 octobre : 50 heures 30
- la semaine du 5 au 11 novembre : 49 heures
- la semaine du 19 au 25 septembre : 53 heures
- la semaine du 26 novembre au 2 décembre : 49 heures
* en 2013
- la semaine du 7 au 13 janvier : 48 heures 30
- la semaine du 14 au 20 janvier : 48 heures 30
- la semaine du 21 au 27 janvier : 48 heures 30
- la semaine du 28 au 3 février : 48 heures 30
- la semaine du 4 au 10 février : 48 heures 30
- la semaine du 10 au 17 février : 48 heures 30
- la semaine du 18 au 24 février : 48 heures 30
- la semaine du 25 février au 3 mars : 48 heures 30
- la semaine du 11 au 17 mars : 48 heures 30
- la semaine du 18 au 24 mars : 48 heures 30
- la semaine du 5 au 14 avril : 48 heures 30
- la semaine du 15 au 21 avril : 48 heures 30
- la semaine du 22 au 28 avril : 48 heures 30
En conséquence, il convient de condamner la société Partedis chauffage sanitaire au peiment d'une somme de 2000 euros en réparation de ce préjudice.
Sur la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
La société Partedis chauffage sanitaire dont la succombance est dominante, sera condamnée à payer à M. [I] une somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant publiquement, dans les limites de sa saisine, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,
INFIRME en toutes ses dispositions le jugement du conseil des prud'hommes de [Localité 4] du 8 décembre 2014,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
CONDAMNE la société Partedis chauffage sanitaire à payer à M. [I] une somme de 10 380 euros au titre des heures supplémentaires outre une somme de 1038,01 euros au titre des congés payés afférents,
CONDAMNE la société Partedis chauffage sanitaire à payer à M. [I] une somme de 2000 euros en réparation du préjudice subi en raison de la violation de la durée maximale de travail hebdomadaire,
DÉBOUTE M. [I] de sa demande au titre du travail dissimulé,
DÉBOUTE M. [I] de sa demande au titre du dépassement du contingent annuel d'heures supplémentaires,
DÉBOUTE la société Partedis chauffage sanitaire de sa demande de remboursement des RTT,
CONDAMNE la société Partedis chauffage sanitaire à payer à M [I] une somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles,
CONDAMNE la société Partedis chauffage sanitaire aux dépens de première instance et d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Nelly Emin, conseiller faisant fonction de Président de chambre et Chloé ORRIERE, greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT