ARRÊT DU
22 Mars 2023
JYS / NC
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N° RG 21/00373
N° Portalis DBVO-V-B7F -C4CL
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SCI SAINTE RADEGONDE
C/
[G] [S] épouse [D]
[B] [D]
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GROSSES le
aux avocats
ARRÊT n° 113-2023
COUR D'APPEL D'AGEN
Chambre Civile
LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,
ENTRE :
SCI SAINTE RADEGONDE pris en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège RCS AGEN 528 892 011
[Adresse 3]
[Localité 6]
représentée par Me Rémy CERESIANI, Avocats Associés MASCARAS- CERESIANI, avocat au barreau d'AGEN,
APPELANTE d'un jugement du tribunal judiciaire d'AGEN en date du 16 mars 2021, RG 20/00035
D'une part,
ET :
Monsieur [B] [D]
né le [Date naissance 2] 1972 en GUINEE
de nationalité guinéenne, ouvrier du bâtiment
Madame [G] [S] épouse [D]
née le [Date naissance 1] 1983 à [Localité 6]
de nationalité française, sans emploi
domiciliés ensemble : [Adresse 8]
[Localité 4]
représentés par Me Gilles HAMADACHE, avocat au barreau d'AGEN
INTIMÉS
D'autre part,
COMPOSITION DE LA COUR :
l'affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 13 avril 2022 devant la cour composée de :
Présidente : Claude GATÉ, Présidente de Chambre,
Assesseurs : Dominique BENON, Conseiller
Jean-Yves SEGONNES, Conseiller qui a fait un rapport oral à l'audience
Greffière : Lors des débats : Charlotte ROSA , adjointe administrative faisant fonction
Lors de la mise à disposition : Nathalie CAILHETON
ARRÊT : prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
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Mme [G] [S] épouse [D] et M. [B] [D] ont loué à la SCI Sainte Radegonde, représentée par M. [F], le 11 novembre 2016 une maison jumelée à [Localité 7] (Lot-et-Garonne), [Adresse 5] au loyer de 625 euros mensuels outre 25 euros de provisions mensuelles pour charges au titre de la taxe d'ordures ménagères, avec une entrée dans les lieux après un état le 15 suivant. La preneuse disposait d'une allocation de logement de 412 euros mensuels.
Le 30 décembre 2016, la propriétaire a adressé une lettre de résiliation de bail au 1er février 2017 sur la base d'un impayé de 250 euros du loyer et de la provision pour charges du mois en cours. Le 2 janvier 2017, Mme [D] a saisi la commission départementale de conciliation qui a convoqué les parties au 16 février 2017, à laquelle réunion la SCI ne s'est pas présentée. Au contraire, le 21 mars 2017, la bailleresse a adressé un congé pour vendre les deux maisons jumelles, dépendances et jardins au prix de 300 000 euros.
Par jugement du 11 décembre 2018, le tribunal d'instance d'Agen, saisi par Mme [G] [D]-[S] de demandes de remboursement de provisions pour charges et trop-perçus de loyers, l'a déboutée de ces demandes ainsi que de la réparation d'un préjudice moral et le tribunal a débouté la SCI Ste Radegonde de sa demande d'expertise de l'état du logement loué.
Par lettre recommandée du 9 novembre 2018, la SCI Ste Radegonde a annoncé leur congé aux époux [D] [S] à l'échéance triennale du bail. Au 1er mai 2019, le gérant a adressé une lettre recommandée avec accusé de réception au 3 suivant sans indiquer de motif légitime que les locataires n'ont pas retirée et qu'il n'a pas réitérée par huissier.
Par acte d'huissier délivré le 17 septembre 2020, la SCI Sainte Radegonde a fait assigner Mme [G] [D] née [S] et M. [B] [D] sur les fondements des articles 15 de la loi du 5 juillet 1989 et 1728 du code civil devant le tribunal judiciaire d'Agen pour au principal, prononcer la résiliation judiciaire du bail, ordonner l'expulsion des consorts [D] et les condamner à une indemnité d'occupation équivalente aux loyers et charges.
Par jugement du 16 mars 2021, réputé contradictoire en la défaillance de M. [B] [D], le juge du contentieux de la protection a :
- débouté la SCI Sainte Radegonde de l'ensemble de ses demandes,
- condamné la SCI Sainte Radegonde à payer à [G] [D] née [S] 625 euros de dépôt de garantie et 2 000 euros de dommages et intérêts, avec intérêts à compter du jugement,
- condamné la SCI Sainte Radegonde aux dépens et à payer 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à amende civile,
- rappelé que le jugement est exécutoire de plein droit.
PROCÉDURE
Suivant déclaration au greffe le 2 avril 2021, la SCI Sainte Radegonde a fait appel de chaque chef de dispositif du jugement.
Selon dernières conclusions visées au greffe le 8 février 2022, la SCI Sainte Radegonde demande, réformant ou infirmant le jugement et statuant à nouveau, de :
- débouter [G] et [B] [D] de leurs demandes,
- prononcer la résiliation judiciaire du bail, subsidiairement, en vertu du départ volontaire, la constater,
- fixer la date de résiliation du bail,
- dire qu'un état des lieux contradictoire devra être fait,
- réduire à plus justes proportions les dommages et intérêts alloués conformément au principe de réparation intégrale,
en tout état de cause, de :
- ordonner, si besoin avec le concours de la force publique, l'expulsion d'[G] et [B] [D] de l'adresse du logement loué,
- condamner [G] et [B] [D] à indemniser l'occupation au montant de 625 euros jusqu'au départ effectif des lieux et à payer 607,44 euros de solde de tout compte,
- condamner [G] et [B] [D] aux entiers dépens et à lui payer 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
L'appelante expose qu'elle a seulement signifié dès le 9 novembre 2018 le non renouvellement du bail à l'échéance de 2019 mais que les époux [D] sont restés dans les lieux, à savoir l'une des deux maisons attenantes sur un même terrain. Elle fait valoir qu'elle dispose d'un état des lieux de sortie qui justifie ses demandes de réparations locatives de nettoyage, vidange et ramonage alors que les époux [D] ne prouvent pas le harcèlement dont ils se plaignent.
Selon conclusions visées au greffe le 24 septembre 2021, [G] et [B] [D] demandent, en confirmant le jugement, sauf en ce qu'il a condamné la SCI Sainte Radegonde à payer 2 000 euros à titre de dommages et intérêts ainsi en ce qu'il a omis de statuer sur leurs demandes reconventionnelles de fixation du jour de l'état des lieux de sortie et d'annulation de tous les congés depuis 2016, de :
- annuler tous les congés pour vendre depuis l'entrée dans les lieux le 15 novembre 2016,
- fixer la date de sortie au 2 novembre 2020,
- condamner la SCI Sainte Radegonde à leur payer 15 000 euros à titre de dommages et intérêts, en compensation de leurs préjudices moral et de jouissance, et,
y ajoutant, de :
- condamner la SCI Sainte Radegonde à leur payer 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Les intimés exposent qu'ils ont quitté le logement le 2 novembre 2020 avec un état des lieux de sortie par constat d'huissier très favorable et sans dette, notamment parce que le représentant du bailleur, qui les a harcelés durant le bail, a également attenté à leur vie privée par enquête de détective sur leur communauté de vie et dénonciation. Ils font valoir que la résiliation judiciaire du bail n'est pas fondée et qu'au surplus, les associés n'ont jamais eu la volonté de vendre ; le décompte est incohérent avec le montant contractuel du loyer, les factures 'Roussille' et 'Thermatic' sont fausses et ils ont porté plainte de ce chef.
La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions et moyens des parties, fait expressément référence à la décision entreprise et aux dernières conclusions déposées en application de l'article 455 du code de procédure civile.
La clôture de la procédure a été ordonnée le 30 décembre 2021 pour fixer l'affaire à plaider le 9 février 2022.
MOTIFS
1/ Sur la résiliation du contrat de bail :
Pour rejeter la demande en résiliation du bail, le tribunal a jugé que les fondements du congé manquent en fait, tant par rapport aux obligations du bail que sur les conditions d'une vente.
A/ sur la vente, l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 sur l'amélioration des rapports locatifs dispose :
'I. - Lorsque le bailleur donne congé à son locataire, ce congé doit être justifié soit par sa décision de reprendre ou de vendre le logement, soit par un motif légitime et sérieux, notamment l'inexécution par le locataire de l'une des obligations lui incombant. A peine de nullité, le congé donné par le bailleur doit indiquer le motif allégué ('). Le délai de préavis applicable au congé est de six mois lorsqu'il émane du bailleur.
(')
II. - Lorsqu'il est fondé sur la décision de vendre le logement, le congé doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente projetée. Le congé vaut offre de vente au profit du locataire : l'offre est valable pendant les deux premiers mois du délai de préavis. (') A l'expiration du délai de préavis, le locataire qui n'a pas accepté l'offre de vente est déchu de plein droit de tout titre d'occupation sur le local.
Le locataire qui accepte l'offre dispose, à compter de la date d'envoi de sa réponse au bailleur, d'un délai de deux mois pour la réalisation de l'acte de vente. Si, dans sa réponse, il notifie son intention de recourir à un prêt, l'acceptation par le locataire de l'offre de vente est subordonnée à l'obtention du prêt et le délai de réalisation de la vente est porté à quatre mois. Le contrat de location est prorogé jusqu'à l'expiration du délai de réalisation de la vente. Si, à l'expiration de ce délai, la vente n'a pas été réalisée, l'acceptation de l'offre de vente est nulle de plein droit et le locataire est déchu de plein droit de tout titre d'occupation.
Dans le cas où le propriétaire décide de vendre à des conditions ou à un prix plus avantageux pour l'acquéreur, le notaire doit, lorsque le bailleur n'y a pas préalablement procédé, notifier au locataire ces conditions et prix à peine de nullité de la vente. Cette notification est effectuée à l'adresse indiquée à cet effet par le locataire au bailleur ; si le locataire n'a pas fait connaître cette adresse au bailleur, la notification est effectuée à l'adresse des locaux dont la location avait été consentie. Elle vaut offre de vente au profit du locataire. Cette offre est valable pendant une durée d'un mois à compter de sa réception. L'offre qui n'a pas été acceptée dans le délai d'un mois est caduque.
Le locataire qui accepte l'offre ainsi notifiée dispose, à compter de la date d'envoi de sa réponse au bailleur ou au notaire, d'un délai de deux mois pour la réalisation de l'acte de vente. Si, dans sa réponse, il notifie son intention de recourir à un prêt, l'acceptation par le locataire de l'offre de vente est subordonnée à l'obtention du prêt et le délai de réalisation de la vente est porté à quatre mois. Si, à l'expiration de ce délai, la vente n'a pas été réalisée, l'acceptation de l'offre de vente est nulle de plein droit.
Les termes des cinq alinéas précédents sont reproduits à peine de nullité dans chaque notification.
(')".
Les anciens locataires communiquent deux lettres simples du 21 mars 2017 du gérant de la bailleresse donnant congé au 30 juin 2017 dans les termes suivants : " Je suis mandaté par les associés de prendre cette décision car je souhaite vendre ces logements. [[Adresse 5] à [Localité 7]] A ce titre je vous informe que ce dernier sera mis en vente au prix de 300 000 € paiement qui sera effectué au comptant. Cette vente comprend les deux logements, les garages et les 3060 m2 de terrain. Cette notification de congé valant par ailleurs offre de vente, si l'acquisition peut vous intéresser. Vous disposez d'un délai de deux mois à réception de la présente pour me communiquer votre décision. Dans l'hypothèse où cette offre retiendrait effectivement votre attention, vous devrez dans le délai précisé, m'indiquer si vous souhaitez ou non recourir à un emprunt" et le 17 mai 2017 de confirmation dans les mêmes formes.
C'est par des motifs adaptés que le tribunal a fait droit aux conclusions des époux [D] soutenant que le congé était irrégulier en la forme.
Il sera renvoyé à la seule pièce de référence de la bailleresse : signification le 15 juin 2020 du courrier privé suivant "A [J] le 10/06/2020 Objet : mise en vente' Notre contrat arrivant à échéance le 15/11/2019, je vous informe que je vous ai donné congé afin de procéder à la vente' Je demande pour ce logement 170 000 €' au comptant à la SCI. A défaut de réponse avant le 10/08/2020, je considérerai cela comme un refus" plus de six mois après l'échéance du bail.
Accessoirement, le congé donné le 1er mai 2019 indique : "[J] le 01/05/2020, objet : rappel de la fin de votre bail le 15 novembre 2019' Je viens par la présente vous rappelé que votre bail sis [Adresse 5] à [Localité 7] ne sera pas renouvelé je vous demande donc de prendre les mesures qui s'imposent pour vous reloger et me libérer le logement que vous occuper dans les meilleures dispositions et conditions". Il est également nul pour défaut de justes motifs de l'article 15 de la loi susvisée.
La constatation de la nullité des actes de congé pour vendre sera confirmée et le dispositif du jugement sera complété de ce chef.
En tout état de cause, l'appelante conclut qu'elle ne poursuit plus les époux [D] sur cette cause de résiliation.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
B/ Sur les obligations du bail :
L'article 6 de loi susvisée dispose :
" Le locataire est obligé :
a) De payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus ; le paiement mensuel est de droit lorsque le locataire en fait la demande. Le paiement partiel du loyer par le locataire réalisé en application de l'article L. 843-1 du code de la construction et de l'habitation ne peut être considéré comme un défaut de paiement du locataire ;
b) D'user paisiblement des locaux loués suivant la destination qui leur a été donnée par le contrat de location ;
c) De répondre des dégradations et pertes qui surviennent pendant la durée du contrat dans les locaux dont il a la jouissance exclusive, à moins qu'il ne prouve qu'elles ont eu lieu par cas de force majeure, par la faute du bailleur ou par le fait d'un tiers qu'il n'a pas introduit dans le logement ;
d) De prendre à sa charge l'entretien courant du logement, des équipements mentionnés au contrat et les menues réparations ainsi que l'ensemble des réparations locatives définies par décret en Conseil d'Etat, sauf si elles sont occasionnées par vétusté, malfaçon, vice de construction, cas fortuit ou force majeure. Les modalités de prise en compte de la vétusté de la chose louée sont déterminées par décret en Conseil d'Etat, après avis de la Commission nationale de concertation. Lorsque les organismes bailleurs mentionnés à l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation ont conclu avec les représentants de leurs locataires des accords locaux portant sur les modalités de prise en compte de la vétusté et établissant des grilles de vétusté applicables lors de l'état des lieux, le locataire peut demander à ce que les stipulations prévues par lesdits accords soient appliquées ;
e) De permettre l'accès aux lieux loués pour la préparation et l'exécution de travaux d'amélioration des parties communes ou des parties privatives du même immeuble, de travaux nécessaires au maintien en état ou à l'entretien normal des locaux loués, de travaux d'amélioration de la performance énergétique à réaliser dans ces locaux et de travaux qui permettent de remplir les obligations mentionnées au premier alinéa de l'article 6. Les deux derniers alinéas de l'article 1724 du code civil sont applicables à ces travaux sous réserve du respect de la loi n° 67-561 du 12 juillet 1967 relative à l'amélioration de l'habitat. Avant le début des travaux, le locataire est informé par le bailleur de leur nature et des modalités de leur exécution par une notification de travaux qui lui est remise en main propre ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Aucuns travaux ne peuvent être réalisés les samedis, dimanches et jours fériés sans l'accord exprès du locataire. Si les travaux entrepris dans un local d'habitation occupé, ou leurs conditions de réalisation, présentent un caractère abusif ou vexatoire ou ne respectent pas les conditions définies dans la notification de préavis de travaux ou si leur exécution a pour effet de rendre l'utilisation du local impossible ou dangereuse, le juge peut prescrire, sur demande du locataire, l'interdiction ou l'interruption des travaux entrepris ;
f) De ne pas transformer les locaux et équipements loués sans l'accord écrit du propriétaire ; à défaut de cet accord, ce dernier peut exiger du locataire, à son départ des lieux, leur remise en l'état ou conserver à son bénéfice les transformations effectuées sans que le locataire puisse réclamer une indemnisation des frais engagés ; le bailleur a toutefois la faculté d'exiger aux frais du locataire la remise immédiate des lieux en l'état lorsque les transformations mettent en péril le bon fonctionnement des équipements ou la sécurité du local. Toutefois, des travaux d'adaptation du logement aux personnes en situation de handicap ou de perte d'autonomie ou des travaux de rénovation énergétique peuvent être réalisés aux frais du locataire. Ces travaux font l'objet d'une demande écrite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception auprès du bailleur. L'absence de réponse dans un délai de deux mois à compter de la date de réception de la demande vaut décision d'acceptation du bailleur. Au départ du locataire, le bailleur ne peut pas exiger la remise des lieux en l'état. La liste des travaux ainsi que les modalités de mise en 'uvre sont fixées par décret en Conseil d'Etat ;
(')".
Par le jugement du 11 décembre 2018, la bailleresse a été déboutée de sa demande d'expertise de l'état du lieu loué.
La bailleresse soulève les manquements suivants à l'hygiène de la location : "la plaque de hotte aspirante est imbibée de graisse, des résidus restent derrière tous les radiateurs des pièces du logement et la présence de poils d'animaux rend nécessaire la désinfection du logement ". Au constat d'huissier d'état des lieux de sortie du 2 novembre 2020 contradictoire, les termes 'propre' et 'nettoyé' reviennent à toutes les pages et lesdits défauts d'entretien n'y figurent pas, sauf au plafond de la salle de bains dans et autour de la ventilation mécanique contrôlée.
La résiliation du bail du fait fautif des locataires n'est pas fondée.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Du fait de la poursuite du bail, les époux [D] n'ont jamais été sans droit ni titre, la résiliation du fait du départ des locataires au 2 novembre 2020, date de la remise des clés en fin de constat d'état des lieux du même jour, est ainsi fixée.
Le jugement sera complété de ce chef.
2/ Sur les comptes :
Pour réclamer le solde de tout compte, le tribunal a jugé que la propriétaire ne justifie pas de la comparaison des deux états des lieux, d'entrée et sortie, ni des régularisations de charges alors que les locataires sont fondés à obtenir la restitution du dépôt de garantie.
Il ressort des mentions annexes au constat d'huissier que les locataires ne sont pas en dette locative ; la bailleresse est d'accord de principe que la somme de 625 euros, montant du dépôt de garantie est due, sauf les réparations locatives.
M. [F] réclame :
- charges locatives de 2019 et 2020 non justifiées,
- état des lieux du 2 novembre 2020 : moitié du coût de l'acte, 133,04 euros justifiés,
- facture de ramonage du poêle à bois et tuyau de janvier 2021 : sans justification par les locataires du ramonage de 2020 : facture de M. [U] du 27 janvier 2021, 75 euros justifiés,
- vidange d'égout, facture du 21 février 2021 de l'Ent. '[E]' 165 euros justifiés,
- désinfection non justifiée,
- réparations diverses : (vmc), 149,69 euros justifiées,
soit 522,73 euros et le jugement sera réformé de ce chef.
3/ Sur les dommages et intérêts :
Pour réparer le trouble de jouissance des preneurs, le tribunal a jugé que la bailleresse les a, durant tout le bail, menacés d'expulsion sous des prétextes aussi faux que péremptoires et vindicatifs.
L'article 6 de la loi susvisée dispose :
"Le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, exempt de toute infestation d'espèces nuisibles et parasites, répondant à un critère de performance énergétique minimale, défini par un seuil maximal de consommation d'énergie finale par mètre carré et par an, et doté des éléments le rendant conforme à l'usage d'habitation. Un décret en Conseil d'Etat définit le critère de performance énergétique minimale à respecter et un calendrier de mise en 'uvre échelonnée.
Les caractéristiques correspondantes sont définies par décret en Conseil d'Etat pour les locaux à usage de résidence principale ou à usage mixte mentionnés au deuxième alinéa de l'article 2 et les locaux visés aux 1° à 3° du même article, à l'exception des logements-foyers et des logements destinés aux travailleurs agricoles qui sont soumis à des règlements spécifiques.
Le bailleur est obligé :
a) De délivrer au locataire le logement en bon état d'usage et de réparation ainsi que les équipements mentionnés au contrat de location en bon état de fonctionnement ; toutefois, les parties peuvent convenir par une clause expresse des travaux que le locataire exécutera ou fera exécuter et des modalités de leur imputation sur le loyer ; cette clause prévoit la durée de cette imputation et, en cas de départ anticipé du locataire, les modalités de son dédommagement sur justification des dépenses effectuées ; une telle clause ne peut concerner que des logements répondant aux caractéristiques définies en application des premier et deuxième alinéas ;
b) D'assurer au locataire la jouissance paisible du logement et, sans préjudice des dispositions de l'article 1721 du code civil, de le garantir des vices ou défauts de nature à y faire obstacle hormis ceux qui, consignés dans l'état des lieux, auraient fait l'objet de la clause expresse mentionnée au a ci-dessus ;
c) D'entretenir les locaux en état de servir à l'usage prévu par le contrat et d'y faire toutes les réparations, autres que locatives, nécessaires au maintien en état et à l'entretien normal des locaux loués ;
d) De ne pas s'opposer aux aménagements réalisés par le locataire, dès lors que ceux-ci ne constituent pas une transformation de la chose louée".
D'abord, par lettre du 30 décembre 2016, M. [F] a prétendu résilier le bail pour le seul paiement tardif de 7 jours, des deux-tiers du loyer du mois en cours, au 1er février 2017 alors que la loi applicable exige deux mois de retard pour faire commandement de payer et envisager la résiliation du contrat ; et ce, quoique le bailleur avait perçu à l'entrée dans les lieux 12 mois d'avance de provisions pour charges et que la trêve hivernale dure jusqu'au 31 mars de chaque année. En réponse à la saisine de la commission départementale de conciliation, le gérant a repoussé de vider les lieux au 1er avril, a accusé les locataires de malhonnêteté et les a signalés à la Caisse d'allocations familiales.
Le mois suivant, il a donné un prétendu congé sans reproduire les dispositions du II de l'article 15 de la loi. Il a ainsi alterné les causes de congé dont il s'avère que ni l'une ni l'autre n'est justifiée. A la lettre de congé de fin de bail, le bailleur n'a indiqué aucun autre juste motif ; néanmoins, à partir de novembre suivant, il a délivré des quittances non plus de loyers mais d'indemnités d'occupation. A la signification de son courrier du 10 juin 2020, il n'a communiqué pour preuve de la vente aucun projet mais un plan cadastral ; ultérieurement, il a communiqué le compromis notarié du 22 octobre 2022 de vente de la SCI à son gérant et sa compagne d'un autre immeuble au n°106 de la même rue comme gage d'un prochain remaniement complet du patrimoine de la SCI justifiant le projet de vente.
Ensuite, M. [F] a fait enquêter sur la situation de communauté de vie du couple [D]-[S] et en a communiqué la teneur à la Caisse d'allocations familiales.
Enfin, M. [F] a enlevé ou laissé enlever, en tout cas n'a pas fait remplacer, le portail d'entrée du jardin de la maison sur la rue, disparu le 17 novembre 2019 et rétabli le 21 octobre 2020 ; cette action ou inaction aurait créé une situation d'insécurité à l'immeuble et de danger à ses occupants, notamment pour les trois jeunes enfants durant un an, si Mme [D] ne s'était pas elle-même substituée au propriétaire alors que la charge d'un portail neuf n'est pas locative.
C'est par des motifs adaptés que la cour approuve et qu'elle adopte que le tribunal a jugé que les fautes du gérant sont corrélées directement au préjudice des locataires. La demande des victimes est d'un montant qui n'est justifié par aucune pièce. La cour juge que l'évaluation du tribunal est insuffisante ; il y a lieu d'allouer la somme de 100 euros par mois durant les 48 mois d'occupation légitime des époux [D], soit 4 800 euros.
Le jugement sera réformé sur ce point.
4/ Sur les dépens ;
Par application de l'article 696 du code de procédure civile, la SCI bailleresse qui succombe encore en toutes ses demandes les supportera intégralement.
Le jugement sera confirmé et complété de ce chef.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, et en dernier ressort,
Confirme le jugement sauf le montant des dommages et intérêts et le débouté de la SCI Sainte Radegonde de celle de ses demandes relatives aux comptes entre les parties,
jugeant à nouveau des chefs infirmés,
Condamne la SCI Sainte Radegonde à payer 4 800 euros à titre de dommages et intérêts aux époux [B] [D] et [G] [S],
Condamne [B] [D] et [G] [S] à payer à la SCI Sainte Radegonde 522,73 euros,
y ajoutant,
Constate la nullité des congés du 30 décembre 2016 pour défaut de paiement des loyers, du 21 mars 2017 pour vendre, du 1er mai 2019 pour échéance du bail, du 10 juin 2020 pour vendre et de tous actes procéduraux subséquents,
Fixe la date de fin du bail au 2 novembre 2020,
Condamne la SCI Sainte Radegonde aux dépens d'appel,
Condamne la SCI Sainte Radegonde à payer une indemnité de 3 000 euros aux époux [B] [D] et [G] [S] en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu l'article 456 du code de procédure civile, le présent arrêt a été signé par Dominique BENON, conseiller ayant participé au délibéré en l'absence de Mme la présidente de chambre empêchée, et par Nathalie CAILHETON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière, Le Président,