ARRÊT DU
22 Mars 2023
CV/CR
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N° RG 21/00977
N° Portalis
DBVO-V-B7F-C6DT
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[G] [W]
épouse [I],
[E] [I]
C/
[K] [F]
S.A. ABEILLE IARD
& SANTE
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GROSSES le
à
ARRÊT n° 116-2023
COUR D'APPEL D'AGEN
Chambre Civile
LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,
ENTRE :
Madame [G] [W] épouse [I]
née le 08 Mars 1953 à [Localité 10]
de nationalité Française
Monsieur [E] [I]
né le 27 Octobre 1948 à [Localité 7]
de nationalité Française
Domiciliés :
lieudit '[Adresse 9]'
[Localité 5]
Représentés par Me Guy NARRAN, avocat au barreau d'AGEN
APPELANTS d'un Jugement du tribunal judiciaire d'AGEN en date du 03 Août 2021, RG 19/00431
D'une part,
ET :
Monsieur [K] [F]
né le 30 Juin 1968 à [Localité 8] (33)
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représenté par Me Sylvia GOUDENÈGE-CHAUVIN, avocate postulante inscrite au barreau d'AGEN et par Me Maxime GRAVELLIER, avocat plaidant au barreau de BORDEAUX
INTIMÉ
S.A. ABEILLE IARD & SANTE
RCS de Nanterre n°306 522 665
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentée par Me Sylvia GOUDENÈGE-CHAUVIN, avocate au barreau d'AGEN
INTERVENANTE volontaire
D'autre part,
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 02 Janvier 2023 devant la cour composée de :
Président : André BEAUCLAIR, Président de chambre
Assesseurs : Dominique BENON, Conseiller
Cyril VIDALIE, Conseiller qui a fait un rapport oral à l'audience
Greffière : Nathalie CAILHETON
ARRÊT : prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
' '
'
Faits et procédure :
M. [F] a acquis au mois d'août 2000 une motocyclette Harley-Davidson Softail FXST immatriculée [Immatriculation 3], sur laquelle il a fait effectuer des modifications par la société Technoplus gérée par Mme [I] et dont M. [I] était salarié.
À la suite d'un accident survenu le 27 juin 2009, M. [F] a acheminé sa moto dans les locaux de la société Technoplus où elle a été expertisée à la demande de son assureur ; les travaux de réparation ont été estimés à 21 687,41 euros et M. [F] a été indemnisé par son assureur, la SA Abeille IARD & Santé.
La société Technoplus a fait l'objet d'un redressement judiciaire par jugement du 9 septembre 2009, puis d'une liquidation judiciaire par jugement du 14 octobre 2009.
Un litige s'est élevé par la suite entre M. [F] et M et Mme [I], portant sur l'absence de réalisation des réparations, malgré la remise de chèques entre les années 2010 et 2015, l'absence de remboursement des sommes versées, malgré deux mises en demeure des 15 septembre et 30 octobre 2017, et l'absence de restitution de la moto.
Par actes du 8 mars 2019, M. [F] a assigné M et Mme [I] devant le tribunal de grande instance, devenu tribunal judiciaire, d'Agen, pour obtenir leur condamnation au paiement de diverses sommes.
Par jugement du 3 août 2021, le tribunal judiciaire d'Agen a :
- déclaré recevables les demandes dirigées à l'encontre de [G] [W] épouse [I],
- condamné solidairement [E] [I] et [G] [W] épouse [I] à payer à [K] [F] la somme de 10 305,41 euros au titre de la non-restitution de sa moto,
- condamné solidairement [E] [I] et [G] [W] épouse [I] à payer à [K] [F] la somme de 21 378 euros au titre de la non justification de l'utilisation des fonds remis pour les travaux sur sa moto,
- condamné solidairement [E] [I] et [G] [W] épouse [I] aux dépens,
- condamné solidairement [E] [I] et [G] [W] épouse [I] à payer à [K] [F] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties du surplus des demandes.
Le tribunal a considéré que M et Mme [I] avaient conservé leur qualité de commerçants après la dissolution de leur société, pour avoir poursuivi leur activité à leur domicile.
Faisant application de l'article L.110-3 du code de commerce relatif à la liberté de la preuve à l'égard des commerçants, le tribunal a admis que l'existence d'un contrat de dépôt de la moto était établie, constaté que M et Mme [I] ne prouvaient pas sa restitution à la suite des mises en demeure, et retenu que leur responsabilité se trouvait engagée.
Le tribunal a alloué à M. [F] une somme de 10 305,41 euros représentant la valeur de la moto à dire d'expert, sous déduction des indemnités reçues de son assureur, et une somme de 21 178 euros correspondant au montant total des chèques que M. [I] avait reconnu avoir encaissés dans le cadre de l'enquête de gendarmerie consécutive à la plainte pour abus de confiance déposée par M. [F], écartant un chèque établi au bénéfice d'un autre commerce.
M et Mme [I] ont formé appel le 21 octobre 2021, désignant en qualité d'intimé M. [F], et visant dans leur déclaration la totalité des dispositions du jugement.
Par conclusions d'incident du 26 novembre 2021, M et Mme [I] ont saisi le conseiller de la mise en état aux fins de voir déclarer prescrite la demande de restitution des sommes de 7000, 2 000, 5 000 et 2 200 euros versées par chèques.
Le conseiller de la mise en état s'étant déclaré incompétent par ordonnance du 26 janvier 2022, M et Mme [I] ont saisi la cour d'appel d'un déféré ; la SA Abeille IARD & Santé, assureur de M. [F], a déposé des conclusions d'intervention volontaire, en qualité d'assureur subrogé dans les droits de son assuré.
Par arrêt du 20 juin 2022, la présente Cour a :
- déclaré recevable l'intervention volontaire de la SA Abeille IARD Santé,
- confirmé l'ordonnance du juge de la mise en état se déclarant incompétent pour statuer sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription,
- condamné in solidum M et Mme [I] à payer à M. [F] 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La cour a retenu que, si les dispositions de l'article 789 du code de procédure civile issues du décret n°2019-1333 auxquelles renvoie l'article 916 du même code prévoyant une compétence du conseiller de la mise en état pour statuer sur les fins de non-recevoir, étaient applicables à la présente instance postérieure au 1er janvier 2020, cette disposition ne pouvait méconnaître les effets de l'appel et les règles de compétence définies par la loi, desquelles il résulte que seule la cour d'appel dispose, à l'exclusion du conseiller de la mise en état, du pouvoir d'infirmer ou annuler la décision frappée d'appel.
Prétentions :
Par dernières conclusions du 26 septembre 2022, M et Mme [I] demandent à la Cour de :
- infirmer le jugement,
- déclarer prescrite la demande adverse au titre de leur responsabilité contractuelle des sommes de 7 000 euros, 2 000 euros, 5 000 euros et 2 200 euros versées les 23
janvier 2010, 13 février 2010, 1er mars 2010 et 14 mars 2013,
- subsidiairement, mettre hors de cause Mme [I],
- débouter M. [F] de toutes ses demandes,
- condamner celui-ci à payer à M et Mme [I] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [F] aux dépens d'instance et d'appel, en ce compris les dépens de déféré, qui seront recouvrés par Me Guy Narran conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
M et Mme [I] présentent l'argumentation suivante :
- ils sont fondés à soulever la fin de non-recevoir tirée de la prescription, car l'article 910-4 du code de procédure civile énonce que les conclusions de l'appelant qui doivent être déposées dans le délai prévu par l'article 908, doivent contenir les prétentions sur le fond, mais n'impose pas qu'y figurent les fins de non-recevoir,
- l'action fondée sur l'inexécution de commandes de pièces détachées est prescrite, le point de départ du délai de cinq ans étant la date d'établissement des divers chèques, puisque les pièces détachées n'ont pas été livrées à cette date et qu'aucune date de livraison n'était convenue ; or à la date du 8 mars 2019 à laquelle l'assignation a été délivrée, les chèques de 7 000 euros, du 23 janvier 2010, 2 000 euros, du 13 février 2010, 5 000 euros du 1er mars 2010, et la remise d'espèces de 2 000 euros, du 14 mars 2013, dataient de plus de cinq ans,
- la preuve d'un contrat de dépôt n'est pas rapportée, la seule attestation recevable n'étant pas probante, émanant d'un ami, la date prétendue du dépôt, du 17 décembre 2015, ne concordant pas avec celle invoquée dans la mise en demeure du 15 septembre 2017, évoquant une remise au mois de janvier 2009, la perquisition du 21 mars 2018 n'ayant pas permis la découverte d'objet utile à la manifestation de la vérité, et le faisceau d'indices relevé par le tribunal ne suffisant pas à l'établir,
- Mme [I] doit être mise hors de cause, car les chèques litigieux ont été crédités sur le compte de M. [I], ce qui ressort des relevés bancaires produits en cause d'appel, et les époux sont mariés sous le régime de la séparation de biens,
- la responsabilité de M. [I] n'est pas engagée, les chèques lui ayant été remis en vue de l'achat de pièces détachées, et non pour la remise en état de la moto, la liquidation de la société et son état de santé ne lui permettant pas de réaliser de tels travaux, la livraison des pièces ayant été faite, puisqu'il ressort des attestations versées aux débats que M [F] a utilisé sa moto jusqu'en décembre 2015, et qu'ensuite, il a remis de nouveaux chèques en vue de nouvelles transformations, ce qu'il n'aurait pas fait en l'absence de livraison,
- le tribunal a écarté à juste titre le chèque de 2 000 euros établi auprès de Détail Moto Bordeaux, et non de M. [I].
Par dernières conclusions du 28 juillet 2022, M [F] demande à la Cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a :
- déclaré recevables les demandes dirigées à l'encontre de Mme [I],
- condamné solidairement M et Mme [I] aux dépens,
- condamné solidairement M et Mme [I] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné solidairement M et Mme [I] au titre de la non-restitution de la moto,
- sur le principe, condamné solidairement M et Mme [I] au titre de la non-justification de l'utilisation des fonds remis pour les travaux sur la moto,
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- condamné solidairement M et Mme [I] à lui payer la somme de 10 305,41 euros au titre de la non-restitution de sa moto,
- condamné solidairement M et Mme [I] à lui payer la somme de 21 378 euros au titre de la non-justification de l'utilisation des fonds remis pour les travaux sur sa moto,
- statuant à nouveau,
- condamner solidairement M et Mme [I] à lui payer la somme de 45 000 euros en réparation du préjudice matériel subi par lui,
- condamner solidairement M et Mme [I] à lui payer la somme de 23 378 euros en réparation de leur manquement à leur obligation de délivrer les pièces commandées et de procéder aux réparations de la moto,
- débouter M et Mme [I] de leur fin de non-recevoir tendant à voir déclarées prescrites ses demandes au titre des sommes de 7 000 euros, 2 000 euros, 5 000 euros et 2 200 euros versées les 23 janvier 2010, 13 février 2010, 1er mars 2010 et 14 mars 2013,
- débouter M et Mme [I] de l'intégralité de leurs demandes,
- en tout état de cause,
- condamner solidairement M et Mme [I] à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner solidairement M et Mme [I] aux dépens de la procédure d'appel.
M. [F] présente l'argumentation suivante :
- sur la prescription :
- il appartenait à M et Mme [I] de l'invoquer dès leurs premières conclusions prises en application de l'article 908 du code de procédure civile,
ces conclusions étant celles qui déterminent l'objet du litige et soulèvent les incidents de nature à mettre fin à l'instance,
- le point de départ du délai de prescription n'est pas la date d'émission des chèques, mais celle de juin 2017, à laquelle la restitution de la moto a été refusée, ce qui lui a permis de savoir qu'il ne lui serait donné aucune pièce soit-disant acquise avec les fonds remis ; l'action n'est donc pas prescrite,
- sur le contrat de dépôt :
- la qualité de commerçant doit être reconnue à M et Mme [I] en raison de la poursuite de leur activité en leur nom personnel après la liquidation de leur société, résultant de la réalisation pour leur propre compte d'actes de commerce,
- l'existence d'un contrat de dépôt, qui se forme par la remise de la chose réalisée le 17 décembre 2015, est démontrée par les éléments versés, et la présence de la moto au domicile de M et Mme [I] est établie,
- la responsabilité des dépositaires est engagée pour inexécution de leur obligation de restitution en nature, constituée par le refus opposé au mois de juin 2017,
- le montant de l'indemnité doit être majoré, en raison de la perte de la moto et de la privation de jouissance subie ; il n'y a pas lieu de déduire de l'obligation de réparation des dépositaires les indemnités versées par l'assureur du déposant,
- sur la responsabilité contractuelle :
- l'action est recevable à l'encontre de Mme [I] compte tenu du rôle actif qu'elle a toujours eu dans le commerce,
- l'encaissement des chèques sur le compte de M. [I] est sans portée, Mme [I] étant l'interlocutrice de M. [F], ayant reçu les chèques, et été présente lors de la planification des travaux, et M. [I] étant, en tant que conjoint séparé de biens, réputé avoir le pouvoir de percevoir seul les fonds remis en vertu de l'article 222 du code civil, s'agissant de sommes correspondant à l'activité commerciale du couple,
- M et Mme [I] ont manqué à leur obligation contractuelle de procéder aux réparations et au montage des pièces sur la moto,
- il n'est pas justifié d'écarter le chèque de 2 000 euros qui a été remis à M et Mme [I] pour les mêmes raisons que les autres chèques, pour un montant total de 23 378 euros.
Par dernières conclusions d'intervention volontaire du 16 août 2022, la SA Abeille IARD & Santé demande à la Cour de :
- la déclarer recevable et bien fondée en son intervention volontaire,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- déclaré recevables les demandes dirigées à l'encontre de Mme [W] épouse [I],
- condamné solidairement M. [I] et Mme [W] épouse [I] aux dépens,
- condamné solidairement M. [I] et Mme [W] épouse [I] à payer à M. [F] la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- sur le principe, condamné solidairement M. [I] et Mme [W] épouse [I] au titre de la non-restitution de la moto de M. [F]
- sur le principe, condamné solidairement M. [I] et Mme [W] épouse [I] au titre de la non-justification de l'utilisation des fonds remis pour les travaux sur la moto de M. [F],
- statuant à nouveau :
- condamner solidairement M. [I] et Mme [W] épouse [I] à lui payer, venant aux droits de M. [F], la somme de 13 007,59 € correspondant au règlement effectué au titre de la garantie « vol »,
- condamner M. [F] à lui reverser la somme de 13 007,59 euros si cette somme lui était directement versée par M. [I] et Mme [W] épouse [I],
- débouter M. [I] et Mme [W] épouse [I] de l'intégralité de leurs demandes,
- en tout état de cause,
- condamner solidairement M. [I] et Mme [W] épouse [I] à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner solidairement M. [I] et Mme [W] épouse [I] aux dépens de la procédure d'appel.
La SA Abeille IARD & Santé présente l'argumentation suivante :
- dans le cadre des garanties contractuelles, elle est subrogée dans les droits et actions de M. [F] concernant le versement de la somme de 13 007,59 euros, réalisé au titre de la garantie 'vol',
- elle justifie de l'existence d'un lien suffisant entre le litige originaire et sa demande, et a été déclarée recevable en son intervention par le précédent arrêt du 20 juin 2022,
- la prescription invoquée par M. [I] et Mme [W] épouse [I] n'a pas été présentée dans leurs premières écritures ainsi que l'exige l'article 908 du code de procédure civile, ce qui entraîne l'irrecevabilité de la fin de non-recevoir,
- le point de départ du délai de la prescription n'est pas la date des chèques car M. [F] ne s'est vu refuser la restitution de la moto qu'en 2017 et il a ainsi connu les faits lui permettant d'exercer son action, c'est d'ailleurs par la suite qu'il a établi une déclaration de sinistre,
- les demandes indemnitaires fondées sur l'existence d'un contrat de dépôt sont justifiées :
- les époux [I] ont conservé la qualité de commerçants, le devis de réparation de la moto a été établi par Mme [I] le 9 octobre 2019, cinq jours avant le prononcé de la liquidation judiciaire de sa société, et ils ont continué à se comporter comme des commerçants envers M. [F], malgré les conséquences de la procédure collective dont ils n'ont pas tenu compte, ce qui démontre leur mauvaise foi et leur malhonnêteté,
- l'existence d'un contrat de dépôt est établie, et n'est pas exclue par le résultat négatif de la perquisition,
- la responsabilité des dépositaires, qui supportent la charge de la preuve du respect de leur obligation, est établie au regard de l'absence de restitution malgré la mise en demeure,
- les sommes allouées en première instance doivent être modifiées en raison de l'intervention de l'assureur fondé en son action subrogatoire.
La Cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, fait expressément référence à la décision entreprise, et aux dernières conclusions déposées.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 23 novembre 2022, et l'affaire a été fixée pour être examinée le 2 janvier 2023.
Motifs
Sur la prescription
Selon l'article 908 du code de procédure civile, les parties disposent d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour remettre leurs conclusions au greffe.
Les conclusions exigées par ce texte sont celles qui déterminent l'objet du litige ou soulèvent un incident de nature à mettre un terme à l'instance, ce qui est le cas de la fin de non-recevoir tirée de la prescription.
M et Mme [I] ont formé appel par déclaration du 21 octobre 2021.
Leurs premières conclusions, déposées le 18 janvier 2021 en application de l'article 908 du code de procédure civile, ne contiennent pas la fin de non-recevoir tirée de la prescription, qu'ils ont présentée par conclusions d'incident du 3 janvier 2022 saisissant le conseiller de la mise en état, puis par troisièmes conclusions au fond déposées le 13 juillet 2022.
La fin de non-recevoir ainsi soulevée n'est pas recevable.
Sur la responsabilité du dépositaire
M et Mme [I] ne contestent pas l'application par le tribunal du principe de liberté de preuve au contrat de dépôt, par application de l'article L.110-3 du code de commerce, en raison de la conservation de leur qualité de commerçants postérieurement à la liquidation de leur société.
Ils discutent le caractère probant des divers élément produits par M. [F].
De ces éléments, il résulte d'abord que M. [F] était propriétaire de la moto litigieuse ce qui ressort du certificat d'immatriculation, des deux estimations établies par M. [X] après sa modification par la SARL Technoplus, et des attestations produites.
Ensuite, il est avéré, et constant, que la SARL Technoplus a réalisé d'importantes modifications de la moto avant l'accident du 27 juin 2009, qui l'ont singularisée, rendue aisément identifiable, et qu'elle était connue de M et Mme [I] ; M. [I], lors de sa première audition par les services de gendarmerie reçue le 21 mars 2018, a répondu par l'affirmative à la question 'je vous présente une photo de la moto, objet de la présente plainte. La reconnaissez-vous ' - Oui c'est celle-là.'
M. [I] a également déclaré, lors de cette déposition, avoir encaissé les chèques litigieux car 'la moto de M. [F] avait été accidentée en 2009 et il m'avait demandé de la réparer.'
De plus, M. [F] produit un devis de remise en état de la moto daté du 9 octobre 2009 portant le n°90, détaillant une prestation de fourniture de pièces, ainsi que de peinture personnalisée, de démontage (19 heures) et de remontage (107 heures) complet de l'engin.
Devant les gendarmes, M. [I] a affirmé que ce document était un faux émanant de M. [F] qui voulait l'escroquer.
Toutefois, ce devis constitue les pages 4 et 5 d'un envoi par télécopie horodaté du 12 janvier 2010 à 10h58 émanant de la SARL Technoplus et dont les trois premiers feuillets comportent un tableau chiffrant le sinistre émanant de l'expert de l'assureur, le rapport de l'expert qui mentionne être intervenu en présence de Mme [I], et un feuillet manuscrit mentionnant 'de [G] à [M] 5 pages se concluant par la phrase 'l'expert rembourse bien la totalité sur mon devis comme je te l'avais dit au départ'. Cet envoi émanait de Mme [I].
Le devis, étroitement lié au rapport d'expertise et à l'écrit de Mme [I] ne constitue donc pas un faux, et ces éléments montrent qu'il était convenu entre M. [F] et M et Mme [I] qu'ils se verraient confier la moto pour procéder à sa remise en état.
Par ailleurs, M. [D], qui est le seul témoin direct de ce fait, atteste avoir constaté au début du mois de janvier 2016 la présence de la moto de M. [F] 'chez son préparateur M. [I] à [Localité 11]'. Il précise que 'M. [I] nous emmène voir la moto et les pièces neuves qui étaient au fond du garage ; la moto était à moitié démontée...sur l'établi se trouvait le nouveau cadre avec le réservoir...'.
M et Mme [I] réfutent cette attestation, déduisant du lien d'amitié existant avec l'intimé qu'elle est de complaisance, ce que corrobore, selon eux, le niveau des détails relatés trois ans après les faits.
Cependant, l'existence d'un d'amitié n'ôte pas en elle-même à un témoignage sa force probante, et les détails relatés permettent de lui apporter des précisions qui peuvent être utilement comparées aux autres éléments de la cause.
Ainsi, il ressort du devis, mais également du rapport d'expertise du cabinet BCA, que le cadre et le réservoir du véhicule devaient être remplacés, ce qui induisait un démontage complet de la moto constaté par le témoin.
Cette concordance donne crédit à l'attestation émanant de M. [D], qui démontre la présence dans le garage de M et Mme [I], au mois de janvier 2016, de la moto en cours de réparation.
L'existence du contrat de dépôt est donc démontrée, ainsi que l'a retenu à juste titre le premier juge.
Il ressort des articles 1930 et 1935 du code civil que le dépositaire doit restituer de la chose aussitôt qu'elle est réclamée par le déposant.
La preuve de l'exécution de cette obligation du dépositaire lui incombe, puisqu'il en est le débiteur. Il peut la rapporter par tout moyen.
En l'espèce, M et Mme [I] ne démontrent, ni ne soutiennent, avoir restitué à M. [F] sa moto, à la suite des demandes de ce dernier, formalisées par l'envoi d'un premier courrier de son assureur, puis d'une mise en demeure par courrier recommandé du 30 octobre 2017.
L'inexécution de leur obligation est donc avérée.
Il en résulte qu'ils sont tenus de restituer l'équivalent en valeur de la moto.
Cette valeur a fait l'objet d'une évaluation par M. [X], expert automobile à la demande de M. [F], datée du 14 août 2000, tenant compte de ses modifications, à une somme de 225 000 francs soit 34 301 euros.
M [X] a réalisé une nouvelle évaluation datée du 16 janvier 2019, sur la base des photos et des factures remises par M. [F], et il a retenu, compte tenu de son état général de collection, et des valeurs admises par les experts 'show bike', une somme de 45 000 euros, qui n'est pas utilement discutée.
L'expert, après déduction du coût de remise en état résultant de l'accident, a retenu une valeur de 23 313 euros qui était celle de la moto lors de la remise au dépositaire.
C'est donc cette somme qui doit être restituée par le dépositaire, et non la valeur antérieure, puisque la moto lui a été remise accidentée.
M. [F] est fondé à poursuivre le recouvrement de la somme de 10 305,51 euros, puisqu'en recevant l'indemnisation de son assureur au titre de la garantie vol, il l'a subrogé dans ses droits à concurrence de l'indemnité de 13 007,59 euros qu'il a perçue.
La SA Abeille IARD et Santé verse aux débats la quittance signée par M. [F] à la suite du versement de la somme de 13 007,59 euros mentionnant que le règlement est effectué dans les conditions de restitution et de subrogation stipulées au contrat.
En vertu de l'article L.121-12 du code des assurances selon lequel l'assureur de dommages qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré, elle est donc fondée en son intervention tendant à la condamnation du dépositaire au montant de cette somme.
Sur la responsabilité contractuelle du réparateur
Il résulte de ce qui précède qu'à la suite du devis établi par M et Mme [I], M [F] leur a confié les travaux de remise en état de sa moto qui s'analysent en un contrat de louage d'ouvrage au sens de l'article 1787 du code civil.
M et Mme [I] contestent donc vainement l'existence de ce contrat en affirmant, sans le démontrer que les sommes remises par M. [F] étaient destinées à l'achat de pièces qu'il avait l'intention de monter lui-même.
Aucun élément n'étaye cette affirmation et la nature des travaux, qui nécessitaient un démontage et un remontage complet impliquant la réalisation d'ajustements et de réglages, mais également d'une peinture individualisée, excluait qu'ils puissent être effectués par un non-professionnel.
Les paiements remis s'inscrivent donc, ainsi que le démontre M. [F], dans l'exécution d'un contrat de louage d'ouvrage, qui n'a pas été exécuté par le réparateur, ce qui justifie l'allocation de dommages-intérêts conformément à l'article 1147 du code civil en vigueur à la date du contrat.
M. [F] justifie leur avoir remis les sommes nécessaires à la réalisation des travaux, et M et Mme [I] ne contestent pas qu'il a remis à M [I] des chèques à l'exception d'un versement de 2 000 euros remis à un commerçant.
Il est donc fondé à obtenir le remboursement des sommes versées sans contrepartie, dont il n'est pas justifié de retrancher la somme de 2 000 euros remise par chèque du 12 février 2010, qui, bien que le chèque soit revêtu du timbre humide d'un fournisseur, s'inscrit, par sa date, son montant, et la nature de la dépense, dans le cadre du contrat litigieux.
Le jugement sera réformé sur le montant de l'indemnité allouée et une somme de 23 378 euros allouée à M. [F].
Sur la mise hors de cause de Mme [I] :
Il ressort de ce qui précède que tant Mme [I] que M. [I] ont entretenu avec M. [F] des relations commerciales qui se sont poursuivies après la liquidation de leur société, ce dont attestent l'envoi du devis par télécopie, effectué par Mme [I], ou encore le dépôt de la moto au domicile commun du couple ; ils sont donc tenus solidairement des devoirs incombant au dépositaire comme au prestataire de service.
L'existence entre deux époux d'un contrat de mariage optant pour le régime matrimonial de la séparation des biens, n'est pas exclusif de la souscription, par chacun d'eux, d'engagements communs envers des tiers dans le cadre d'une activité commerciale, et la perception par l'un des époux de sommes d'argent versées en exécution d'actes de commerce accomplis en commun, n'est pas davantage de nature à exonérer l'autre époux séparé de biens de la responsabilité susceptible de résulter des dits actes.
Mme [I] n'est donc pas fondée à obtenir sa mise hors de cause et sera tenue solidairement avec M. [I] au paiement des sommes dues au titre des contrats de dépôt et de louage d'ouvrage.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur les autres demandes :
Les dépens d'appel seront supportés par M et Mme [I], dont le recours est mal-fondé.
M et Mme [I] seront condamnés à verser à M. [F] 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
M et Mme [I] seront condamnés à verser à la SA Abeille IARD & Santé 1 500 euros sur le fondement des mêmes dispositions.
Par ces motifs,
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par sa mise à disposition au greffe et en dernier ressort,
Confirme le jugement du 3 août 2021, SAUF en ce qu'il a condamné solidairement M. [E] [I] et Mme [G] [W] épouse [I] à payer à M. [K] [F] la somme de 21 378 euros au titre de la non justification de l'utilisation des fonds remis pour les travaux sur sa moto,
Statuant à nouveau sur le point infirmé,
Condamne solidairement M. [E] [I] et Mme [G] [W] épouse [I] à payer à M. [K] [F] la somme de 23 378 euros au titre de la non justification de l'utilisation des fonds remis pour les travaux sur sa moto,
Y ajoutant,
Déclare irrecevable la fin de non-recevoir tirée de la prescription présentée par M. [E] [I] et Mme [G] [W] épouse [I],
Condamne solidairement M. [E] [I] et Mme [G] [W] épouse [I] à payer à la SA Abeille IARD & Santé la somme de 13 007,59 euros,
Condamne solidairement M. [E] [I] et Mme [G] [W] épouse [I] aux dépens d'appel,
Condamne solidairement M. [E] [I] et Mme [G] [W] épouse [I] à payer à M. [K] [F] la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne solidairement M. [E] [I] et Mme [G] [W] épouse [I] à payer à la SA Abeille IARD & Santé la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par André BEAUCLAIR, président, et par Nathalie CAILHETON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière, Le Président,