COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
ML ARRÊT AU FOND PRÉVENU : X... Alexandre Philippe Joseph Prononcé publiquement le MERCREDI 11 JANVIER 2006 par la 5ème Chambre des Appels Correctionnels de la Cour d'Appel d'AIX EN PROVENCE, Sur appel d'un jugement du Tribunal Correctionnel de GRASSE du 11 SEPTEMBRE 2003. PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR : X... Alexandre Philippe Joseph né le 17 Janvier 1948 à PARIS XVI De nationalité française Jamais condamné Demeurant 101 rue d'Antibes - 06400 CANNES Libre Comparant, assisté de Maître CHOURAQUI Francis, avocat au barreau de PARIS (C 195) Prévenu, appelant le Ministère Y... appelant APREA Robert Pris en sa qualité de tuteur légal de la majeure protégée Z... Wanda, Rachel Demeurant Résidences Maeterlinck, Oiseau Bleu, - 66 avenue des Baumettes - 06000 NICE Comparant, assisté de Maître KLEIN Pascal, avocat au barreau de NICE Partie civile, intimé DÉROULEMENT DES DÉBATS : L'affaire a été appelée à l'audience publique du MERCREDI 02 NOVEMBRE 2005, Monsieur Le Président LACAN a constaté l'identité du prévenu présent et a présenté le rapport de l'affaire, Le prévenu a été entendu en ses observations et moyens de défense, La partie civile, Robert APREA, a été entendue, Monsieur le Président LACAN a constaté l'identité du témoin cité à la demande du prévenu, Alexandre X... et de son conseil, Monsieur Jean-Louis DI A..., et qui, après avoir prêté serment à l'audience, a été entendu, Maître Pascal KLEIN, conseil de la partie civile APREA Robert, a été entendu en sa plaidoirie et a déposé des conclusions, Le Ministère Y... a pris ses réquisitions, Maître Francis CHOURAQUI, conseil du prévenu Alexandre X... a été entendu en sa plaidoirie, a déposé des conclusions, Le prévenu ayant eu la parole en dernier, Le Président a ensuite déclaré que l'arrêt serait prononcé à l'audience du 14 DÉCEMBRE 2005 délibéré prorogé au MERCREDI 11 JANVIER 2006. RAPPEL DE LA PROCÉDURE :
préservé tant ses propres intérêts que ceux de sa pupille, ce qui exclut toute intention coupable ; - que, de 1985 à 1992,
B... Gabrielle a continué à verser à Z... Wanda les mêmes sommes qu'auparavant ; que le capital retiré au mois d'avril 1985 a été entièrement utilisé, jusqu'en 1992, à entretenir la villa de Cannes et un manoir dans l'Indre ; qu'ainsi Z... Wanda n'a subi aucun préjudice. Subsidiairement, X... Alexandre soutient que la preuve n'est pas rapportée de ce qu'il ait pu être l'instigateur de l'abus de confiance commis par sa marraine et qu'en tout état de cause, il n'en a pas été le bénéficiaire. Le Ministère Y... requiert la confirmation du jugement entrepris, faisant valoir que Z... Wanda était propriétaire des fonds litigieux et que le titre dont la violation a été constitutive du délit d'abus de confiance est le mandat judiciaire de tutrice légale confié à B... Gabrielle. APREA Robert, ès-qualités, qui soutient les mêmes moyens, sollicite la confirmation du jugement sur la culpabilité. Il sollicite également la confirmation du chef des intérêts civils, faisant valoir que la revalorisation, à la date du jugement, des sommes détournées en avril 1985 s'élève à un montant de 6.387.082 ç. MOTIFS DE LA DECISION :
EN LA FORME, Attendu que l'affaire, appelée à l'audience du 28 juin 2005, a été renvoyée à l'audience de ce jour, au contradictoire de toutes les parties ; Que X... Alexandre comparaît assisté de son conseil ; Que APREA Robert, ès-qualités, comparaît assisté de son conseil ; Qu'il sera statué par arrêt contradictoire à l'égard du prévenu et de la partie civile ; Attendu que les appels formés par le prévenu et par le Ministère Y... sont recevables pour avoir été interjetés dans les formes et délais légaux.
AU FOND,
AU FOND,
LA PRÉVENTION : Alexandre X... est prévenu d'avoir à CANNES, GENEVE et sur le territoire national, courant 1985 à 1994 et depuis temps non couvert par la prescription :
1/ en provoquant cette action par ordre, abus d'autorité ou de pouvoir, et en donnant des instructions pour commettre l'infraction, été complice du délit d'abus de confiance commis par Gabrielle B... au préjudice de Wanda et C... Z..., en l'espèce en abusant de l'autorité et de l'influence qu'il avait sur cette personne, âgée de 85 ans, pour la déterminer à transférer des fonds placés en Suisse par Fernand Z..., destinés à assurer l'entretien de sa fille handicapée Wanda, afin de les transférer sur le compte d'une fondation dont il était le
principal bénéficiaire, 2/ sciemment recélé une somme de 21.235.000 francs Français qu'il savait provenir d'un délit, en l'espèce l'abus de confiance commis au préjudice de Wanda et C... Z..., faits prévus et réprimés par les articles 121-6, 121-7, 314-1, 314-10, 321-1, 321-3, 321-4, 321-9, 321-10, 314-1, 314-10 du code pénal et 59, 60, 406, 408, 460, 461 du code pénal en vigueur jusqu'au 1er mars 1994.
LE JUGEMENT : Par jugement contradictoire du 11 septembre 2003, le tribunal correctionnel de Grasse a déclaré X... Alexandre coupable des faits qui lui sont reprochés et l'a condamné à la peine de 2 ans d'emprisonnement, dont 18 mois avec sursis assorti d'une mise à l'épreuve pendant 3 ans, comportant obligation d'indemniser la partie civile, et à une amende de 100.000 ç. Statuant sur l'action civile, le tribunal a reçu APREA Robert, en sa qualité de tuteur de Z... Wanda, en sa constitution de partie civile et a condamné X... Alexandre à
lui payer la somme de 6.000.000 ç à titre de dommages intérêts et celle de 1.500 ç au titre de l'article 475 1 du code de procédure pénale.
LES APPELS : X... Alexandre a interjeté appel de ce jugement, en Sur l'action publique : 1- Sur la culpabilité Attendu que le tribunal a, par des motifs pertinents adoptés par la Cour, caractérisé les deux infractions de complicité d'abus de confiance et de recel de ce délit, commises au préjudice de Z... Wanda et reprochées à X... Alexandre ; Qu'il sera, ci-après, répondu aux moyens développés devant la Cour par le prévenu ; 1.1- Sur l'applicabilité de la loi pénale française :
Attendu que B... Gabrielle a été désignée en qualité de tutrice légale, le 21 juin 1961, par le conseil de famille de Z... Wanda, tenu sous la présidence du juge des tutelles de Cannes ; que le titre judiciaire dont la violation est alléguée, lui a été confié sur le territoire de la République ; que, dès lors, la loi pénale française
est applicable en vertu de l'article 113-2, alinéa 2, du code pénal ; Que, de surcroît, le code pénal suisse incrimine l'abus de confiance (article 138), l'instigation et la complicité (articles 24 et 25) ainsi que le recel (article 160) ; que, dès lors, la loi pénale française est applicable en vertu de l'article 113-6, alinéa 2, du code pénal ; Qu'enfin, Z... Wanda était apatride au moment de l'infraction et vivait en France ; qu'aux termes de l'article 12 de la Convention relative au statut des apatrides, ratifiée par la France et publiée au Journal officiel de la République Française (décret du 4 octobre 1960), le statut personnel de tout apatride sera régi par la loi du pays de son domicile ; que, dès lors, la loi pénale française est applicable en vertu de l'article 113-7 du code pénal ; 1.2- Sur la prescription :
Attendu qu'en matière d'abus de confiance, le point de départ de la prescription de l'action publique doit être fixé au jour où le délit est apparu et a pu être constaté dans des conditions permettant l'exercice de cette action ; Qu'en l'espèce, B... Gabrielle a assuré jusqu'à sa mort
l'exécution des virements périodiques trimestriels de 45.000 Frs et annuels de 200.000 Frs mis en place au toutes ses dispositions, par déclaration au greffe du tribunal, le 15 septembre 2003. Le Ministère Y... a relevé appel incident le 16 septembre 2003. DECISION : RAPPEL SUCCINCT DES FAITS : Z... Wanda, née le 14 novembre 1919 à Alexandrie, est atteinte d'autisme. Déclarée majeure incapable, par jugement du 23 décembre 1948, elle a d'abord été placée sous la tutelle de son père Z... Fernand. Ce dernier, né le 25 août 1890 à Alexandrie, apatride d'origine égyptienne, avait acquis une importante fortune dans le cadre d'opérations financières liées au commerce du coton. De son mariage avec AUSRI Madeleine, sont issus Sarah, née le 12 décembre 1912, Abramo, né le 17 mars 1915, et enfin Wanda. Après le décès de sa femme, en 1925, Z... Fernand a vécu maritalement, le reste de son existence, avec B... Gabrielle, née le 15 mai 1900. Le couple a résidé tour à tour en France, en Egypte et en Italie, ayant
sa résidence principale, au moins depuis 1956, dans une villa à Cannes. Afin d'assurer l'avenir de Z... Wanda dans les conditions matérielles qu'elle avait connues sa vie durant, Z... Fernand et sa compagne ont décidé de lui ouvrir un compte bancaire en Suisse, doté d'un important capital, dont les revenus devaient lui permettre de se maintenir dans la villa familiale de Cannes jusqu'à sa mort, sans être contrainte de s'installer dans une maison de retraite ou d'être prise en charge dans un établissement public. C'est ainsi que, le 26 août 1958, un dépôt de titres et un compte étaient ouverts au nom de Z... Wanda à l'Union des Banques Suisses (UBS) à Genève, intitulé no 571.714 LR. Le fonctionnement du dépôt et du compte était régi par un contrat passé entre B... Gabrielle, gestionnaire du compte, Z... Fernand, en sa qualité de tuteur de sa fille Wanda, titulaire du compte, et l'UBS, qualifiée de dépositaire, dans lequel il était notamment stipulé :
Ce dépôt et ce compte sont sous la direction exclusive de
profit de Z... Wanda, sans pourtant jamais donner aux organes de la tutelle connaissance de ce que les comptes ouverts au nom de Z... Wanda et Z... C... avaient été vidés au profit de la Fondation SIZERINI ; que le point de départ de la prescription, concernant les infractions reprochées à X... Alexandre, ne saurait donc être antérieur au 2 octobre 1992, date à laquelle ont cessé les versements susvisés ; que, le 7 avril 1994, APREA Robert, ès-qualités, a déposé plainte avec constitution de partie civile devant le juge d'instruction de Grasse, le montant de la consignation ayant été versé le 1er juillet 1994 ; que, dès lors, l'action publique n'est pas atteinte par la prescription ; 1.3- Sur l'infraction principale d'abus de confiance : 1.3.1- Sur le mandat Attendu que, sous le régime de l'article 408 de l'ancien code pénal, applicable en la cause, le titre, dont la violation est constitutive de l'abus de confiance, s'entend non seulement d'un titre conventionnel, mais encore de tout titre légal ou judiciaire à l'origine d'une remise
dans les termes de ce texte ; qu'il en est ainsi du tuteur qui administre, en qualité de mandataire, les biens de ses pupilles ; Qu'en l'espèce, B... Gabrielle occupait les fonctions de tutrice de la majeure protégée Z... Wanda au mois d'avril 1985, lors des détournements qui lui sont reprochés ; Qu'il importe peu qu'à la date de l'ouverture du compte à l'UBS, le 26 août 1958, elle n'ait pas eu la qualité de tutrice, dès lors qu'à compter de sa désignation, le 21 juin 1961, elle était tenue, pour l'ensemble des biens composant le patrimoine de sa pupille, des obligations découlant de son mandat judiciaire, au regard notamment des articles 450 et 457 du code civil ; Qu'en revanche, l'abus de confiance ne peut être caractérisé au préjudice de WANDA C..., à laquelle B... Gabrielle n'était liée par aucun mandat et qui, de surcroît, disposait de la signature sur le compte 586.095 ; 1.3.2- Sur la propriété des fonds litigieux
Mademoiselle Gabrielle B..., sa vie durant, cette dernière pouvant en disposer sans aucune restriction et les administrer, la dépositaire étant entièrement et définitivement déchargée par sa seule signature.
La titulaire en nom des dépôt et compte devra par conséquent apporter à la dépositaire la preuve du décès de Mademoiselle Gabrielle B... aux fins de pouvoir entrer en pleine possession des avoirs existant en son nom. Par jugement du 21 juin 1961, B... Gabrielle est devenue la tutrice de Z... Wanda en remplacement de Z... Fernand, lequel devait décéder le 25 mars 1965. A la suite du décès de Z... Sarah (le 22 mars 1971), un compte joint a été ouvert dans la même banque, le 14 avril 1971, au nom de ses héritiers, ses frère et s.ur Z... Abramo et ADDA Wanda, sous le numéro 586.095. Au décès de Z... Abramo (le 6 octobre 1975), sa veuve Z... C... lui a succédé en qualité de co-titulaire du compte avec Z... Wanda. Il était prévu que le compte fonctionne sous la double signature de
Z... C... et de B... Gabrielle, en sa qualité de tutrice légale de Z... Wanda. Entre le 12 avril 1985 et le 26 avril 1985, B... Gabrielle a retiré en espèces la totalité des fonds déposés sur les deux comptes ouverts à l'UBS. Ces retraits ont été effectués pour un montant - exprimé en francs français de l'époque, chacun des comptes étant divisé en deux sous-comptes, l'un en dollars américains, l'autre en francs suisses - de 18.357.080 Frs pour le compte 571.714 et de 2.878.120 Frs pour le compte 586.095. Les virements qui alimentaient régulièrement le compte ouvert au nom de Z... Wanda au Crédit Lyonnais de Cannes, de 45.000 Frs par trimestre depuis le compte 571.714 et de 200.000 Frs par an depuis le compte 586.095, se sont néanmoins poursuivis jusqu'à la mort de B... Gabrielle, survenue le 27 septembre 1992. Depuis le 4 avril 1991, celle-ci avait été remplacée dans ses fonctions de tutrice par un nommé WEISS Georges.
Attendu, de manière liminaire, que le prévenu ne conteste pas que les fonds déposés sur le compte joint 586.095, vidé par B... Gabrielle en avril 1985, appartenaient pour moitié à Z... Wanda et pour moitié à Z... C... ; Attendu, concernant le compte 571.714, que l'analyse du contrat susvisé du 26 août 1958 ne laisse aucun doute sur le fait que Z... Wanda, titulaire dudit compte et destinataire des courriers de la banque, était la propriétaire des fonds qui y étaient déposés ; que l'objet principal du contrat n'était pas de régir les rapports entre B... Gabrielle et Z... Wanda, représentée par son tuteur, mais les relations entre la banque et ses clients ; que la clause par laquelle l'UBS était entièrement et définitivement déchargée par la seule signature de B... Gabrielle s'explique, comme l'a justement retenu le tribunal, par le fait que le propriétaire des fonds était un majeur protégé, la banque n'ayant pas vocation à s'immiscer dans les rapports entre le titulaire du
compte et son gestionnaire, ni à apprécier, pour chaque opération, l'étendue des pouvoirs de celui-ci sur les fonds de celui-là ; qu'au demeurant, une telle clause, si B... Gabrielle avait été le propriétaire des fonds, aurait été dépourvue de tout intérêt ; Attendu que X... Alexandre a encore soutenu que les fonds du compte 571.714 auraient été apportés par B... Gabrielle ; Mais attendu, d'une part, qu'une telle circonstance serait sans incidence sur l'existence de l'infraction, dès lors que lesdits fonds, à compter de leur dépôt sur le compte 571.714, le 26 août 1958, étaient la propriété de Z... Wanda ; Attendu, d'autre part, que cet argument est contredit, non seulement par les témoignages des membres de la famille Z... et des proches, mais encore par une note manuscrite de B... Gabrielle indiquant que Z... Wanda "reçoit 45.000 Frs par trimestre de son père" ; Attendu, enfin, que X... Alexandre produit une étude du
cabinet PRICE WATERHOUSE COOPERS en Cependant, les versements devaient s'interrompre dès la semaine suivant le décès de B... Gabrielle. Des investigations ont alors été menées par WEISS Georges puis par APREA Robert, qui lui a succédé en qualité de tuteur, le 28 septembre 1993, aux fins notamment de connaître la nature et l'origine des fonds qui avaient fait l'objet des versements périodiques, ainsi que les raisons de la brutale cessation de ces versements. L'enquête menée auprès de l'UBS, d'abord de manière privée puis dans le cadre d'une information, ouverte devant le juge d'instruction de Grasse sur plainte avec constitution de parie civile du tuteur, le 7 avril 1994, a conduit à la mise en cause de X... Alexandre, filleul de B... Gabrielle, à qui il est reproché d'avoir été à la fois l'instigateur et le principal bénéficiaire des agissements de cette dernière. MOYENS DES PARTIES : X... Alexandre fait observer qu'eu égard à la date des faits, l'article 408 de l'ancien code pénal, plus restrictif en ce qui concerne l'incrimination d'abus de
confiance, est seul applicable en la cause. A titre principal, il fait valoir que B... Gabrielle n'a pas commis d'abus de confiance au préjudice de Z... Wanda et qu'en conséquence, lui-même ne peut se voir reprocher ni complicité, ni recel de ce délit. Au soutien de ce moyen, il fait valoir : - que le contrat conclu le 25 août 1958, entre B... Gabrielle, Z... Fernand et l'UBS, ne constitue ni un mandat, ni quelqu'autre contrat limitativement énuméré à l'article 408 de l'ancien code pénal ; - qu'en tout état de cause, B... Gabrielle était propriétaire des fonds litigieux, d'une part, aux termes du contrat susvisé et, d'autre part, en tant qu'apporteuse desdits fonds, et que, dès lors, il ne peut lui être reproché aucun détournement ; - qu'en transférant les sommes retirées des comptes 571.714 et 586.095 (compte Wanda Z... et compte joint Wanda et C... Z...) sur le compte 505.374 (compte Fondation SIZERIN) ouvert à la même
banque, B... Gabrielle a date du 22 septembre 2005, dont les conclusions ont été exposées à l'audience par le témoin DI A... Jean-Louis, dont il résulterait que la fortune propre de B... Gabrielle, qualifiée d'immense par le prévenu, s'établirait, sur la base de ses déclarations fiscales de l'année 1945, relatives à l'impôt de solidarité nationale, à un patrimoine en 2001 d'un montant compris au minimum entre 12,3 et 16,9 millions d'euros ; Mais attendu que le montant du patrimoine déclaré en 1945 s'établit à la somme de 3.494.629 Frs, dont la majeure partie (1.800.000 Frs) est constituée par la villa familiale Oasis El Beida à Cannes ; que, selon la partie civile, cette villa a été achetée par Z... Fernand le 30 juin 1941, mais déclarée au nom de B... Gabrielle en raison des persécutions raciales dont souffraient les juifs sous le régime de Vichy ; que la partie civile fait valoir que cette maison a été restituée aux enfants de Z... Fernand en 1950 ; que la position de la partie civile est confortée, d'une part,
par l'absence de toute indication fournie sur l'origine des versements en espèces (800.000 Frs) et en chèque (276.920,50 Frs) qui ont alimenté le compte de B... Gabrielle au Crédit Lyonnais en avril et mai 1941, et, d'autre part, par une lettre de B... Gabrielle, datée du 14 octobre 1974, dans laquelle celle-ci indique avoir "soi-disant vendu" la villa aux enfants de Z... Fernand en 1951 ; Que, selon les tables publiées par l'INSEE concernant le pouvoir d'achat de l'euro et du franc, qui mesure l'érosion monétaire due à l'inflation, une somme de 3.494.629 Frs en 1945 (dont la valeur nominale est de 5.327,53 ç) correspond à un pouvoir d'achat de 2.335.505,50 Frs soit 356.045,52 ç en 2001 ; qu'il s'agit certes de statistiques relatives au pouvoir d'achat fondées sur l'indice général des prix entrant dans la consommation des ménages ; que, toutefois, la lecture du graphique représentant l'évolution du pouvoir d'achat des actions françaises, des obligations, du monétaire et de l'immobilier résidentiel parisien
en France de 1857 à 2001, figurant au rapport PRICE WATERHOUSE COOPERS susvisé, rendue malaisée par sa graduation logarithmique, fait apparaître une progression de l'ordre de 1 à 60 au maximum entre 1945 et 2001, ce qui tend à une valorisation encore plus basse que celle calculée sur la base des statistiques de l'INSEE ; que l'évaluation du rapport susvisé, comprise entre 12,3 millions à 16,9 millions d'euros, valeur 2001, et reprise à l'audience par le témoin, est approximativement 40 fois supérieure à la réalité et donc manifestement fausse, pour ne pas dire de complaisance, venant de "l'un des quatre cabinets les plus importants au monde" ; Que la fortune de B... Gabrielle en 1945, équivalant en pouvoir d'achat à une somme comprise entre 355.878,84 ç (villa de Cannes comprise) et 1.132.542,35 Frs soit 172.654,97 ç (villa de Cannes non comprise) en 2001, loin d'être "immense", était sans aucune relation avec les sommes prélevées en 1985, d'un montant total de 21.235.200 Frs soit, selon les tables de l'INSEE, 29.788.794,67 Frs ou 4.541.272,47 ç en 2001 ; Qu'il résulte de ce qui précède que, non seulement les fonds appartenaient juridiquement à Z... Wanda, la titulaire du compte, mais
qu'il ne pouvaient en aucun cas provenir de la fortune personnelle de B... Gabrielle ; 1.3.3- Sur le détournement Attendu qu'il résulte de l'expertise LUCCHESI que la totalité des fonds appartenant à Z... Wanda et Z... C..., déposés sur les comptes 571.714 et 586.095 à l'UBS, a été transférée sur d'autres comptes numérotés ouverts à l'UBS au nom de la Fondation SIZERIN, à l'exception d'une somme de 1.173.000 Francs suisses, retirée le 12 avril 1985, dont le montant représente précisément la contre-valeur d'un dépôt de 4.250.000 Francs français, effectué le même jour en espèces sur un compte ouvert à la même banque au nom de X... Alexandre -le taux de change FS/FF étant au 31/12/1985, hors commission bancaire, de 3,64 ; Que, selon l'article 1er du règlement
de la Fondation SIZERIN, constituée au Liechtenstein, B... Gabrielle possédait, sa vie durant, "tous les droits sur la fortune et les revenus" de cette entité ; que, selon les articles 2 et 3 dudit règlement, Z... Wanda n'avait le droit que de percevoir les revenus générés par cette fortune, mais seulement après le décès de B... Gabrielle et dans la limite de ses "besoins d'existence", tels que déterminés unilatéralement par X... Alexandre ; Qu'ainsi, le transfert des fonds litigieux des comptes 571.714 et 586.095 sur ceux de la Fondation SIZERIN a constitué une véritable spoliation de Z... Wanda, qui s'est trouvée, à la suite de cette opération, expropriée de ses propres biens ; 1.3.4- Sur l'intention frauduleuse Attendu que pour réaliser ce transfert, B... Gabrielle a retiré en espèces l'intégralité des fonds déposés sur les comptes 571.714 et 586.095, avant de déposer ces espèces, le jour même et pour des montants identiques, sur des comptes ouverts à l'UBS au nom de la Fondation SIZERIN ; qu'en procédant de la sorte, plutôt que d'opérer par virements de compte à compte au sein du même établissement bancaire, B... Gabrielle a manifestement cherché à dissimuler l'identité du bénéficiaire des
fonds retirés des comptes de sa pupille ; qu'il a du reste fallu qu'une commission rogatoire internationale soit délivrée par le juge d'instruction pour que soit mis à jour le processus de cette opération, dont son auteur avait voulu faire disparaître les traces ; que l'intention frauduleuse est ainsi caractérisée ; Attendu que le prévenu critique ce qu'il considère comme une motivation contradictoire du jugement, concernant l'intention coupable de B... Gabrielle ; qu'il fait valoir que les premiers juges ont caractérisé l'état de faiblesse de cette dernière, en retenant notamment qu'elle était "littéralement harcelée" par lui et "tombée sous sa coupe" et qu'elle n'avait pas "sa lucidité" ; qu'il en conclut que B... Gabrielle ne peut, dans ces conditions, être considérée comme ayant été, à l'époque des faits, pénalement responsable de ses actes, et que l'élément moral de l'infraction principale n'est pas constitué ; Mais attendu qu'il ressort seulement du dossier que B... Gabrielle, âgée de 85 ans à la date des faits, a agi sous l'influence
de X... Alexandre, qui était son filleul, qui vivait à ses côtés et auquel l'attachait une affection d'ordre maternel ; que les premiers juges n'ont nullement caractérisé, en ce qui la concerne, une cause d'irresponsabilité pénale, s'étant bornés à faire ressortir, à la charge du prévenu, les éléments constitutifs de la complicité par instigation ; 1.3.5- Sur le préjudice Attendu que le préjudice consiste en la perte des fonds dont Z... Wanda était propriétaire jusqu'en avril 1985 ; Que l'argument selon lequel ces fonds auraient par la suite été utilisés au bénéfice de la victime, pour l'entretien de la villa de Cannes (12 domestiques) et du manoir dans l'Indre (3 domestiques), ne saurait être retenu ; Qu'en effet, une partie significative des fonds appartenant à Z... Wanda a été remise, dès le mois d'avril 1985, à X... Alexandre ; Que, par ailleurs, il ne restait que 84.000 dollars canadiens (très approximativement 420.000 Frs français), en novembre 1996, d'un patrimoine représentant, pour Wanda et C...
Z..., la somme de 21.235.200 Frs français, en avril 1985 ; que si Z... Wanda a pu bénéficier, de manière très indirecte et marginale, des sommes dépensées dans l'entretien de la villa et du manoir, l'affectation de ces sommes a essentiellement permis à B... Gabrielle de maintenir son train de vie somptuaire ; Attendu, en définitive, que l'infraction principale d'abus de confiance au préjudice de Z... Wanda, dont il est reproché à X... Alexandre d'avoir été le complice et le receleur, est constituée en tous ses éléments ; 1.4- Sur les faits de complicité et de recel : Attendu que les actes de complicité par instigation, reprochés à X... Alexandre, ont été caractérisés par le jugement ; qu'ils résultent des témoignages des proches relatant, d'une part, les demandes incessantes d'argent du prévenu à sa marraine, et, d'autre part, l'influence que celui-là exerçait sur cette dernière ; Que l'ouverture par X... Alexandre d'un
compte à son nom personnel à l'UBS, dès le 12 avril 1985, comme le fait que la société CAHLAL SA, dont il est l'ayant droit économique, ait adressé, dès le 11 avril 1985, une lettre au notaire l'informant de l'obtention d'un prêt de 1,5 MF par l'intéressé, démontrent le degré d'implication de ce dernier dans la genèse des actes commis par B... Gabrielle ; Qu'enfin, il est difficile d'imaginer qu'une dame de 85 ans, dont l'activité financière avait été auparavant des plus réduites, ait décidé subitement et de son propre chef de créer une fondation au Liechstenstein, de vider par des retraits d'espèces les comptes de sa pupille et d'en transférer le produit sur des comptes ouverts au nom de cette fondation dans la même banque ; qu'un tel comportement est d'autant plus inexplicable, sans l'intervention du prévenu, que le dévouement passé de B... Gabrielle à l'égard de Z... Wanda a été relevé par tous les témoins ; Attendu que les actes de recel reprochés à X... Alexandre sont mis en évidence par le rapport d'expertise LUCCHESI, s'agissant, en particulier, du
dépôt de 4.250.000 Francs français, le 12 avril 1985, sur le compte ouvert au nom du prévenu à l'UBS, ainsi que des nombreux transferts opérés ultérieurement, depuis les comptes de la Fondation SIZERIN vers le compte no 269.292 ouvert au nom de la société CAHLAL SA, que le prévenu a régulièrement utilisée par la suite pour financer ses activités professionnelles en France ; Qu'il résulte d'une lettre adressée à l'UBS, le 1er novembre 1989, sous la double signature de B... Gabrielle et de X... Alexandre, demandant des comptes à la banque sur ses méthodes de gestion, que ce dernier se comportait en gérant de fait du patrimoine de la Fondation SIZERIN ; Qu'il faut encore relever que le prévenu, qui ne disposait pas de fortune personnelle, a acheté sa première galerie d'art à Cannes en 1985, pour une somme de 4.000.000 de Frs, très proche dans son montant du versement de 4.250.000 Frs opéré à la même époque sur son compte à Genève ; Qu'il convient, en conséquence, de confirmer le jugement déféré sur la culpabilité, concernant les actes commis au préjudice de Z... Wanda, et d'entrer en voie de
relaxe concernant les actes commis au préjudice de Z... C... 2- Sur la peine Attendu que les infractions dont X... Alexandre s'est rendu coupable ont eu pour effet de spolier de ses biens une majeure protégée, que le prévenu, selon ses déclarations à l'audience, considère comme sa propre s.ur ; qu'en raison de leur gravité et du montant des sommes détournées, elles doivent être sanctionnées par une peine d'emprisonnement sans sursis, malgré l'absence d'antécédent judiciaire de leur auteur.
Sur l'action civile : Attendu que Z... Wanda a subi un préjudice directement causé par l'infraction, en l'espèce la spoliation des fonds dont elle était propriétaire, jusqu'au mois d'avril 1985, à l'UBS ; que la constitution de partie civile de APREA Robert, ès-qualités, est donc recevable ; Qu'il importe peu de savoir si le prévenu a été le seul bénéficiaire des détournements dont s'agit, ou si B... Gabrielle en a également profité, dès lors qu'en étant complice de
l'abus de confiance commis par cette dernière, il a directement contribué à la réalisation de l'entier préjudice ; Attendu que Z... Wanda était propriétaire de l'intégralité des fonds déposés sur le compte 571.714, soit la contre-valeur en francs français de 18.357.080 Frs, et de la moitié des fonds déposés sur le compte 586.095, soit la contre-valeur en francs français de 1.439.060 Frs, ce qui représente la somme globale de 19.786.140 Frs ; que le pouvoir d'achat de cette somme, actualisé suivant l'indice INSEE, est équivalent, en 2004, à 4.498.474,85 ç ; Qu'il convient de Qu'il convient de tenir compte, en outre, des éléments suivants : - la poursuite par B... Gabrielle, entre 1985 et septembre 1992, de versements périodiques correspondant à 380.000 Frs par an ; - l'absence de tout versement similaire depuis cette date ; - l'indemnisation transactionnelle de l'UBS, en date du 21 novembre 1996, soit 195.900 dollars américains, à laquelle s'ajoute le solde des avoirs de la Fondation SIZERIN, soit 84.000 dollars canadiens ; - le préjudice morale de la victime, majeure
protégée, presque totalement spoliée par celui qui a été élevé au sein de sa famille et qu'elle pouvait considérer comme son frère ; Que le préjudice global de Z... Wanda sera évalué, toutes causes confondues, à la somme de 5,2 Mç. PAR CES MOTIFS : LA COUR, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire à l'égard de X... Alexandre et à l'égard de APREA Robert, ès-qualités, en matière correctionnelle, après en avoir délibéré conformément à la loi,
En la forme, Reçoit les appels formés par X... Alexandre et par le Ministère Y....
Au fond, Relaxe X... Alexandre des chefs de complicité d'abus de confiance et de recel d'abus de confiance, en ce qui concerne les faits commis au préjudice de Z... C.... Confirmant le jugement déféré sur le surplus de la prévention, Déclare X... Alexandre coupable de complicité d'abus de confiance et de recel d'abus de confiance au
préjudice de Z... Wanda. Le condamne à la peine de dix-huit mois d'emprisonnement. Confirme le jugement déféré en ce qu'il a reçu APREA Robert, en sa qualité de tuteur légal de la majeure protégée Z... Wanda. Condamne X... Alexandre à lui payer la somme de 5.200.000 ç à titre de dommages-intérêts. Confirme le jugement du chef de l'indemnité prononcée au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale. Y ajoutant, Condamne X... Alexandre à payer à APREA Robert, ès-qualités, la somme de 4.500 ç au titre des frais exposés en cause d'appel, sur le même fondement. Le tout conformément aux articles visés au jugement et au présent arrêt, et aux articles 512 et suivants du code de procédure pénale. COMPOSITION DE LA COUR PRÉSIDENT:
Monsieur LACAN conseiller, désigné par ordonnance de Monsieur le Premier Président de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 17 janvier 2003, en remplacement du président titulaire empêché CONSEILLERS:
Madame D...
Madame MICHEL MINISTERE Y... : Monsieur E..., Substitut Général GREFFIER : Madame F..., lors des débats
Monsieur G... lors du prononcé Le Président et les assesseurs ont participé à l'intégralité des débats et au délibéré. L'arrêt a été lu par le Président conformément à l'article 485 dernier alinéa du Code de Procédure Pénale en présence du Ministère Y... et du Greffier. LE GREFFIER
LE PRESIDENT La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de120 euros dont est redevable chaque condamné.