COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE 10 Chambre ARRÊT AU FOND DU 19 DECEMBRE 2006 No/2006 Rôle No 03/13241 FGTI FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS C/ Nora X... Grosse délivrée le : à : réf Décision déférée à la Cour : Décision rendue le 23 Juin 2003 par la Commission d'Indemnisation des Victimes d'Infractions Pénales près le Tribunal de Grande Instance de GRASSE, enregistrée au répertoire général sous le no 99/68. APPELANT FGTI -FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET AUTRES INFRACTIONS, (article L 422.1 du Code des Assurances), géré par le Fonds de Garantie des Assurances obligatoires (FGAO), dont le siège social est sis 64 rue Defrance 94300 VINCENNES pris en la personne de son Directeur Général élisant domicile en sa délégation de MARSEILLE où est géré ce dossier sise, ... - 13006 MARSEILLE représenté par la SCP BLANC AMSELLEM-MIMRAN CHERFILS, avoués à la Cour, assisté de Me Alain TUILLIER, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE INTIMEE Mademoiselle Nora X... née le 04 Juin 1974 à SARREGUEMINES (57200), demeurant ... - 06300 NICE représentée par la SCP SIDER, avoués à la Cour, assistée de Me Guillemette BIGAND, avocat au barreau de GRASSE COMPOSITION DE LA COUR L'affaire a été débattue le 24 Octobre 2006 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Nouveau Code de Procédure Civile, Mme Y..., Présidente a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries. La Cour était composée de : Madame Joùlle Y..., Présidente Madame Bernadette KERHARO-CHALUMEAU, Conseiller Monsieur Benjamin RAJBAUT, Conseiller qui en ont délibéré Greffier lors des débats : Madame Geneviève Z... Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Décembre 2006.. MINISTERE PUBLIC : Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée. ARRÊT Contradictoire, Prononcée par mise à disposition au greffe le 19
Décembre 2006. Signé par Madame Joùlle Y..., Présidente et Madame Geneviève Z..., greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. EXPOS DU LITIGE
Par requête déposée le 21 décembre1998 devant la Commission d'Indemnisation des Victimes d'Infractions Pénales près le Tribunal de Grande Instance de GRASSE, Mlle Nora X... expose qu'elle a été victime d'une agression commise le 30 juin 1997 à MANDELIEU (Alpes-Maritimes) par un auteur non identifié.
Elle demande qu'une expertise médicale soit ordonnée et qu'une provision de 30.000 F. (4.573,47 ç) lui soit allouée.
Par décision du 6 septembre 1999, la Commission d'Indemnisation des Victimes d'Infractions Pénales près le Tribunal de Grande Instance de GRASSE a ordonné une expertise médicale de Mlle Nora X..., confiée au Dr Olivier A..., et lui a alloué une provision de 5.000 F. (762,25 ç) à valoir sur la réparation de son préjudice corporel.
L'expert a déposé son rapport le 29 février 2000.
Par ordonnance du Président de la Commission d'Indemnisation des Victimes d'Infractions Pénales près le Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 23 août 2000, une provision complémentaire de 35.000 F. (5.335,72 ç) a été allouée à Mlle Nora X...
Par décision du 28 mai 2001, la Commission d'Indemnisation des Victimes d'Infractions Pénales près le Tribunal de Grande Instance de GRASSE a ordonné une nouvelle expertise médicale de Mlle Nora X..., confiée aux Drs Olivier A... et Philippe B....
Les experts ont déposé leur rapport le 20 juillet 2001.
Par décision du 23 juin 2003, la Commission d'Indemnisation des Victimes d'Infractions Pénales près le Tribunal de Grande Instance de GRASSE a alloué à Mlle Nora X..., avec exécution provisoire, en deniers ou quittance, la somme de 98.149 ç 45 c. au titre du préjudice soumis à recours et celle de 16.000 ç au titre du préjudice
personnel, en réparation de son dommage, ainsi que la somme de 1.000 ç en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, la déboutant du surplus de ses demandes.
Le FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS, géré par le Fonds de Garantie d'Assurances Obligatoires, a régulièrement interjeté appel de cette dernière décision le 22 juillet 2003 (enrôlé le 28 juillet 2003).
Vu les conclusions du FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS, géré par le Fonds de Garantie d'Assurances Obligatoires, en date du 7 août 2003.
Vu les conclusions de Mlle Nora X... en date du 23 mai 2005.
Le Ministère Public s'en rapporte le 25 juillet 2006
Vu l'ordonnance de clôture en date du 25 septembre 2006. SURQUOI LA COUR
Attendu que le droit à indemnisation de Mlle Nora X... n'est pas contesté et que la Cour n'a à statuer que sur la liquidation de son préjudice.
Attendu que les rapports d'expertise médicale sont complets et documentés et ne sont pas critiqués par les parties, qu'il en ressort que Mlle Nora X..., née le 4 juin 1974, a été victime, le 30 juin 1997, d'une agression avec tentative de viol ayant entraîné de nombreuses blessures physiques (éraflure de la queue du sourcil droit, hématome conjonctival gauche, hématome de la paupière supérieure gauche, éraflure du nez côté droit, hématome du menton côté gauche, hématome du cou, éraflure de l'épaule droite, hématomes des jambes, hématome du bras gauche, hématome du dos, érosion du pouce de la main gauche) ainsi qu'une névrose post-traumatique sévère.
Attendu que cette agression a en effet profondément bouleversé le fonctionnement psychique de Mlle Nora X... qui, au jour du
deuxième examen, était encore en proie à des attaques de panique, présentant une anxiété généralisée et multipliant les comportements contra-phobiques vis-à-vis d'une future agression toujours redoutée. Attendu que cette névrose post-traumatique sévère est stabilisée, même si un suivi spécialisé reste nécessaire pour une durée encore indéterminée.
Attendu que les experts concluent à une I.T.T. du 30 juin 1997 au 20 juillet 1997 puis du 28 juillet 1997 au 10 août 1998, suivie d'une I.T.P. à 1/3 jusqu'au 28 juin 2001, date de consolidation, qu'ils fixent le taux d'I.P.P. au titres séquelles psychologiques à 20 %, la victime n'étant plus en mesure de reprendre son activité antérieure de serveuse dans un établissement de nuit.
Attendu que les experts évaluent le préjudice au titre des souffrances endurées à 4,5/7 et retiennent l'existence d'un préjudice d'agrément pour certaines activités sportives, qu'ils ne peuvent pas évaluer un éventuel préjudice esthétique, la victime ne s'étant pas prêtée à l'examen. Le préjudice corporel économique soumis au recours des tiers payeurs :
Attendu que la décision déférée a évalué ainsi qu'il suit le préjudice corporel économique de Mlle Nora X... : - Pertes de revenus au titre de l'I.T.T. : 30.149 ç 45 c., - Gêne dans les actes de la vie courante pendant l'I.T.P. : 16.000 ç, - I.P.P. avec incidence professionnelle : 52.000 ç. TOTAL : 98.149 ç 45 c.
Attendu que le F.G.A.O. demande de réduire le montant de ces indemnisations tandis que Mlle Nora X..., appelante incidente, présente
Attendu que le F.G.A.O. demande de réduire le montant de ces indemnisations tandis que Mlle Nora X..., appelante incidente, présente les demandes suivantes : - Perte de revenus pendant l'I.T.T.
et l'I.T.P. : 30.149 ç 45 c., - Gêne dans les actes de la vie courante pendant l'I.T.T. et l'I.T.P. : 25.500 ç, - I.P.P. : 40.000 ç, - Préjudice professionnel : 70.637 ç 34 c.
Attendu que la C.P.A.M. des Alpes-Maritimes a fait connaître au F.G.A.O. le montant de ses débours pour un montant global de 29.514 F. 27 c. (4.499,42 ç) comprenant les frais médicaux pour 330 F. (50,31 ç), les indemnités journalières pour 25.932 F. 27 c. (3.953,35 ç) et un capital forfaitaire de 3.252 F. (495,76 ç) au titre de son I.P.P.
Attendu qu'en ce qui concerne l'incidence professionnelle temporaire, il résulte des pièces régulièrement produites aux débats par Mlle Nora X... que celle-ci a été en arrêt de travail et n'a jamais repris son emploi de serveuse pendant toute la durée de son incapacité temporaire, tant totale que partielle à 33 %, qu'ainsi son incidence professionnelle temporaire est totale jusqu'à la date de consolidation.
Attendu qu'au vu des bulletins de paie produits et du décompte très précis de Mlle Nora X... dans ses conclusions d'appel, au demeurant non contesté par le F.G.A.O. dans ses propres conclusions, il apparaît que son incidence professionnelle temporaire se monte à la somme globale de 30.149 ç 45 c. pour la période du 30 juin 1997 au 28 juin 2001.
Attendu qu'outre cette incidence professionnelle temporaire, Mlle Nora X... subit un préjudice résultant de la gêne dans les actes de la vie courante pendant la durée de son I.T.T. et de son I.T.P., que la Cour évalue ce préjudice, au vu des éléments de la cause, à la somme globale de 10.000 ç.
Attendu qu'en ce qui concerne le déficit fonctionnel séquellaire et l'incidence professionnelle définitive il apparaît des rapports d'expertise que si Mlle Nora X... n'est plus apte à reprendre son
activité antérieure de serveuse dans un établissement de nuit, elle n'est pas pour autant médicalement inapte à toute activité professionnelle, que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont indemnisé Mlle Nora X... par une majoration de la valeur du point d'incapacité pour tenir compte de l'incidence professionnelle induite par son taux d'I.P.P. et en évaluant son déficit fonctionnel à la somme de 52.000 ç avec incidence professionnelle.
Attendu qu'en fonction de ces éléments le préjudice corporel économique de Mlle Nora X... soumis au recours des tiers payeurs sera évalué ainsi qu'il suit : - Frais médicaux : 50 ç 31 c., - Incidence professionnelle temporaire :
30.149 ç 45 c., - Gêne dans les actes de la vie courante : 10.000 ç, - Déficit fonctionnel séquellaire avec incidence professionnelle :
52.000 ç. TOTAL : 92.199 ç 76 c. dont il convient de déduire la créance de la C.P.A.M. des Alpes-Maritimes (4.499 ç 42 c.), il revient à ce titre à la victime la somme de 87.700 ç 34 c. Le préjudice corporel à caractère personnel :
Attendu que la décision déférée a évalué ainsi qu'il suit le préjudice à caractère personnel de Mlle Nora X... : - Pretium doloris : 9.000 ç, - Préjudice d'agrément : 7.000 ç. TOTAL : 16.000 ç.
Attendu que le F.G.A.O. ne critique, dans ses conclusions, que l'évaluation du préjudice corporel économique et qu'il ne fait donc aucune critique concernant l'évaluation du préjudice corporel à caractère personnel.
Attendu que pour sa part Mlle Nora X... présente les demandes suivantes : - Pretium doloris : 20.000 ç, - Préjudice d'agrément : 6.000 ç, - Préjudice esthétique : 2.000 ç.
Attendu que le préjudice au titre des souffrances endurées sera évalué à la somme de 10.000 ç compte tenu des conclusions expertales
telles qu'analysées ci-dessus.
Attendu qu'il sera alloué à Mlle Nora X... la somme de 6.000 ç qu'elle demande en cause d'appel au titre de son préjudice d'agrément.
Attendu qu'en ce qui concerne le préjudice esthétique, Mlle Nora X... fait état, dans ses conclusions, de l'existence d'une cicatrice à l'épaule, que cependant l'existence même de cette cicatrice n'a pu être constatée par les experts judiciaires, Mlle Nora X... n'ayant pas voulu se laisser examiner.
Attendu que le certificat médical initial du Dr. Gérard PAGE, en date du 1er juillet 1997, ne mentionne à l'épaule droite qu'une "éraflure", que Mlle Nora X... ne produit aucun document (certificat médical, attestation, photographie, etc) justifiant de l'existence d'une cicatrice pouvant résulter de son agression, que c'est donc à juste titre que les premiers juges n'ont pas retenu l'existence d'un préjudice esthétique.
Attendu en conséquence que le préjudice corporel à caractère personnel de Mlle Nora X... sera évalué à la somme globale de 16.000 ç.
Attendu que le préjudice corporel de Mlle Nora X... sera donc évalué à la somme globale de 103.700 ç 34 c., créance de l'organisme social déduite.
Attendu que Mlle Nora X... a déjà perçu des provisions, telles que rappelées ci-dessus, pour un montant global de 40.000 F. (6.097,96 ç).
Attendu dès lors que la décision déférée sera infirmée et que, statuant à nouveau, il sera alloué à Mlle Nora X... une indemnité de 97.602 ç 38 c. en réparation de son préjudice, provisions déduites.
Attendu qu'il est équitable d'allouer à Mlle Nora X... la somme de
1.000 ç au titre des frais par elle exposés et non compris dans les dépens.
Attendu que conformément aux dispositions des articles R 91 et R 92, 15o du Code de Procédure Pénale, il convient de laisser la charge des dépens au Trésor Public avec distraction au profit des avoués de la cause. PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement.
Infirme la décision déférée et, statuant à nouveau :
Évalue le préjudice corporel économique de Mlle Nora X..., soumis au recours des tiers payeurs, à la somme de QUATRE VINGT DOUZE MILLE CENT QUATRE VINGT DIX NEUF EUROS SOIXANTE SEIZE CENTS (92.199 ç 76 c.).
Fixe la créance de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE des Alpes-Maritimes à la somme de QUATRE MILLE QUATRE CENT QUATRE VINGT DIX NEUF EUROS QUARANTE DEUX CENTS (4.499 ç 42 c.).
Évalue le préjudice corporel à caractère personnel de Mlle Nora X... à la somme de SEIZE MILLE EUROS (16.000 ç).
Alloue à Mlle Nora X... une indemnité de QUATRE VINGT DIX SEPT MILLE SIX CENT DEUX EUROS TRENTE HUIT CENTS (97.602 ç 38 c.) en réparation de son préjudice corporel global, créance de l'organisme social et provisions déduites.
Dit que cette indemnité sera versée par Monsieur le Directeur Général du FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS, géré par le Fonds de Garantie d'Assurances Obligatoires, dans le mois de la réception de l'expédition du présent arrêt.
Alloue à Mlle Nora X... la somme de MILLE EUROS (1.000 ç) au titre des frais exposés et non compris dans les dépens qui sera à la charge du Trésor Public et recouvrée comme les dépens.
Laisse les dépens de la procédure à la charge du Trésor Public.
Autorise les avoués de la cause à recouvrer directement ceux des
dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision. Rédacteur : M. RAJBAUT Madame Z...
Madame Y... C...
PRÉSIDENTE