COUR D' APPEL D' AIX EN PROVENCE 10o Chambre
ARRÊT AU FOND DU 19 FÉVRIER 2008 MA / B No 2008 /
Rôle No 06 / 14635
SA SOUP' IDEAL
C /
Issiaka X... Ramatou X... Moulikatou X... épouse Y... CAISSE PRIMAIRE D' ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHÔNE
Grosse délivrée le : à :
réf
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 15 Mai 2006 enregistré au répertoire général sous le no 04 / 4758.
APPELANTE
SA SOUP' IDEAL, prise en la personne de son Président Directeur Général en exercice, domicilié en cette qualité audit siège sis, demeurant Allée d' Allemagne Artoipole Feuchy- 62223 ST LAURENT BLANGY représentée par la SCP BLANC AMSELLEM- MIMRAN CHERFILS, avoués à la Cour, assisté de la SCP AUTISSIER J. J- TRAMONI- BORONAD A. (ASS), avocats au barreau de MARSEILLE
INTIMES
Monsieur Issiaka X..., pris en sa qualité d' héritier de Mme Andréa X... décédée le 31. 12. 1999 à NANS LES PINS né le 01 Janvier 1964 à AKASSATO (DAHOMEY), demeurant...- 13119 ST SAVOURNIN représenté par la SCP SIDER, avoués à la Cour, ayant la SCP HADDAD- REBUFFAT- LAVIGNAC, avocats au barreau de MARSEILLE
Madame Ramatou X..., prise en sa qualité d' héritière de Mme Andréa X... décédée le 31. 12. 1999 à NANS LES PINS née en 1962 à AKASSATO (DAHOMEY), demeurant...- 1280 COTONOU- REPUBLIQUE DU BENIN représentée par la SCP SIDER, avoués à la Cour, ayant la SCP HADDAD- REBUFFAT- LAVIGNAC, avocats au barreau de MARSEILLE
Madame Moulikatou X... épouse Y..., prise en sa qualité d' héritier de Mme Andréa X... décédée le 31. 12. 1999 à NANS LES PINS née en 1962 à AKASSATO (DAHOMEY), demeurant...- 90062 LOS ANGELES- 70900 USA représentée par la SCP SIDER, avoués à la Cour, ayant la SCP HADDAD- REBUFFAT- LAVIGNAC, avocats au barreau de MARSEILLE
CAISSE PRIMAIRE D' ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHONE, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège sis, 8 rue Jules Moulet- 13006 MARSEILLE représentée par la SCP SIDER, avoués à la Cour, assistée Me Christian DUREUIL, avocat au barreau d' AIX EN PROVENCE
COMPOSITION DE LA COUR
L' affaire a été débattue le 09 Janvier 2008 en audience publique. Conformément à l' article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Joëlle SAUVAGE, Présidente a fait un rapport oral de l' affaire à l' audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Joëlle SAUVAGE, Présidente Madame Bernadette KERHARO- CHALUMEAU, Conseiller Monsieur Benjamin RAJBAUT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Geneviève JAUFFRES. Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Février 2008.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Février 2008,
Signé par Madame Joëlle SAUVAGE, Présidente et Madame Geneviève JAUFFRES, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Vu le jugement rendu le 15 mai 2006 par le Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE,
Vu l' appel formalisé par la SA SOUP' IDEAL le 10 août 2006,
Vu les conclusions de l' appelante déposées et notifiées le 1er décembre 2006,
Vu les conclusions des consorts X... déposées et notifiées le 8 août 2007,
Vu l' ordonnance de clôture en date du 13 décembre 2007.
Par le jugement déféré le Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE a :
- dit que la SA SOUP' IDEAL est tenue de réparer et ce avec intérêt au taux légal à compter du jour du jugement, la totalité des dommages subis par Madame X... Andrée et par ses héritiers à la suite de l' intoxication au botulisme dont elle a été victime en janvier 1999,
- condamné la SA SOUP' IDEAL à payer :
1o) à Monsieur Issiaka X... et Mesdames X... en leur qualité d' héritiers de Madame Andrée X... la somme de 16 917, 55 € en réparation du préjudice corporel de cette dernière ;
2o) à Monsieur Issiaka X... et à Mesdames X... la somme de 17 000 € chacun en réparation de leur préjudice moral ;
3o) à la CAISSE PRIMAIRE D' ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHÔNE la somme de 311 610, 18 € en remboursement des débours qu' elle a exposés pour le compte de Madame Andrée X....
et ce avec intérêts au taux légal à compter du jugement.
- condamné la SA SOUP' IDEAL à verser au titre de l' article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile 2 000 € aux consorts X... et 1 000 € à la CAISSE PRIMAIRE D' ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHÔNE.
La SA SOUP' IDEAL conteste sa responsabilité dans le décès de Madame X... ; elle estime que ce jugement s' est fondé à tort sur les articles L 222- 1 et L 223- 1 du code de la consommation et sur les allégations de Madame X... qui n' auraient pas fait l' objet d' une vérification ; elle conclut au débouté des demandes et réclame 4 000 € au titre de l' article 700 du Code de Procédure Civile.
Subsidiairement elle conclut à la réformation des condamnations mises à sa charge ;
au rejet des réclamations personnelles au titre du préjudice moral et au titre du préjudice d' agrément ;
Elle offre :
- 4 500 € au titre de la gêne dans les actes de la vie courante,
- 450 € au titre de l' ITP à 45 % pendant 2 mois,
- 9 500 € au titre du pretium doloris,
- 7 500 € au titre du préjudice moral des enfants majeurs.
Les consorts X... concluent à la confirmation de la décision sur la responsabilité de la SA SOUP' IDEAL ;
Sur le montant des préjudices ils réclament en leur qualité d' héritiers de Madame X... en réparation du préjudice corporel subi par la défunte les sommes suivantes :
- ITT : 8 000, 00 €
- gêne ITT : 6 000, 00 €
- gêne ITP 45 % : 720, 00 €
- pretium doloris : 50 000, 00 €
- préjudice moral : 50 000, 00 €
- préjudice d' agrément : 15 000, 00 €
- à titre personnel en réparation de leur préjudice moral chacun réclame la somme de 70. 000 € outre chacun 2 000 € au titre de l' article 700 du Code de Procédure Civile.
La CAISSE PRIMAIRE D' ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHÔNE réclame le remboursement de ses débours (frais d' hospitalisation) s' élevant à 311 610, 18 €.
Attendu qu' ayant été hospitalisée à l' hôpital NORD en service de réanimation le 20 janvier 1999 suite à des nausées, vomissements, troubles de l' équilibre et respiratoires, il a été établi que Madame X... était atteinte de botulisme ;
Attendu que dans le cadre d' une enquête diligentée par l' Institut Pasteur à Paris à la demande de la Direction des Services Vétérinaires de la Préfecture des Bouches du Rhône, les produits alimentaires frais et conservés, retrouvés chez Madame X..., susceptibles de contenir la toxine litigieuse ont été saisis puis analysés ;
Attendu que l' enquête a révélé que " la recherche de toxine botulique effectuée sur un pack de soupe de poissons de marque IDEAL SOUP retrouvée chez Madame X... s' avérait positive ; que cette enquête mettait en évidence la présence de toxine botulique A et du clostridium botulinum de type A du même type que la toxine botulique dont était atteinte Madame X... ; que les analyses effectuées sur les autres produits détenus et conservés par Madame X... révélaient en revanche une absence de toxine botulique ;
Attendu que selon l' enquête des services vétérinaires diligentée auprès de la Société SOUP IDEAL il était établi que la soupe de poissons était préparée avec des poissons non éviscérés et que les conditions de préparation de cette soupe (pas de stérilisation mais une pasteurisation avec chauffage à 90o) " laissaient subsister des spores et des agents pathogènes ou potentiellement pathogènes siégeant dans l' intestin des poissons ; qu' il était établi que des conditions de conservation défectueuses pouvaient favoriser le développement de toxines actives à partir de spores inactives non éliminées par les conditions de la préparation, cette conservation défectueuse ne pouvant en aucun cas faire apparaître ces spores ;
Attendu que par conséquent force est d' admettre que la toxine botulique de type A était présente dans le pack de SOUP IDEAL conservé au domicile de Madame X... et que si les conditions de conservation de ce pack au domicile de Madame X... (dans un garde- manger à température ambiante) ont favorisé le développement de cette bactérie à partir des spores, cette présence dans le pack de soupe hermétique non ouvert à sa sortie d' usine résulte de ses conditions de préparation imputables à la Société ;
Attendu que l' identité du type A de bactérie ayant infectée Madame X... avec celui ayant été retrouvé dans le pack de soupe non consommé permet de tenir pour avéré, compte tenu de ce qu' il ne peut être sérieusement contesté que Madame X... a acheté le même jour, début janvier, 2 packs de soupe identiques au GÉANT CASINO de PLAN DE CAMPAGNE dont elle en a consommé un le 10 janvier 1999 avant d' être hospitalisée le 20 janvier 1999 et eu égard aux conditions de préparation et de conservation du produit mis en évidence par les enquêtes scientifiques, que Madame X... a été contaminée par la toxine botulique en consommant un pack de soupe de marque IDEAL SOUP ; que ce lien de causalité entre la contamination et le produit fabriqué par la SOCIÉTÉ SOUP IDEAL n' est pas contestable ; que le premier moyen d' appel est écarté ;
Attendu qu' il ressort de l' expertise médicale du Docteur Z... avec avis sapiteur du Docteur A... que Madame X... a présenté une intoxication alimentaire avec botulisme ayant entraîné une paralysie cause de l' aggravation de l' insuffisance respiratoire déjà traitée ; que si l' expert retient que la cause immédiate du décès de Madame X... le 31 décembre 1999 est une embolie pulmonaire chez une patiente présentant un état veineux déficient, il retient expressément que le botulisme a été le facteur déclenchant de l' insuffisance respiratoire nécessitant la réanimation ;
Attendu que la SOCIÉTÉ SOUP IDEAL est mal fondée à contester tout lien de causalité entre le décès de Madame X... et le botulisme dès l' instant que l' expert retient que l' affection de botulisme a décompensé une insuffisance respiratoire que Madame X... assumait avant d' être contaminée sans assistance dans les actes de la vie courante, cette insuffisance respiratoire ayant causé l' embolie pulmonaire fatale ; que le lien de causalité entre le fait du produit défectueux et le décès de Madame X... est donc établi ;
Attendu qu' il n' est pas douteux que le fabricant d' un produit est tenu de livrer un produit exempt de tout vice ou de tout défaut de nature à créer un danger pour les personnes ; qu' en fabricant et en destinant aux consommateurs un produit dans lequel subsistait des spores et des agents pathogènes siégeant dans l' intestin des poissons et dont une conservation défectueuse pouvaient favoriser des toxines actives botuliques à partir des spores existants dans le produit, la Société SOUP IDEAL a manqué à son obligation de sécurité ; que cette société est donc responsable de l' entier dommage subi par la victime de son vivant et par les héritiers de celle- ci suite à son décès ;
Attendu qu' il résulte du rapport d' expertise du Docteur Z... que Madame X..., victime d' une intoxication à la toxine botulique, a subi avant son décès survenu le 31 décembre 1999 des troubles respiratoires d' origine neurologique nécessitant une assistance respiratoire et un séjour prolongé en service de réanimation et a présenté une phlébite due à une stase prolongée sur un état veineux déficient, l' état de la patiente n' ayant pu être consolidée avant son décès ;
Attendu qu' il convient d' évaluer le préjudice corporel de Madame X... sur les bases de ce rapport contradictoire et non contesté :
- ITT perte de revenus :
Madame X... était retraitée et ne justifie d' aucune perte de revenus.
- ITT gêne ou déficit fonctionnel temporaire :
la somme de 6 000 € constitue une juste indemnisation de ce chef de préjudice.
- ITP gêne 45 % pendant 2 mois :
il est alloué à ce titre la somme de 540 €.
- pretium doloris 5 / 7 :
la somme de 18 000 € constitue une juste indemnisation de ce poste, étant précisé que ce préjudice tient compte des souffrances morales de la victime.
- préjudice d' agrément :
celui- ci n' est pas signalé par l' expert.
Attendu que par conséquent il est alloué aux héritiers de Madame X... au titre du préjudice corporel de celle- ci dont la réparation est tombée dans la succession, la somme de 24. 540 € (6. 000 € + 540 € + 18. 000 €) ;
Attendu que la Cour ayant admis que le décès de Madame X... a été provoqué par le botulisme facteur déclenchant et donc par le produit défectueux, il est alloué aux héritiers de Madame X... en réparation du préjudice moral qu' ils ont subi personnellement suite au décès de leur mère que les premiers juges ont caractérisé par des motifs pertinents que la Cour adopte expressément, la somme de 17 000 € à chacun ; que le jugement est donc confirmé de ce chef ;
Attendu que la CAISSE PRIMAIRE D' ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHÔNE est fondée à réclamer le remboursement des débours exposés correspondant aux frais d' hospitalisation de Madame X... entre le 20 janvier 1999 et le 31 décembre 1999 soit la somme de 311 610, 18 € ; que le jugement est donc confirmé de ce chef ;
Attendu que l' équité commande l' application de l' article 700 du Code de Procédure Civile au profit des héritiers de Madame X....
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
- Déclare recevable l' appel de la SA SOUP' IDEAL.
- Infirme le jugement rendu le 15 mai 2006 par le Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE sur le montant de l' indemnisation du préjudice corporel de Madame Andrée X... décédée le 31 décembre 1999.
- Statuant à nouveau :
- Condamne la SA SOUP' IDEAL à payer à Monsieur et Mesdames Issiaka, Ramatou et Moulikatou X... en leur qualité d' héritiers de Madame Andrée X... la somme de VINGT QUATRE MILLE CINQ CENT QUARANTE EUROS (24 540, 00 €).
- Confirme le jugement sur le surplus.
- Y ajoutant :
- Condamne la SA SOUP' IDEAL à payer aux consorts X... la somme de MILLE CINQ CENTS EUROS (1 500, 00 €) au titre de l' article 700 du Code de Procédure Civile.
- La condamne aux dépens dont distraction au profit de la SCP SIDER, avoués, sur son affirmation de droit.