COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
10o Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 23 OCTOBRE 2007
No 2007 /
Rôle No 01 / 03075
Zouhir X...
C /
Leila Y... épouse X...
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHONE
Grosse délivrée
le :
à :
réf
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 15 Décembre 2000 enregistré au répertoire général sous le no 00 / 999.
APPELANT
Monsieur Zouhir X...
né le 21 Juillet 1952 à AUMALE / ALGERIE (99), demeurant...
représenté par la SCP SIDER, avoués à la Cour,
assisté de Me Eric CALS, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEES
Madame Leila Y... épouse X...
née le 19 Mars 1949 à TUNIS (TUNISIE) (99), ...
représentée par la SCP DE SAINT FERREOL-TOUBOUL, avoués à la Cour, assistée de la SCP CHICHE-COHEN, avocats au barreau de MARSEILLE
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHONE, prise en la personne de son représentant légal domicilié au siège sis,8 rue Jules Moulet-13281 MARSEILLE CEDEX 6
représentée par la SCP LATIL-PENARROYA-LATIL-ALLIGIER, avoués à la Cour,
ayant Me Jacques DEPIEDS, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 12 Septembre 2007 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Nouveau Code de Procédure Civile, Madame KERHARO-CHALUMEAU, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Joëlle SAUVAGE, Présidente
Madame Bernadette KERHARO-CHALUMEAU, Conseiller
Monsieur Benjamin RAJBAUT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Geneviève JAUFFRES.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Octobre 2007.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Octobre 2007,
Signé par Madame Joëlle SAUVAGE, Présidente et Madame Geneviève JAUFFRES, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
E X P O S É D U L I T I G E
Par arrêt avant dire droit du 31 mai 2005, auquel le présent arrêt se réfère expressément pour l'exposé des faits et de la procédure antérieure, la Dixième Chambre Civile de la Cour de céans-statuant sur l'appel interjeté par M. Zouhir X... contre le jugement rendu le 15 décembre 2000 par le Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE dans le litige l'opposant à Mme Leila Y... épouse X... et à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE (ci-après C.P.A.M.) des Bouches-du-Rhône-a :
-Infirmé le jugement déféré et, statuant à nouveau :
-Dit que la mesure d'instruction confiée au Dr Jean-Luc B..., en qualité de consultant, par ordonnance de référé du 26 juillet 1999 constitue une expertise.
-Annulé pour non respect du principe du contradictoire le rapport d'expertise du Dr Jean-Luc B....
-Avant dire droit au fond, ordonné une nouvelle expertise médicale de Mme Leila Y... épouse X... confiée au Dr François-Marie C....
-Réservé dans cette attente les droits et moyens des parties.
Vu le dépôt par l'expert judiciaire de son rapport le 4 septembre 2006.
Vu les conclusions de M. Zouhir X... en date du 29 novembre 2006.
Vu les conclusions de Mme Leila Y... épouse X... en date du 11 décembre 2006.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 12 septembre 2007.
M O T I F S D E L'A R R Ê T
Attendu que la C.P.A.M. des Bouches-du-Rhône n'a pas conclu postérieurement à l'arrêt avant dire droit du 31 mai 2005 et au dépôt du rapport d'expertise, que la Cour reste donc saisie, en ce qui la concerne, par ses dernières conclusions en date du 21 septembre 2004.
I : SUR LA RESPONSABILITÉ DE M. ZOUHIR X... :
Attendu que le Dr. François-Marie C..., qui a sollicité l'avis d'un sapiteur en ophtalmologie, le Dr Lionel D..., a procédé à ses opérations dans le respect du contradictoire, que son rapport, documenté et complet, n'est pas sérieusement critiqué par les parties et sera donc entériné par la Cour.
Attendu qu'il en ressort que Mme Leila Y... épouse X..., née le 19 mars 1949, présente des lésions résultant d'actes de violences commis entre 1993 et 1996, à savoir :
-1993 : hospitalisation du 11 au 14 septembre pour un traumatisme crânio-facial et des hématomes multiples, hospitalisation le 3 novembre 1993 pour une surinfection de l'hématome de la jambe droite.
-1994 : août, septembre et octobre : traumatisme crânio-facial, hématomes multiples à la face, au thorax et aux membres, justifiant une hospitalisation à l'hôpital Sainte-Marguerite au mois d'octobre.
-1995 : janvier et juin : gifles, coups sur la face, sur l'oreille gauche et sur la tempe gauche,5 octobre : avis du Dr E..., neurologue : " symptomatologie compatible avec un syndrome subjectif post-traumatique ".
-1996 : septembre : avis du Dr F..., ophtalmologiste : " volumineux hématome de la région orbitaire externe droite et hémorragie sous conjonctivale de l'angle externe de l'œ il droit ".
Attendu qu'il persiste :
-des douleurs des membres inférieurs et plus particulièrement des jambes,
-des douleurs cervico-dorsales,
-des céphalées avec vertiges,
-des troubles de la mémoire et de la vision,
-une aggravation du syndrome dépressif pour lequel elle était en invalidité depuis 1986.
Attendu que l'expert précise que toutes les lésions constatées sont en relation directe, certaine et exclusive avec des coups reçus, à l'exclusion des troubles ophtalmologiques.
Attendu qu'il est donc médicalement confirmé que Mme Leila Y... épouse X... a été victime de plusieurs actes de violences entre 1993 et 1996, que le fait que M. Zouhir X... n'ait été pénalement condamné que pour les violences d'octobre 1994 (dont il ne conteste donc pas la réalité) ne saurait automatiquement impliquer que les autres actes de violences ne sauraient lui être imputés.
Attendu qu'il est constant que les époux Y...-X..., en instance de divorce depuis plusieurs années, sont en conflit quasi permanent, plusieurs procédures ayant été diligentées par le Commissariat de Police de MARSEILLE, que tous les actes de violences ont fait l'objet de dénonciations à la police par Mme Leila Y... épouse X..., que lorsque son mari était entendu sur ces faits (ainsi notamment en 1995), celui-ci se contentait de nier l'existence des blessures ou d'affirmer, contre l'évidence, que sa femme s'était infligée ces blessures à elle-même.
Attendu qu'il résulte donc bien de l'ensemble des éléments de la cause, confirmés par l'expertise médicale, que Mme Leila Y... épouse X... a été victime, de 1993 à 1996, d'actes de violence de la part de M. Zouhir X... qui en sera déclaré civilement responsable en vertu des dispositions de l'article 1382 du Code civil.
II : SUR L'ÉVALUATION ET LA LIQUIDATION DU PRÉJUDICE CORPOREL DE MME LEILA Y... ÉPOUSE X... :
Attendu que l'expert a conclu à six périodes d'I.T.T. de 2 mois,10 jour,1 mois,8 jours,8 jours et 9 jours, soit au total 4 mois et 5 jours, avec une date de consolidation au 25 octobre 1999, qu'il fixe le taux d'I.P.P. à 4 %, qu'il évalue le pretium doloris à 4 / 7 et le préjudice esthétique à 2,5 / 7, qu'il ne retient pas de préjudice d'agrément.
Attendu que la loi no 2006-1640 de financement de la sécurité sociale pour 2007 du 21 décembre 2006 a modifié les articles L 376-1 du Code de la sécurité sociale et 31 de la loi no 85-677 du 5 juillet 1985, qu'en l'absence de dispositions particulières elle s'applique immédiatement aux effets à venir des situations juridiques non contractuelles en cours au moment où elle rentre en vigueur.
Attendu en conséquence que les nouvelles dispositions des articles L 376-1 du Code de la sécurité sociale et 31 de la loi précitée du 5 juillet 1985 sont d'application immédiate, qu'il en résulte que le recours subrogatoire de la C.P.A.M. des Bouches-du-Rhône ne s'exerce que poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elle a pris en charge.
Les frais médicaux, pharmaceutiques et d'hospitalisation :
Attendu que la C.P.A.M. des Bouches-du-Rhône justifie du montant de ses débours au titre des frais médicaux, pharmaceutiques et d'hospitalisation qui s'élèvent à la somme globale de 4. 633 € 88 c.
Attendu que le décompte de la C.P.A.M. des Bouches-du-Rhône concerne bien l'indemnisation des préjudices faisant l'objet du présent litige et n'est pas sérieusement contestable dans son exactitude, correspondant aux actes médicaux relevés par l'expert judiciaire.
Attendu que Mme Leila Y... épouse X... n'a eu aucun frais resté à sa charge à ce titre, qu'il ne lui revient donc rien sur ce poste de préjudice.
Le déficit fonctionnel temporaire :
Attendu que ce poste de préjudice correspondant à la gêne dans les actes de la vie courante pendant les périodes d'I.T.T. sera évalué, sur une base mensuelle de 700 €, à la somme de 2. 916 €.
Le déficit fonctionnel séquellaire :
Attendu que ce poste de préjudice sera évalué sur la base d'une valeur du point d'invalidité de 1. 240 € compte tenu de l'âge de la victime à la consolidation (50 ans) et de son taux d'I.P.P. (4 %), soit à la somme de 4. 960 €.
Le préjudice au titre des souffrances endurées :
Attendu qu'au vu de l'évaluation qui en a été faite par l'expert judiciaire, ce poste de préjudice sera évalué à la somme de 10. 000 €.
Le préjudice esthétique :
Attendu qu'au vu de l'évaluation qui en a été faite par l'expert judiciaire, ce poste de préjudice sera évalué à la somme de 3. 500 €.
Le préjudice d'agrément :
Attendu que l'expert judiciaire n'a pas retenu l'existence d'un tel préjudice, que Mme Leila Y... épouse X... se contente de déduire l'existence de ce poste de préjudice du seul fait de l'existence d'une I.P.P., confondant ainsi ce poste de préjudice avec le déficit fonctionnel séquellaire, qu'elle sera donc déboutée de sa demande à ce titre.
Attendu que le préjudice corporel global de Mme Leila Y... épouse X... sera évalué à la somme de 21. 376 € après déduction, poste par poste, de la créance de l'organisme social, tiers payeur.
Attendu que M. Zouhir X... sera condamné à payer à Mme Leila Y... épouse X..., en deniers ou quittances compte tenu des sommes pouvant avoir déjà été versées à titre de provision ou en vertu de l'exécution provisoire du jugement déféré, la somme de 21. 376 € au titre de son préjudice corporel.
Attendu que M. Zouhir X... sera également condamné à payer à la C.P.A.M. des Bouches-du-Rhône la somme de 4. 633 € 88 c. au titre de ses débours.
III : SUR LES AUTRES DEMANDES :
Attendu qu'il est équitable, compte tenu au surplus de la situation économique de la partie condamnée, d'allouer à Mme Leila Y... épouse X... la somme de 2. 500 € au titre des frais par elle exposés et non compris dans les dépens.
Attendu qu'aucune raison tirée de l'équité ou de la situation économique des parties ne commande le prononcé d'autres condamnations au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens.
Attendu que M. Zouhir X..., partie perdante, sera condamné au paiement des dépens de la procédure de première instance et d'appel.
P A R C E S M O T I F S
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement.
Vu l'arrêt avant dire droit du 31 mai 2005.
Entérine le rapport d'expertise du Dr Jean-Luc B....
Vu l'article 1382 du Code civil.
Déclare M. Zouhir X... civilement responsable des dommages subis par Mme Leila Y... épouse X... à la suite des coups et blessures volontaires dont elle a été victime durant les années 1993,1994,1995 et 1996.
Condamne M. Zouhir X... à payer les sommes suivantes :
-À Mme Leila Y... épouse X..., en deniers ou quittances compte tenu des sommes pouvant avoir été déjà versées à titre de provision ou en vertu de l'exécution provisoire du jugement déféré : VINGT ET UN MILLE TROIS CENT SOIXANTE SEIZE EUROS (21. 376 €) au titre de son préjudice corporel.
-À la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE des Bouches-du-Rhône : QUATRE MILLE SIX CENT TRENTE TROIS EUROS QUATRE VINGT HUIT CENTS (4. 633 € 88 c.) au titre de ses débours.
Déboute Mme Leila Y... épouse X... du surplus de ses demandes indemnitaires.
Condamne M. Zouhir X... à payer à Mme Leila Y... épouse X... la somme de DEUX MILLE CINQ CENTS EUROS (2. 500 €) au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Dit n'y avoir lieu à prononcer d'autres condamnations au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Condamne M. Zouhir X... aux dépens de la procédure de première instance et d'appel et autorise la S.C.P. de SAINT-FERREOL, TOUBOUL, Avouées associées et la S.C.P. LATIL, PENARROYA-LATIL, ALLIGIER, Avoués associés, à recouvrer directement ceux des dépens dont elles auraient fait l'avance sans avoir reçu provision.
Rédacteur : M. RAJBAUT
Madame JAUFFRESMadame SAUVAGE
GREFFIÈRE PRÉSIDENTE