COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE 10o Chambre
ARRÊT AU FOND DU 27 NOVEMBRE 2007
No 2007 /
Rôle No 05 / 21143
ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG (E.F.S.)
C /
CLINIQUE CHIRURGICALE DE MARTIGUES Zéférino X... CAISSE PRIMAIRE CENTRALE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHONE AXA FRANCE IARD
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 12 Mai 2005 enregistré au répertoire général sous le no 03 / 1456.
APPELANT
ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG (E.F.S.) venant aux droits du Centre Régional de Transfusion Sanguine de Marseille Etablissement Public de l'Etat créé au 01. 01. 2000 par la loi no 98 / 545 du 01. 07. 1998, pris en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège sis,20 Avenue du Stade de France-93218 LA PLAINE SAINT DENIS CEDEX représenté par la SCP COHEN-GUEDJ, avoués à la Cour, assisté de la SELARL BAFFERT-FRUCTUS ET ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE substituée par Me Julie MOREAU, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMES
CLINIQUE CHIRURGICALE DE MARTIGUES prise en la personne de son Dirigeant légal, demeurant en cette qualité au siège social sis,9 rue E. Amavet-B.P. 5-13691 MARTIGUES CEDEX représentée par la SCP DE SAINT FERREOL-TOUBOUL, avoués à la Cour, assistée de Me Paule ABOUDARAM, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE substitué par Me Caroline PIBAROT, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE
Monsieur Zéférino X... né le 21 Juin 1948 à CADOSTRAIRE,
... représenté par la SCP BOTTAI-GEREUX-BOULAN, avoués à la Cour, assistée de Me Fabrice ANDRAC, avocat au barreau de MARSEILLE
CAISSE PRIMAIRE CENTRALE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHONE, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège sis,8 rue Jules Moulet-13281 MARSEILLE CEDEX 06 représentée par la SCP SIDER, avoués à la Cour, ayant la SCP DUREUIL C.-VILLA, avocats au barreau d'AIX EN PROVENCE
AXA FRANCE IARD, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège sis 26 rue Drouot-75009 PARIS représentée par la SCP BLANC AMSELLEM-MIMRAN CHERFILS, avoués à la Cour, assistée de la SCP DAUMAS-WILSON-BERGE-ROSSI (ASS), avocats au barreau de MARSEILLE substituée par Me Silvia GEELHAAR, avocat au barreau de MARSEILLE
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 16 Octobre 2007 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Nouveau Code de Procédure Civile, Madame Bernadette KERHARO-CHALUMEAU, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Joëlle SAUVAGE, Présidente Madame Bernadette KERHARO-CHALUMEAU, Conseiller Monsieur Benjamin RAJBAUT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Geneviève JAUFFRES. Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Novembre 2007.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Novembre 2007,
Signé par Madame Joëlle SAUVAGE, Présidente et Madame Geneviève JAUFFRES, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
E X P O S É D U L I T I G E
M. Zéférino X... a été hospitalisé en septembre 1977 à la clinique chirurgicale de MARTIGUES (Bouches-du-Rhône) pour y subir une opération du genou gauche, par la suite une contamination par le virus de l'hépatite C a été diagnostiquée.
Par jugement contradictoire du 12 mai 2005, le Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE a :
-Reçu l'intervention volontaire de la S.A. AXA FRANCE IARD,
-Dit que la S.A.R.L. CLINIQUE CHIRURGICALE DE MARTIGUES est responsable du préjudice subi par M. Zéférino X... du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C,
-Dit que l'ÉTABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG (ci-après E.F.S.), solidairement avec son assureur, la S.A. AXA FRANCE IARD, doivent relever et garantir la S.A.R.L. CLINIQUE CHIRURGICALE DE MARTIGUES de toutes les condamnations prononcées contre elle,
-Mis hors de cause la S.A.A.G.F. LA LILLOISE,
-Fixé le montant du préjudice corporel soumis à recours à la somme de 292. 829 € 23 c.,
-Sursis à statuer sur le montant du recours de la CAISSE PRIMAIRE CENTRALE D'ASSURANCE MALADIE (ci-après C.P.C.A.M.) des Bouches-du-Rhône,
-Enjoint à la C.P.C.A.M. des Bouches-du-Rhône de produire les documents médicaux ayant conduit à l'attribution de la rente invalidité en 1999 ainsi que le mode de calcul de cette rente et éventuellement de proposer une ventilation par affection,
-À titre provisionnel sur le préjudice corporel soumis à recours et la créance de la C.P.C.A.M. des Bouches du Rhône :
-Condamné la S.A.R.L. CLINIQUE CHIRURGICALE DE MARTIGUES, relevée et garantie par l'E.F.S. solidairement avec la S.A. AXA FRANCE IARD, à payer à M. Zéférino X..., en deniers ou quittances valables, la somme de 159. 000 € à valoir sur son préjudice corporel soumis à recours,
-Condamné la S.A.R.L. CLINIQUE CHIRURGICALE DE MARTIGUES, relevée et garantie par l'E.F.S. solidairement avec la S.A. AXA FRANCE IARD, à payer à la C.P.C.A.M. des Bouches-du-Rhône, en deniers ou quittances valables, la somme de 58. 513 € 59 c. à valoir sur le montant total de sa créance,
-Fixé le montant du préjudice purement personnel non soumis à recours à la somme de 60. 000 €,
-Condamné la S.A.R.L. CLINIQUE CHIRURGICALE DE MARTIGUES, relevée et garantie par l'E.F.S. solidairement avec la S.A. AXA FRANCE IARD, à payer à M. Zéférino X..., en deniers ou quittances valables, la somme de 60. 000 €,
-Condamné la S.A.R.L. CLINIQUE CHIRURGICALE DE MARTIGUES, relevée et garantie par l'E.F.S. solidairement avec la S.A. AXA FRANCE IARD, à payer à M. Zéférino X..., en deniers ou quittances valables, la somme de 1. 924 € 67 c. au titre des frais d'assistance à expertise,
-Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de sa décision,
-Ordonné l'exécution provisoire à hauteur des deux tiers des sommes allouées,
-Débouté la S.A.A.G.F. LA LILLOISE de sa demande fondée sur l'article 700 du Nouveau code de procédure civile,
-Alloué à M. Zéférino X... la somme de 1. 200 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile,
-Renvoyé l'affaire à la mise en état,
-Réservé les dépens.
L'E.F.S. a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 7 novembre 2005.
Vu les conclusions de la S.A.R.L. CLINIQUE CHIRURGICALE DE MARTIGUES en date du 23 août 2006.
Vu les conclusions de la S.A. AXA FRANCE IARD en date du 12 décembre 2006.
Vu les conclusions de M. Zéférino X... en date du 13 décembre 2006.
Vu les conclusions de la C.P.C.A.M. des Bouches-du-Rhône en date du 5 mars 2007.
Vu les conclusions récapitulatives de l'E.F.S. en date du 26 juillet 2007.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 19 septembre 2007.
M O T I F S D E L'A R R Ê T
Attendu que la S.A.A.G.F. LA LILLOISE n'a été intimée par aucune des parties, qu'en conséquence les chefs du dispositif du jugement déféré l'ayant mise hors de cause sont désormais définitifs.
Attendu qu'en ce qui concerne l'origine transfusionnelle de la contamination de M. Zéférino X... par le virus de l'hépatite C et la détermination des responsabilités, l'ensemble des parties concernées s'en rapportent à la sagesse de la Cour.
Attendu sur ce point, qu'au vu de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002, applicable en l'espèce, et du premier rapport d'expertise du Dr Corinne D...en date du 31 mai 2002, il apparaît que c'est à juste titre, par une motivation exacte tant en droit qu'en fait et que la Cour adopte expressément, que le premier juge a dit qu'il existait une très forte présomption que la contamination de M. Zéférino X... soit due à la fourniture de produits sanguins lors de son hospitalisation en 1977 à la clinique chirurgicale de MARTIGUES, qu'il a retenu de ce fait la responsabilité de cette clinique dans la fourniture des produits qu'elle administre à ses patients et qu'il a dit que l'E.F.S., fournisseur de ces produits sanguins, et son assureur, la S.A. AXA FRANCE IARD dont la garantie n'est pas discutée, devaient relever et garantir la S.A.R.L. CLINIQUE CHIRURGICALE DE MARTIGUES de toute condamnation prononcée à son encontre.
Attendu que le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a dit que la S.A.R.L. CLINIQUE CHIRURGICALE DE MARTIGUES est responsable du préjudice subi par M. Zéférino X... du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C et que l'E.F.S., solidairement avec son assureur, la S.A. AXA FRANCE IARD, doivent relever et garantir la S.A.R.L. CLINIQUE CHIRURGICALE DE MARTIGUES de toutes les condamnations prononcées contre elle.
Attendu qu'aucune des parties ne critique le chef du dispositif du jugement déféré ayant alloué à M. Zéférino X... la somme de 1. 924 € 67 c. au titre des frais d'assistance à expertise, que le jugement déféré sera dès lors confirmé de ce chef par adoption de ses motifs exacts et pertinents tant en droit qu'en fait.
Attendu qu'en ce qui concerne l'évaluation du préjudice corporel de M. Zéférino X..., celui-ci a fait l'objet d'une expertise médicale pratiquée par le Dr Corinne D...qui a déposé son rapport définitif le 28 novembre 2002 après avoir sollicité l'avis d'un sapiteur cardiologue, le Dr Jean-Paul E....
Attendu qu'il en ressort que M. Zéférino X..., né le 21 juin 1948, est atteint d'une hépatite virale chronique C diagnostiquée en 1990 et confirmée en novembre 1991, traitée par six cures thérapeutiques qui n'ont pas entraîné de réponse thérapeutique et ont été accompagnées d'effets secondaires importants, qu'il se trouve actuellement porteur d'une hémophilie A découverte dans les suites de son intervention.
Attendu qu'il présente une polypathologie avec uropathie lithiasique, vésicule lithiasique et un retentissement cardiaque, que si la pathologie lithiasique est imputable avec certitude aux traitements de l'hépatopathie virale C, il n'y a en revanche pas de pathologie cardiaque en relation avec les transfusions sanguines ni avec les thérapeutiques anti-virales.
Attendu que M. Zéférino X... est actuellement traité par traitement d'entretien, sans éradication virale possible ni amélioration envisageable, que l'expert ne peut établir de pronostic de survie à court terme, à titre individuel, que cependant son état est considéré comme stable à ce jour, permettant à l'expert d'envisager une consolidation dès la fin de la thérapeutique à visée curative, soit au 1er juillet 2001.
Attendu que l'expert retient une période d'I.T.T. de 41 mois correspondant aux périodes de cures thérapeutiques actives depuis juin 1989 jusqu'en juin 2001, qu'il fixe le taux d'I.P.P. à 18 % et évalue le pretium doloris à 3,5 / 7 (invalidité catégorie II en juin 1999 liée à l'hémophilie et à l'hépatite virale, génarthrose majeure).
Attendu que ce rapport, complet et documenté, n'est pas sérieusement critiqué par les parties et sera donc entériné par la Cour pour l'évaluation du préjudice corporel de M. Zéférino X....
Attendu que la loi no 2006-1640 de financement de la sécurité sociale pour 2007 du 21 décembre 2006 a modifié les articles L 376-1 du Code de la sécurité sociale et 31 de la loi no 85-677 du 5 juillet 1985, qu'en l'absence de dispositions particulières elle s'applique immédiatement aux effets à venir des situations juridiques non contractuelles en cours au moment où elle rentre en vigueur.
Attendu en conséquence que les nouvelles dispositions des articles L 376-1 du Code de la sécurité sociale et 31 de la loi précitée du 5 juillet 1985 sont d'application immédiate, qu'il en résulte que le recours subrogatoire de la C.P.C.A.M. des Bouches-du-Rhône ne s'exerce que poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elle a pris en charge.
Attendu que la Cour est actuellement en mesure d'évaluer et de liquider le préjudice corporel de M. Zéférino X... en toutes ses composantes dans la mesure où la C.P.C.A.M. des Bouches-du-Rhône justifie désormais dans ses conclusions d'appel que les sommes dont elle réclame le remboursement au titre de sa créance subrogative sont bien en relation unique avec la contamination par le virus de l'hépatite C, y compris en ce qui concerne le service de la rente d'invalidité.
Attendu que le jugement sera donc partiellement infirmé en ce qu'il a évalué globalement, selon la législation et la jurisprudence alors en vigueur, d'une part les postes de préjudice corporel économique soumis au recours des tiers payeurs et d'autre part les postes de préjudice corporel à caractère personnel et en ce qu'il a sursis à statuer sur le montant du recours de la C.P.C.A.M. des Bouches-du-Rhône et qu'il sera à nouveau statué sur l'ensemble de ces chefs, la Cour étant saisie, en raison de l'effet dévolutif de l'appel, de l'indemnisation de l'ensemble du préjudice corporel de la victime en tous ses postes de préjudice.
Attendu qu'il convient de relever que si M. Zéférino X... d'une part et l'E.F.S. et la S.A. AXA ASSURANCES IARD d'autre part contestent les évaluations par le premier juge de certains des postes de préjudice corporel de la victime, en revanche la S.A.R.L. CLINIQUE CHIRURGICALE DE MARSEILLE ne conteste aucune de ces évaluations, concluant à la confirmation du jugement déféré.
Les frais médicaux, pharmaceutiques et d'hospitalisation :
Attendu que ces frais, uniquement en relation avec la contamination par le virus de l'hépatite C, se montent à la somme globale de 34. 970 € 52 c. selon le décompte de créance de la C.P.C.A.M. des Bouches-du-Rhône qui les a entièrement pris en charge.
Attendu que M. Zéférino X... ne fait pas état de frais qui seraient restés à sa charge, qu'il ne lui revient donc rien sur ce poste de préjudice.
L'incidence professionnelle temporaire :
Attendu que ce poste de préjudice sera évalué à la somme de 42. 373 € 50 c. sur la base d'un salaire mensuel moyen net de 1. 033 € 50 c. (selon le dernier bulletin de paie perçu) et d'une I.T.T. de 41 mois.
Attendu que la C.P.C.A.M. des Bouches-du-Rhône justifie avoir versé pendant cette même période des indemnités journalières pour un montant global de 23. 543 € 07 c., qu'il revient donc à la victime, sur ce poste de préjudice, la différence, soit la somme de 18. 830 € 43 c.
Attendu en revanche que l'imputabilité de la perte de revenus à la seule hépatite C pour la période comprise entre la fin de l'I.T.T. et la date de consolidation et dont M. Zéférino X... demande également l'indemnisation, n'est pas établie dans la mesure où d'une part l'expert n'a retenu aucune incapacité de travail hors les périodes d'I.T.T. déjà indemnisées au titre de l'incidence professionnelle temporaire et où d'autre part la perte de son emploi par M. Zéférino X... en 1996 n'est pas due à son hépatite C puisqu'en avril 1996 il avait présenté par ailleurs une aggravation importante de son état de santé due à une gonarthrose bilatérale au niveau des deux compartiments et une arthrose fémoro-patellaire très importante.
L'incidence professionnelle définitive :
Attendu en revanche qu'à compter de sa date de consolidation, M. Zéférino X... subit un préjudice professionnel indéniable pour l'avenir compte tenu de la nature de sa maladie, de son pronostic d'évaluation et de l'absence de perspective d'éradication ou d'amélioration de son état, ainsi que relevé par l'expert judiciaire dans son rapport ci-dessus analysé.
Attendu en effet que les manifestations de sa maladie et les séquelles et effets secondaires des traitements lui interdisent désormais toute activité professionnelle et qu'à compter de la date de consolidation son préjudice professionnel est entier.
Attendu que cette incidence professionnelle définitive sera évaluée à la somme de 172. 485 € 21 c., calculée sur la base du dernier salaire net annuel perçu par M. Zéférino X... (1. 033,50 x 12, soit 12. 402 €) et d'un Euro de rente viager (compte tenu du préjudice de retraite subséquent) de 13,90 pour un homme de 53 ans, étant observé que l'Euro de rente de 10,216 retenu par l'E.F.S. et la S.A. AXA FRANCE IARD dans leurs conclusions repose sur le barème annexé au décret du 8 août 1986 dont l'obsolescence est aujourd'hui admise par tous dans la mesure où ce barème se fonde sur des tables de mortalité largement dépassées (puisque remontant à 1960-1964) et sur un taux d'intérêt de 6,50 % ne correspondant plus aux données économiques actuelles.
Attendu que la C.P.C.A.M. des Bouches-du-Rhône justifie verser à M. Zéférino X... une pension d'invalidité dont la seule cause est bien l'hépatite C dont il est atteint, que cette pension, tant pour ses arrérages échus au 31 janvier 2007 (63. 699 € 78 c.) que pour son capital constitutif pour l'avenir (16. 189 € 07 c.) s'imputera donc sur le poste de l'incidence professionnelle définitive, qu'il revient dès lors à la victime la différence, soit 92. 596 € 36 c.
Le déficit fonctionnel temporaire :
Attendu que ce poste de préjudice résulte de la gêne dans les actes de la vie courante pendant la durée de l'I.T.T., que contrairement à ce qu'allègue la S.A. AXA FRANCE IARD ce poste de préjudice est distinct tant de l'incidence professionnelle temporaire (qui a un caractère économique objectif) que du déficit fonctionnel séquellaire (qui a un caractère définitif ne s'appréciant qu'à compter de la date de consolidation) et du préjudice d'agrément (qui a également un caractère définitif ne pouvant s'apprécier que pour l'avenir à compter de la date de consolidation).
Attendu qu'eu égard aux éléments de la cause il convient d'évaluer ce poste de préjudice à la somme de 25. 000 €.
Le déficit fonctionnel séquellaire :
Attendu que les parties sont en accord pour évaluer ce poste de préjudice à la somme de 18. 000 € compte tenu de l'âge de la victime à la date de consolidation (53 ans) et de son taux d'I.P.P. (18 %), que ce poste de préjudice sera donc évalué à la dite somme de 18. 000 €.
Le préjudice au titre des souffrances endurées et le préjudice spécifique de contamination :
Attendu que M. Zéférino X... réclame d'une part la somme de 5. 000 € en réparation du préjudice au titre des souffrances endurées sur la base de l'évaluation à 3,5 / 7 qui en a été faite par l'expert et d'autre part la somme de 50. 000 € en réparation de son préjudice spécifique de contamination par le virus de l'hépatite C.
Attendu que pour leur part l'E.F.S. et la S.A. AXA FRANCE IARD, qui demandent la réduction du préjudice au titre des souffrances endurées, s'opposent à l'indemnisation distincte d'un préjudice spécifique de contamination qui ne peut qu'être exclusive de l'indemnité allouée au titre du préjudice au titre des souffrances endurées.
Attendu que l'existence même d'un préjudice spécifique de contamination par le virus de l'hépatite C est possible dans son principe mais est une composante du préjudice au titre des souffrances endurées et doit donc être réparé dans le cadre de ce seul poste de préjudice, que dès lors les demandes de M. Zéférino X... tendant à la réparation distincte d'un préjudice au titre des souffrances endurées (évalué à 5. 000 €) et d'un préjudice spécifique de contamination (évalué à 50. 000 €) doivent s'entendre comme visant la réparation d'un préjudice unique globalement évalué par lui à la somme de 55. 000 €.
Attendu que l'expert judiciaire a évalué le pretium doloris à 3,5 / 7 en se référant uniquement et expressément au placement de M. Zéférino X... en invalidité liée à l'hémophilie et à l'hépatite virale et à sa génarthrose majeure, que cette évaluation ne comprend donc pas le préjudice résultant de l'anxiété générée par le fait de se savoir porteur du virus de l'hépatite C dont la contamination connaît une évolution lente et sournoise ; que selon la Conférence Internationale de Consensus sur l'Hépatite C, environ 20 % des malades atteints d'hépatite chronique C développent, après dix à vingt ans d'évolution, une cirrhose susceptible d'entraîner la mort en l'absence de transplantation, plusieurs co-facteurs, tels que l'âge au moment de la contamination, jouant un rôle important dans le développement de la cirrhose.
Attendu qu'en l'espèce M. Zéférino X... présente une hépatite chronique C, qu'il est donc confronté à un risque non négligeable de développer à plus ou moins long terme une cirrhose susceptible d'évoluer vers un cancer du foie, que les nombreuses cures thérapeutiques n'ont pas eu de succès et ont au contraire été accompagnées d'effets secondaires importants, qu'aucune amélioration de son état de santé n'est actuellement possible.
Attendu que M. Zéférino X... se trouve donc confronté à la certitude de l'absence de guérison et à un risque quasi certain d'issue fatale, générant un sentiment subjectif d'échec thérapeutique.
Attendu qu'il existe donc bien un important préjudice spécifique de contamination par le virus de l'hépatite C, s'intégrant à l'évaluation du préjudice au titre des souffrances endurées et tenant aux souffrances morales endurées à la suite des traitements nécessaires ainsi qu'aux perturbations et craintes endurées.
Attendu qu'en l'état des pièces produites, notamment le rapport d'expertise et les documents d'ordre médical produits, la Cour évalue le préjudice au titre des souffrances endurées avec comme composante un préjudice spécifique de contamination, à la somme globale de 55. 000 €.
Le préjudice d'agrément :
Attendu que M. Zéférino X... demande la somme de 5. 000 € en réparation de son préjudice d'agrément, que l'E.F.S. et la S.A. AXA ASSURANCES IARD ne contestent pas l'existence dans son principe d'un tel préjudice mais demandent sa réduction.
Attendu qu'au vu des éléments de la cause et des pièces régulièrement produites aux débats, la Cour évalue ce poste de préjudice à la somme de 5. 000 €.
Attendu que le préjudice corporel global de M. Zéférino X..., après déduction poste par poste de la créance de la C.P.C.A.M. des Bouches-du-Rhône, s'élève donc à la somme de 214. 426 € 79 c. (18. 830,43 + 92. 596,36 + 25. 000 + 18. 000 + 55. 000 + 5. 000).
Attendu que le montant global de la créance de la C.P.C.A.M. des Bouches-du-Rhône s'élève, quant à lui, à la somme de 138. 402 € 44 c. (34. 970,52 + 23. 543,07 + 63. 699,78 + 16. 189,07).
Attendu en conséquence que la S.A.R.L. CLINIQUE CHIRURGICALE DE MARTIGUES sera condamnée à payer les sommes suivantes, en deniers ou quittances compte tenu des sommes pouvant avoir déjà été versées en vertu de l'exécution provisoire partielle du jugement déféré :
-À M. Zéférino X... : 214. 426 € 79 c. en réparation de son préjudice corporel,
-À la C.P.C.A.M. des Bouches-du-Rhône : 138. 402 € 44 c. au titre de ses débours.
Attendu que l'E.F.S. et son assureur, la S.A. AXA FRANCE IARD, seront solidairement condamnés à relever et garantir la S.A.R.L. CLINIQUE CHIRURGICALE DE MARTIGUES de toute condamnation prononcée à son encontre.
Attendu qu'il est équitable, compte tenu au surplus de la situation économique des parties condamnées, d'allouer à M. Zéférino X... la somme de 1. 500 € au titre des frais par lui exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens, le jugement déféré étant par ailleurs confirmé en ce qu'il lui a alloué, en équité, la somme de 1. 200 € au titre de ses frais irrépétibles de première instance.
Attendu qu'aucune raison tirée de l'équité ou de la situation économique des parties ne commande le prononcé d'autres condamnations au paiement des frais exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens.
Attendu que la S.A.R.L. CLINIQUE CHIRURGICALE DE MARTIGUES, l'E.F.S. et la S.A. AXA FRANCE IARD, parties perdantes tant en première instance qu'en appel, seront solidairement condamnés au paiement des dépens de la procédure de première instance et d'appel.
P A R C E S M O T I F S
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement.
Confirme le jugement déféré sauf en ce qui concerne l'évaluation des postes du préjudice corporel de M. Zéférino X... et en ce qu'il a sursis à statuer sur le montant du recours de la CAISSE PRIMAIRE CENTRALE D'ASSURANCE MALADIE des Bouches-du-Rhône et statuant à nouveau, en raison de l'effet dévolutif de l'appel, sur l'évaluation et la liquidation de l'ensemble des postes du préjudice corporel de M. Zéférino X... :
Condamne la S.A.R.L. CLINIQUE CHIRURGICALE DE MARTIGUES à payer les sommes suivantes, en deniers ou quittances compte tenu des sommes pouvant avoir déjà été versées en vertu de l'exécution provisoire partielle du jugement déféré :
-À M. Zéférino X... : DEUX CENT QUATORZE MILLE QUATRE CENT VINGT SIX EUROS SOIXANTE DIX NEUF CENTS (214. 426 € 79 c.) en réparation de son préjudice corporel global après déduction, poste par poste, de la créance de l'organisme social, tiers payeur.
-À la CAISSE PRIMAIRE CENTRALE D'ASSURANCE MALADIE des Bouches-du-Rhône : CENT TRENTE HUIT MILLE QUATRE CENT DEUX EUROS QUARANTE QUATRE CENTS (138. 402 € 44 c.) au titre de ses débours.
Déboute M. Zéférino X... du surplus de ses demandes indemnitaires.
Condamne solidairement l'ÉTABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG et son assureur, la S.A. AXA FRANCE IARD, à relever et garantir la S.A.R.L. CLINIQUE CHIRURGICALE DE MARTIGUES de toute condamnation prononcée à son encontre.
Y ajoutant :
Condamne solidairement la S.A.R.L. CLINIQUE CHIRURGICALE DE MARTIGUES, l'ÉTABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG et la S.A. AXA FRANCE IARD à payer à M. Zéférino X... la somme de MILLE CINQ CENTS EUROS (1. 500 €) au titre des frais exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens.
Dit n'y avoir lieu à prononcer d'autres condamnations au titre des frais exposés en cause d'appel et non compris dans les dépens.
Condamne solidairement la S.A.R.L. CLINIQUE CHIRURGICALE DE MARTIGUES, l'ÉTABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG et la S.A. AXA FRANCE IARD aux dépens de la procédure de première instance et d'appel et autorise la S.C.P. BOTTAÏ, GEREUX, BOULAN, Avoués associés, et la S.C.P. SIDER, Avoués associés, à recouvrer directement ceux des dépens dont elles auraient fait l'avance sans avoir reçu provision.
Rédacteur : M. RAJBAUT
Madame JAUFFRES Madame SAUVAGE GREFFIÈRE PRÉSIDENTE