8o Chambre C
ARRÊT AU FOND
DU 06 DECEMBRE 2007
No 2007 / 693
Rôle No 05 / 22476
Jean Pierre X...
SCI MERCOU
C /
SA SOCIETE GENERALE
Grosse délivrée
à : COHEN
PRIMOUT
réf
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 03 Novembre 2005 enregistré au répertoire général sous le no 03 / 1884.
APPELANTS
Monsieur Jean Pierre X...
demeurant ...
représenté par la SCP COHEN- GUEDJ, avoués à la Cour,
plaidant par Me Benjamin KERGUENO, avocat au barreau de NICE substituant Me Patrick LUCIANI, avocat au barreau de NICE
SCI DU MERCOU, prise en la personne de son représentant légal,, demeurant ...
représentée par la SCP COHEN- GUEDJ, avoués à la Cour,
plaidant par Me Benjamin KERGUENO, avocat au barreau de NICE substituant Me Patrick LUCIANI, avocat au barreau de NICE
INTIMEE
SA SOCIETE GENERALE, prise en la personne de son représentant légal,, demeurant...
représentée par la SCP PRIMOUT- FAIVRE, avoués à la Cour,
plaidant par Me Philippe DUTERTRE, avocat au barreau de NICE
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COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 31 Octobre 2007 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Nouveau Code de Procédure Civile, Monsieur Jean- Louis BERGEZ, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Jean- Louis BERGEZ, Président
Madame Marie- Claude CHIZAT, Conseiller
Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Décembre 2007.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Décembre 2007,
Rédigé par Monsieur Jean- Louis BERGEZ, Président
Signé par Monsieur Jean- Louis BERGEZ, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE
A la suite d'une offre de prêt acceptée le 11 mars 1993, la Société Générale a consenti à M. Jean Pierre X... un prêt de 1 600 000F sur 12 ans, destiné à l'acquisition d'un immeuble. Le prêt a été réitéré par acte notarié du 24 avril 2003. La charge de son remboursement a été transférée à la SCI du Mercou en accord avec la banque.
Selon offre du 17 juillet 1996, la Société Générale a proposé à la SCI du Mercou, devenue débitrice de l'obligation de remboursement, une modification du taux qui a été acceptée. M. Jean Pierre X... s'est porté caution des obligations de la SCI résultant de l'offre modificative.
Par acte du 11 mars 2003, M. Jean Pierre X... et la SCI du Mercou ont assigné la Société Générale, d'une part, en nullité des stipulations d'intérêts contenues à l'acte de prêt et à l'acte modificatif, en se prévalant de leur caractère erroné, d'autre part, en déchéance des intérêts pour violation des dispositions de l'article L 312-11 du Code de la consommation.
En cours d'instance, les demandeurs se sont également prévalus d'une méconnaissance des dispositions de l'article L 312-10 du Code de la consommation relatives au délai d'acceptation de l'offre.
Par jugement du 3 novembre 2005, le tribunal de grande instance de Nice a déclaré les demandes irrecevables comme prescrites. Une somme de 1000 euros a été allouée à la Société Générale au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
M. Jean Pierre X... et la SCI du Mercou sont appelants de cette décision.
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Vu les conclusions déposées le 12 décembre 2006 par la Société Générale et le 14 septembre 2007 par les appelants ;
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les demandes en déchéance des intérêts formées sur le fondement de l'article L 312-33 du Code de la consommation
Quant à la prescription
Les demandes en déchéance du droit aux intérêts formées par les appelants sur le fondement des dispositions du Code de la consommation relatives aux prêts immobiliers, sont soumises à la prescription décennale de l'article L 110-4 du Code de commerce.
La prescription n'est pas acquise puisque l'assignation a été délivrée le 11 mars 2003, soit dans le délai de dix années ayant couru à compter de la convention de prêt formée le 11 mars 1993.
Quant à la méconnaissance du délai de dix jours imparti à l'emprunteur pour accepter l'offre
Il résulte des offres produites aux débats et des formulaires d'acceptation :
- que l'offre de prêt, émise le 24 février 1993, a été reçue par voie postale le 26 février suivant et a été acceptée le 11 mars 1993 ;
- qu'une offre modificative, émise le 17 juillet 1996, a été reçue le lendemain par l'emprunteur qui l'a acceptée le 29 juillet 1996 ;
Les appelants, auxquels incombe la charge de la preuve, ne démontrent pas que les dates de réception des offres portées sur les formulaires d'acceptation sont erronées. Il importe peu à cet égard que l'acte notarié de prêt ne mentionne pas la date de réception de l'acceptation formulée par l'emprunteur. Aucune conséquence ne peut également être tirée des mentions incohérentes apposées sur le document intitulé « offre de reprise d'un prêt personnel immobilier », dès lors que le délai d'acceptation de l'offre modificative a été respecté.
Il s'ensuit que le moyen tiré d'une violation du délai de dix jours édicté par l'alinéa 2 de l'article L 312-10 du Code de la consommation ne peut qu'être rejeté.
Quant à la mention de deux TEG
Le prêt étant assorti d'une « assurance groupe décès, invalidité, incapacité de travail » dont le taux de cotisation est variable, dans la limite maximale de 0, 45 % l'an (cf. acte notarié page 21), les appelants sont mal fondés à critiquer la mention de deux TEG, l'un fixé en considération de la cotisation d'assurance applicable au jour de l'acte, l'autre fixé en considération de la cotisation d'assurance au taux maximal.
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Il suit de ces motifs que la demande en déchéance du droit aux intérêts ne peut qu'être rejetée.
Sur les demandes en nullité des conventions et en nullité des clauses d'intérêts
Les appelants forment, à titre principal, une demande en nullité des conventions de prêt et de réaménagement, subsidiairement, une demande en nullité des clauses d'intérêts stipulées à ces conventions, plus subsidiairement, une demande en substitution de l'intérêt au taux légal à l'intérêt conventionnel.
Ils invoquent, dans tous les cas, une erreur sur le TEG énoncé dans les actes.
1. En application de l'article 1304 du Code civil, le point de départ de la prescription de l'action en nullité d'une convention pour cause d'erreur est retardé à la date à laquelle l'erreur a été découverte.
2. Il résulte des articles 1907 du Code civil et L 313-2 du Code de la consommation que le taux effectif global doit être fixé par écrit, cette exigence étant une condition de validité de la stipulation même de l'intérêt.
La méconnaissance de ces textes est sanctionnée par la nullité relative de la clause d'intérêts conventionnels.
L'action tendant à voir mettre en œ uvre cette sanction s'éteint si elle n'a pas été exercée dans les cinq ans suivant la signature de l'acte quant celui- ci ne mentionne pas de TEG ou bien lorsque les énonciations de cet acte révèlent en elles- mêmes le caractère erroné du TEG qui y figure.
Selon la thèse des appelants, le caractère erroné du TEG résulte des irrégularités suivantes :
- recours à un mode de calcul non actuariel pour la fixation du TEG de l'acte de prêt ;
- absence de prise en compte de l'ensemble des frais liés à l'octroi du crédit pour la fixation du TEG dans la convention de réaménagement ;
- absence de prise en compte du caractère fixe de la prime d'assurance alors que le capital garanti diminue au fil du temps.
A les supposer fondées, ces irrégularités ne se déduisent pas des énonciations de la convention de prêt et de la convention de réaménagement.
Il s'ensuit que les appelants sont fondés à soutenir que le délai de prescription de l'action en nullité des clauses d'intérêts n'a commencé à courir, par application de l'article 1304 du Code civil, qu'à compter de la révélation à l'emprunteur du caractère erroné du TEG.
3. C'est à l'emprunteur, qui s'oppose à la fin de non recevoir tirée de la prescription des actions en nullité, qu'il appartient d'établir que la découverte de l'erreur est intervenue au cours des cinq années ayant précédé la demande en nullité.
En l'espèce, les appelants n'établissent pas à quelle date les irrégularités qu'ils invoquent ont été portées à leur connaissance puisqu'ils se prévalent d'un rapport du Cabinet Afi, établi le 28 juillet 2003, alors qu'il ont demandé la nullité des clauses d'intérêts dans l'acte introductif d'instance délivré le 11 mars 2003, soit antérieurement à la date prétendue de la découverte de l'erreur.
Dès lors, il convient de confirmer la décision attaquée en ce qu'elle a dit irrecevable comme prescrite l'action en nullité des clauses d'intérêts et de déclarer irrecevable, pour le même motif, l'action en nullité des conventions de prêt.
L'irrecevabilité de la demande en nullité des stipulations d'intérêts rend sans objet la demande en substitution du taux d'intérêt légal au taux conventionnel puisque cette demande, fondée sur le caractère erroné du TEG énoncé aux conventions, n'a pas un caractère autonome, mais n'est que la conséquence du prononcé de la nullité.
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M. X... et la SCI du Mercou, qui succombent, doivent être condamnés aux dépens et, en considération de l'équité, au paiement de la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, en sus de l'indemnité fixée en première instance.
PAR CES MOTIFS
La Cour
Statuant publiquement, contradictoirement,
Confirme la décision attaquée en ce qu'elle a déclaré irrecevable comme prescrite l'action en nullité des clauses d'intérêts conventionnels et en ce qu'elle a condamné M. X... et la SCI du Mercou aux dépens et au paiement de la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
Y ajoutant
Déclare irrecevable comme prescrite la demande en nullité de la convention de prêt et de la convention modificative,
Rejette la demande en déchéance du droit aux intérêts,
Condamne M. Jean Pierre X... et la SCI du Mercou aux dépens et au paiement au profit de la Société Crédit du Nord de la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
Vu l'article 699 du nouveau Code de procédure civile,
Autorise la SCP d'avoués Primout- Faivre à recouvrer les dépens d'appel directement contre M. Jean Pierre X... et contre la SCI du Mercou, si elle en a fait l'avance sans avoir reçu provision.
Le Greffier Le Président