COUR D' APPEL D' AIX EN PROVENCE
4o Chambre C
ARRÊT AU FOND
DU 13 DECEMBRE 2007
No 2007 / 430
Rôle No 05 / 11701
Félix X...
C /
SCI LIBERTE 11
Claude Y...
Grosse délivrée
le :
à :
réf
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 23 Mai 2005 enregistré au répertoire général sous le no 01 / 2397.
APPELANT
Monsieur Félix X...
né le 15 Mai 1945 à NICE (06000),
demeurant...- 06200 NICE
représenté par la SCP SIDER, avoués à la Cour,
assisté de Maître Jean Philippe PAZZANO, avocat au barreau de NICE
INTIMES
SCI LIBERTE 11 prise en la personne de son représentant légal en exercice,
demeurant 11, rue de la Liberté- 06000 NICE
représentée par la SCP COHEN- GUEDJ, avoués à la Cour,
assistée de Maître Véronique ESTEVE- PARIENTI, avocat au barreau de NICE
Maître Claude Y... pris en sa qualité de commissaire à l' exécution du plan de M X...
demeurant...- 06000 NICE
représenté par la SCP LATIL- PENARROYA- LATIL- ALLIGIER, avoués à la Cour
*- *- *- *- *
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du Nouveau Code de Procédure Civile, l' affaire a été débattue le 10 Octobre 2007, en audience publique, les avocats ne s' y étant pas opposés, devant Monsieur Michel NAGET, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l' audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Brigitte BERNARD, Président
Madame Marie- Françoise BREJOUX, Conseiller
Monsieur Michel NAGET, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Marie- Christine RAGGINI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Décembre 2007.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Décembre 2007
Signé par Madame Brigitte BERNARD, Président et Madame Marie- Christine RAGGINI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :
Suivant acte sous seing privé du 28 juin 1979, les consorts Z... ont donné à bail à Monsieur Félix X..., artisan coiffeur, un local commercial situé à Nice (06000), 11 rue de la Liberté, pour une durée de neuf ans, au loyer annuel de 13. 000, 00 francs. La destination des lieux était celle de " salon de coiffure, esthétique et accessoire ".
Ce bail, établi sur une formule imprimée, comporte, à la fin, une clause dactylographiée, ajoutée au texte d' origine, et qui affirme :
" Contrairement aux clauses précitées, le preneur est autorisé à céder son droit au bail, ou à sous- louer son magasin à un coiffeur, ou à tout autre commerçant tenant un commerce de luxe, autre que ceux pouvant déjà exister dans l' immeuble... "
Ce bail a été renouvelé pour une nouvelle période de neuf ans, à compter du premier octobre 1988, au loyer annuel de 22. 756, 00 francs, à ce qu' il résulte d' un avenant du 5 décembre 1989.
Le 2 avril 1997, Monsieur X... a fait notifier à ses bailleurs une demande de renouvellement de son bail à compter du premier octobre 1997. La compagnie d' assurances LA FRANCE, qui était entre temps devenue propriétaire des locaux, y a répondu par la notification, le 27 mars 1998, par une offre de renouvellement moyennant un loyer de 200. 000, 00 francs par an. Il était apparu, à cette époque, que, usant de la possibilité qui lui en était offerte par son bail, Monsieur X... avait consenti des baux de courte durée à plusieurs sous- locataires successifs, et moyennant des loyers nettement plus élevés que celui qu' il payait lui- même.
Quoi qu' il en fût, les parties n' ont pas trouvé d' accord sur le prix d' un nouveau loyer qui a été fixé à 120. 000, 00 francs par an hors taxes et hors charges, par jugement rendu du Juge des loyers du Tribunal de Grande Instance de Nice en date du 5 mai 2000. Cependant, ce jugement a fait l' objet d' une réformation par arrêt de cette Cour d' Appel en date du 11 décembre 2003 qui, faisant une application restrictive de l' article L 145- 31 du code de commerce, a limité l' application du loyer majoré prévu par le troisième alinéa de ce texte aux périodes pendant lesquelles les locaux ont été effectivement sous- loués. Le prix du loyer renouvelé a été fixé ainsi à :
- 1. 752 euros (11. 492, 37 francs) par mois, pendant la période du premier octobre au 30 novembre 1997,
- 1. 784 euros (11. 702, 27 francs) par mois du premier décembre 1997 au 31 janvier 1999,
- 1. 509 euros (9. 898, 39 francs) par mois du premier février 1999 jusqu' à la fin du bail de sous location consenti à la S. A. R. L. PATRIUM INDUSTRY.
Le prix du loyer du bail renouvelé a été par ailleurs fixé selon les règles du plafonnement légal, sur la base du prix de l' ancien loyer, pendant les périodes au cours desquelles aucune sous- location n' avait été conclue.
A la même époque, Monsieur X... a commencé à rencontrer des problèmes financiers. Le 9 septembre 2004, la SCI LIBERTÉ 11, devenue entre temps propriétaire de l' immeuble, lui a fait délivrer un commandement d' avoir à lui payer la somme de 21. 816, 33 euros, représentant un arriéré de loyers qui s' accumulait depuis juillet 1999, mais que l' intéressé a réglé intégralement le 8 octobre 2004. D' autre part, Monsieur X... a fait l' objet d' une procédure de redressement judiciaire simplifié, suivant jugement du Tribunal de Commerce de Nice en date du 12 février 1999, et un plan de redressement par voie de continuation a été arrêté le 9 novembre 2000.
Enfin, la santé de Monsieur X... s' est dégradée. Un certificat médical du 16 juin 2004 atteste que son état de santé ne lui permet plus d' exercer aucune activité professionnelle et une pension d' invalidité de deuxième catégorie lui a été attribuée en janvier 1999, transformée en pension vieillesse en juin 2005 (il est né en 1945).
Dès le 28 décembre 2000, la société LIBERTÉ 11 a fait constater par un huissier que les locaux n' étaient plus exploités. D' autres constatations identiques ont été effectués les 23 février et 28 août 2001. Entre temps sommation d' avoir à reprendre son activité a été faite à Monsieur X..., qui n' y a pas donné suite, le local étant toujours fermé en novembre 2003.
Suivant assignation du 16 mars 2001, la SCI LIBERTÉ 11 a introduit, devant le Tribunal de Grande Instance de Nice une demande qui tendait à la résiliation du bail, et à l' expulsion du locataire, au motif que l' exploitation du bail commercial avait cessé.
Par jugement en date du 23 mai 2005, le Tribunal a accédé à cette demande, et débouté Monsieur X... des demandes reconventionnelles qu' il avait formées, en payement de deux sommes de 30. 489, 80 et 3. 811, 23 euros réclamées à titre de dommages- intérêts.
Monsieur X... a été condamné aux dépens de l' instance, et au payement d' une somme de 1. 200, 00 euros allouée en application de l' article 700 du nouveau code de procédure civile.
Monsieur X... a interjeté appel de cette décision, suivant déclaration reçue au Greffe de la Cour le 3 juin 2005.
Par conclusions du 3 octobre 2007, il en demande l' infirmation, et conclu à ce que soit constaté " le renouvellement du bail liant les parties, judiciairement prononcé par arrêt... (du)... 11 décembre 2003 ", et " à défaut, de réintégration dans les lieux ", il demande à être " indemnisé du chef de ses demandes ".
Il sollicite ainsi la condamnation de la société LIBERTÉ 11 à lui payer :
- la somme de 365. 000, 00 euros à titre de dommages- intérêts,
- celle de 2. 000, 00 euros réclamée en application de l' article 700 du nouveau code de procédure civile.
Il demande aussi la restitution de deux mannequins, d' une caisse enregistreuse, et de 32 miroirs, ou à défaut, la condamnation de son adversaire au payement d' une somme complémentaire de 1. 500, 00 euros.
De son côté, la société LIBERTÉ 11 a conclu le 10 octobre 2007, à la confirmation du jugement entrepris et à la condamnation de Monsieur X... à lui payer en outre :
- la somme de 5. 380, 40 euros à titre de solde d' indemnité d' occupation et charges pour la période comprise entre janvier et octobre 2005,
- celle de 10. 000, 00 euros à titre de dommages- intérêts réclamés en réparation d' un préjudice moral,
- celle de 8. 000, 00 euros réclamée en application de l' article 700 du nouveau code de procédure civile.
Il convient de préciser, enfin, que le jugement entrepris, assorti de l' exécution provisoire, a été amené à exécution, et que l' expulsion a eu lieu, entre temps, les 14 et 24 octobre 2005.
M O T I F S :
La Cour constate d' abord que l' irrecevabilité de l' appel n' est pas soulevée, et qu' elle n' a pas lieu d' être relevée d' office.
Puis, sur les mérites du recours, les motifs de sa décision sont les suivants :
A l' appui de son appel, Monsieur X... fait plaider la force majeure, son état de santé ne lui permettant plus d' exercer ni son activité de coiffeur, ni aucune autre activité commerciale, et qui s' opposerait à la résiliation prononcée par le Tribunal.
D' autre part, il reprend une argumentation déjà développée vainement devant le Tribunal, et selon laquelle la société LIBERTÉ 11 aurait fait échouer tous ses projets de cession de son droit au bail, en lui refusant la délivrance des pièces dont il avait besoin pour cette opération. Toujours selon lui, la société LIBERTÉ 11, propriétaire de l' immeuble depuis juillet 1999, refuse de lui remettre le " document contractuel attestant de la qualité de locataire et de l' existence du bail pourtant reconduit judiciairement ". Elle aurait également refusé " depuis l' origine de lui délivrer des quittances de loyers ", bien qu' il fût à jour de ses règlements.
Il ajoute : " C' est bien l' absence de bail et (de) quittances de loyers pour le paiement en cours qui a dissuadé les acheteurs potentiels ".
Or, si l' état de santé du preneur mérite d' être pris en considération dans l' appréciation de la faute invoquée à l' appui d' une demande de résiliation d' un bail commercial fondée sur le défaut d' exploitation des locaux, il ne saurait faire échec à une telle demande, lorsqu' il est établi que la cessation d' activité durait depuis trois ans, pour le moins, et que l' activité n' avait pas repris lorsque le jugement du Tribunal de Grande Instance de Nice a été rendu.
De plus, les éléments d' imprévisibilité et d' irrésistibilité, constitutifs de la force majeure ne sont pas réunis dans un événement tel que la maladie de l' une des parties, dans le cas d' espèce où le fonds aurait pu continuer d' être sous- loué ou être proposé à la location gérance.
En second lieu, il n' est nullement démontré que la société LIBERTÉ 11 aurait mis un obstacle quelconque à la cession du bail ou du fonds de commerce. Contrairement à ce que prétend l' appelant, celui- ci était en possession d' un titre locatif, le bail d' origine et de l' arrêt rendu le 11 décembre 2003 faisant la preuve de ses droits, l' absence de quittancement, serait- il démontré, ne faisant pas obstacle à la cession que l' intéressé voulait réaliser.
Il convient donc de confirmer le jugement entrepris en toutes ses disposition.
En second lieu, deux constats d' huissier dressés les 13 juillet et 4 août 2005, donc juste avant l' expulsion effectuée le 14 octobre 2005 montrent que les locaux étaient déjà vides de tout mobilier, en sorte que les demandes de restitution de Monsieur X... seront également rejetées.
Par contre, il apparaît que le jugement en date du 23 mai 2005 n' a condamné le locataire à aucune indemnité d' occupation, ce qui justifie la demande de la bailleresse en payement d' une telle indemnité pour la période comprise entre janvier et octobre 2005. Cette condamnation sera toutefois prononcée en deniers ou quittances, c' est- à- dire sans avoir à renouveler des règlements dont la preuve serait rapportée.
Enfin, Monsieur X... sera condamné aux dépens d' appel, ainsi qu' au payement d' une nouvelle indemnité de 1. 500, 00 euros alloué en application de l' article 700 du nouveau code de procédure civile, toutes autres demandes formulées de part et d' autre étant rejetées.
Par ces motifs,
La Cour,
Statuant en audience publique et contradictoirement,
Déclare Monsieur Félix X... recevable, mais mal fondé, en son appel du jugement rendu le 23 mai 2005 par le Tribunal de Grande Instance de Nice.
Confirme, en conséquence le dit jugement en toutes ses dispositions.
Y ajoutant,
Condamne Monsieur X... à payer à la SCI LIBERTÉ 11, en deniers ou quittances, la somme de 5. 380, 40 euros (cinq mille trois cent quatre vingt euros et quarante centimes) à titre de solde d' indemnité d' occupation et charges pour la période comprise entre janvier et octobre 2005.
Le condamne également à payer à cette société la somme de 1. 500, 00 euros (mille cinq cents euros) allouée en application de l' article 700 du nouveau code de procédure civile, en cause d' appel.
Déboute les parties de toutes plus amples demandes.
Condamne Monsieur X... aux dépens d' appel, et pour leur recouvrement, accorde à la société d' avoués COHEN Hervé COHEN Laurent et Paul GUEDJ le bénéfice des dispositions de l' article 699 du nouveau code de procédure civile.
La Greffière : La Présidente :