COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
1re Chambre B
ARRÊT SUR RENVOI DE CASSATION
ET SUR DÉFÉRÉ
DU 13 DÉCEMBRE 2007
N° 2007/702
Rôle N° 06/15448
LA COMMUNE D'AURIBEAU SUR SIAGNE
C/
OFFICE PUBLIC D'HLM DES ALPES MARITIMES (OPAM)
Sur saisine de la cour suite à l'arrêt rendu par la Cour de cassation en date du 04 Juillet 2006 enregistré au répertoire général sous le n° J04-13-732, lequel a cassé et annulé l'arrêt rendu le 16 décembre 2003 n° 861 par la 1re chambre section A de cette cour.
APPELANTE d'un jugement rendu le 17 décembre 2001 par le tribunal de grande instance de Grasse
DEMANDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI
DEMANDERESSE AU DÉFÉRÉ suite à l'ordonnance rendue par le conseiller de la mise en état de la 1re chambre A de cette cour en date du 10 avril 2007
LA COMMUNE D'AURIBEAU SUR SIAGNE,
prise en la personne de son Maire en exercice,
Hôtel de Ville - 06810 AURIBEAU SUR SIAGNE
représentée par la SCP LIBERAS - BUVAT - MICHOTEY, avoués à la Cour, plaidant par Me Frédéric MASQUELIER, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
INTIMÉ
DÉFENDEUR DEVANT LA COUR DE RENVOI
DÉFENDEUR AU DÉFÉRÉ
L'OFFICE PUBLIC D'HABITATION A LOYER MODÉRÉ DES ALPES MARITIMES (OPAM)
dont le siège est 53 boulevard René Cassin - 06282 NICE CEDEX
représenté par la SCP COHEN - GUEDJ, avoués à la Cour,
plaidant par Me Jean-Charles MSELLATI, avocat au barreau de NICE
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 08 Novembre 2007 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Nouveau Code de Procédure Civile, Monsieur François GROSJEAN, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur François GROSJEAN, Président
Madame Catherine CHARPENTIER, Conseiller
Madame Martine ZENATI, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Sylvie MASSOT.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Décembre 2007.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Décembre 2007,
Signé par Monsieur François GROSJEAN, Président, et Madame Sylvie MASSOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Vu le jugement rendu le 17 décembre 2001 par le tribunal de grande instance de Grasse, lequel, au visa de l'article 555 du code civil, a condamné la commune d'Auribeau-sur-Siagne :
- à supprimer les constructions édifiées par elle (centre de secours) à ses frais exclusifs et sans indemnité sur le terrain appartenant à l'office public de HLM de Nice et des Alpes-Maritimes (OPAM) cadastré section A n° 179, 187, 190, 193, 194, 195 et 523,
- à payer à l'OPAM sus-désigné la somme de 624.000 francs à titre d'indemnité d'occupation et celle de 5.000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
- et aux dépens.
Vu l'arrêt rendu le 16 décembre 2003 par la 1re chambre section A de la cour, laquelle a infirmé le jugement, s'est déclarée incompétente au profit de la juridiction administrative et a renvoyé les parties à mieux se pourvoir, a rejeté l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et a dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens de première instance et d'appel.
Vu l'arrêt rendu le 4 juillet 2006 par la Cour de cassation, 1re chambre civile qui a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt du 16 décembre 2003, renvoyé la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt pour être fait droit devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée et condamné la commune d'Auribeau-sur-Siagne aux dépens et à payer à l'OPAM de Nice la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Vu la saisine de la cour d'appel de renvoi par la commune d'Auribeau-sur-Siagne le 7 septembre 2006.
Vu l'ordonnance d'incident rendue le 10 avril 2007 par le conseiller de la mise en état qui a déclarée irrecevable l'exception d'incompétence soulevée par la Commune d'Auribeau-sur Siagne, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et condamné cette commune aux dépens, au motif que la commune avait déposé des conclusions le 25 juin 2002 avant de déposer de nouvelles conclusions le 11 août 2003 dans lesquelles elle invoquait l'incompétence des juridictions judiciaires au profit des juridictions administratives.
Vu le déféré initié par la commune d'Auribeau-sur Siagne et la jonction de cette instance avec l'instance au fond par ordonnance du conseiller de la mise en état du 10 mai 2007.
Vu les conclusions de déféré déposées le 24 avril 2007 par la commune d'Auribeau-sur Siagne qui demande d'infirmer l'ordonnance du 10 avril 2007, de dire que le conseiller de la mise en état est incompétent pour statuer sur une exception de procédure qui touche à la première instance et de condamner l'OPAM aux dépens et à lui payer une indemnité de 1.000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Vu les conclusions en réponse sur le déféré déposées le 10 mai 2007 par l'OPAM qui demande déclarer la commune d'Auribeau-sur-Siagne irrecevable au visa de l'article 914 du nouveau code de procédure civile, à titre subsidiaire de dire que le juge judiciaire est compétent pour statuer sur ses demandes et de condamner la commune d'Auribeau-sur-Siagne aux dépens et à lui payer la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Vu les conclusions au fond déposées le 14 décembre 2006 par la commune d'Auribeau-sur-Siagne qui demande :
- in limine litis, de dire que le tribunal de grande instance de Grasse était incompétent pour statuer sur les demandes de l'OPAM qui relèvent de la juridiction judiciaire,
- sur le fond de dire que l'OPAM est propriétaire du terrain litigieux, d'infirmer le jugement sur la condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation,
- et statuant à nouveau à titre principal, de dire que la demande de l'OPAM est prescrite en raison de la déchéance quadriennale et que ses demandes nouvelles en appel sont irrecevables en application de l'article 564 du nouveau code de procédure civile, de constater que l'OPAM a renoncé à sa demande de démolition du centre de secours et de dire que la commune est propriétaire du terrain en application de la dation en paiement convenue par les parties.
- subsidiairement, si l'OPAM était reconnu propriétaire des constructions, de le condamner à payer la somme de 102.174 euros représentant le montant des travaux payés par la commune.
-en tout état de cause, la commune d'Auribeau-sur-Siagne demande que l'OPAM soit condamnée à lui payer 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en application de l'article 32-1 du nouveau code de procédure civile, la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Vu les conclusions au fond déposées le 9 mars 2007 par l'OPAM qui conclut au rejet de toutes les prétentions de la commune. A titre indicent, considérant que le transfert du centre de secours et du terrain d'assiette au service départemental d'incendie et de secours (SDIS), l'OPAM demande d'infirmer partiellement le jugement et de condamner la commune à lui payer la somme de 300.000 euros à titre d'indemnité globale répartie comme suit :
- à concurrence de 135.000 euros représentant le prix de sa propriété selon l'estimation des Domaines du 25 octobre 2002,
- à concurrence de 110.978 euros au titre de l'indemnité d'occupation pendant 14 ans,
- et pour 54.022 euros à titre de dommages et intérêts ;
Enfin l'OPAM demande de condamner la commune d'Auribeau-sur-Siagne aux entiers dépens et à lui payer la somme de 6.000 euros en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
- sur l'exception d'incompétence,
Le conseiller de la mise en état ayant déclaré irrecevable l'exception d'incompétence au profit des juridictions de l'ordre administratif soulevée par la commune d'Auribeau, sa décision est déférée à la cour devant laquelle l'exception est à nouveau invoquée.
En application de l'article 914 du nouveau code de procédure civile, cette ordonnance est susceptible d'être déférée à la cour dès lors qu'elle statue sur une exception de procédure et, contrairement à ce que relève la commune, le conseiller de la mise en état n'a pas statué sur une exception de procédure relative à la première instance mais sur l'exception relative à la procédure dont la cour est saisie, dès lors que la commune d'Auribeau-sur-Siagne, défenderesse, n'avait pas comparu et qu'il avait été statué par jugement réputé contradictoire sans qu'une exception de procédure soit soulevée devant le premier juge.
L'article 74 du nouveau code de procédure civile disposant que les exceptions de procédure doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, alors même que les règles invoquées au soutien de l'exception seraient d'ordre public, est irrecevable le moyen tiré de l'incompétence des tribunaux de l'ordre judiciaire au profit des juridictions administrative invoqué pour la première fois par conclusions déposées et notifiées le 11 août 2003 après qu'elle eut précédemment déposé et notifié des conclusions le 25 juin 2002.
L'ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 10 avril 2007 sera confirmée.
- sur la prescription de l'action
L'OPAM intimée a, sur appel incident, modifié ses prétentions et substitué à sa demande initiale en suppression des ouvrages réalisés sur le terrain dont elle est propriétaire par la commune d'Auribeau-sur-Siagne et en paiement d'une indemnité d'occupation du terrain pendant 12 ans à hauteur de 624.999 francs, une demande en paiement de la somme de 300.000 euros à titre de dommages et intérêts en application de l'article 1382 du code civil, cette somme représentant à hauteur de 135.000 euros le prix de sa propriété selon l'estimation des domaines le 21 octobre 2002, l'indemnité d'occupation du terrain pendant 14 ans à hauteur de 110.978 euros et la somme de 54.022 euros à titre de dommages et intérêts.
Sans qu'il y ait lieu de statuer sur la réalité de l'évolution du litige et la recevabilité de ces prétentions qualifiées de nouvelles par la commune, au visa de l'article 564 du code civil en outre invoqué, il sera retenu que l'action est prescrite par application de l'article 2 de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 sachant que, même si la créance invoquée est de nature indemnitaire, le point de départ de la prescription quadriennale de l'action est la date du fait générateur de cette créance, c'est-à-dire, en l'espèce, celle de la prise de possession par la commune du terrain litigieux.
Or, l'OPAM a introduit son action par assignation du 27 septembre 2000, alors que le centre de secours a été construit sur la base d'une délibération du conseil municipal du 2 juin 1988 et d'un marché de travaux approuvé par délibération du 29 janvier 1990, et que la convention non exécutée à l'origine du litige a été conclue par échange de correspondance entre les parties les 10 (ou 18) avril et 29 avril 1988 et que dans son assignation du 27 novembre 2000 l'OPAM réclame une indemnité compensatrice de 12 ans d'occupation du terrain par la commune.
De plus, la réclamation chiffrée par l'OPAM après évaluation du terrain par le service des domaines a été formulée par courrier de mise en demeure du 25 septembre 1996 en complément de celles des 16 janvier, 22 mars et 28 juin 1996.
La commune d'Auribeau-sur-Siagne sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts au visa de l'article 32-1 du nouveau code de procédure civile, les circonstances du litige telles que rapportées par les parties dans leurs écritures ne mettant pas en évidence l'abus de procédure invoqué.
L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
L'OPAM, partie succombante, sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant par arrêt contradictoire, rendu publiquement par mise à disposition au greffe,
Confirme l'ordonnance déférée rendue le 10 avril 2007 par le conseiller de la mise en état,
Infirme le jugement rendu le 17 décembre 2001 par le tribunal de grande instance de Grasse et statuant à nouveau,
Déclare prescrite l'action de l'OPAM des Alpes-Maritimes,
Déboute la commune d'Auribeau-sur-Siagne de sa demande de dommages et intérêts,
Condamne l'OPAM des Alpes-Maritimes aux entiers dépens de première instance et d'appel et dit que ceux d'appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.