COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
ARRET N / 08
20ème Chambre
ARRET DE LA CHAMBRE DE L'INSTRUCTION
du 21 février 2008
La Chambre de l'Instruction de la Cour d'Appel d'AIX EN PROVENCE, réunie en Chambre du Conseil, à l'audience du VINGT ET UN FEVRIER DEUX MILLE HUIT,
Monsieur POUSSIN, Président, a été entendu en son rapport sur le procès instruit contre :
Kévin X...
né le 19 août 1988 à TOULON
de nationalité française
célibataire
sans profession
demeurant ...-83000 TOULON
DETENU A LA MAISON D'ARRET DE TOULON-LA FARLEDE,
mandat de dépôt correctionnel du 7 février 2008,
NON COMPARANT
D140 à 142 MIS EN EXAMEN DES CHEFS DE : vols, vols en réunion, recel de vols
Ayant pour avocat :
Me ZECCHINI,178 avenue Vauban-83000 TOULON
Monsieur LABONNE, Substitut Général, a été entendu en ses réquisitions.
Maître ZECCHINI, avocat de l'appelant, a été entendu, conformément à la loi.
Puis le Ministère Public, le greffier, se sont retirés, ainsi que l'avocat présent à la barre.
Les débats étant terminés, la Chambre de l'Instruction, en Chambre du Conseil, en a délibéré hors la présence du Ministère Public, du Greffier, des parties.
Monsieur le Président a prononcé l'arrêt suivant en Chambre du Conseil, à l'audience de ce jour.
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Vu les pièces de la procédure ;
Vu le réquisitoire écrit de Monsieur le Procureur Général en date du 18 février 2008 ;
Vu les pièces desquelles il résulte que Monsieur le Procureur Général a donné avis par lettres recommandées en date du 12 février 2008 envoyées aux parties intéressées et à leurs avocats, conformément à l'article 197 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'il a été satisfait aux formes et délais prescrits par ledit article ;
Vu l'arrêt rendu ce jour statuant sur la non publicité des débats ;
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Vu l'ordonnance de saisine du Juge des Libertés et de la Détention du 7 février 2008 ;
Vu le débat contradictoire en audience non publique ;
Vu l'ordonnance rendue le 7 février 2008 par le Juge des Libertés et de la Détention de TOULON et portant placement en détention provisoire de Kévin X... ;
Vu la notification de l'ordonnance le 7 février 2008 à l'intéressé ;
Vu l'appel interjeté le 11 février 2008 par le conseil de Kévin X... suivant déclaration faite au greffe du Tribunal de Grande Instance de TOULON ;
Attendu qu'au moment des faits le mis en examen était majeur et qu'il encourt une peine d'au moins 3 ans mais inférieure ou égale à 5 ans portant le maximum de la détention provisoire à 4 mois ;
Attendu que cet appel est régulier en la forme et a été interjeté dans le délai légal ;
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Vu le mémoire transmis par télécopie au greffe de la Chambre de l'Instruction par Maître ZECCHINI le 20 février 2008 à 11h15, et visé par le Greffier ;
D142SUR LES FAITS
Le 4 février 2008, la police de l'Air et des Frontières de Marseille interceptait trois scooters enregistrés auprès de la SNCM au nom de Ramzi A..., domicilié à Toulon, en tant que bagages à destination de la Tunisie.
Deux des scooters étaient signalés volés, l'un le 29 janvier 2008 à La Garde au préjudice de Corinne B..., l'autre le 31 janvier 2008 à Toulon au préjudice de Valérie C... (D19-D22).
Les investigations diligentées dans le cadre de l'enquête de flagrance par le service de police déjà saisi des deux plaintes permettaient d'établir que le troisième scooter avait également été volé, le 25 janvier 2008, à Toulon au préjudice de Romain D....
Un témoin des faits, Nathalie E..., relatait qu'aux environs de 22 heures, son attention avait été attirée par des bruits de pas venant de la rue. En regardant par la fenêtre, elle constatait la présence d'un fourgon blanc portant à l'arrière des ailes un motif bleu en forme de poisson et dont les plaques d'immatriculation étaient masquées par du papier journal ne laissant voir que le numéro du département,83, stationné en plein milieu de la route, au niveau du scooter de Romain D... qui se trouvait sur le trottoir attaché avec une chaîne. Le fourgon avait finalement quitté les lieux pour revenir quelques minutes plus tard. Deux individus de type nord-africain, vêtus de blousons et de jeans, en étaient sortis et avaient transporté le scooter à l'intérieur du véhicule sans enlever la chaîne (D46-D47).
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Ramzi A... était interpellé à son domicile le 5 février 2008 (D26).
Au cours de la perquisition (D27-D28), étaient découverts :
-dans le garage situé dans le sous-sol de l'immeuble, stationné sur un emplacement ouvert, un fourgon blanc de marque Hyundaï, portant sur les portes latérales arrières un dessin représentant un ovale de couleur bleue avec une vague à l'intérieur, à l'arrière duquel l'intéressé indiquait avoir transportés les trois scooters,
-à l'intérieur d'un box fermé situé face à l'emplacement du fourgon, deux chaînes de cyclomoteurs avec cadenas coupées et une pince-monseigneur,
-à l'intérieur du véhicule Renault Clio utilisé par l'intéressé et appartenant à sa soeur, deux bulletins de bagages de cale établis par la SNCM le 2 février 2008, l'un au nom de Ramzi A... pour deux cyclomoteurs, l'autre au nom de Sahar F... pour un 3ème cyclomoteur.
Lors de sa garde-à-vue, Ramzi A... expliquait, après avoir tenté d'égarer les enquêteurs en leur fournissant de fausses informations, avoir acheté des scooters qu'ils savaient provenir de vols à un individu d'origine malgache prénommé Kévin, habitant son quartier et avec lequel il jouait régulièrement au football dans le but de les revendre en Tunisie.
A cet égard, la PAF retrouvait la trace d'un précédent envoi en Tunisie de deux scooters en date du 26 janvier 2008 au nom de Ramzi A... et de Fatma F....
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Contacté à la demande des enquêteurs par Ramzi A..., Kévin X... était interpellé le 5 février en fin d'après-midi sur les lieux du rendez-vous qu'il avait lui-même fixé à son comparse.
Il reconnaissait immédiatement voler des scooters et les revendre, pour se faire de l'argent.
Il précisait avoir volé un premier scooter le 22 ou 23 janvier 2008, alors qu'il se promenait au Pont-du-Las. Il s'était ensuite rendu à l'îlot Claret où Ramzi A..., qu'il connaissait depuis environ un an, lui proposait non seulement d'acheter le scooter en question mais également tout autre scooter qu'il pourrait se procurer. Depuis, il avait volé toute une quinzaine de scooters.
Il indiquait avoir commis certains de ces vols seuls, d'autres en compagnie de Ramzi A... au moyen de son fourgon et d'autres encore en compagnie d'un prénommé Jérémy à ce jour non identifié, n'hésitant pas le cas échéant à se livrer à des dégradations pour parvenir à ses fins ou à utiliser une clé-passe pour ouvrir le portail d'une résidence et pénétrer à l'intérieur.
En réponse à ces déclarations, Ramzi A... déclarait avoir acheté cinq scooters à Kévin X... entre le 21 janvier à 150 € l'unité. Pour deux d'entre eux, il avait lui-même coupé la chaîne antivol à l'aide de la pince-monseigneur découverte dans le garage de son père.
Il affirmait, d'une part, ne l'avoir aidé qu'à une seule occasion à voler un scooter en allant le récupérer, à sa demande, vers le quartier des Routes avec le son véhicule et, d'autre part, que Kévin X... agissait avec deux autres individus prénommés pour l'un Igor (susceptible d'être Igor G...) et l'autre Nicolas.
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Lors de l'interrogatoire de première comparution, Ramzi A... et Kévin X... confirmaient pour l'essentiel leurs déclarations (D139-D141).
Le premier soulignait qu'il était inscrit en première année de master gestion des entreprises mais qu'il avait besoin de 3. 000 € pour s'installer à Paris où il devait être embauché chez un commissaire aux comptes et avoir utilisé, pour acheter les scooters, l'argent de sa bourse universitaire.
Le second revoyait à la baisse le nombre des scooters volés et confirmait que Ramzi A... n'avait pas participé qu'à un seul de scooter.
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Le Ministère Public a requis la confirmation de l'ordonnance déférée.
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Par mémoire régulièrement déposé au Greffe de la Chambre de l'Instruction, le Conseil fait valoir que la procédure de placement en détention est irrégulière au regard de l'article 81 alinéa 7 du code de procédure pénale.
Il sollicite, en conséquence, la mise en liberté de son client.
MOTIFS DE LA DECISION
Attendu qu'il résulte de l'article 81 alinéa 7 du code de procédure pénale que le juge d'instruction peut, au titre des actes d'informations, commettre, suivant les cas, le service pénitentiaire d'insertion et de probation, le service compétent de la protection judiciaire de la jeunesse ou toute association habilitée à l'effet de vérifier la situation matérielle, familiale et sociale d'une personne mise en examen et de l'informer sur les mesures propres à favoriser l'insertion sociale de l'intéressée ; qu'à moins qu'elles n'aient été déjà prescrites par le ministère public, ces diligences doivent être prescrites par le juge d'instruction chaque fois qu'il envisage de placer en détention provisoire un majeur âgé de moins de vingt et un ans au moment de la commission de l'infraction lorsque la peine encourue n'excède pas cinq ans d'emprisonnement ;
Attendu qu'en l'espèce, Kévin X... né le 19 août 1988 à TOULON était âgé de moins de 21 ans lors de la commission des faits paraissant se situer courant janvier 2008 ;
qu'il encourt, au regard de la qualification de ces faits, une peine d'au moins 3 ans mais inférieure ou égale à 5 ans (article 311-4 du code pénal) ;
que, dans ces conditions, l'enquête prévue par l'article précité aurait dû être ordonnée ;
Attendu qu'il ne résulte pas du dossier soumis à la chambre de l'instruction que cette enquête ait été sollicitée, ni par le parquet de Toulon, ni par le magistrat instructeur saisi ;
que, dès lors, le placement en détention est intervenu dans des conditions irrégulières ;
Attendu, en conséquence, qu'il convient d'annuler l'ordonnance
de placement et le mandat de dépôt consécutif ;
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE DE L'INSTRUCTION
Vu les articles 137,143-1,144,145 alinéa 1,186,194, et suivants du code de procédure pénale ;
EN LA FORME
DECLARE RECEVABLE L'APPEL INTERJETE,
AU FOND
ANNULE L'ORDONNANCE DE PLACEMENT EN DETENTION ET CONSECUTIVEMENT LE MANDAT DE DEPOT
ORDONNE LA MISE EN LIBERTE DE KEVIN X... S'IL N'EST DETENU POUR AUTRE CAUSE
Ordonne que le présent arrêt sera exécuté à la diligence de Monsieur le Procureur Général.
Fait à AIX EN PROVENCE, au Palais de Justice, en chambre du conseil, le VINGT ET UN FEVRIER DEUX MILLE HUIT.
où siégeaient :
Monsieur POUSSIN, Président de la chambre de l'instruction,
Madame ROBIN, Conseiller
Madame GAUDY, Conseiller,
Tous trois désignés à ces fonctions conformément aux dispositions de l'article 191 du Code de procédure pénale.
Monsieur LABONNE, Substitut Général,
Madame MAS, Greffier,
Tous composant la Chambre de l'Instruction et ont signé le présent arrêt.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
Les Avocats des parties ont été avisés du présent arrêt, par lettre recommandée.
LE GREFFIER