COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
8o Chambre C
ARRÊT AU FOND
DU 13 MARS 2008
No 2008/132
Rôle No 06/11321
LYONNAISE DE BANQUE
C/
S.A.R.L. GRAND VAR SPORT
Grosse délivrée
le :
à :SIDER
ST FERREOL
réf
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de TOULON en date du 11 Mai 2006 enregistré au répertoire général sous le no 2005F00445.
APPELANTE
S.A. LYONNAISE DE BANQUE prise en la personne de son représentant légal en exercice y domicilié, dont le siège est sis 8 rue de la République - 69001 LYON
représentée par la SCP SIDER, avoués à la Cour
plaidant par Maître AMSLER, avocat au barreau de LYON
INTIMEE
S.A.R.L. GRAND VAR SPORT prise en la personne de son représentant légal en exercice, dont le siège est sis Centre commercial Grand Var Est - 83160 LA GARDE
représentée par la SCP DE SAINT FERREOL-TOUBOUL, avoués à la Cour,
plaidant par Me Franck GHIGO, avocat au barreau de GRASSE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 22 Janvier 2008 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Jean-Louis BERGEZ, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Jean-Louis BERGEZ, Président
Monsieur Jean-Noël ACQUAVIVA, Conseiller
Madame Marie-Claude CHIZAT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Mars 2008.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Mars 2008,
Rédigé par Madame Marie-Claude CHIZAT, Conseiller,
Signé par Monsieur Jean-Louis BERGEZ, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS PROCEDURE PRETENTIONS DES PARTIES
La société EFGE cliente de la Lyonnaise de Banque a remis à l'escompte deux lettres de change émises le 5 Avril 2005, tirées acceptées par la société Grand Var Sport à échéance du 31 Mai et 30 Juin 2005, d'un montant respectif de 40 857,48 € chacune.
Le 31 Mai et le 30 Juin 2005, les deux lettres de change sont revenues impayées.
La banque a mis en demeure la société Grand Var Sport de payer les sommes correspondantes, le 9 Juin et le 5 Juillet 2005.
Par jugement en date du 31 Mai 2005, la société EFGE a été mise en liquidation judiciaire, la date de cessation des paiements étant fixée au 18 Mai 2005.
Par acte du 21 Juillet 2005, la Lyonnaise de Banque a fait assigner la société Grand Var Sport devant le Tribunal de Commerce de Toulon en paiement du montant des lettres de change lequel, par jugement rendu le 11 Mai 2006, a débouté la banque de ses demandes, retenant sa mauvaise foi au sens de l'article L 511-1 et suivants du Code de Commerce pour avoir accepté d'escompter les deux traites et l'a condamnée au paiement de la somme de 1 € au titre du préjudice causé à Grand Var Sport lié aux saisies conservatoires pratiquées sur son compte bancaire, et dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du NCPC.
Selon déclaration du 21 Juin 2006, la Lyonnaise de Banque a relevé appel de cette décision.
Vu les conclusions déposées par l'appelante le 14 Décembre 2007 et par l'intimée, le 10 Janvier 2008 ;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 22 Janvier 2008 ;
MOTIFS
Attendu qu'aux termes de l'article L 511-12 du Code de Commerce, les personnes actionnées en vertu d'une lettre de change ne peuvent opposer au porteur les exceptions fondées sur leurs rapports personnels avec le tireur, à moins que le porteur, en acquérant la lettre, n'ait agi sciemment au détriment du débiteur ;
Attendu que lorsque le tiré a accepté la lettre de change, la provision est présumée selon les dispositions de l'article L 511-7 du Code de Commerce ;
Attendu qu'en l'espèce, la société Grand Var Sport, tiré accepteur des deux effets de commerce est tenue d'une obligation cambiaire dont elle ne peut se défaire qu'en apportant la preuve de ce que la créance du tireur sur le tiré n'existait pas, et de la mauvaise foi de la banque ;
Attendu que la société Grand Var Sport indique que les effets de commerce ont été émis en paiement de travaux de rénovation de son magasin confiés à la société EFGE, laquelle aurait sous traité l'ensemble des travaux, lesquels n'auraient pas été exécutés;
Attendu qu'à titre d'éléments de preuve, la société Grand Var Sport qui ne produit aucun marché de travaux, verse aux débats un devis en date du 31 Mars 2006 établi par EFGE ainsi que 3 factures concernant des travaux qui ont été effectués ;
Qu'aucune pièce n'établit que les prestations n'ont pas été réalisées par la société EFGE ;
Qu'il s'ensuit que la présomption de l'article L 511-7 produit effet ;
Attendu en ce qui concerne la mauvaise foi de la banque, que les éléments du dossier ne permettent pas de constater que celle-ci avait connaissance d'un manque de provision et de la situation irrémédiablement obérée de la société EFGE ;
Qu'il ne suffit pas de dire que la Lyonnaise de Banque étant le banquier de EFGE, elle était nécessairement au courant de sa situation financière et économique compromise ;
Attendu que la mauvaise foi doit être démontrée, à savoir que la banque porteur a agi sciemment au détriment du débiteur, c'est-à-dire a eu conscience du préjudice qu'elle pouvait causer au débiteur cambiaire en endossant les effets ;
Attendu que la connaissance exacte de l'exception opposable et du bien fondé de celle-ci doit être établie ainsi que la connaissance du dommage occasionné résultant du fait que le banquier connaissait la situation irrémédiablement compromise de la société tireur dans l'impossibilité de fournir la provision ;
Attendu que le prononcé de la liquidation judiciaire de la société EFGE le 31 Mai 2005 avec cessation des paiements au 18 Mai 2005 ne constitue pas à lui seul, un élément de nature à caractériser la mauvaise foi du banquier escompteur ;
Attendu que la situation irrémédiablement compromise de EFGE lors de l'escompte des deux effets de commerce ne résulte pas des pièces produites, dès lors que le 28 Avril 2005, date de l'escompte, la société n'était pas en cessation des paiements ;
Qu'en tout état de cause, il n'est point démontré que la banque ait eu connaissance de cette situation et qu'elle ait agi sciemment dans le but de léser les intérêts de la société Grand Var Sport, dont elle ignorait, au demeurant les problèmes exposés dans le cadre de la présente procédure liés à des difficultés d'exécution du chantier ;
Attendu que la mauvaise foi de la banque, qui peut être rapportée par tout moyen n'est pas établie ;
Attendu qu'il s'ensuit que la société Grand Var Sport doit être condamnée en sa qualité de tiré accepteur des deux lettres de change émises par EFGE, à payer à la Lyonnaise de Banque le montant de celles-ci à savoir la somme de 40 857,48 € outre intérêts légaux à compter du 12 Juin 2005 et 40 857,48 € assortie des intérêts légaux à compter du 5 Juillet 2005 ;
Attendu que la capitalisation des intérêts sollicitée sera ordonnée conformément à l'article 1154 du Code Civil dont les conditions sont réunies ;
Attendu que la Société Grand Var Sport doit être déboutée en conséquence de toutes ses demandes ;
Attendu que le jugement entrepris sera infirmé ;
Attendu que l'équité commande d'allouer à l'appelante la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du NCPC.
PAR CES MOTIFS
La Cour, contradictoirement et publiquement,
Infirme le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Toulon en date du 11 Mai 2006,
Statuant à nouveau,
Condamne la société Grand Var Sport à payer à la Lyonnaise de Banque les sommes de 40 857,48 € avec intérêts au taux légal à compter du 9 Juin 2005 et de 40 857,48 € avec intérêts au taux légal à compter du 5 Juillet 2005,
Ordonne l'application de l'article 1154 du Code Civil,
Déboute la société Grand Var Sport de toutes ses demandes,
Condamne l'intimée au paiement de la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du NCPC ainsi qu'aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de Maître Sider, en application de l'article 699 du NCPC.
Le GreffierLe Président