COUR D' APPEL D' AIX EN PROVENCE
1o Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 13 MARS 2008
FG
No 2008 / 196
Rôle No 07 / 02757
SOCIÉTÉ ANSTALT MARINAZUR
C /
DIRECTION GÉNÉRALE DES IMPÔTS
Grosse délivrée
le :
à :
réf
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 04 Mai 2006 enregistré au répertoire général sous le no 03 / 5291.
APPELANTE
LA SOCIÉTÉ ANSTALT MARINAZUR
société de droit Leichtensteinois dont le siège est Kirchweg 39- 9490 VADUZ FÜRSTENTUM- LIECHTENSTEIN
représentée par la SCP BOTTAI- GEREUX- BOULAN, avoués à la Cour
plaidant par Me SCHUBERT avocat à COLOGNE (ALLEMAGNE)
INTIMÉE
LA DIRECTION GÉNÉRALE DES IMPÔTS
Direction des Services Fiscaux du Département des Alpes Maritimes- Division des affaires juridiques et législation-
représenté par son directeur en exercice en ses bureaux 3 / 5 avenue Durante- 06046 NICE CEDEX
représentée par la SCP GIACOMETTI- DESOMBRE, avoués à la Cour,
plaidant par Me Jean Max VIALATTE, avocat au barreau de GRASSE
COMPOSITION DE LA COUR
L' affaire a été débattue le 06 Février 2008 en audience publique. Conformément à l' article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur François GROSJEAN, Président, a fait un rapport oral de l' affaire à l' audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur François GROSJEAN, Président
Monsieur Xavier FARJON, Conseiller
Madame Martine ZENATI, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Sylvie MASSOT.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Mars 2008.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Mars 2008,
Signé par Monsieur François GROSJEAN, Président et Madame Sylvie MASSOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La société anstalt Marinazur établissement Marinazur est une société de droit du Lichtenstein, qui a son siège social à Vaduz (Lichtenstein).
Cette société est propriétaire d' un bien immobilier en France à Mandelieu (Alpes maritimes), les lots 181, 27 et 823 de l' ensemble immobilier Marina cadastré AS 10 et 14.
Cette société n' a pas effectué de déclarations au titre de la taxe annuelle de 3 % de la valeur vénale de ce bien immobilier, prévue à l' article 990 D du code général des impôts pour les personnes morales qui possèdent un ou plusieurs immeubles en France, et ce malgré mise en demeure du 16 août 1999.
Elle s' est vue notifier le 30 octobre 2001 un redressement sur taxation d' office au titre des années 1993 à 1999.
Les droits ont été mis en recouvrement par deux avis de mise en recouvrement du 28 février 2002 un au titre des années 1993 à 1996, le deuxième au titre des années 1997 à 1999 pour un montant total de 44. 821 € de droits, plus 35. 744 € de majorations et intérêts.
La société anstalt Marinazur a formé une réclamation contentieuse qui a été rejetée par décision du 14 mars 2003.
Le 27 mai 2003, la société anstalt Marinazur a fait assigner M. le directeur des services fiscaux des Alpes maritimes, représentant la direction générale des impôts, devant le tribunal de grande instance de Grasse aux fins de voir annuler la décision de rejet du 14 mars 2003 et ordonner le dégrèvement de l' impôt contesté.
Par jugement contradictoire en date du 4 mai 2006, le tribunal de grande instance de Grasse a :
- rejeté l' ensemble des demandes de la société anstalt Marinazur,
- dit n' y avoir lieu à dégrèvement de l' imposition contestée,
- rejeté la demande d' annulation de la décision de rejet prise par M. le directeur des services fiscaux le 14 mars 2003,
- dit n' y avoir lieu à application des dispositions de l' article 700 du nouveau code de procédure civile,
- condamné la société anstalt Marinazur aux entiers dépens.
Par déclaration de la SCP BOTTAI GEREUX BOULAN, avoués, en date du 16 février 2007, la société anstalt Marinazur a relevé appel de ce jugement.
Par ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 20 décembre 2007, la société anstalt Marinazur demande à la cour, au visa des articles 990 D et 990 E 3o du code général des impôts, de la décision de la Cour de justice des communautés européennes du 11 octobre 2007, de :
- dire la société anstalt Marinazur recevable en son appel,
- réformer le jugement du 4 mai 2006 et annuler la décision de rejet prise le 14 mars 2003 par le directeur des services fiscaux,
- ordonner en conséquence le dégrèvement des impositions contestées, tant en droits qu' en pénalités,
- condamner le directeur des services fiscaux à lui payer une somme de 3. 000 € sur le fondement de l' article 700 du code de procédure civile,
- condamner le directeur des services fiscaux aux entiers dépens, dont ceux d' appel distraits au profit de la SCP BOTTAI GEREUX BOULAN, avoués.
La société anstalt Marinazur estime que la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes interdit à la France de soumettre une société du Lichtenstein à la taxe de 3 %. Elle précise que s' il n' existe pas de convention sur l' échange d' informations en matière fiscale entre le Lichtenstein et la France, le Lichtenstein fait partie de l' espace économique européen et que les principes de non- discrimination et liberté d' établissement s' appliquent et ont été sanctionnés par la Cour AELE.
Elle considère que la question pourrait être soumise à la cour AELE.
La société anstalt Marinazur fait observer que personne ne se cache au travers de cette société, dont Mme Laure X... est actionnaire unique et présidente du conseil d' administration.
Elle fait observer que c' est depuis la France que Mme Laure X... exerce son pouvoir de direction et qu' elle occupe les lieux à Mandelieu. Elle considère que la société a son siège de direction effective en France.
Par ses dernières conclusions déposées et notifiées le 13 juillet 2007, M. le directeur des services fiscaux des Alpes maritimes, direction générale des impôts demande à la cour de :
- confirmer le jugement,
- rejeter les demande de la société Anstalt Marinazur au titre de l' article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société anstalt Marinazur à lui payer la somme de 1. 500 € sur le fondement de l' article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société anstalt Marinazur aux entiers dépens, dont ceux d' appel distraits au profit de la SCP GIACOMETTI DESOMBRE, avoués.
Le directeur des services fiscaux fait observer que l' appelante ne rapporte pas la preuve que les organes de gestion, de direction et de contrôle de la société Marinazur aient été tous transférés en France pour la période considérée.
En tout état de cause, et à supposer cette direction effective en France, la société qui dépend du Lichtenstein, Etat non signataire d' un accord d' échanges d' informations fiscales avec la France, ne peut se prévaloir d' une différence entre la situation résultant d' une différence de situation entre son siège social et son siège de direction effective pour obtenir une situation plus favorable.
L' instruction de l' affaire a été déclarée close le 9 janvier 2008.
MOTIFS,
La société anstalt Marinazur, personne morale qui possède un immeuble situé en France est redevable d' une taxe annuelle égale à 3 % de la valeur vénale de ces immeubles et droits, par application de l' article 990 D du code général des impôts, sauf si sa situation correspond à l' une de celles prévues à l article 990 E du code général des impôts.
La société anstalt Marinazur se prévaut d' un régime dérogatoire visé à l' article 990 E du code général des impôts.
La société anstalt Marinazur, société de droit du Lichtenstein, dont le siège social est situé au Lichtenstein, prétend avoir eu son siège de direction effective en France au cours des années considérées, 1993 à 1999.
Or la société anstalt Marinazur, pour les années visées, n' a pas été inscrite au registre du commerce et de sociétés en France, comme établissement d' une société étrangère.
Les statuts de la société précisent en leur article 8 que " l' organe suprême " de l' établissement est le fondateur ou ses ayants droit, qui décide la désignation et de la révocation du conseil d' administration et de l' organe de contrôle.
La fondatrice de la société est la société Rechta- Treuhand anstalt à Vaduz (Lichtenstein).
Le conseil d' administration est composé de quatre membres. En dehors de la gérante, l' un M. Y... est domicilié à Vaduz, les deux autres Mme Josselyne Z... et M. Cyril Z..., sont domiciliés en France mais dans la commune du Pin, dans le département du Jura, loin des lieux concernés.
La gérante est Mme A... épouse X.... Celle- ci affirme habiter les lieux, mais son adresse est à Wayre en Belgique. Le fait qu' elle occupe de temps en temps les lieux ne permet pas de caractériser une direction effective de la société du Lichtenstein sur les lieux en France, alors qu' elle est domiciliée en Belgique et qu' elle est sous le contrôle de la fondatrice au Lichtenstein.
Il n' est donc pas établi que le siège de direction effective de la société soit en France.
L' arrêt du 11 octobre 2007- société luxembourgeoise Elisa / directeur général des impôts France- de la Cour de justice des communautés européennes dispose que la condition de convention internationale aboutit à faire une discrimination entre les personnes morales concernées selon leur nationalité et forme une discrimination contraire à l' article 73 B du traité CE (devenu article 56 CE).
Cette condition de convention internationale est visée tant au point 2 qu' au point 3 de l' article 990 E, point 2 visant le cas de personnes morales d' un Etat ayant passé avec la France une convention d' assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l' évasion fiscales, ou point 3 concernant le cas de personnes morales d' un Etat ayant passé avec la France un traité en vue d' éviter une imposition plus lourde.
Au vu de l' arrêt du 11 octobre 2007de la Cour de justice des communautés européennes, une personne morale comme la société anstalt Marinazur, n' ayant pas son siège de direction effective en France, peut bénéficier d' un régime dérogatoire à la taxe de l' article 990 D, mais à la condition de faire preuve de transparence, en donnant à l' administration fiscale les renseignements visés à l' article 990 E du code général des impôts.
En l' occurrence, la société anstalt Marinazur n' a, pour les années litigieuses, 1993 à 1999 ni déclaré, ni communiqué chaque année à l' administration fiscale, ni pris l' engagement de communiquer à la demande de l' administration fiscale, les renseignements visés à l' article 990 E du code général des impôts.
La taxe annuelle imposée par l' article 990 D du code général des impôts est bien due.
Le jugement sera confirmé, avec adjonction de motifs au vu de l' arrêt du 11 octobre 2007de la Cour de justice des communautés européennes.
PAR CES MOTIFS,
Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,
Confirme, avec adjonction de motifs, le jugement rendu le 4 mai 2006 par le tribunal de grande instance de Grasse,
Condamne la société anstalt Marinazur à payer à M. le directeur des services fiscaux des Alpes maritimes, direction générale des impôts la somme de mille euros (1. 000 €) en application des dispositions de l' article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société anstalt Marinazur aux dépens et autorise la SCP GIACOMETTI et DESOMBRE, avoués, à recouvrer directement sur elle, par application de l' article 699 du nouveau code de procédure civile, les dépens dont ces avoués affirment avoir fait l' avance sans avoir reçu provision.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT