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20/03/2008 | FRANCE | N°06/11104

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 20 mars 2008, 06/11104


8o Chambre C

ARRÊT AU FOND
DU 20 MARS 2008

No 2008/ 166



Rôle No 06/11104



Brigitte X... épouse Y...

Marie-Laure Y... épouse Z...

Frédérique Y... épouse A...




C/

SA BANQUE MARTIN X...

Gérard B...

SCP BLANC B...
C...




Grosse délivrée
à :BOTTAI
SIDER
COHEN



réf

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 13 Avril 2006 enregistré au répertoire général sous le no 03/9729.<

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APPELANTES

Madame Brigitte X... épouse Y...

née le 28 Septembre 1930 à MARSEILLE (13), demeurant ... 2 - 13008 MARSEILLE
représentée par la SCP BOTTAI-GEREUX-BOULAN, avoués à la Cour,
plaidant par ...

8o Chambre C

ARRÊT AU FOND
DU 20 MARS 2008

No 2008/ 166

Rôle No 06/11104

Brigitte X... épouse Y...

Marie-Laure Y... épouse Z...

Frédérique Y... épouse A...

C/

SA BANQUE MARTIN X...

Gérard B...

SCP BLANC B...
C...

Grosse délivrée
à :BOTTAI
SIDER
COHEN

réf

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 13 Avril 2006 enregistré au répertoire général sous le no 03/9729.

APPELANTES

Madame Brigitte X... épouse Y...

née le 28 Septembre 1930 à MARSEILLE (13), demeurant ... 2 - 13008 MARSEILLE
représentée par la SCP BOTTAI-GEREUX-BOULAN, avoués à la Cour,
plaidant par Me JEANNIN, avocat au barreau de PARIS

Madame Marie-Laure Y... épouse Z...

née le 07 Octobre 1960 à PARIS (75), demeurant ...

représentée par la SCP BOTTAI-GEREUX-BOULAN, avoués à la Cour,
plaidant par Me JEANNIN, avocat au barreau de PARIS

Madame Frédérique Y... épouse A...

née le 08 Septembre 1952 à MARSEILLE (13), demeurant ...

représentée par la SCP BOTTAI-GEREUX-BOULAN, avoués à la Cour,
plaidant par Me JEANNIN, avocat au barreau de PARIS

INTIMES

SA BANQUE MARTIN X..., agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice,, dont le siège est sis ...

représentée par la SCP SIDER, avoués à la Cour,
plaidant par Me Jean-Michel LOMBARD, avocat au barreau de MARSEILLE

Maître Gérard B...

demeurant ...

représenté par la SCP COHEN - GUEDJ, avoués à la Cour,
plaidant par Maître D'JOURNO Thomas de la SELARL CARISSIMI A. - D'JOURNO.T - PROVANSAL.A, avocats au barreau de MARSEILLE

SCP BLANC B...
C..., prise en la personne de son représentant légal, demeurant ...

représentée par la SCP COHEN - GUEDJ, avoués à la Cour,
plaidant par Maître D'JOURNO Thomas de la SELARL CARISSIMI A. - D'JOURNO.T - PROVANSAL.A, avocats au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 05 Février 2008 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Jean-Noël ACQUAVIVA, Président suppléant a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Jean-Noël ACQUAVIVA, Président suppléant
Madame Marie-Claude CHIZAT, Conseiller
Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Mars 2008.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Mars 2008,

rédigé par Monsieur Jean-Noël ACQUAVIVA, Président suppléant,

Signé par Monsieur Jean-Noël ACQUAVIVA, Président suppléant et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES.

Monsieur Edouard Y... est décédé le 30 septembre 2000 laissant pour lui succéder sa veuve Madame Brigitte X... et ses deux filles Madame Marie-Laure Y... épouse Z... et Madame Frédérique Y... épouse A... (les consorts Y...).

Monsieur Gérard B..., notaire associé, membre de la SCP BLANC-PREVOT-GERAUDIE, titulaire d'un office notarial à MARSEILLE a été chargé du règlement de la succession.

Celle-ci étant composée notamment d'éléments d'actif mobilier constitués par deux comptes titres détenus auprès de la S.A. BANQUE MARTIN X... (la banque) d'une valorisation respective de 27.732,54 francs et 2.080.384,22 francs dont Monsieur Edouard Y... avait assuré lui-même la gestion jusqu'à son décès, les consorts Y... ont, par acte sous seing privé du 31 octobre 2000, confié à la banque un mandat de gestion "dynamique" des avoirs mobiliers indivis, portés sur un compte titres géré au nom de la "Hoirie Edouard Y..." portant le no 11380105011.

Le règlement de la succession dont l'actif net s'élevait à la somme de 46.813.409,16 francs imposant le paiement de droits importants, les consorts Y... ont, aux termes de la déclaration de succession établie le 2 février 2001, sollicité le paiement fractionné sur 10 ans des droits à régler par les héritiers et ont offert à la garantie de ce paiement, la caution bancaire consentie, sur leur demande datée du 26 décembre 2000, par la Banque MARTIN X... aux termes d'un acte de cautionnement du même jour à concurrence d'une somme de 13.063.335,30 francs, montant de l'évaluation initiale des droits à acquitter.

Cette demande de paiement fractionné a reçu une suite favorable de la part du receveur principal des impôts de PARIS 7 ème arrondissement qui a informé les consorts Y... par courrier du 12 novembre 2001 de leur obligation de se libérer en 21 versements semestriels de 1.537.788 francs, le premier étant intervenu lors du dépôt de la déclaration de succession, le montant de chaque fraction de droits simples étant augmenté des intérêts au taux de 2,70%.

Pour garantie du cautionnement accordé au profit du Trésor Public et à hauteur du montant de cet engagement, les consorts Y... ont affecté en gage au bénéfice de la banque, différentes valeurs mobilières détenues sur le compte titres indivis géré par cette dernière au nom de l'hoirie, un sous compte du compte principal étant ouvert à cet effet sous le no 11380109010.

Des ajustements successifs du montant de la caution bancaire et corrélativement du montant du gage du compte d'instruments financiers devaient intervenir en fonction de l'évolution haussière de l'estimation initiale des droits à acquitter portée de 13.063.335,30 francs à 15.372.709,28 francs le 21 décembre 2001.

Par lettre de leur conseil datée du 5 août 2003, les consorts Y..., constatant la dégradation de la valorisation de leur portefeuille de valeurs mobilières, ont notifié à la banque leur décision de modifier le mandat de gestion à l'effet de voir substituer un mandat de type "sécuritaire" à celui de type "dynamique" initialement donné.

La banque, après avoir par lettre du 8 août 2003, attiré l'attention des consorts Y... sur les conséquences d'une telle décision, a, à réception le 16 septembre 2003, des nouveaux mandats de gestion régularisés, procédé aux ajustements rendus nécessaires par la décision de ses clients.

C'est, dans ces conditions, que par acte d'huissier des 16 septembre 2003, les consorts Y... ont fait assigner la banque et la SCP BLANC-PREVOT-GERAUDIE devant le Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en déclaration de responsabilité et réparation du préjudice subi puis par acte d'huissier du 8 novembre 2004 ont fait assigner aux mêmes fins Monsieur Gérard B..., notaire.

Par jugement en date du 13 avril 2006, le tribunal a débouté les consorts Y... de leurs demandes et les a condamnés au paiement d'une somme de 6.000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile à Monsieur Gérard B..., notaire associé et à la SCP BLANC-PREVOT-GERAUDIE, titulaire d'un office notarial.

Par déclaration de leur avoué en date du 19 juin 2006, les consorts Y... ont relevé appel de cette décision, demandant à la Cour, par voie d'écritures signifiées le 11 octobre 2006 de l'infirmer et de condamner solidairement Monsieur Gérard B..., la SCP BLANC-PREVOT-GERAUDIE et la banque au paiement d'une somme de 1.258.039,24 euros, avec intérêts au taux de 7% à compter du 21 juillet 2003 et à compter de chaque échéance pour les intérêts versés au Trésor Public, outre une somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Les consorts Y... reprochent à la banque d'une part de s'être abstenue de les mettre en garde sur les risques résultant d'une gestion dynamique au regard d'un montage dont la finalité qui était de permettre le paiement des échéances semestrielles par débit du compte nanti pouvait être ruinée par le risque de pertes d'autre part d'avoir manqué à son obligation de conseil en n'attirant pas leur attention sur la nécessité d'insérer dans le mandat de gestion une clause "stop loss" plus restrictive qui leur aurait permis de limiter les pertes et en omettant d'assortir le cautionnement d'une clause de dégressivité pour tenir compte au fur et à mesure des paiements de fractions des droits, de la diminution du risque garanti, enfin d'avoir omis d'attirer leur attention sur le fait qu'une gestion dynamique n'était pas adaptée à un compte dont l'objet était de constituer une garantie pérenne.

Ils font grief, par ailleurs, au notaire d'avoir contrevenu à son obligation de conseil d'une part en ne les incitant pas à régler immédiatement les droits de succession et en les faisant opter pour un paiement échelonné d'autre part en leur proposant un montage financier sans les aviser des risques inhérents aux marchés financiers.

Pour sa part, aux termes d'écritures récapitulatives signifiées le 5 décembre 2006, la banque a conclu à la confirmation de la décision déférée, subsidiairement au rejet de l'appel en garantie de Monsieur Gérard B... et de la SCP BLANC-PREVOT-GERAUDIE et à l'allocation d'une somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La banque qui dit ne pas avoir élaboré ni avoir été associée au montage financier mis en place par les consorts Y... en accord avec leur notaire, soutient n'avoir appris qu'au mois de juin 2002 par la demande ponctuelle de règlement qui lui a été adressée que le portefeuille titres était destiné au paiement des droits de succession alors surtout que son montant était, dès l'origine, insuffisant à le permettre.

Elle ajoute que les consorts Y... qui détenaient chacun à titre personnel un compte titres sous mandat de gestion "dynamique", connaissaient les caractéristiques de ce type de gestion et ont été régulièrement informés de l'évolution de leur portefeuille, ont malgré les mises en garde qui leur ont été adressées, choisi d'opter pour un mandat de gestion "sécuritaire" ce qui a conduit à la réalisation au prix du marché d'une part très importante d'actions et les a privés d'une valorisation importante sur le long terme.

La banque qui relève enfin qu'il ne peut lui être reproché l'absence de clause "stop loss"qu'il est d'usage de stipuler dans le seul cadre d'opérations spéculatives sur les marchés à terme, considère qu'en tout état de cause, si une faute était retenue à son encontre, le préjudice des consorts Y... doit s'apprécier en tenant compte de l'évaluation globale du patrimoine tant mobilier qu'immobilier qui a été conservé en l'état, du fait de l'option choisie, ce qui permet, en l'espèce, au regard de sa composition, d'exclure toute perte.

En ce qui les concerne, Monsieur Gérard B... et la SCP BLANC-PREVOT-GERAUDIE ont conclu le 23 novembre 2006 à titre principal à la confirmation du jugement déféré, à la condamnation des consorts Y... au paiement d'une somme de 8.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et subsidiairement à la garantie de la banque, sollicitant dans tous les cas une somme de 6.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Déclinant toute responsabilité à titre principal, ils font valoir pour l'essentiel qu'en sa qualité de notaire, Monsieur B... n'est intervenu que pour recevoir la déclaration de succession et la transmettre à l'administration fiscale, se bornant à informer, comme il y était tenu, les consorts Y... des modalités possibles de règlement différé des droits de succession qui, compte tenu du montant important de ceux-ci et du faible taux d'intérêt dû à l'état, pouvait présenter un intérêt financier.

Ils contestent par ailleurs toute intervention dans la conception d'un projet financier de règlement des échéances par la valorisation dynamique d'un portefeuille boursier, projet dont la mise en oeuvre relève du seul choix des consorts Y... et de la banque.

Subsidiairement, ils relèvent que la banque qui connaissait exactement le montant des sommes à provisionner pour assurer le paiement des semestrialités dues au trésor public et qui aurait pu éviter ou atténuer par des placements moins risqués la perte enregistrée, est par sa défaillance seule à l'origine du préjudice invoqué, ce qui justifie qu'elle soit tenue à garantie intégrale.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 janvier 2008.

MOTIFS DE LA DÉCISION.

- Sur l'action en responsabilité des consorts Y... à l'encontre de la banque.

Attendu qu'il est constant, en l'espèce, que la banque a reçu du notaire des consorts Y..., par voie de télécopie, le 21 décembre 2000, une copie de la déclaration de succession qui devait être signée par les consorts Y... le 2 février 2001 puis remise à l'administration fiscale ;

que si ce document provisoire ne comporte pas in fine la demande des consorts Y... figurant dans la déclaration du 2 février 2001, visant à obtenir le paiement fractionné des droits des droits de succession, la banque a, toutefois, été informée de ce choix dès le 26 décembre 2000 dans la mesure où, à cette date, elle a été sollicitée à l'effet d'accorder sa caution à l'administration fiscale pour garantir le paiement échelonné sur une durée de dix années des droits à acquitter, ce à quoi elle a déféré le même jour.

Attendu que la banque qui connaissait précisément la consistance de l'actif successoral composé en majeure partie de valeurs mobilières dont le montant et la liquidité pouvaient permettre le règlement immédiat des droits de succession, ne pouvait, à ce titre, ignorer en sa qualité de professionnelle de la finance que le choix des consorts Y... d'opter pour un paiement fractionné, s'inscrivait dans un montage qui, à supposer même qu'elle n'eût pas été associée à son élaboration, visait nécessairement à profiter pendant la durée d'apurement de la dette, d'un taux de rendement net du portefeuille- titres supérieur au taux d'intérêt de 2,70% l'an appliqué par l'administration fiscale à ses redevables ;

qu'en revanche, rien ne permet de considérer que la banque, qui le dénie formellement, savait d'emblée que les consorts Y... entendaient que le règlement des échéances semestrielles des droits à acquitter fût effectué exclusivement par prélèvement sur le compte d'instruments financiers nanti à son profit en garantie du cautionnement qu'elle avait consenti;

qu'en effet, la constitution du gage au profit de la banque privant les consorts Y... de tout pouvoir de disposition des instruments financiers inscrits sur le compte gagé, celui-ci ne pouvait servir à l'apurement de leur dette envers le Trésor Public ;

qu'il sera d'ailleurs, observé que les deux premières échéances ont été réglées par les consorts Y... par l'intermédiaire de leur notaire qui avait sollicité de la banque un déblocage de fonds à cet effet et que le paiement de la troisième échéance du mois d'avril 2002 n'a pas été réglée à bonne date par suite, selon l'aveu des consorts Y... d'un "malentendu avec notre banque" ce qui vient corroborer l'affirmation de cette dernière selon laquelle ce n'est qu'ensuite du rappel adressé par l'administration fiscale le 10 juin 2002 qu'elle a appris que les consorts Y... entendaient affecter exclusivement au paiement des fractions de droits, le compte nanti qui, sous-compte du compte principal détenu par la banque au nom de l'hoirie, avait été abondé en valeurs mobilières à concurrence de la somme de 14.018.608 de francs (2.137.123 euros) correspondant au cautionnement donné par la banque au bénéfice du Trésor Public, pour la garantie des droits à acquitter tels qu'estimés ;

qu'il ne peut, en conséquence, être fait grief à la banque dont les consorts Y... incriminent le comportement lors du "choix initial"de ne pas avoir, lors de l'option de paiement fractionné exercée par les consorts Y... le 2 février 2001, averti ces derniers des risques de voir le compte nanti devenir par suite d'une baisse des marchés financiers insuffisant à permettre de régler les échéances des droits de succession.

Attendu qu'il ne peut davantage être reproché à la banque de ne pas avoir recommandé aux consorts Y... de préférer le paiement immédiat des droits de succession dès lors que l'option de paiement échelonné des droits de succession dont l'intérêt doit s'apprécier globalement, pouvait apparaître avantageuse pour les consorts Y... qui disposant par ailleurs, en sus de la somme représentative des dits droits, d'importantes liquidités, ce qui excluait qu'elles pussent être mises en difficulté en cas de réalisation du risque toujours potentiel de baisse des marchés, pouvaient espérer profiter d'un rendement de leur portefeuille supérieur au taux d'intérêt de 2,70% à verser au Trésor Public ;

que dans cette perspective qui visait une valorisation optimale laquelle ne pouvait être atteinte qu'en privilégiant la croissance sur le long terme par une gestion offensive du portefeuille titres, composé majoritairement d'actions françaises et étrangères de sociétés cotées, la banque n'avait aucun motif de conseiller aux consorts Y... de revenir sur le mandat de gestion "dynamique"qu'ils lui avaient confié le 31 octobre 2000 et dont ils connaissaient tant par les documents contractuels qui leur ont été remis que par leur expérience personnelle antérieure, étant chacun à titre individuel, titulaire d'un compte titres, géré déjà sous un mandat du même type, les caractéristiques, les objectifs, les niveaux de risque, les avantages et les contraintes.

Attendu que les consorts Y... qui reconnaissent avoir reçu régulièrement les avis d'opéré et les arrêtés de compte semestriels accompagnés d'un rapport détaillant les performances, analysant la conjoncture et évaluant les perspectives à court et moyen terme et qui étaient par là-même exactement renseignés sur la valorisation du capital placé sur le compte nanti et sur son évolution, ne peuvent soutenir avoir été privés d'une chance de limiter leur perte, faute d'insertion dans le mandat de gestion, par défaut de conseil de la banque, d'une clause dite "stop loss" déclenchant l'information du mandant dès qu'est atteint un plafond de 10 à 15% de pertes par semestres ;

qu'en effet, ils étaient en mesure de se convaincre eux-mêmes, à réception des états d'évaluation à l'égard desquels ils n'ont formulé aucune observation, de l'amplification des pertes enregistrées et d'accomplir, afin de les limiter ou de les stopper, toutes diligences utiles auprès de leur banque pour modifier le profil de gestion à l'effet sécuriser en tout ou en partie leurs avoirs en les réorientant vers d'autres supports, ce qu'ils devaient d'ailleurs faire au mois de septembre 2003.

Attendu d'autre part que la fixation de la rémunération de la banque au titre de son cautionnement relevant exclusivement de la convention des parties, c'est de manière inopérante que les consorts Y... font grief à la banque d'avoir manqué à son obligation de conseil en n'assortissant pas son cautionnement d'une clause de dégressivité, adaptant l'assiette de sa rémunération aux sommes restant dues pour tenir compte de la diminution du risque.

Attendu par ailleurs que si les consorts Y... font justement valoir qu'une gestion dynamique n'était pas adaptée à un compte gagé dont l'objet était de constituer une garantie pérenne, le reproche fait à la banque d'avoir manqué ce faisant à son devoir de conseil est inopérant dès lors que le préjudice susceptible de découler de la perte totale ou partielle de cette garantie par suite de l'érosion du capital nanti, est subi par la banque elle-même.

Attendu enfin que les consorts Y... qui disent "s'interroger" sur les compétences du gestionnaire du compte nanti et qui relèvent le faible nombre de mouvements "au regard d'une gestion dynamique usuelle" n'apportent aucun élément de nature à démontrer que le préposé de la banque en charge de gérer le compte d'instruments financiers affecté en gage ne s'est pas comporté en professionnel avisé, une telle preuve ne pouvant résulter de la seule comparaison des performances enregistrées par d'autres contrats souscrits par les consorts Y... auprès de la même banque.

Attendu que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a débouté les consorts Y... de leur demandes à l'encontre de la banque.

- Sur l'action en responsabilité à l'encontre du notaire.

Attendu que le notaire est, en ce qui le concerne, tenu d'éclairer les parties et d'attirer leur attention sur la portée et les conséquences de l'acte auquel il prête son concours ;

qu'en établissant la déclaration de succession des consorts Y... qui contenait demande de paiement échelonné des droits à acquitter alors que l'actif successoral liquide pour la majeure partie permettait un règlement immédiat, le notaire qui n'est pas critiquable pour avoir conseillé à ses clients cette option qui pouvait paraître avantageuse, le rendement du capital représentatif du montant des droits, étant susceptible de procurer un rendement supérieur au taux d'intérêt appliqué par le Trésor Public, se devait, toutefois, d'avertir les consorts Y..., compte tenu de la composition de leur portefeuille titres constitué pour l'essentiel de produits financiers relevant des marchés boursiers, du risque pouvant découler de leur volatilité sur l'exécution de leur engagement ;

qu'en s'abstenant d'attirer l'attention des consorts Y... sur les conséquences d'une option qui pouvaient les exposer à un risque de perte et de les informer sur l'opportunité pour y échapper de sécuriser le capital représentatif des droits à acquitter, le notaire a engagé sa responsabilité ;

qu'en effet, le notaire ne peut limiter son obligation à la seule vérification de l'aptitude de ses clients à répondre aux exigences de l'administration fiscale par la production d'une caution bancaire ni s'exonérer de sa responsabilité du seul fait des relations étroites entretenues par les consorts Y... avec la banque dont le dirigeant était un parent proche ou encore du fait qu'il n'aurait pas été associé à l'élaboration d'un projet financier de règlement des échéances par une valorisation dynamique du portefeuille boursier.

Attendu que le manquement du notaire à son obligation de conseil a privé les consorts Y... de la chance de choisir le paiement immédiat des droits ou ayant choisi le paiement fractionné, de celle de prendre les mesures propres à éviter les conséquences dommageables pouvant résulter des aléas propres aux marchés financiers ;

qu'il convient d'allouer aux consorts Y... dont le préjudice directement rattachable à cette faute n'est pas constitué par la perte en capital subie dont il réclament l'indemnisation, une réparation qui devant être mesurée à la seule chance perdue doit être fixée à la somme de cent mille euros.

Attendu qu'aux termes de l'article 16 alinéa 1 et 2 de la loi du 29 novembre 1966 modifiée relative aux sociétés civiles professionnelles, chaque associé répond, sur l'ensemble de son patrimoine, des actes professionnels qu'il accomplit tandis que la société civile professionnelle est solidairement responsable avec lui des conséquences dommageables de ces actes en sorte que les consorts Y... ayant dirigé leur action en responsabilité tant à l'encontre de Monsieur C... que de la SCP BLANC-PREVOT-GERAUDIE, ces derniers doivent être déclarés tous deux responsables du préjudice subi et condamnés solidairement au paiement de la somme de cent mille euros ;

que de ce chef, le jugement déféré doit être réformé.

- Sur l'appel en garantie du notaire à l'encontre de la banque.

Attendu qu'aucune faute n'ayant été retenue à l'encontre de la banque au préjudice des consorts
Y...
, le notaire qui n'invoque aucune faute commise par la banque à son égard, doit être débouté de son appel en garantie.

- Sur les dépens

Attendu que les consorts Y... et la SCP BLANC-PREVOT-GERAUDIE qui succombent chacun supporteront par moitié la charge des dépens de première instance et d'appel.

- Sur la demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Attendu qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR ;

STATUANT publiquement, contradictoirement ;

CONFIRME la décision déférée en ce qu'elle a débouté Madame Brigitte X... Veuve Y..., Madame Marie-Laure Y... épouse Z... et Madame Frédérique Y... épouse A... de leurs demandes en tant que dirigées à l'encontre de la S.A. BANQUE MARTIN X....

LA REFORMANT pour le surplus,

ET STATUANT à nouveau,

DIT que Monsieur Gérard B..., notaire associé membre de la SCP BLANC-PREVOT-ARNAUDIE et la SCP BLANC-PREVOT-ARNAUDIE, titulaire d'un office notarial ont manqué à leur obligation de conseil à l'égard de Madame Brigitte X... Veuve Y... et ses deux filles Madame Marie-Laure Y... épouse Z... et Madame Frédérique Y... épouse A....

CONDAMNE solidairement Monsieur Gérard B..., notaire associé et la SCP BLANC-PREVOT-ARNAUDIE titulaire d'une office notarial à la résidence de MARSEILLE à payer à Madame Brigitte X... Veuve Y..., à Madame Marie-Laure Y... épouse Z... et à Madame Frédérique Y... épouse A... une somme de 100.000 (cent mille) euros à titre de dommages-intérêts.

DÉBOUTE Monsieur Gérard B... et la SCP BLANC-PREVOT-ARNAUDIE de leur appel en garantie à l'encontre de la S.A. BANQUE MARTIN X....

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile.

FAIT masse des dépens de première instance et d'appel qui seront supportés par moitié par d'une part Madame Brigitte X... Veuve Y..., Madame Marie-Laure Y... épouse Z... et Madame Frédérique Y... épouse A... d'autre part par la SCP BLANC-PREVOT-ARNAUDIE.
DIT qu'il sera fait application au profit de la SCP d'avoués SIDER des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro d'arrêt : 06/11104
Date de la décision : 20/03/2008

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Marseille


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-03-20;06.11104 ?
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