4o Chambre C
ARRÊT AU FOND
DU 15 MAI 2008
No 2008 / 194
Rôle No 06 / 01475
Jacques X...
C /
SOCIETE MARGAUX SARL
réf
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 15 Décembre 2005 enregistré au répertoire général sous le no 03 / 983.
APPELANT
Monsieur Jacques X...
né le 04 Avril 1932 à BESANCON (25000),
demeurant...
représenté par la SCP SIDER, avoués à la Cour,
assisté de la SELARL PEZET M.- PEREZ F., avocats au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
SOCIETE MARGAUX SARL, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège sis,
demeurant 10, rue Macé-06400 CANNES
représentée par la SCP JOURDAN- WATTECAMPS, avoués à la Cour,
assistée de Maître Jean- Vincent DUPRAT, avocat au barreau de GRASSE
*- *- *- *- *
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 12 Mars 2008, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie- Françoise BREJOUX, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Brigitte BERNARD, Président
Madame Marie- Françoise BREJOUX, Conseiller
Monsieur Michel NAGET, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Marie- Christine RAGGINI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Mai 2008.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Mai 2008
Signé par Madame Brigitte BERNARD, Président et Madame Marie- Christine RAGGINI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Monsieur Jacques X... est propriétaire d'un local commercial sis au rez de chaussée d'un immeuble....
Un bail commercial de courte durée, de 12 mois, a été conclu avec Monsieur Gilles Z... le 30 avril 1997. La destination autorisée de ce bail était " une galerie d'art et accessoires, meubles et décoration ". Le loyer était fixé 8. 000 francs, outre droit au bail et taxe additionnelle de droit au bail.
Le bail prenait fin au 31 mai 1998 mais, faute d'avoir été dénoncé dans les délais, un jugement du Tribunal de Grande Instance de Grasse du 25 mai 2001, confirmé par un arrêt du 19 décembre 2002, décidait qu'à compter du 31 mai 1998, il s'était opéré un nouveau bail soumis aux dispositions du Décret du 30 septembre 1953 ; un pourvoi contre cet arrêt était rejeté le 2 juin 2004.
Monsieur Jacques X... a fait constater par huissier le 22 mai 2002 que le dit local était loué à l'Association Spirituelle de l'Eglise de Scientologie.
Ainsi, par exploit du 6 février 2003, Monsieur Jacques X... a sollicité la résiliation du bail pour non- respect des clauses du bail, à savoir d'une part, sa destination et d'autre part, l'impossibilité de sous- louer, et ce sur le fondement des dispositions de l'article 1184 du Code Civil ; il a sollicité en conséquence l'expulsion de la Société MARGAUX gérée par Gilles Z... ainsi que la condamnation de cette dernière à lui payer une indemnité d'occupation de 6. 400 euros par mois jusqu'à son départ effectif, 10. 000 euros à titre de dommages et intérêts, outre 10. 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile et l'exécution provisoire.
Par jugement du 15 décembre 2005, le Tribunal de Grande Instance de Grasse a rappelé qu'un nouveau bail entre Monsieur Jacques X... et la SARL MARGAUX s'est opéré, soumis aux dispositions du Décret du 30 septembre 1953, en exécution du jugement du Tribunal de Grande Instance de Grasse en date du 25 mai 2001, de l'arrêt de la Cour d'Appel en date du 19 décembre 2002 et de l'arrêt rendu par la Cour de Cassation le 2 juin 2004 :
- a constaté que Monsieur Jacques X... n'établit pas les manquements graves de la SARL MARGAUX à ses obligations de locataire,
En conséquence,
- a débouté Monsieur Jacques X... de sa demande tendant à voir prononcer la résiliation du bail du 31 mai 1998 et donc de sa demande tendant à voir prononcer l'expulsion de la SARL MARGAUX,
- a débouté Monsieur Jacques X... de sa demande en fixation d'indemnité d'occupation et de sa demande en dommages et intérêts pour comportement fautif,
- a ordonné l'exécution provisoire de la présente décision,
- a condamné Monsieur Jacques X... à payer à la SARL MARGAUX la somme de 5. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- a débouté Monsieur Jacques X... de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- a débouté Monsieur Jacques X... de sa demande en dommages et intérêts pour comportement fautif,
- a débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Monsieur Jacques X... a interjeté appel.
Il conclut à l'infirmation du jugement entrepris et demande le prononcé de la résolution judiciaire du bail commercial aux torts exclusifs de la SARL MARGAUX, à sa condamnation au paiement d'une somme de 238. 280 euros pour rappel de loyers, avec intérêts au taux légal, capitalisés, outre une somme de 5. 000 euros en vertu de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Il soutient qu'il y a bien eu sous- location consentie par la SARL MARGAUX à l'ASES- CC- l'Association Spirituelle de l'Eglise de Scientologie- ; que le bail interdit toute sous- location totale ou partielle, sauf autorisation du bailleur, qui doit être invité à concourir à l'acte ; qu'il contrevient, en outre, aux règles de la despécialisation, à la destination des lieux prévue au bail, ce qui justifie l'application de la clause résolutoire expresse, insérée au contrat de bail.
La SARL MARGAUX sollicite la confirmation du jugement entrepris, le débouté de toutes les demandes et la condamnation de Monsieur Jacques X... à lui régler la somme de 7. 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Elle affirme que la galerie n'a jamais été sous- louée, mais qu'elle a simplement organisé une exposition pour une courte durée de 8 jours ; que Monsieur Jacques X... ne démontre pas une violation suffisamment grave des obligations du bail, susceptible de justifier sa résiliation au bail.
Motifs de la décision :
Considérant qu'il est incontesté qu'aux termes du bail la destination autorisée des lieux est celle de " galerie d'art et accessoires, meubles et décoration " (article 2), et l'objet social étant la vente et copies de toiles de Maîtres ;
Que le locataire doit occuper personnellement les lieux et qu'il est interdit de sous- louer, même gratuitement, ni céder son droit à présente location (article 8) ;
Considérant que Monsieur Jacques X... fait grief à la SARL MARGAUX d'avoir manqué à ses obligations, en ne respectant pas les deux clauses insérées au bail, de la destination des lieux et de l'interdiction de sous- location ;
Considérant qu'il est établi et non discuté, par une sommation interpellatrice de la SCP BERNARD, huissiers du 22 mai 2002 adressée à Madame B..., ès qualités de Présidente de l'Association Spirituelle de l'Eglise de Scientologie, que celle- ci a occupé la galerie durant la période du 15 au 22 mai 2002, époque du Festival du Film, moyennant le prix de 6. 400 euros ;
Qu'il résulte du procès verbal de constat d'huissier, du même jour, qu'une exposition était consacrée à Y...
A..., écrivain de nationalité américaine ; que cette exposition se présente sous forme de différents panneaux traitant des diverses formes d'art qu'a utilisé Y...
A... ; que sur d'autres panneaux, sont exposées les oeuvres musicales de Y...
A..., sur d'autres des photographies faites par lui de voyages, d'appareils photos utilisés, par lui, un tableau marqué " Scientologie et Dianétique " ; que des citations de Y...
A... sont visibles en l'état de tableaux ;
Considérant qu'il est démontré que durant 8 jours, la galerie d'art a été consacrée à l'exposition de photos, gadgets, livres, objets divers présentés par l'Eglise de Scientologie ; que, dès lors, l'occupation d'une partie des lieux n'est pas contestable ;
Considérant ainsi que la SARL MARGAUX ne saurait soutenir qu'il ne s'agit que " d'accrochages, prestation de services, emplacement de tableaux, etc "... ;
Considérant de même, que cette occupation, des lieux même partielle ne peut être
qualifiée de convention d'occupation précaire, celle- ci se caractérisant par la modicité de la redevance, l'incertitude dans laquelle se trouve l'occupant quant à laquelle la convention prendra fin, soit par la volonté du propriétaire, soit par la survenue de l'événement qualifiant la fragilité du droit de jouissance ;
Considérant que tel n'est pas le cas en l'espèce, la durée de l'occupation même brève ayant été précisée, le terme clairement prévu et la redevance payée très élevée ;
Considérant qu'il s'agit bien d'une sous- location partielle du local consentie à l'Association Spirituelle de l'Eglise de Scientologie par Monsieur Gilles Z..., dont la présence sur les lieux, durant la période de l'exposition, confirmerait plutôt et en tout cas n'exclut pas la réalité de la mise à disposition d'une partie du local, en vue de l'organisation d'une exposition, moyennant rémunération, ce qui caractérise la sous- location ;
Considérant que Monsieur Jacques X... fonde sa demande de résiliation sur l'article 1184 du Code Civil, pour infractions aux clauses du bail constituant des motifs graves et légitimes ;
Considérant que Monsieur Jacques X... vise, en même temps, dans ses écritures la résolution de plein droit par application de la clause résolutoire insérée au bail, qui ne peut en l'espèce être invoquée ; qu'elle obéit à des règles procèdurales différentes, qui
n'ont pas ici été suivies ;
Considérant qu'en ce qui concerne les faits, il est indubitablement établi, que la SARL MARGAUX a sous- loué, en infraction aux clauses du bail, son local durant une période de 8 jours, sans l'autorisation du bailleur, et sans l'inviter à concourir à l'acte ;
Considérant par ailleurs, que cette sous- location pour une exposition de photos, livres, brochures au profit de l'Association Spirituelle de l'Eglise de Scientologie, ne répondait pas à la destination du commerce prévue au bail, galerie d'art, qui est celle d'exposition d'oeuvres d'art et de copies de toiles de Maîtres en vue de les vendre ;
Considérant que la SARL MARGAUX s'est ainsi rendue coupable de deux manquements aux obligations du bail, que la Cour, estime, malgré la courte durée de la sous- location, d'une gravité suffisante pour justifier la résiliation judiciaire du bail consenti, aux torts exclusifs du locataire ;
Considérant, dès lors, que le jugement entrepris sera réformé ;
Considérant que Monsieur Jacques X..., estime être en droit, de demander réparation du préjudice que lui causent les manquements de la SARL MARGAUX aux clauses du bail ;
Considérant qu'en vertu de l'article L 145-31 alinéa 3 du Code de Commerce lorsque le loyer de la sous- location est supérieur au prix de la location principale, le propriétaire a la faculté d'exiger une augmentation correspondante du loyer de la location principale ;
Considérant qu'en l'état, Monsieur Jacques X... ne justifie pas que la SARL MARGAUX ait sous- loué la galerie toutes les années, de 2002 à 2006 ; qu'à ce titre, sa demande sera rejetée ;
Considérant en revanche, qu'il peut prétendre, Monsieur Jacques X... louant son local 1. 219 euros par mois, et la SARL MARGAUX " ayant sous- loué la galerie, 6. 400 euros la semaine ", à un différentiel de loyer d'un montant de 5. 180 euros, assorti des intérêts au taux légal, capitalisés, à compter de l'assignation en date du 6 février 2003 ;
Considérant en outre, que la SARL MARGAUX devra verser à Monsieur Jacques X... la somme de 2. 000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant contradictoirement, publiquement,
- Reçoit l'appel,
- Réforme le jugement entrepris, et statuant à nouveau,
- Prononce la résiliation judiciaire du bail signé le 30 avril 1997, entre Monsieur Jacques X... et la SARL MARGAUX, aux torts exclusifs de la SARL MARGAUX,
- Condamne la SARL MARGAUX à payer à Monsieur Jacques X... la somme de 5. 180 euros, avec intérêts au taux légal, à compter du 6 février 2003, avec capitalisation, conformément à l'article 154 du Code Civill, à titre de dommages et intérêts,
- Condamne la SARL MARGAUX à payer à Monsieur Jacques X... la somme de 2. 000 euros en vertu de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- La condamne aux dépens, de première instance et d'appel et pour ceux- ci, admet la SCP J. et M. SIDER, avoués, au bénéfice de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT