COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
1ère Chambre C
ARRÊT
DU 13 NOVEMBRE 2008
No 2008/
A. V.
Rôle No 07/18306
Serge X...
C/
Robert Y...
Mathieu Y...
Claude Z...
Bernard Z...
Jeanne A... veuve Z...
Grosse délivrée
le :
à :
SCP COHEN
SCP TOUBOUL
réf 0718306
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance de référé rendue par Monsieur le Président du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 24 Octobre 2007 enregistré au répertoire général sous le No 06/2133.
APPELANT :
Monsieur Serge X...
né le 26 Août 1958 à TOULOUSE (31000),
demeurant ...
représenté par la SCP COHEN - GUEDJ, avoués à la Cour,
plaidant par Maître David ROMAN, avocat au barreau de NICE
INTIMÉS :
Monsieur Robert Y...
né le 21 Janvier 1986,
demeurant ...
Monsieur Mathieu Y...
né le 05 Février 1984 à NICE (06000),
demeurant ...
Monsieur Claude Z...
né le 21 Juillet 1948 à CANNES (06400),
demeurant ...
Monsieur Bernard Z...
né le 13 Octobre 1957 à NICE (06000),
demeurant ...
Madame A... veuve Z...
née le 02 Novembre 1927 à ANTIBES (06600),
demeurant ...
représentés par la SCP DE SAINT FERREOL - TOUBOUL, avoués à la Cour, plaidant par Maître Danièle VOLETTI, avocat au barreau de NICE, substituée par Maître Valérie SADOUSTY, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 13 Octobre 2008 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Anne VIDAL, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Guy ROMAN, Président
Madame Anne VIDAL, Conseiller
Madame Anne FENOT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Monsieur Serge LUCAS.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Novembre 2008.
ARRÊT :
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Novembre 2008,
Signé par Monsieur Guy ROMAN, Président, et Monsieur Serge LUCAS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
Suivant acte d'huissier en date du 19 octobre 2006, M. X... a fait assigner les consorts Z... / Y..., ses bailleurs, devant le Juge des référés du Tribunal de Grande Instance de Grasse en opposition au commandement de payer délivré par eux le 20 septembre précédent, afin de contester le montant des sommes réclamées et de solliciter un délai de 2 années avec suspension des effets de la clause résolutoire.
Par ordonnance en date du 24 octobre 2007, le Juge des référés du Tribunal de Grande Instance de Grasse a considéré qu'il existait toujours, en dépit du jugement du Tribunal de Grande Instance de Grasse fixant le loyer à la somme de 6.352,04 euros par mois, une contestation sérieuse sur le montant du loyer au delà de la somme de 1.524 euros, en l'état de l'appel de ce jugement. Il a constaté que la dette locative calculée sur la base d'un loyer de 1.524 euros par mois n'avait été réglée qu'un an après l'expiration du délai du commandement et que la clause résolutoire était acquise. Il a rejeté la demande de délais et ordonné l'expulsion du locataire sous astreinte. Il a fixé à la somme de 1.540 euros le montant de l'indemnité d'occupation mensuelle due jusqu'à la libération des lieux et condamné M. X... à payer une somme provisionnelle de 15.240 euros au titre des indemnités d'occupation impayées, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation. Il a accordé à M. X... des délais de paiement de cette somme en 10 mensualités égales. Il a également condamné M. X... à payer aux consorts Z... / Y... une somme de 700 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
M. X... a interjeté appel de cette décision suivant déclaration au greffe en date du 8 novembre 2007.
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M. X..., aux termes de ses conclusions en date du 2 octobre 2008, demande à la Cour :
•de réformer l'ordonnance déférée,
•de constater que le commandement du 20 septembre 2006 est manifestement erroné,
•de lui donner acte de ce qu'il reconnaît devoir la somme de 15.240 euros représentant les 10 échéances de loyer de décembre 2006 à septembre 2007 et faisant application des articles L 145-41 du Code de Communes et 1244-1 du Code Civil, de lui accorder 24 mois de délais, avec suspension des effets de la clause résolutoire.
Il indique qu'il a fait appel du jugement du Tribunal de Grande Instance de Grasse en date du 9 août 2006 lui ayant octroyé des délais pour s'acquitter de sa dette locative calculée sur la base d'un loyer de 6.352,04 euros par mois, estimant que le bailleur avait reporté l'augmentation du loyer prévue au bail et accepté de maintenir celui-ci à 1.524 euros en raison des difficultés d'exploitation ; que, par ailleurs, est également pendant une instance engagée par son voisin, le Camping du Pylone, visant à obtenir l'arrêt de l'exploitation des pistes de karting sur le terrain loué et qu'il a fait l'objet d'arrêtés et de PV d'infraction de la part de la mairie d'Antibes. Il considère que les bailleurs ont été de mauvaise foi au moment de la conclusion du bail en ne le prévenant pas des difficultés qu'il allait rencontrer avec le voisinage et la commune d'Antibes et que l'obligation de délivrance n'a pas été remplie.
Il fait valoir qu'il a dû interrompre les paiements en novembre 2006 car il a été victime d'une rupture d'anévrisme mais qu'il a procédé à divers règlements dont les bailleurs ont sciemment différé l'encaissement ; que des délais doivent lui être accordés au regard de sa bonne foi ; que la décision du premier Juge est critiquable en ce que les délais lui ont été refusés au motif qu'il ne produisait pas les documents comptables pour la période d'avril 2005 à mars 2007, alors qu'aucune injonction de communication ne lui avait été adressée.
Les consorts Z... / Y..., en l'état de leurs dernières écritures déposées le 13 octobre 2008, concluent à la confirmation de l'ordonnance déférée et à la condamnation de M. X... à leur verser une somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Ils soutiennent :
•que par jugement en date du 9 août 2006, le Tribunal de Grande Instance de Grasse a constaté que le loyer dû par M. X... à compter du 1er juillet 2003 devait être fixé à 6.352,04 euros et qu'ils sont donc bien fondés à réclamer le paiement sur cette base ;
•qu'en tout état de cause, M. X... n'a rien versé entre novembre 2005 et septembre 2006 et n'a réglé que 18.288 euros (sur la base d'un loyer de 1.524 euros) la veille de l'audience ; que, depuis, il a payé 7.048 euros le 4 août 2008 et que sa dette locative non sérieusement contestable s'élève, sur la base de 1.524 euros, à 25.500 euros ;
•que depuis l'arrêt de la 4ème chambre de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence de mai 2008 ayant rejeté le recours du Camping du Pylone, la totalité du loyer est incontestablement due ;
•que M. X... est locataire de mauvaise foi et que les bilans produits en cause d'appel font ressortir qu'il est dans une situation négative qui ne lui permet pas d'honorer l'arriéré de loyers accumulé.
Ils contestent le prétendu défaut de délivrance qui leur est reproché en rappelant qu'aux termes du bail le locataire faisait son affaire personnelle d'obtenir les autorisations nécessaires pour exploiter son activité de karting et qu'il lui appartenait de respecter les règles administratives qui s'imposent.
MOTIFS DE LA DECISION :
Attendu que suivant acte sous seing privé en date du 3 mai 1999, les consorts Z... / Y... ont donné à bail commercial à M. X... un terrain nu de 19.358 m2 situé à Antibes, entre la route du Pylone et l'Avenue no10, à usage exclusif de piste de karting et activités diverses, moyennant un loyer annuel de 500.000 F payable par trimestres anticipés ;
Qu'il était prévu, au titre des conditions particulières, que le loyer serait fixé de manière évolutive à :
•120.000 F à compter du 1er juillet 1999,
•240.000 F à compter du 1er juillet 2000,
•360.000 F à compter du 1er juillet 2001,
•500.000 F à compter du 1er juillet 2002 ;
Que, se prévalant d'un courrier du mandataire des bailleurs accordant le report au 1er juillet 2001 de l'augmentation du loyer prévue au 1er juillet 2000, le locataire soutient que le loyer dû serait toujours maintenu à la somme de 120.000 F par an, soit 1.524 euros par mois, en raison de la persistance de ses difficultés d'exploitation ;
Que, par actes du 11 février 2003, les bailleurs ont fait délivrer à M. X... un commandement de payer pour un montant de 93.437,07 euros visant la clause résolutoire ;
Que, le Juge des référés ayant considéré, par ordonnance en date du 17 septembre 2003, qu'il était incompétent pour statuer sur la demande de constatation de la résiliation du bail en raison d'une contestation sérieuse sur le montant du loyer, les bailleurs ont saisi le Tribunal de Grande Instance de Grasse au fond pour voir statuer sur la résiliation du bail et sur la dette locative de M. X... ;
Que, par jugement en date du 9 août 2006, le Tribunal de Grande Instance de Grasse a retenu que les bailleurs avaient entendu reporter l'augmentation du loyer au moins jusqu'au 1er juillet 2003, mais que rien ne permettait d'affirmer qu'ils avaient accepté de reporter l'augmentation du loyer à l'achèvement des procédures, de sorte que M. X... était redevable d'un loyer de 240.000 F du 1er juillet 2003 au 30 juin 2004, de 360.000 F du 1er juillet 2004 au 30 juin 2005 et de 500.000 F (soit 6.352,09 euros par mois) au delà du 1er juillet 2005 ; qu'il a cependant débouté les consorts Z... / Y... de leur demande de résiliation du bail, considérant que M. X... avait réglé le loyer dû jusqu'au 1er juillet 2003 et que les bailleurs ne justifiaient pas avoir délivré un commandement régulier pour la période postérieure ;
Que ce jugement fait l'objet d'un appel, de sorte qu'il n'est pas définitif, mais qu'il a, malgré ce, autorité de chose jugée à l'égard du Juge des référés ;
Attendu qu'à la suite de ce jugement, les consorts Z... / Y... ont fait délivrer à M. X... un nouveau commandement de payer, le 20 septembre 2006, pour avoir paiement d'une somme principale de 72.486,99 euros correspondant, pour 69.872,99 euros aux loyers du 1er novembre 2005 au 30 septembre 2006 sur la base de 6.352,09 euros par mois et pour 2.614 euros à la taxe foncière 2005 ; qu'il n'est pas discuté par M. X... qu'il n'avait, à la date du commandement, réglé aucune somme au titre des loyers échus entre le 1er novembre 2005 et le 30 septembre 2006, soit pendant 11 mois, et qu'il était également redevable de la taxe foncière ;
Que le premier Juge a considéré qu'il existait une contestation sérieuse sur le montant du loyer à hauteur de 6.352,09 euros en raison de l'appel du jugement du 9 août 2006, ce que les intimés ne remettent pas en cause devant la Cour ;
Mais qu'en tout état de cause, le commandement a été valablement délivré pour la somme non sérieusement contestable de 2.614 euros de taxe foncière et de 1.524 x 11 = 16.764 euros, soit une dette locative de 19.378 euros ;
Que M. X... a réglé la somme de 1.524 euros le 26 septembre 2006, soit dans le délai du commandement, puis une somme de 18.288 euros le 12 septembre 2007, soit près d'un an après le commandement et quelques jours seulement avant l'audience de référé fixée au 19 septembre ;
Que le premier Juge a dès lors justement retenu que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire prévue au bail et visée dans le commandement de payer du 20 septembre 2006 étaient remplies ;
Attendu que M. X... prétend, pour s'opposer au commandement, que les bailleurs seraient de mauvaise foi et qu'ils auraient manqué à leur obligation de délivrance en lui donnant à bail un terrain sur lequel ils savaient, selon lui, qu'il rencontrerait des difficultés d'exploitation ;
Que, certes, M. X... a fait l'objet d'une procédure judiciaire en cessation du trouble anormal de voisinage occasionné par le bruit du karting, procédure qui vient d'être clôturée par un arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 6 mai 2008 déboutant la SARL CAMPING du Pylone de sa demande de fermeture ; mais que la seule présence, dans le bail de son prédécesseur dans les lieux, la SARL KART CROSS, d'une clause dégageant le bailleur de toute responsabilité "pour les troubles pouvant provenir des plaintes d'un ou plusieurs co-lotis pour les nuisances subies", non reproduite dans le bail conclu en mai 1999 au profit de M. X..., n'est pas de nature à établir que les bailleurs connaissaient l'intention de leurs voisins d'engager une procédure judiciaire qui, ainsi qu'il ressort des pièces de cette procédure versées aux débats par M. X..., n'a été initiée qu'après la signature de son propre bail, les premières plaintes produites par la SARL CAMPING du Pylone datant de mai 1999 ;
Qu'il est également constant que l'exploitation de M. X... a fait l'objet d'un arrêté de fermeture provisoire de la Ville d'Antibes en date du 19 juillet 1999, c'est à dire dans les deux mois suivant le bail, en raison de l'absence d'obtention des autorisations administratives préalables et du tapage occasionné par ses activités de karting du fait de la non conformité des travaux d'isolation acoustique permettant de préserver l'environnement sonore du quartier ; qu'il était pourtant expressément prévu dans le bail, au titre des conditions particulières, que le preneur s'engageait "à obtenir toutes les autorisations nécessaires à son activité de location de pistes de karting et annexes" et "à réaliser les aménagements et travaux nécessaires à son activité, après avoir obtenu les autorisations municipales et préfectorales."; que le preneur ne peut donc s'en prendre aux bailleurs de ce qu'il a été l'objet d'une fermeture administrative et de PV d'infractions relevés par l'autorité administrative ;
Qu'ainsi, le prétendu défaut de délivrance de l'objet du bail n'apparaît pas suffisamment établi pour constituer un moyen sérieux d'opposition au commandement de payer les loyers ;
Attendu que c'est en vain que M. X... sollicite l'octroi de délais de paiement de la dette locative, avec suspension des effets de la clause résolutoire ;
Qu'il a été vu plus haut que M. X... avait attendu près d'un an pour régler les sommes commandées, dans la limite du loyer minimal de 1.524 euros ;
Que la Cour note également que, si le versement de 18.288 euros a permis, en septembre 2007, d'apurer la dette locative commandée, il n'a pas été suffisant pour régler les loyers échus depuis le mois d'octobre 2006, alors que le locataire avait suspendu tout paiement du loyer courant depuis le commandement ; que M. X... reconnaît d'ailleurs dans ses écritures du 2 octobre 2008 être redevable des loyers de décembre 2006 à septembre 2007, ainsi que retenu par le premier Juge, pour une somme de 15.240 euros ;
Que par ailleurs, M. X... n'a pas réglé régulièrement les loyers d'octobre 2007 à juin 2008 ; que ce n'est que le 10 juin 2008 qu'il a effectué des versements de 3.524 euros par mois correspondant pour 1.524 euros au loyer courant et pour 2.000 euros au règlement de l'arriéré ; mais que ses versements représentent un total justifié de 17.620 euros au début du mois d'octobre 2008, alors que sa dette locative minimum, sur la base de 1.524 euros par mois, s'élevait, pour la période postérieure au commandement, soit d'octobre 2006 à octobre 2008, à 38.100 euros, ce dont il résulte que M. X..., deux ans après le commandement, n'est toujours pas à jour de ses loyers, calculés pourtant sur la base minimale qu'il revendique ;
Que les pièces comptables produites par l'appelant font ressortir un résultat négatif de son exploitation, de sorte qu'il apparaît que le preneur ne se trouve pas en mesure de rétablir sa situation à l'égard de ses bailleurs et de payer le loyer courant tel que retenu par le Tribunal de Grande Instance de Grasse le 9 août 2006 ;
Qu'en l'état de ces éléments, il y a lieu de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à accorder à M. X... des délais de paiement avec suspension des effets de la clause résolutoire ;
Vu les dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Vu l'article 696 du Code de Procédure Civile,
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement,
en matière de référé et en dernier ressort,
Déboute M. X... de son appel et confirme la décision déférée en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne M. X... à payer aux consorts Z... / Y... une somme de 1.200 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile en cause d'appel ;
Le condamne aux dépens d'appel ;
En autorise le recouvrement direct par la SCP de Saint Ferréol et Touboul, avoués, dans les formes et conditions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT