COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
2ème Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 4 DECEMBRE 2008
No2008/444
Rôle No 07/15920
S.A CMA-CGM
C/
Société BANKERS ASSURANCE SAL
Grosse délivrée
le :
à : TOUBOUL
MAGNAN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 18 septembre 2007 enregistré au répertoire général sous le no 2006F02597
APPELANTE
S.A. CMA - CGM
dont le siège est sis 4 Quai d'Arenc - 13002 MARSEILLE
représentée par la SCP DE SAINT FERREOL - TOUBOUL, avoués à la Cour,
plaidant par Me Marc GUERIN pour la SELARL RENARD et ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
Société BANKERS ASSURANCE SAL
dont le siège est sis Riad El Solh Square - Capitole Building (4th floor) 1107-2160 BEYROUTH (Liban)
représentée par Me Paul MAGNAN, avoué à la Cour,
plaidant par Me Sophie DENASSIEU, avocat au barreau de PARIS, substituée par Me Marie-Caroline BERNARD, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 novembre 2008 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :
Monsieur Robert SIMON, Président Rapporteur,
et Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller Rapporteur,
chargés du rapport qui en ont rendu compte dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Robert SIMON, Président
Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller
Monsieur André JACQUOT, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Mireille MASTRANTUONO
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 4 décembre 2008.
ARRÊT
Contradictoire
Prononcé par mise à disposition au greffe le 4 décembre 2008
Signé par Monsieur Robert SIMON, Président, et Madame Mireille MASTRANTUONO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La S.A. C M A / C G M a émis, le 20 février 2005, un connaissement afférent au transport de deux conteneurs de 40' renfermant des colis de cigarettes du port de Norfolk (USA) à celui de Beyrouth (Liban), avec transbordements aux ports de Fos sur Mer et de Damiette. La marchandise a été débarquée, le 6 avril 2005 et des avaries par mouilles ont été constatées dans des circonstances aujourd'hui controversées. La société BANKERS Assurance SAL, assureur sur « facultés » a versé une indemnité d'assurance au destinataire de la marchandise.
Par jugement contradictoire en date du 18 septembre 2007, le Tribunal de Commerce de Marseille a condamné la S.A. C M A / C G M à payer à la société BANKERS Assurance SAL la somme de 30.965 $ américains ou sa contrevaleur en , outre la somme de 1.100 $ au titre des frais d'expertise et celle de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, le jugement étant assorti de l'exécution provisoire pour l'ensemble de ses dispositions.
La S.A. C M A / C G M a régulièrement fait appel de cette décision dans les formes et délai légaux.
Vu les dispositions des articles 455 et 954 du nouveau code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret No 98-1231 du 28 décembre 1998 ;
Vu les prétentions et moyens de la S.A. C M A / C G M dans ses conclusions en date du 5 décembre 2007 tendant à faire juger :
- que le transport en question est régi par les règles du COGSA et que la responsabilité du transporteur maritime cessait à la livraison sous palan dès lors que l'acconier du port de déchargement est un organisme monopolistique d'État,
- qu'aucune réserve n'a été mentionnée sur le « Containers Outurn Report » établi « au sous-palan du navire », lors de la remise de la marchandise à l'acconier, ce qui démontre que le « cabossage » du conteneur et les dommages subséquents sont survenus postérieurement à la remise/livraison, tous autres documents étant inopérants pour marquer l'instant de la remise/livraison,
- que l'expertise diligentée à la requête de la société BANKERS Assurance SAL est incomplète et incertaine quant à la détermination du moment où le sinistre par mouille d'eau de pluie est survenu,
- subsidiairement, que les limitations d'indemnisation prévues au COGSA sont applicables, soit 59 colis X 500 $ = 29.500 $ ;
Vu les prétentions et moyens de la société BANKERS Assurance SAL dans ses conclusions en date du 15 février 2008 tendant à faire juger :
- que le moment de la livraison s'entend, selon la jurisprudence française, du moment où le destinataire a la possibilité d'appréhender matériellement la marchandise, et pour le moins, si cette date n'était pas retenue, au moment de la remise aux autorités portuaires,
- que la livraison de la marchandise au destinataire est accomplie par le fait que le destinataire a été mis en mesure de la recevoir,
- que la S.A. C M A / C G M ne fait pas la preuve qu'elle a remis à l'acconier une marchandise exempte d'avaries, qu'au contraire à l'issue des opérations de déchargement, il a été constaté que le conteneur était cabossé,
- que la discussion sur le caractère monopolistique d'État de l'organisme de manutention du port de Beyrouth est sans intérêt, outre que la manutention n'est pas effectuée par une entreprise d'État, mais par des entrepreneurs privés,
- que l'expertise a révélé que l'avarie concernait 59 colis de cartons de cigarettes, mouillées dans le conteneur endommagé et présentant des fissures ou cisaillements ;
L'ordonnance de clôture de l'instruction de l'affaire a été rendue le 10 octobre 2008.
MOTIFS ET DÉCISION
Attendu que le transport litigieux est régi par les règles du COGSA et par les clauses du connaissement, notamment celles afférentes à la responsabilité du Transporteur pendant les périodes postérieures au déchargement des marchandises lorsque celles-ci sont restées sous sa garde effective et celles afférentes au recours à la loi française pour tout ce qui n'est pas réglé par le connaissement et pour l'interprétation de ses clauses et stipulations ; que les règles du COGSA (à l'instar de la Convention de BRUXELLES du 25 août 1924, amendée) prévoient l'obligation pour le transporteur d'assurer de manière appropriée et soigneuse le chargement et le déchargement de la marchandise ; qu'en l'espèce, en présence d'une clause de livraison sous palan et sans s'interroger sur les conditions dans lesquelles le destinataire a été mis en mesure de réceptionner la marchandise, il convient d'observer que l'endommagement du conteneur a été constaté lors de sa remise aux autorités portuaires, peu important leur statut ; que la responsabilité du transporteur maritime demeure, en toute hypothèse, jusqu'à la fin des opérations de déchargement;
Attendu que la fin des opérations de déchargement du navire arrivé au port de Beyrouth, le 6 avril 2005, a été marquée par un document à l'en-tête du service de « Gestion et d'Exploitation » du port de Beyrouth et intitulé « Containers Entry Form » mentionnant pour le conteneur ECMU No 445161 type 1 une réserve libellée : « cab » pour cabossé ; que ce document consacre la remise des conteneurs par le transporteur maritime aux autorités portuaires et est signé par un agent du Port, par un agent des Douanes et par l'agent du transporteur maritime ; que la S.A. C M A / C G M ne peut se prévaloir du document intitulé « Containers Outurn Report » daté également du 6 avril 2005 qui ne mentionne aucune réserve dès lors que ce document a été établi unilatéralement par la société Merit Shipping S.A.L., l'agent maritime de la S.A. C M A / C G M à Beyrouth, et a été signé du capitaine du navire et du « stevedore », entreprise de manutention mandatée par le transporteur maritime pour réaliser les opérations de mise à quai ; que ce document mentionne qu'il n'est attesté par les signataires que du nombre de conteneurs remis, sans égard pour les « Weights, Contents, Quality et Sealnumbers » ; que la remise des conteneurs « sous palan » a été constatée par le « Containers Entry Form » ; que c'est ce document qui a consacré la remise du conteneur litigieux aux autorités du port et aux douanes, les opérations de déchargement immédiatement achevées ; que l'agent maritime de la S.A. C M A / C G M a émis, le 7 avril 2005, un « bon de livraison » invitant les Douanes à livrer les conteneurs à leur destinataires, ce bon de livraison portant d'ailleurs la mention « cabossé » en ce qui concerne le conteneur litigieux ; que la S.A. C M A / C G M, en présence de réserves émises dès la fin des opérations de déchargement, lors de la remise du conteneur aux autorités portuaires, ne bénéficie pas de la présomption de livraison conforme et ne fait pas la preuve que l'avarie par mouille provoquée par endommagement du conteneur est due à une autre cause, notamment à une infiltration d'eaux de pluie après les opérations de déchargement et alors que le conteneur, qui n'était plus sous sa garde effective, stationnait sur le port de Beyrouth dans des conditions d'ailleurs non avérées (sur un quai ou sous un hangar ?);
Attendu que l'expert d'avaries a constaté que le conteneur litigieux présentait des déformations et deux « cisaillements » en forme de L d'une certaine importance 10 cm de long et de 1 et 2 centimètres de large et que le conditionnement en kraft était mouillé ; que l'expert a noté que 59 colis contenant chacun 50 cartons de 10 cartouches de cigarettes, soit 10.000 cigarettes par colis sont en « perte totale » ;
Attendu que le transport étant soumis aux règles du COGSA, la limitation d'indemnisation dont bénéfice le transporteur maritime est celle prévue au § 1304 5 prévoyant une indemnisation limitée à 500 $ par « package »; qu'il était loisible aux parties d'aménager un régime d'indemnisation inférieur à celui de la Convention de BRUXELLES du 25 août 1924, amendée ; qu'il s'ensuit que la S.A. C M A / C G M peut se prévaloir des limites d'indemnisation prévue par l'article 8 (4) du connaissement faisant référence aux règles du COGSA et limitant la responsabilité du transporteur à 500 $ par « paquet », soit un indemnisation de 29.500 $ ;
Attendu que le jugement mérite confirmation, sauf sur le montant du préjudice, pour les motifs exposés ci-dessus et ceux non contraires des premiers juges ;
Attendu que la créance dont l'assureur poursuit le recouvrement par subrogation dans les droits d'action du destinataire, n'a pas le caractère indemnitaire ; que l'action de l'assureur se borne au paiement d'une somme d'argent d'un montant déterminé qu'il a versée à son assuré à titre d'indemnité d'assurance ; qu'il en résulte que le point de départ des intérêts moratoires dus à l'assureur doit être fixé, conformément à l'article 1153 du Code Civil, à la date de la mise en demeure faite par la compagnie d'assurances subrogée et non à celle de la quittance subrogative; qu'en l'espèce, la date à retenir est le 3 avril 2006, date de l'introduction de la demande valant mise en demeure, comme la société BANKERS Assurance SAL l'a d'ailleurs expressément sollicité et obtenu;
Attendu que l'équité commande de faire application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; que la partie tenue aux dépens devra payer à l'autre la somme de 2.400 € au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par sa mise à disposition au greffe de la Cour d'Appel d'AIX en PROVENCE à la date indiquée à l'issue des débats, conformément à l'article 450 alinéa 2 du nouveau code de procédure civile,
Reçoit l'appel de la S.A. C M A / C G M comme régulier en la forme.
Au fond, confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf à limiter le montant de la réparation à la contrevaleur de 29.500 $ US, au jour du prononcé du présent arrêt, avec intérêts au taux légal à compter du 3 avril 2006.
Y ajoutant, condamne la S.A. C M A / C G M à porter et payer à la société BANKERS Assurance SAL la somme de 2.400 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, en cause d'appel.
Condamne la S.A. C M A / C G M aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de Maître Paul MAGNAN, sur son affirmation de droit, en application de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT