COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE 10o Chambre
ARRÊT AU FOND DU 14 JANVIER 2009
No 2009 /
Rôle No 07 / 06088
ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG (E.F.S.)
C /
CLINIQUE LA PROVENCALE CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHONE Marie X... épouse Y...
Grosse délivrée le : à :
réf
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 22 Janvier 2007 enregistré au répertoire général sous le no 05 / 4726.
APPELANTE
ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG (E.F.S.), pris en la personne de son représentant légal en exercice, 20 Avenue du Stade de France-93218 LA PLAINE SAINT DENIS CEDEX représentée par la SCP COHEN-GUEDJ, avoués à la Cour, assisté de la SELARL BAFFERT-FRUCTUS ET ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE substituée par Me Julie MOREAU, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEES
CLINIQUE LA PROVENCALE, dont le siège social est ACTIMART 13795 AIX EN PROVENCE représentée par M. Z... Jean Pierre, pris en sa qualité de liquidateur amiable,...-13100 AIX EN PROVENCE représentée par la SCP BLANC AMSELLEM-MIMRAN CHERFILS, avoués à la Cour, assistée de la SCP ABEILLE et ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE substituée par Me David CUSINATO, avocat au barreau de MARSEILLE
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHONE, prise en la personne de son représentant légal en exercice, 8, rue Jules Moulet-13281 MARSEILLE CEDEX 6 représentée par la SCP SIDER, avoués à la Cour, ayant Me Christian DUREUIL, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE
Madame Marie X... épouse Y... (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 07 / 3193 du 04 / 06 / 2007 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX EN PROVENCE) née le 08 Janvier 1956 à PADOUE (ITALIE) (35010), demeurant...-13126 VAUVENARGUES représentée par la SCP ERMENEUX-CHAMPLY-LEVAIQUE, avoués à la Cour, assistée de Me Clémence BARBIER, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE
*- *- *- *- *
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 25 Novembre 2008 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Benjamin RAJBAUT, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Joëlle SAUVAGE, Présidente Madame Bernadette KERHARO-CHALUMEAU, Conseiller Monsieur Benjamin RAJBAUT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Geneviève JAUFFRES. Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Janvier 2009.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Janvier 2009,
Signé par Madame Joëlle SAUVAGE, Présidente et Madame Geneviève JAUFFRES, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Mme Marie X... épouse Y... a accouché le 23 décembre 1985 à la clinique LA PROVENÇALE ; par la suite en mai 1996 a été diagnostiquée une contamination par le virus de l'hépatite C.
Par jugement contradictoire du 22 janvier 2007, le Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE a :
- dit que l'Établissement Français du Sang (ci-après E.F.S.) est seul responsable de la contamination de Mme Marie X... épouse Y... par le virus de l'hépatite C,
- condamné en conséquence l'E.F.S. à payer à Mme Marie X... épouse Y... la somme de 1. 000 € au titre du préjudice corporel soumis à recours et celle de 4. 000 € au titre des souffrances endurées,
- débouté Mme Marie X... épouse Y... du surplus de ses demandes,
- condamné l'E.F.S. à payer à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie (ci-après C.P.A.M.) des Bouches-du-Rhône la somme de 3. 854 € 35 c.,
- condamné l'E.F.S. à payer à Mme Marie X... épouse Y... la somme de 1. 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné l'E.F.S. à payer à la clinique LA PROVENÇALE la somme de 700 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné l'E.F.S. aux dépens,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
L'E.F.S. a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 6 avril 2007.
Vu les conclusions de la C.P.A.M. des Bouches-du-Rhône en date du 13 septembre 2007.
Vu les conclusions récapitulatives de l'E.F.S. en date du 14 novembre 2007.
Vu les conclusions de Mme Marie X... épouse Y... en date du 9 mai 2008.
Vu les conclusions de la clinique LA PROVENÇALE, représentée par son liquidateur amiable, M. Jean-Pierre Z..., en date du 4 juillet 2008.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 6 novembre 2008.
MOTIFS DE L'ARRÊT
Attendu que le jugement déféré n'a retenu qu'une origine transfusionnelle de la contamination de Mme Marie X... épouse Y..., que celle-ci en cause d'appel conclut à la confirmation sur ce point du jugement déféré.
Attendu que Mme Marie X... épouse Y... demande néanmoins en cause d'appel une condamnation solidaire de l'E.F.S. et de la clinique LA PROVENÇALE sur deux fondements juridiques différents.
I : LES DEMANDES DE MME MARIE X... ÉPOUSE Y... À L'ENCONTRE DE L'E.F.S. :
Attendu que selon l'article 102 de la loi no 02-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de soins, applicable aux instances n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable, en cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang ; qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination ; que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles et que le doute profite au demandeur.
Attendu que l'E.F.S. conclut à titre principal au débouté de Mme Marie X... épouse Y... de l'ensemble de ses demandes à son encontre, la matérialité des transfusions sanguines n'étant pas établie.
Attendu qu'une mesure d'expertise a été confiée au Pr Gérard A..., expert commis par ordonnance de référé du 24 février 1998 et qui a déposé son pré-rapport le 15 mars 2002 et son rapport de clôture le 16 mai 2002.
Attendu que ce rapport, complet et documenté, n'est pas sérieusement critiqué par les parties et sera donc entériné par la Cour.
Attendu qu'il en ressort que Mme Marie X... épouse Y... a accouché d'un enfant le 23 décembre 1985 par césarienne avec anesthésie péridurale, l'intervention ayant été réalisée à la clinique LA PROVENÇALE.
Attendu qu'un examen biologique pratiqué en mars 1994 indique des transaminases normales, que c'est en mai 1996 qu'a été porté le diagnostic d'une contamination par le virus de l'hépatite C, le génotype viral n'étant pas connu, que les transaminases sont redevenues normales à partir de mai 1997, la virémie VHC devenant alors négative.
Attendu que le dossier médical de la clinique est inexistant, que s'il est établi que l'E.F.S. a distribué deux concentrés globulaires au nom de la patiente le 23 décembre 1985 (aucune enquête transfusionnelle n'étant possible), la matérialité transfusionnelle ne peut être affirmée par l'expert qui précise qu'aucun argument médical ne permet de justifier une telle transfusion.
Attendu qu'outre une éventuelle transfusion, l'expert a également identifié une autre circonstance ayant pu être contaminatrice chez la patiente, à savoir les poses de stérilets entre 1981 et 1984, bien qu'il estime ce mode de contamination improbable.
Attendu que l'expert ne peut donc conclure qu'à la possibilité théorique d'une origine transfusionnelle de la contamination dans la mesure où, à l'époque, un donneur sur quatre cents était contaminé par le virus de l'hépatite C, soit un pouvoir contaminant de 0, 5 % ; qu'il rappelle en outre qu'il existe 20 % de cas de contamination dits sporadiques où aucune source de contamination ne peut être mise en évidence.
Attendu que la simple commande de produits de sanguins par la clinique auprès de l'E.F.S. ne peut en elle-même suffire à établir la preuve de la matérialité transfusionnelle de ces produits en l'absence de tout document médical attestant de l'administration effective de ces produits sanguins (compte rendu opératoire, fiche anesthésique, feuilles de surveillance, etc...), qu'en effet ces produits sont commandés par précaution, avant toute intervention, notamment en cas de survenue d'une complication particulière.
Attendu par ailleurs que l'expert précise qu'il n'existe aucun argument médical justifiant le recours à une transfusion sanguine dans le cadre de l'intervention subie par Mme Marie X... épouse Y... le 23 décembre 1985 (accouchement par césarienne sous anesthésie péridurale).
Attendu qu'il apparaît donc qu'aucun élément ne permet d'établir que Mme Marie X... épouse Y... a effectivement été transfusée le 23 décembre 1985 alors surtout que ses taux de transaminase étaient encore normaux en mars 1994 pour ne devenir anormaux qu'en mai 1996 et que la seule possibilité d'une transfusion sanguine en décembre 1985 avec un pouvoir contaminant de l'ordre de 0, 50 % ne saurait suffire à constituer une présomption d'imputabilité de la contamination par le virus de l'hépatite C en mai 1996 à une origine transfusionnelle remontant à décembre 1985.
Attendu en conséquence que Mme Marie X... épouse Y... n'apporte pas d'éléments permettant de présumer l'origine transfusionnelle de sa contamination.
Attendu dès lors que le jugement déféré sera partiellement infirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité de l'E.F.S. et prononcé des condamnations à son encontre et que, statuant à nouveau de ces chefs, Mme Marie X... épouse Y... sera déboutée de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de l'E.F.S.
Attendu de même que la C.P.A.M. des Bouches-du-Rhône, qui n'agit que par subrogation de son assurée, sera déboutée de ses demandes en remboursement de ses débours.
Attendu que de ce fait les demandes subsidiaires de l'E.F.S. à l'encontre de la clinique LA PROVENÇALE en cas de condamnation à son encontre deviennent sans objet.
II : LES DEMANDES DE MME MARIE X... ÉPOUSE Y... À L'ENCONTRE DE LA CLINIQUE LA PROVENÇALE :
Attendu que la demande de Mme Marie X... épouse Y... en condamnation de la clinique LA PROVENÇALE du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C ne se fonde pas sur une éventuelle origine nosocomiale de cette contamination puisque, par ailleurs, elle conclut expressément à la confirmation du jugement déféré " en ce qu'il a considéré que les éléments de l'espèce permettaient de présumer que la contamination par le virus de l'hépatite C avait bien pour origine la transfusion effectuée le 23 décembre 1985 " (page 7, premier paragraphe de ses conclusions d'appel).
Attendu qu'elle fonde expressément son action contre la clinique sur les dispositions de l'article L 1142-1, paragraphe I, 2ème alinéa du Code de la santé publique en estimant que pèse désormais sur les cliniques une obligation de sécurité de résultat et que les soins donnés à la clinique en 1985 ont concouru à la réalisation de son dommage.
Mais attendu que l'article L 1142-1, paragraphe I, 2ème alinéa précité ne concerne que la responsabilité de plein droit des établissements de soins en cas d'infections nosocomiales, qu'au surplus en application des dispositions de l'article 101 de la loi no 2002-303 du 4 mars 2002 (modifié par l'article 3 de la loi no 2002-1577 du 30 décembre 2002), cet article n'est applicable qu'aux infections consécutives à des activités de prévention, de diagnostic ou de soins réalisées à compter du 5 septembre 2001.
Attendu en conséquence que cet article ne saurait être applicable aux faits de la cause et que dans la mesure où l'origine transfusionnelle de la contamination de Mme Marie X... épouse Y... par le virus de l'hépatite C n'est pas prouvée, celle-ci n'est pas fondée à demander une condamnation de l'établissement de soins au seul motif d'une prétendue obligation de sécurité de résultat.
Attendu dès lors que c'est à juste titre que les premiers juges ont débouté Mme Marie X... épouse Y... de ses demandes à l'encontre de la clinique LA PROVENÇALE, que le jugement déféré sera confirmé de ce chef.
Attendu que de ce fait les demandes subsidiaires de la clinique LA PROVENÇALE à l'encontre de l'E.F.S. deviennent sans objet.
III : LES AUTRES DEMANDES :
Attendu qu'aucune raison tirée de l'équité ou de la situation économique des parties ne commande le prononcé de condamnations au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens.
Attendu que Mme Marie X... épouse Y..., partie perdante, sera condamnée au paiement des dépens de la procédure de première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés conformément à la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement.
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme Marie X... épouse Y... de ses demandes à l'encontre de la clinique LA PROVENÇALE.
L'infirme pour le surplus et, statuant à nouveau :
Dit que Mme Marie X... épouse Y... n'apporte pas d'éléments permettant de présumer l'origine transfusionnelle de sa contamination par le virus de l'hépatite C.
Déboute en conséquence Mme Marie X... épouse Y... de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de l'E.F.S.
Déboute également la C.P.A M. des Bouches-du-Rhône de ses demandes en remboursement de ses débours.
Déclare sans objet les demandes subsidiaires de l'E.F.S. et de la clinique LA PROVENÇALE.
Dit n'y avoir lieu à prononcer de condamnation au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Condamne Mme Marie X... épouse Y... aux dépens de la procédure de première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés conformément à la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle et autorise la S.C.P. COHEN, GUEDJ, Avoués associés, la S.C.P. BLANC, AMSELLEM-MIMRAM, CHERFILS, Avoués associés et la S.C.P. SIDER, Avoués associés, à recouvrer directement ceux des dépens dont elles auraient fait l'avance sans avoir reçu provision.
Rédacteur : M. RAJBAUT
Madame JAUFFRESMadame SAUVAGE GREFFIÈRE PRÉSIDENTE