COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
10o Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 18 FEVRIER 2009
No 2009 /
Rôle No 08 / 12161
Jamel X...
C /
COMPAGNIE AREAS ASSURANCE venant aux droits de la CAISSE MUTUELLE D'ASSURANCE ET DE PREVOYANCE
MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE DES BOUCHES DU RHONE
Grosse délivrée
le :
à :
réf
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 04 Mai 2006 enregistré au répertoire général sous le no 04 / 06901.
APPELANT
Monsieur Jamel X...
né le 15 Juin 1979 à LE KEF (TUNISIE) (99), demeurant C / O Monsieur Farhat X...- ...
représenté par la SCP DE SAINT FERREOL-TOUBOUL, avoués à la Cour,
assisté de Me Francis COUDERC, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
INTIMEES
COMPAGNIE AREAS ASSURANCE venant aux droits de la CAISSE MUTUELLE D'ASSURANCE ET DE PREVOYANCE
" Aréas Dommages "
prise en la personne de son Dirigeant en exercice, domicilié en cette qualité au siège social sis, 47 / 49 rue de Miromesnil-75380 PARIS CEDEX 08
représentée par la SCP BLANC AMSELLEM-MIMRAN CHERFILS, avoués à la Cour,
ayant Me Philippe RAFFAELLI, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE
MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE DES BOUCHES DU RHONE, assignée
prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité au siège social sis, 152 Avenue de Hambourg-13416 MARSEILLE CEDEX 20
défaillante
*- *- *- *- *
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 14 Janvier 2009 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Bernadette KERHARO-CHALUMEAU, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Joëlle SAUVAGE, Présidente
Madame Bernadette KERHARO-CHALUMEAU, Conseiller
Monsieur Benjamin RAJBAUT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Geneviève JAUFFRES.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Février 2009.
ARRÊT
Réputé contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Février 2009,
Signé par Madame Joëlle SAUVAGE, Présidente et Madame Geneviève JAUFFRES, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Vu le jugement rendu le 4 mai 2006 par le tribunal de grande instance d'Aix en Provence ;
Vu l'appel formalisé par M. Jamel X... ;
Vu les conclusions déposées et notifiées le 2 octobre 2006 par M. Jamel X... ;
Vu les conclusions déposées et notifiées le 21 novembre 2007 par la Cie AREAS Assurances intimée et appelante incidemment ;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 15 décembre 2008 ;
Par le jugement déféré le tribunal de grande instance d'Aix en Provence a :
* dit que le droit à indemnisation de M. Jamel X... est entier ;
* condamné la Cie AREAS à payer à M. Jamel X...
1o) la somme de 61. 700 € en réparation de son préjudice corporel soumis à recours hors frais médicaux :
frais médicaux et pharmaceutiques restés à charge : néant
ITT gène pendant 18 mois : 11. 700 €
IPP 20 % avec incidence professionnelle : 50. 000 €
2o) la somme de 22. 100 € en réparation de son préjudice corporel personnel ;
pretium doloris 5 / 7 : 19. 000 €
préjudice esthétique 2, 5 / 7 : 3100 €
3o) la somme de 1000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
M. Jamel X... demande à la Cour
-de confirmer la décision sur son droit à indemnisation intégral,
- de l'infirmer sur les quantum de ses préjudices et de lui allouer :
ITT : 19. 208, 52 €
ITP : (soins et surveillance jusqu'à consolidation pendant un an) : 12. 805, 33 €
préjudice esthétique : 5000 €
pretium doloris 5 / 7 : 30. 000 €
IPP 20 % : 30. 000 €
préjudice professionnel : 576. 000 €
outre la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile
La Compagnie AREAS Assurance demande à la Cour :
- d'infirmer le jugement,
- de dire que M. X... a commis une faute en ne portant pas sa ceinture de sécurité et de limiter son droit à indemnisation de 50 %,
La Compagnie AREAS offre de calculer le préjudice total de M. X... à 71. 000 €
ITT gène : 9000 €
IPP 20 % avec incidence professionnelle : 50. 000 €
pretium doloris 5 / 7 : 10. 000 €
préjudice esthétique : 2, 5 / 7 : 2000 €
et compte tenu de la limitation du droit à indemnisation propose une indemnité de 35. 000 € (71. 000 € x 50 %) outre la somme de 4000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
elle réclame le remboursement du trop perçu ;
Attendu que la Compagnie AREAS Assurance fait grief à la décision de ne pas avoir retenu que M. X... ne portait pas la ceinture de sécurité lors de l'accident et que le traumatisme facial subi résulte de ce défaut de port de ceinture de sécurité, de sorte que la faute commise a contribué à la réalisation du dommage ;
Attendu qu'il n'est pas contestable que le 19 septembre 2000 de nuit, par temps de pluie et alors qu'en raison des conditions atmosphériques rendant la visibilité quasi inexistante, une collision frontale entre le véhicule piloté par M. X... et celui piloté par M. A... s'est produite sur le CD 6 entre Gardanne et Trets ; que les deux conducteurs ont été grièvement blessés ;
Attendu que les services de gendarmerie appelés sur les lieux de l'accident n'ont pas pu établir les mesures exactes relatives à l'établissement d'un croquis et n'ont entendu aucun témoin direct de l'accident ;
Attend que seul M. Karl A... a été auditionné par les services de gendarmerie ;
Attendu que force est d'admettre dans ces conditions que le défaut de port de ceinture de sécurité au moment du choc par M. X... allégué par la Cie AREAS Assurance procède de sa seule affirmation en l'absence d'élément objectif de l'enquête ou de constatations matérielles sans que d'une part l'audition de M. B... qui est intervenu sur les lieux de l'accident postérieurement, après que d'autres personnes soient intervenues, et d'autres part la localisation de blessures à la face et au thorax et la nature de certaines blessures (fracture de la mandibule, plaies par bris de verre) suffisent à l'établir et à exclure qu'un des témoins direct de l'accident non identifié, dont la présence est confirmée par M. B... arrivé sur les lieux après l'accident, a détaché la ceinture du blessé ou que la violence du choc qui a enfoncé et détruit tout l'avant du véhicule de M.. X... et brisé le pare brise, a entraîné la rupture de la ceinture et les plaies constatées par bris de verre ;
Attendu que par conséquent il n'est pas établi la preuve du défaut de port de ceinture de sécurité par M. Jamel X... ; que les premiers juges ont admis à bon droit que le droit à indemnisation de M. X... était entier ;
Attendu qu'il résulte du rapport d'expertise que M. Jamel X... a subi :
- un traumatisme crânien avec perte de connaissance initiale et amnésie complète des faits, fracture ouverte de la mandibule, traumatisme grave du thorax avec fracture de la 8ème à la 12ème côte gauche-complications respiratoires,
séquelles des douleurs de l'hémithorax, des céphalées, des douleurs de la mâchoire à la mastication, syndrome subjectif post commotionnel, insomnies, troubles de la mémoire et de la concentration rendant difficile l'écriture, la lecture, paralysie du sciatique poplité externe avec gène au relevage du pied,
ITT du 19 septembre 2000 au 19 mars 2002 dont 70 jours en réanimation et 1 mois 1 / 2 en centre de rééducation,
soins et surveillance jusqu'à la date de consolidation fixée au 19 mars 2003
préjudice esthétique 2, 5 / 7 (léger à modéré) cicatrice de trachéotomie discrète mais visible-
déformation de la mandibule gauche-marquage du pas du à la difficulté du relevage du pied ;
pretium doloris 5 / 7 (assez important)
IPP 20 %
préjudice d'agrément : du fait des séquelles du membre inférieur gauche ne peut plus pratiquer la course ou toute activité sportive de marche soutenue,
incidence professionnelle : inapte à réaliser son activité antérieure de paysagiste élagueur du fait des difficultés à la marche ; les troubles de la lignée subjective rendent également difficile les seules activités de gestion ou de surveillance d'une telle entreprise ;
Attendu qu'il convient d'évaluer le préjudice corporel de M. Jamel X... né le 15 juin 1979 au vu de ce rapport et des pièces produites, conformément à l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006 :
Déficit fonctionnel temporaire : (ITT du 19 septembre 2000 au 19 mars 2002)
M. X... réclame à ce titre les sommes de 19. 208, 52 € alors que les premiers juges ont évalué ce poste à 11. 700 € et que la Compagnie AREAS offre 9000 €
ce poste de préjudice correspond à la gène dans les actes de la vie courante et à la perte de qualité de vie pendant les périodes d'incapacité temporaire soit pendant 18 mois ; il est indemnisé sur la base de 750 € à la somme de 13. 500 € (750 € x 18)
Période de soins du 19 mars 2002 au 19 mars 2003 :
M. X... réclame une indemnisation de cette période ayant donné lieu à des soins et des séances de rééducation à hauteur de 12. 805, 33 € ; l'expert a souligné la nécessité des soins durant cette période et la poursuite de la rééducation au rythme de 3 séances par semaine ; compte tenu des conclusions expertales il convient d'indemniser cette période sur la base de 350 € mensuel et d'allouer à ce titre à M. X... la somme de 4. 200 € ;
IPP 20 %- déficit fonctionnel séquellaire :
les premiers juges ont évalué ce poste à 50. 000 € en tenant compte d'une incidence professionnelle ; ce poste de préjudice personnel qui correspond à la gène résultant des séquelles physiques et psychologiques occasionnées par l'accident ne se confond pas avec le préjudice économique résultant d'une incidence professionnelle ;
compte tenu de l'âge de la victime à la date de consolidation (23 ans) et de son taux d'IPP (20 %) la somme de 30. 000 € réclamée (1500 € le point) constitue une juste indemnisation de son déficit fonctionnel séquellaire ;
Pretium doloris 5 / 7 :
les premiers juges ont évalué ce poste de préjudice à la somme de 19. 000 €,
M. X... réclame la somme de 30. 000 € tandis que la compagnie d'assurance propose la somme de 10. 000 €,
les souffrances endurées qualifiées de assez importantes résultant du polytraumatisme hospitalisation, complication, rééducation, pose de drain, ostéosynthèse de la mandibule, dialyse justifie l'octroi d'une somme de 21. 000 € ;
Préjudice esthétique 2, 5 / 7 :
l'expert a retenu un préjudice esthétique léger à modéré-les premiers juges ont fait une exacte évaluation de ce poste à la somme de 3100 € ;
Préjudice professionnel :
il doit être admis que M. X... subit une incidence professionnelle résultant de la dévalorisation qu'entraîne ces séquelles sur le marché du travail, sans que compte tenu de son jeune âge, il puisse être retenu une inaptitude totale à l'exercice d'une profession ;
l'expert a souligné l'incidence professionnelle des séquelles et notamment son inaptitude à l'exercice de la profession de paysagiste élagueur qu'il exerçait avant l'accident et les difficultés à l'exercice d'une activité de gestion ;
M. X... réclame une somme de 576. 000 € sur la base du salaire qu'il percevait avant l'accident en qualité d'ouvrier paysagiste spécialisé s'élevant à 6929 francs brut mensuel ou 1056, 41 € sans préciser de mode de calcul tandis que la Compagnie AREAS propose de tenir compte de l'incidence professionnelle en majorant le point d'IPP fixé ;
la majoration du point d'IPP suppose que le déficit fonctionnel séquellaire et le préjudice professionnel procède de la même nature ; que tel n'est pas le cas le premier étant un préjudice personnel et le second un préjudice économique ; il n'y a donc pas lieu de majorer le point
d'IPP fixé ci-dessus ;
compte tenu de l'incidence professionnelle constatée la Cour admet que M. X... subi une perte de chance d'exercer la profession de paysagiste à laquelle il se destinait et de pouvoir créer sa propre entreprise de sorte qu'il convient de lui allouer une indemnisation d'un montant de 50. 000 € ;
Attendu que le préjudice total de M. Jamel X... est évalué à la somme totale de 121. 800 € (50. 000 € + 3100 € + 21. 000 € + 30. 000 € + 4. 200 € + 13. 500 €) ;
Sur l'application de l'article 700 du Code de Procédure Civile :
Attendu que l'équité commande l'application de l'article 700 du Code de Procédure Civile au profit de M. Jamel X... ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,
Déclare recevable l'appel de M. Jamel X... et l'appel incident de la Compagnie AREAS Assurance ;
Infirme le jugement rendu le 4 mai 2006 par le tribunal de grande instance d'Aix en Provence sur les sommes allouées en réparation de son préjudice corporel soumis à recours et de son préjudice personnel ;
Statuant à nouveau :
Condamne la Compagnie AREAS Assurances à payer à M. Jamel X... en deniers ou quittances la somme de 121. 800 € ;
Confirme le jugement sur le surplus ;
Y ajoutant :
Condamne la Compagnie AREAS Assurances à verser à M. X... la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux dépens dont distraction au profit de la SCP DE SAINT FERREOL et TOUBOUL, avoués en la cause.
Rédactrice : Madame SAUVAGE
Madame JAUFFRESMadame SAUVAGE
GREFFIÈRE PRÉSIDENTE