COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE 10ème Chambre
ARRÊT AU FOND DU 20 JANVIER 2010
No 2010/
Rôle No 07/ 06774
Annick X...veuve Y...
C/
MACIF PROVENCE MEDITERRANEE CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHÔNE
Décision déférée à la Cour :
arrêt en date du 20 janvier 2010 prononcé sur saisine de la Cour suite à l'arrêt rendu par la Cour de Cassation le 16 novembre 2006 enregistré au répertoire général sous les NoV 04-15329 et E05-18. 631 qui a cassé et annulé l'arrêt no 04/ 290 rendu le 14 avril 2004 et l'arrêt no 05/ 315 rendu le 18 mai 2005 par la Cour d'Appel d'Aix en-Provence 10ème chambre
APPELANTE
Madame Annick X...veuve Y...agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'administratrice légale, en vertu d'une décision du Juge des Tutelles d'Aix-en-Provence en date du 5/ 11/ 1999, de son fils Karim Y...né le 14/ 8/ 1972 à AIX EN PROVENCE née le 14 Décembre 1945 à CHALANDRY (AISNE), demeurant ... représentée par la SCP BOTTAI-GEREUX-BOULAN, avoués à la Cour, assistée de la SCP PREZIOSI-CECCALDI, avocats au barreau de MARSEILLE
INTIMEES
MACIF PROVENCE MEDITERRANEE, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, Centre de Gestion-BP 40152-13631 ARLES CEDEX représentée par Me Jean-Marie JAUFFRES, avoué à la Cour, assistée de Me Pierre CHATEL, avocat au barreau de MONTPELLIER
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHÔNE, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, assignée à personne habilitée, 8 rue Jules Moulet-13006 MARSEILLE défaillante
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COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 25 Novembre 2009 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Mme Bernadette KERHARO-CHALUMEAU, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Mme Brigitte VANNIER, Présidente Madame Bernadette KERHARO-CHALUMEAU, Conseiller Madame Marie-Vianneytte BOISSEAU, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Geneviève JAUFFRES. Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Janvier 2010.
ARRÊT
Réputé contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Janvier 2010,
Signé par Mme Brigitte VANNIER, Présidente et Madame Geneviève JAUFFRES, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Vu la déclaration de saisine de Mme Annick X...veuve Y...en son nom personnel et ès qualités d'administratrice légale de son fils Karim Y...en date du 17 avril 2007
Vu les conclusions de Mme Annick X...Veuve Y...en son nom personnel et en qualité d'administrateur légal de son fils Karim en date du 8 octobre 2008
Vu les conclusions de la MACIF Provence Méditerranée en date du 23 février 2009
Vu l'assignation de la CPAM des Bouches du Rhône délivrée à une personne habilitée le 24 mai 2007
Vu l'ordonnance de clôture en date du 10 novembre 2009
***
Statuant sur l'action introduite par Mme veuve Y...en son nom personnel et ès qualité de représentante de son fils Karim, en vue d'obtenir l'annulation d'une transaction conclue le 28 février 1989 et de son avenant conclu le 11 juin 1993 sur le règlement de l'indemnisation des préjudices initiaux et d'aggravation de Karim Y..., victime, le 3 janvier 1986 à l'âge de 13 ans, d'un accident de la circulation imputable à Mme B...assurée à la MACIF-accident ayant entraîné une perte totale d'autonomie-ainsi que diverses indemnités le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a rendu le 30 août 2001 un jugement aux termes duquel il a :
Dit n'y avoir lieu à prescription
Dit n'y avoir lieu à nullité de la transaction
Condamné la MACIF a payer, avec exécution provisoire, à Mme veuve Y...ès qualités d'administratrice légale de son fils Karim les sommes de :
767 237, 37 F au titre de la tierce personne 782 730 F au titre du préjudice professionnel 150 000 F au titre du préjudice sexuel 8 000 F au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Sur appel de Mme veuve Y...la cour de céans, autrement composée, a rendu deux arrêts en date des 14 avril 2004 et 18 mai 2005.
Le premier arrêt, infirmatif, annule les transactions considérant que celles-ci ne peuvent être qualifiées de transactions en l'absence de concession de la part de la MACIF, la cour requalifiant dans ses motifs en " provisions " les règlements effectués par la MACIF.
Le second arrêt rappelle ce dernier point et statue sur l'ensemble des préjudices de Karim Y....
La cour de cassation a rendu le 16 novembre 2006 un arrêt cassant pour violation de la loi les arrêts précédents après avoir rappelé le caractère d'ordre public dérogatoire au droit commun des dispositions de la loi du 5 juillet 1985 empêchant la remise en cause des transactions en raison de l'absence de concessions réciproques.
La procédure a été renvoyée devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée
Mme veuve Y...demande à la cour à titre principal, au visa de l'article 2044 du Code civil, de dire que les contrats conclus avec la MACIF les 28 février 1989 et 11 juin 1993 ne peuvent, pour défaut de concessions réciproques, être qualifiés de transactions et ne sont pas revêtus de l'autorité de la chose jugée quant à l'indemnisation des préjudices, que les sommes versées en vertu de ces conventions ne l'ont pas été à titre de règlements définitifs mais procèdent de simples accords provisionnels contractuels.
À titre subsidiaire, elle demande à la cour de constater que les transactions en question sont entachées de nullité pour manquement aux dispositions de l'article L. 211-10 du code des assurances et, au visa des articles 1108 et suivants du code civil, pour violation de l'ordre public, vice du consentement et défaut de cause.
En tout état de cause, elle formule diverses demandes indemnitaires et des réserves sur les aides techniques et les aménagements de l'habitation et du véhicule concernant les différents chefs de préjudice subis par son fils Karim Y...sur la possibilité pour la victime de demander une augmentation du coût horaire de tierce personne dans l'hypothèse d'une augmentation du prix facturé par les associations de prestations de services à domicile, ainsi que l'indemnisation de son propre préjudice d'affection
À titre infiniment subsidiaire, pour le cas où la cour ne retiendrait aucun des motifs de disqualification ou d'annulation de la transaction, elle formule les demandes d'indemnisation suivantes pour son fils Karim :
- assistance par tierce personne (26 H/ 24) :
*au titre des arrérages échus : 416 € par jour à compter du 7 juillet 2000, date de la saisine du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence jusqu'à la date de la décision à intervenir
*au titre des arrérages à échoir : une rente mensuelle indexée de 16 607, 50 € à compter de la décision à intervenir équivalant à un capital de 4 512 324, 10 €
- perte de gains professionnels futurs :
*2000 € par mois depuis la date de consolidation, le 3 novembre 1987, jusqu'au jour de l'arrêt à intervenir pour la perte échue de gains professionnels
*543 408 € pour la perte de gains professionnels futurs
-préjudice sexuel : 50 000 €.
Enfin elle demande la condamnation de la MACIF au paiement de la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
La MACIF conclut au débouté de Mme veuve Y..., y compris sur ses demandes de réserves, en demandant à la cour de juger, au visa de la loi du 5 juillet 1985, des articles 2044 du Code civil et 2052 alinéa1 du même code, que les contrats conclus les 28 février 1989 et 11 juin 1993 sont des transactions au sens de la loi du 5 juillet 1985, qu'il n'y a donc pas lieu à recherche de concessions réciproques et, qu'en toute hypothèse, il y a eu des concessions de sa part, qu'en conséquence lesdites transactions sont revêtues de l'autorité de chose jugée.
La MACIF demande par ailleurs acte de son offre de prise en charge des nouveaux besoins supplémentaires en tierce personne nés des changements intervenus dans la situation de la victime Karim Y...postérieurement aux transactions conclues, sur la base de 12 heures par jour à compter du 11 juillet 2007 (courrier officiel entre avocats) et de 14 €/ heure par le biais du versement d'une rente qui s'ajoute à celle issue des transactions de 1989 et 1993, soit une assistance globale par tierce personne de 24 heures/ 24.
Au visa des articles 1131, 1111 et 1116 du Code civil, la MACIF demande à la cour de juger qu'il n'y a pas lieu à nullité des transactions pour défaut de cause, violence ou dol et de débouter Mme Y...de l'ensemble de ses demandes sur ces fondements.
Enfin la MACIF demande qu'il soit constaté qu'elle a parfaitement respecté les dispositions de la loi du 5 juillet 1985 et en conséquence de débouter Mme Y...de ses demandes tendant au doublement du taux de l'intérêt légal, à l'application de l'article L. 211-14 du code des assurances au profit du fonds de garantie et des dispositions de l'article L. 211-10 du même code concernant la nullité des transactions pour non-respect de ce dernier texte. S'agissant de la demande présentée par Mme Y...au titre de son préjudice d'affection, la MACIF conclut au débouté de cette dernière en l'état de la prescription issue de l'article 2270-1 du code civil et de la transaction du 16 janvier 1989 revêtue de l'autorité de chose jugée en vertu de l'article 2052 alinéa 1du Code civil
***
Sur l'application aux transactions litigieuses des dispositions de l'article 2044 du Code civil relativement au principe jurisprudentiel de concessions réciproques
L'argumentaire développé par Mme Y...repose :
- sur le rappel des principes régissant les dispositions de l'article 2044 du Code civil relatifs à l'existence de concessions réciproques des parties à l'acte de transaction ainsi que sur une comparaison avec l'application du droit social dans les transactions entre salariés et employeurs exigeant l'existence de telles concessions
-sur des arguments dits de " technique juridique " tirés d'une part de l'existence d'une " hiérarchie des normes " faisant du principe de réparation intégrale un principe général du droit supérieur, auquel aucun texte ne peut porter atteinte, d'autre part de la référence faite par la Haute Juridiction au caractère d'ordre public de la loi du 5 juillet 1985 qualifiée par l'appelante de " vaine et erronée " dès lors que le choix de l'indemnisation amiable soumise aux dispositions de ladite loi ne peut justifier la non – application du droit commun concernant les concessions, enfin de l'absence de définition dans la loi de 1985 d'une transaction spécifique dépourvue de concessions réciproques
-sur des arguments dits " d'opportunité juridique " tirés d'une moindre protection et d'une situation d'injustice indemnitaire, facteurs d'insécurité juridique, des victimes exclues du recours protecteur au juge contre les éventuelles dérives de transactions ne pouvant être remises en cause selon les règles du droit commun
Le rappel des conditions posées par l'article 2044 du Code civil et celui de son application jurisprudentielle notamment au droit du travail est dépourvu d'intérêt dans la présente espèce où la cour doit précisément déterminer si le principe jurisprudentiel de concessions réciproques doit trouver application dans le cadre du dispositif d'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation instauré par la loi du 5 juillet 1985.
Il convient de rappeler que la loi du 5 juillet 1985 " tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation " comporte un ensemble de dispositions spécifiques destinées à favoriser les règlements non contentieux en faisant obligation à l'assureur de présenter à la victime de dommages corporels résultant d'un accident de la circulation une offre d'indemnité dont les modalités et le contenu ont été réglementés.
Ainsi les articles L. 211-9 et suivants du code des assurances relatifs aux procédures d'indemnisation des victimes d'un accident dans lequel est impliqué un véhicule à moteur prévoient diverses dispositions afférentes notamment aux délais dans lesquels une offre d'indemnisation doit être présentée par l'assureur à la victime, aux pénalités du défaut d'offre ou de l'offre manifestement insuffisante, à la soumission du projet de transaction au juge des tutelles, à la dénonciation de la transaction par la victime et au paiement des sommes convenues.
Ces dispositions spécifiques, qui confèrent à la victime une protection spéciale, exorbitante du droit commun de la transaction, démontrent que cette catégorie de transaction trouve sa source non pas dans la volonté individuelle des parties mais dans celle du législateur, ayant organisé la protection de la victime.
Ce régime légal ne permet pas au juge de changer la qualification de cet acte et de le subordonner à l'existence d'éléments de qualification du droit commun tels que l'exigence de concessions réciproques.
En conséquence doit être écartée comme sans portée l'argumentation dite de technique juridique étant observé que l'affirmation de l'existence du principe de réparation intégrale du préjudice ne peut avoir pour effet d'écarter la loi applicable, d'ordre public, ayant défini en la matière une transaction spécifique.
Enfin, les arguments dits d'opportunité, reposant sur diverses études, rapports et décisions communiqués par l'appelante, ne sauraient conduire à une modification par le juge du droit actuellement applicable
Sur la demande de nullité des transactions litigieuses fondée sur la loi du 5 juillet 1985 :
Selon l'article L. 211-10 du code des assurances, à l'occasion de sa première correspondance avec la victime, l'assureur est tenu, à peine de nullité relative de la transaction qui pourrait intervenir, d'informer la victime qu'elle peut obtenir de sa part, sur simple demande, la copie du procès-verbal d'enquête de police ou de gendarmerie et de lui rappeler qu'elle peut à son libre choix se faire assister d'un avocat et, en cas d'examen médical, d'un médecin. Sous la même sanction, cette correspondance porte à la connaissance de la victime les dispositions du " troisième " alinéa de l'article L. 211-9 et celles de l'article L. 211-12.
L'appelante invoque la nullité des transactions en indiquant que la MACIF n'a jamais porté à la connaissance de la famille Y...les éléments d'information prévus par ce texte.
Ce grief ne saurait être admis en l'état des termes du courrier adressé par la MACIF à la famille Y...le 11 mars 1986 à l'occasion de l'ouverture du dossier comportant une demande tendant à compléter et à retourner d'urgence une fiche de renseignements après l'avoir complétée ainsi que le rappel express des articles 12, 13 et 15 de la loi du 5 juillet 1985 par la suite codifiés dans le code des assurances, concernant l'offre d'indemnisation et l'information devant être donnée par l'assureur.
- Sur les demandes de nullité fondées sur le droit commun :
Madame Y...invoque successivement :
- la nullité de la transaction initiale et de son avenant pour non-conformité de la transaction initiale à un " ordre public de protection " du fait de l'allocation d'une somme globale dont les composantes ne sont pas précisées comme prévu par l'article 12 alinéa 3 du décret du 6 janvier 1986
- des vices du consentement, en l'occurrence la violence économique et le dol.
- l'absence de cause dans les transactions.
Au soutien de son premier moyen de nullité Mme Y...prétend que l'offre de la MACIF n'a pas mis la victime et ses parents en mesure d'apprécier la disproportion existant entre l'indemnité amiable et la réparation à laquelle Karim Y...aurait pu prétendre.
Un tel grief ne saurait être admis au soutien d'une demande de nullité de la transaction dans la mesure il ne peut concerner qu'une offre incomplète ou une absence d'offre pendant la phase précédant la transaction – lesquelles ne sont du reste pas sanctionnées par une nullité – et non la transaction elle-même.
Au demeurant, la circonstance que le procès-verbal de transaction du 23 février 1989 ait fixé à la somme globale de 3 983 800 F l'indemnisation de tous les chefs de préjudice de la victime ne permet pas d'affirmer que l'évaluation des différents préjudices de Karim Y...n'a pas été effectuée lors de l'élaboration du projet de transaction, alors que les pièces produites démontrent que cette transaction a été opérée à partir des préconisations d'un rapport du Dr C..., assisté du médecin traitant et du neurologue de Karim Y..., rapport ayant retenu notamment une durée d'assistance de tierce personne de 8 heures/ jour, transaction dans laquelle est par ailleurs intervenu un avocat de la famille Y...ayant assuré la défense de ses intérêts, comme le démontrent les nombreuses correspondances échangées entre ce conseil et la MACIF dès 1986, année de l'accident, jusqu'à la transaction.
Un processus similaire a été suivi pour l'élaboration de la 2nde transaction faisant suite à l'aggravation médicalement constatée de l'état de santé de Karim Y...ayant conduit à un procès verbal du 11 juin 1993 constituant un avenant à la transaction précédente et comprenant notamment, à compter de janvier 1993, une revalorisation des aides humaines et techniques décrites dans le rapport du Dr C...lesquelles passent de 20 000 F (3048, 98 €)/ mois à 29 000 F (4421, 02 €)/ mois, l'indemnité globale de Karim Y...s'élevant dés lors à la somme de 5 522 800 F soit 841 945, 43 €
A l'appui de la demande de nullité pour un vice de consentement tiré de la violence économique, l'appelante invoque le contexte de contrainte économique dans lequel la transaction a été élaborée, à savoir d'une part l'assureur, professionnel doté de services financiers et juridiques, et d'autre part les parents de la victime éplorés par l'injustice brutale de l'accident ayant plongé leur fils dans un état végétatif, situation induisant un déséquilibre " juridico-économique " en la défaveur des parents de Karim Y...les ayant conduits à signer sous l'emprise de la nécessité les transactions litigieuses comportant une indemnisation incluant une disproportion en défaveur de Karim Y...par rapport à l'indemnisation à laquelle il aurait pu prétendre.
Cependant une juridiction devant apprécier " in concreto " la situation de violence alléguée, en l'espèce économique, ne saurait en la matière se référer à des considérations générales sur la structure juridico-financière d'une compagnie d'assurances et sur la position de la victime face à cette structure.
Un tel raisonnement est du reste particulièrement malvenu en la présente espèce où la famille Y...a été, lors du processus transactionnel, assistée de deux avocats dont les correspondances démentent l'affirmation de l'existence d'un état de nécessité dans lequel se serait trouvée la famille Y....
Ainsi un courrier de l'un de ces conseils, en date du 15 décembre 1988, indique-t'il :
" Sur le plan du régime de l'indemnisation, la famille souhaite s'orienter vers un système qui lui permettra durablement de faire face aux frais exposés dans le cadre d'une hospitalisation à domicile dont vous avez par ailleurs pu juger de la qualité. C'est donc un système de rente mensuelle s'inspirant en grande partie du système actuel qui devrait être retenu. Les modalités de cette indemnisation offerte par votre compagnie et accepté par mes clients, sous réserve de l'autorisation du juge des tutelles sont les suivantes … "
Concernant le dol, aux termes de l'article 1116 du code civil, il appartient à la partie invoquant l'existence d'un dol à l'appui de sa demande de nullité d'une convention, de rapporter la preuve de l'existence de man œ uvres pratiquées par l'autre partie telles qu'il est évident que sans celles-ci, elle n'aurait pas contracté.
En l'espèce, il appartient donc à Madame Y...ès qualités de rapporter la preuve de l'existence de man œ uvres de la part de la MACIF dans la fourniture des informations auxquelles cet assureur était tenu.
A cet égard, il ne peut être admis que peuvent constituer de telles man œ uvres une prétendue absence d'information donnée à la victime sur l'importance de l'indemnisation à laquelle elle pouvait prétendre sur le plan judiciaire.
En l'occurrence, apparaît particulièrement spécieux l'argument consistant à extraire partie d'une phrase d'un courrier de l'assureur invoquant sa volonté de parvenir à un règlement " le meilleur possible " pour en déduire ipso facto l'existence d'une man œ uvre dolosive par référence au montant estimé " dérisoire " de l'indemnité transactionnelle en question.
Il n'est donc pas établi que le consentement de Mme Y...aux transactions litigieuses ait pu être vicié par la violence ou surpris par le dol.
Relativement au moyen de nullité tiré de l'absence de cause dans les transactions, l'appelante fait état du montant prétendu " manifestement dérisoire " de l'indemnisation au regard de la gravité des lésions de Karim Y...traduisant l'absence totale de concession de la part de la MACIF.
Toutefois l'existence d'une cause dans les transactions litigieuses ne pouvant être sérieusement discutée, cette prétention revenant en réalité à remettre en question l'autorité de chose jugée en dernier ressort attachée, en vertu de l'article 2052 du Code civil, aux transactions réglant définitivement le préjudice de la victime, ne peut être admise.
Sur la période postérieure aux transactions
Dans ce cadre, le juge devant rechercher l'existence d'un préjudice résultant de l'aggravation de l'état de santé de la victime postérieurement à la dernière transaction, ne saurait procéder en l'absence d'une telle aggravation à une révision du montant du préjudice originaire définitivement évalué.
La transaction du 24 février 1989, élaborée dans les conditions précédemment décrites, a été convenue, ainsi que stipulé, pour " solde de tout compte ", expression démontrant la volonté des parties de mettre un terme au litige. Il y est précisé qu'en cas d'aggravation de l'état de santé de la victime entraînant un préjudice distinct de celui déjà réparé, en relation directe d'opposabilité avec l'accident, une nouvelle transaction pourra intervenir sans que soit remise en question la présente transaction.
Cette transaction a été soumise à l'homologation du juge des tutelles
Le nouveau procès-verbal de transaction du 8 juin 1995 conclu entre Madame Y...ès qualités et la MACIF se réfère à un rapport du Dr C...-- mèdecin ayant dressé le rapport ayant servi de base à la transaction de 1989-- en date du 7 décembre 1992, lequel a conclu à une altération de l'état de la victime entraînant une modification des conditions de l'hospitalisation à domicile telle qu'elle avait fait l'objet de la transaction initiale et revalorise à compter de janvier 1993 l'indemnité mensuelle correspondant aux aides humaines et techniques de la victime, l'indemnité due à Karim Y...s'élevant à la somme globale de 5 522 800 F.
Ce rapport, accepté comme base de transaction par les époux Y..., a préconisé des améliorations techniques (fauteuil roulant, lève malade) et une aide humaine, extérieure à la famille, complémentaire de 4 heures par jour à celle initialement fixée à 8 heures/ jour après avoir constaté que la mère de Karim et sa famille assuraient la surveillance et l'aide nécessitée par Karim Y...et que le complément de 4 heures par jour pourrait être affecté à la surveillance passive, permettant à Mme Y...d'être libérée de la contrainte de présence.
Ce second procès-verbal de transaction, également élaboré sous l'égide d'un avocat assistant la famille Y..., comporte comme le précédent, la clause selon laquelle en cas d'aggravation de l'état de santé de M. Karim Y...entraînant un préjudice nouveau et distinct de celui déjà réparé, une nouvelle transaction pourra intervenir sans que soit remise en question la présente transaction.
Cette seconde transaction a été soumise à l'homologation du juge des tutelles
La procédure introduite par Madame Y...par acte des 7 et 10 juillet 2000 a pour objet l'annulation des transactions et, subsidiairement, la revalorisation des sommes allouées pour la tierce personne estimées insuffisantes ainsi que l'indemnisation d'un préjudice professionnel et d'un préjudice sexuel de Karim Y...et l'octroi d'une indemnisation complémentaire pour le préjudice moral des parents.
Cette procédure n'est donc pas motivée par une aggravation de l'état de santé de Karim Y...qui reste atteint d'un déficit moteur totalement invalidant et de troubles neuro-psychiques massifs identiques à ceux constatés par le docteur C...dans son dernier rapport.
En l'état de l'autorité de chose jugée en dernier ressort attachée aux transactions en vertu de l'article 2052 du Code civil, la cour n'a pas à se prononcer à nouveau sur la réparation des préjudices de M. Karim Y...dont l'état n'a pas subi d'aggravation depuis la transaction intervenue en 1993, ni sur un préjudice d'affection invoquée par sa mère, Annick X...veuve Y..., laquelle a déjà été indemnisée de son préjudice moral.
Il n'y a par ailleurs pas lieu de donner acte à Mme veuve Y...de quelques réserves que ce soit, réserves en tout état de cause non créatrices de droits
En conséquence, le jugement rendu par le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence le 30 août 2001 doit être réformé en ce qu'il a statué tant sur l'indemnisation de la tierce personne en considération de l'élément nouveau constitué par le décès du père de Karim Y...survenu en 1999 que sur celle d'un préjudice professionnel et d'un préjudice sexuel de Karim Y....
En revanche, relativement à la tierce personne, il sera donné acte à la MACIF de son offre de prise en charge des nouveaux besoins en tierce personne de Karim Y..., nés des changements intervenus dans sa situation familiale postérieurement aux transactions de 1989 et 1995, sur la base du courrier officiel de cette compagnie d'assurances en date du 11 juillet 2007, par le versement d'une rente complémentaire recouvrant 12 heures/ jour à compter du juillet 2007 à 14 €/ h, soit la somme de 61 320 € par an, rente complémentaire à celle prévue par les transactions, portant désormais le montant de l'assistance globale de tierce personne 24 h/ 24h à la somme de 133 318, 66 € par an, conformément aux chiffres indiqués dans le courrier du 11 juillet 2007.
Il n'y a pas lieu en équité de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
En l'état de la succombance totale des prétentions de Mme veuve Y...en son nom propre et ès qualités de représentante de son fils Karim, la charge des dépens de 1ère instance et d'appel lui incombe.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire
Confirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence le 30 août 2001 en ce qu'il a dit n'y avoir lieu a prescription ni à nullité de la transaction
Le réforme pour le surplus
Et statuant à nouveau
Déboute Madame Annick X...veuve Y...de l'ensemble de ses autres demandes formées tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'administrateur légal de son fils Karim Y...
Donne acte à la MACIF de son offre de prise en charge des nouveaux besoins supplémentaires en tierce personne, nés des changements de la situation de Karim Y...postérieurs aux transactions conclues les 28 février 1989 et 11 juin 1993, sur la base de 12 heures par jour à compter du 11 juillet 2007 à 14 € de l'heure, par le versement d'une rente s'ajoutant à celles issues des transactions de 1989 et 1993 et portant l'assistance globale par tierce personne à 24h/ 24h étant précisé que cette rente sera suspendue en cas d'hospitalisation pour une durée égale ou supérieure à 30 jours et que cette rente est indexée dans les conditions légales prévues par la transaction du 23 février 1989, soit l'article 1er de la loi no 74-1118 du 27 décembre 1974 modifié par la loi no 85-677 du 5 juillet 1985 et selon les coefficients de revalorisation prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
Condamne Mme veuve Y...aux dépens de 1ère instance et d'appel, ceux d'appel distraits au profit de Me Jean-Marie JAUFFRES avoué.
Le Greffier, Le Président,