COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
ARRÊT AU FOND
PRÉVENU :
X... Jean-Claude
Pourvoi no10/ 510 Formé le 20. 12. 2010 Par Me TOUBOUL, avoué Pour X... Claudine épouse Y... M. F. Le 20. 12. 2010
GROSSE DÉLIVRÉE LE : à Maître :
Prononcé publiquement le MERCREDI 15 DÉCEMBRE 2010 par la 5ème Chambre des Appels correctionnels de la Cour d'Appel d'AIX-EN-PROVENCE,
Sur appel d'un jugement du Tribunal Correctionnel de MARSEILLE du 09 MARS 2009.
PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR :
X... Jean-Claude Né le 23 décembre 1927 à ALGER (ALGÉRIE) De nationalité française Gérant de société Jamais condamné Demeurant ... Libre Comparant, assisté de Maître VIDAL NAQUET Alain, avocat au barreau de MARSEILLE Prévenu, appelant
MINISTÈRE PUBLIC appelant X... Claudine épouse Y... Demeurant ...Comparante, assistée de Maître ROUSTAN Alain, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE Partie civile, appelante
DÉROULEMENT DES DÉBATS :
L'affaire a été appelée à l'audience publique du JEUDI 04 NOVEMBRE 2010,
Monsieur le Président a constaté l'identité du prévenu,
Monsieur le Président COLENO a présenté le rapport de l'affaire,
Le prévenu a été entendu en ses observations et moyens de défense,
Maître ROUSTAN, conseil de la partie civile Claudine X... épouse Y... a été entendu en sa plaidoirie et a déposé des conclusions,
Le Ministère Public a pris ses réquisitions,
Maître VIDAL NAQUET, conseil du prévenu Jean-Claude X..., a été entendu en sa plaidoirie et a déposé des conclusions,
Le prévenu ayant eu la parole en dernier,
Le Président a ensuite déclaré que l'arrêt serait prononcé à l'audience du MERCREDI 15 DÉCEMBRE 2010.
RAPPEL DE LA PROCÉDURE :
LA PRÉVENTION :
Aux termes de la citation directe qui lui a été délivrée le 11 septembre 2008 par la partie civile, Jean-Claude X... est prévenu d'avoir :
- commis le 18 octobre 2006 le délit d'abus de confiance au préjudice de la SCI SICO VALBONNE dont il est gérant et associé à hauteur de 35 %, et de ses associés, en tirant un chèque de 1. 000 € sur les comptes de la société le 27 mars 2006 pour régler une dépense personnelle et en prélevant par voie de virements à destination de son compte bancaire personnel les sommes de 20. 000 € le 31 mars 2006 et 40. 000 € le 18 octobre 2006, le tout faisant apparaître un compte-courant débiteur de 19. 125 € après un remboursement seulement partiel effectué au cours de l'exercice 2007, alors que le dernier virement excédait le montant créditeur de son compte-courant à l'époque et qu'il avait été prévu d'affecter en compte de réserves en vue d'un investissement immobilier nouveau les résultats de l'exercice 2006, ce qu'a d'ailleurs décidé sur sa proposition l'assemblée générale réunie le 20 juin 2008, privant ainsi la société de trésorerie,- commis, de 1985 jusqu'au 19 septembre 2005, le délit d'abus de confiance au préjudice des sociétés SICO-COHADE-VITROLLES et SICO POINTE ROUGE dont il est gérant associé, et de leurs associés, en effectuant depuis 1985 des prélèvements à son profit excédant sa quote-part dans les résultats, privant de toute distribution les autres associés dont les parts de résultat se trouvaient inscrites en compte-courant, et en effaçant les résultats de ces pratiques illicites en « rachetant » les comptes-courants créditeurs de certains associés moyennant remise de simples reconnaissances de dettes.
LE JUGEMENT :
Devant le tribunal, Jean-Claude X... a soutenu par voie de conclusions-qu'il avait constitué diverses SCI familiales en vue de constituer un patrimoine à sa famille, son épouse et leurs trois enfants entre lesquels ont été réparties les parts sociales,- qu'entre 1998 et 2002, sa fille Claudine avait reçu des donations d'une valeur globale de 463. 347, 05 €, qu'il avait d'ailleurs engagé une action en révocation pour ingratitude,- que l'action est irrecevable dès lors :
- que Claudine ne pouvait se prévaloir d'aucun préjudice puisque la SCI VALBONNE a décidé l'affectation des résultats en compte de réserve et que les SCI X... VITROLLES et SICO POINTE ROUGE ont décidé d'affecter les résultats bénéficiaires au crédit du compte de chaque associé,- qu'elle n'a pas qualité pour invoquer un préjudice social,- que les associés d'une SCI n'étant pas tenus solidairement des dettes sociales ne sont pas recevables à se constituer partie civile au titre d'un prétendu abus de confiance imputé au gérant de la société,- que les opérations critiquées ne sont pas irrégulières, les prélèvements ayant été affectés exclusivement à de nouvelles opérations immobilières profitant aux associés, et le solde global de toutes les opérations faisant apparaître un compte-courant créditeur,- qu'elle a toujours validé toutes les opérations comme les autres associés, et que la prescription a fait son effet,- que ses comptes-courants sont redevenus créditeurs dès le 19 septembre 2005 pour la SCI SICO POINTE ROUGE et la SCI X... VITROLLES, que le débit de son compte-courant au sein de la SCI SICO VALBONNE est apparu à la suite de l'achat d'un véhicule automobile au profit du nommé CONTE, agent immobilier dont l'intervention non rémunérée avait permis à la SCI l'acquisition de biens immobiliers trente ans auparavant, et que la SCI a décidé de prendre en charge cette somme, de sorte qu'aucune intention frauduleuse n'existe, les fonds n'étant ni détournés ni dissipés mais figurant en compte-courant des associés,- que l'action est particulièrement abusive.
Par jugement contradictoire du 9 mars 2009, le tribunal a rejeté l'exception d'irrecevabilité, constaté la prescription des faits antérieurs au 10 septembre 2005 et renvoyé Jean-Claude X... des fins des poursuites de ces chefs, déclaré Jean-Claude X... coupable du délit d'abus de confiance en ce qui concerne les faits commis à compter du 10 septembre 2005 et l'a condamné au paiement d'une amende de 5. 000 €, considérant successivement :- sur la qualité à agir que dès lors qu'en vertu de l'article 1857 du code civil les associés d'une SCI répondent à l'égard des tiers indéfiniment des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital social, tout détournement imputable au gérant cause un préjudice direct au sens de l'article 2 du code de procédure pénale au porteur de parts d'une SCI,- sur la prescription que celle-ci est acquise pour les faits antérieurs au 10 septembre 2005, Claudine X... ayant pu dès 1985 constater annuellement à l'occasion des assemblées générales d'associés auxquelles elle participait et qui donnaient lieu à communication de l'ensemble des bilans et grand livre des écritures de l'exercice dans des conditions qui lui permettaient d'exercer l'action publique,- sur le fond,- pour la SCI SICO VALBONNE que l'acquisition d'un véhicule automobile au profit d'un tiers à l'aide des fonds sociaux, et ainsi à des fins étrangères à l'objet social, caractérise un détournement, ce qui n'a pu échapper à son auteur, rompu à la vie des sociétés,- pour les SCI SICO POINTE ROUGE et SICO X... VITROLLES, le montant débiteur des comptes-courants de Jean-Claude X... respectivement de 181. 902, 20 € au 24 août 2005, et de 176. 008, 94 € au 21 juin 2005, qui ne sont redevenus créditeurs que le 19 septembre 2005 au bénéfice de cessions de compte-courant de son épouse et son fils en contrepartie de reconnaissances de dettes en leur faveur, caractérisent un détournement en l'absence de justification de l'usage des fonds, à des fins personnelles du seul fait de leur inscription en compte-courant, l'intention frauduleuse s'induisant des faits et des écritures qui les expriment. Sur l'action civile, le tribunal qui était saisi de demandes tendant au paiement des sommes de 50. 000 € à titre de dommages-intérêts au titre du préjudice matériel et moral consécutif au délit commis au sein de la société SICO VALBONNE et 100. 000 € du chef des sociétés SICO X... VITROLLES et SICO POINTE ROUGE, a rejeté les demandes au titre d'un préjudice matériel faute pour Claudine X... de démontrer avoir en l'état et à ce jour personnellement et effectivement subi une perte qui soit la conséquence directe du fonctionnement débiteur des comptes-courants, et alloué la somme de 1 € symbolique en réparation de son préjudice moral.
LES APPELS :
Jean-Claude X..., prévenu, a interjeté appel de ce jugement, en toutes ses dispositions, par déclaration faite au greffe du tribunal le 17 mars 2009.
Le Ministère Public a relevé appel incident le même jour.
Claudine X... épouse Y..., partie civile, a interjeté appel incident par déclaration faite au greffe le 19 mars 2009.
DECISION :
MOYENS DES PARTIES :
Claudine X... épouse Y... conclut à la confirmation de la déclaration de culpabilité et demande à la Cour, réformant partiellement sur l'action civile, de condamner Jean-Claude X... avec exécution provisoire au paiement des sommes de 50. 000 € et 100. 000 € réclamées dans la citation, soutenant notamment, et en ce qui concerne le préjudice matériel, que depuis des années et du fait de l'attitude persistante du gérant, elle a dû faire apparaître dans ses déclarations fiscales des revenus qu'elle n'a jamais perçus faute pour la société de pouvoir distribuer de bénéfices en l'absence de trésorerie, et sur lesquels elle a payé l'impôt.
Le Ministère Public requiert infirmation de la décision déférée par application de l'immunité familiale, Claudine X... n'exerçant pas l'action ut singuli mais une action tendant à la réparation de son préjudice personnel et l'abus de confiance étant couvert par l'immunité.
Jean-Claude X... conclut à la réformation du jugement dont appel, à l'irrecevabilité de la citation directe par application des articles 2, et 3 du code de procédure pénale, 1857 du code civil, 311-12 et 314-4 du code pénal, demandant subsidiairement à la Cour de juger qu'il n'est pas établi qu'il ait commis un détournement de fonds au préjudice de quiconque, qu'il est justifié que les fonds ont été utilisés au profit du groupe familial et en conséquence de le renvoyer des fins de la poursuite, réclamant la somme de 50. 000 € à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 472 du code de procédure pénale.
MOTIFS DE LA DECISION :
EN LA FORME,
Attendu que Jean-Claude X... comparaît assisté de son avocat ;
que Claudine X... épouse Y... comparaît assistée de son avocat ;
qu'il sera statué par arrêt contradictoire à l'égard de tous ;
Attendu que les appels formés par le prévenu et le Ministère Public sont recevables pour avoir été interjetés dans les formes et délais légaux ;
AU FOND,
Sur l'action publique :
1- Sur la recevabilité,
Attendu que ce sont explicitement des faits commis au préjudice de la société qui sont poursuivis, dont Claudine X... réclame réparation du dommage qu'ils lui ont personnellement occasionné ;
que l'immunité des articles 311-12 et 314-4 du code pénal ne peut s'étendre au délit reproché qui porte au premier chef atteinte au patrimoine social, quand bien même ce serait également au patrimoine de l'associé ;
Attendu en revanche que Claudine X... qui ne demande aucune réparation pour les sociétés considérées qui n'ont pas été appelées aux débats, n'exerce pas une action ut singuli, mais prétend exercer une action individuelle en réparation du préjudice personnel que l'infraction prétendue lui a causé en sa qualité d'associée ;
Attendu que l'action civile en réparation du dommage causé par un délit n'est ouverte devant la juridiction répressive qu'à ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ;
que le détournement, par le gérant d'une société civile immobilière, des fonds de cette société n'occasionne un préjudice actuel, direct et certain qu'à la société dont le patrimoine est atteint ;
que l'action civile du chef de ce détournement n'est en conséquence pas ouverte à l'associé de la société civile immobilière, qui répond certes indéfiniment à l'égard des tiers des dettes de la société, à proportion de sa part dans le capital social à la date d'exigibilité, mais n'en répond pas solidairement, et les créanciers ne pouvant poursuivre contre lui le paiement qu'après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale ;
Attendu par conséquent que c'est à bon droit qu'il est objecté, par Jean-Claude X..., de l'irrecevabilité de l'action de Claudine X... épouse Y... ;
Attendu que dans l'état procédural de la cause, le caractère abusif de la constitution de partie civile de Claudine X... épouse Y... ne peut pas être admis ;
que Jean-Claude X... ne peut donc être reçu en sa demande de dommages-intérêts sur le fondement de l'article de l'article 472 du code de procédure pénale ;
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière correctionnelle, après en avoir délibéré conformément à la loi,
En la forme,
Reçoit les appels formés par Jean-Claude X..., le Ministère Public et Claudine X... épouse Y... ;
Au fond,
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, tant pénales que civiles, et, statuant à nouveau,
Déclare Claudine X... épouse Y... irrecevable en son action ;
Rejette la demande de dommages-intérêts formée par Jean-Claude X... ;
Condamne Claudine X... épouse Y... aux dépens de l'action civile ;
Le tout conformément aux articles visés au jugement et au présent arrêt, et aux articles 512 et suivants du code de procédure pénale.
COMPOSITION DE LA COUR :
PRÉSIDENT : Monsieur COLENO
CONSEILLERS : Madame DEL VOLGO Monsieur CHALBOS
MINISTÈRE PUBLIC : Madame DELANDE, Substitut général
GREFFIER : Madame FIALAIX, lors des débats et du prononcé
Le Président et les assesseurs ont participé à l'intégralité des débats et au délibéré.
L'arrêt a été lu par le Président conformément à l'article 485 dernier alinéa du Code de Procédure Pénale en présence du Ministère Public et du Greffier.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,