COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
15e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 11 FEVRIER 2011
N° 2011/96
Rôle N° 09/22572
[Y] [V]
[W] [R] épouse [V]
C/
S.C.I. LES HAUTS DE SEPTEMES
Grosse délivrée
le :
à : la SCP BLANC-CHERFILS
la SCP DE SAINT FERREOL - TOUBOUL
réf
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 10 Décembre 2009 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 09/3897.
APPELANTS
Monsieur [Y] [V]
né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 5] (ALGÉRIE), demeurant [Adresse 6]
représenté par la SCP BLANC-CHERFILS, avoués à la Cour, assisté de Me Frédéric SARRAZIN, avocat au barreau de MARSEILLE
Madame [W] [R] épouse [V]
née le [Date naissance 2] 1961 à [Localité 4], demeurant [Adresse 6]
représentée par la SCP BLANC-CHERFILS, avoués à la Cour, assistée de Me Frédéric SARRAZIN, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
S.C.I. LES HAUTS DE SEPTEMES, prise en la personne de son gérant en exercice domicilié en cette qualité au siège social, demeurant [Adresse 3]
représentée par la SCP DE SAINT FERREOL-TOUBOUL, avoués à la Cour, assistée de Me Pascal-Yves BRIN, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785,786 et 910 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 07 Janvier 2011, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Christian COUCHET, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame France-Marie BRAIZAT, Président
Monsieur Christian COUCHET, Conseiller
Monsieur Olivier BRUE, Conseiller
Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Février 2011.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Février 2011
Signé par Madame France-Marie BRAIZAT, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Par ordonnance du 23 septembre 2008 le juge des référés du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a condamné la SCI LES HAUTS DE SEPTEMES à procéder à la levée des réserves affectant l'habitation de M. et Mme [V] dans le délai de quatre mois à compter de la signification de la décision, intervenue par acte d'huissier de justice du 22 octobre 2008, et passé ce délai, sous astreinte de 200 € par jour de retard.
Saisi par les époux [V] de demandes tendant à voir prononcer la liquidation de l'astreinte, le juge de l'exécution du même tribunal a, par jugement du 10 décembre 2009, supprimé 'l'astreinte résultant de l'ordonnance rendue le 23 septembre 2008 pour la période du 23 février 2009 au 22 juin 2009', et dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 15 décembre 2009 M. et Mme [V] ont relevé appel de ce jugement.
Par conclusions récapitulatives notifiées et déposées le 9 septembre 2010 ils évoquent la liste des réserves concernant leur maison d'habitation, dont la levée n'a pas été faite par la société intimée ainsi qu'il ressort du rapport d'expertise judiciaire de M. [N] du 5 février 2010, formulent des observations critiques s'agissant de l'argumentation de la SCI LES HAUTS DE SEPTEMES fondée sur l'existence d'une cause étrangère non démontrée, et observent que contre toute attente le juge de l'exécution n'a pas fait droit à leur demande de liquidation de l'astreinte aux motifs que la société débitrice aurait rencontré des difficultés avec des entreprises.
Les appelants qualifient d'obligation de résultat l'injonction mise à la charge de la société intimée dont ils n'ont pas à supporter les carences, soulignent que 6 réserves n'ont pas été levées comme le précise l'expert judiciaire, concluent qu'il appartenait à l'intimée, ne démontrant pas l'existence de difficultés véritablement insurmontables, de choisir un maître d'oeuvre diligent, et demandent à la cour d'infirmer le jugement entrepris, et de condamner la SCI LES HAUTS DE SEPTEMES à leur payer la somme de 44 000 € à titre de liquidation de l'astreinte au 1er octobre 2009 et une indemnité de 5 000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions récapitulatives signifiées et déposées le 11 juin 2010 la SCI LES HAUTS DE SEPTEMES, après le rappel des faits de la procédure, expose avoir, en qualité de maître d'ouvrage de l'ensemble immobilier dénommé LES HAUTS DE SEPTEMES, accompli des efforts considérables pour faire aboutir ce programme, fait état d'expertises en cours à la suite de nombreux désordres et non conformités relevés par certains acquéreurs, se prévaut de démarches demeurées inefficaces auprès du BERIM et du CEC, estime que les demandes des appelants ne sont pas fondées au regard de l'article 36 de la loi du 9 juillet 1991 dont la notion de "cause étrangère" ne se limite pas au cas fortuit et/ou à la force majeure selon une jurisprudence constante, et affirme ne pas avoir ménagé ses efforts pour que les réserves soient levées.
Elle conclut que cette situation devrait être imputée aux entreprises concernées, seules habilitées et compétentes pour intervenir sur leurs ouvrages dès lors qu'ils sont 'réservés', ajoute être également victime de la défaillance conjuguée du BERIM et du CEC comme le relève l'expert, affirme qu'il est faux de prétendre qu'elle serait débitrice à l'égard des entreprises au titre de leur marché selon le rapport, et demande à la cour de l'exonérer de l'astreinte encourue, de rejeter toute demande en fixation d'une nouvelle astreinte, de rejeter les demandes des époux [V] et de les condamner à lui payer la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 décembre 2010.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Il appartenait à la SCI LES HAUTS DE SEPTEMES, condamnée par ordonnance rendue le 23 septembre 2008 par le juge des référés du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence, à 'procéder à la levée des réserves suivantes dans l'habitation de M. et Mme [V]', à savoir :
'- mise en jeu de la porte du garage et à refixer au plafond,
- finitions des placoplâtres au niveau du plafond et au niveau des pieds de cloisons du garage,
- fissurations des lambris sous face toit,
- terminaison de la place de parking (goudron),
- pas d'âne en escalier pour le jardin,
- protéger les câbles de la pompe de relevage,
- nivellement du terrain au niveau des chambres',
d'y procéder dans les quatre mois de la signification de l'ordonnance, à peine, passé ce délai, d'une astreinte de 200 € par jour de retard au profit de M. et Mme [V].
La signification de l'ordonnance de référé étant intervenue à son égard suivant acte d'huissier de justice du 22 octobre 2008, remis à la personne de 'Mme [J] [Z], secrétaire ainsi déclarée qui a affirmé être habilitée à recevoir copie de l'acte et confirmé que le domicile ou siège social du destinataire était toujours à cette adresse', la société intimée devait s'exécuter au plus tard le 22 février 2009.
L'analyse des pièces qu'elle a communiquées révèle certes l'existence de courriers recommandés avec avis de réception adressés par son conseil aux entreprises concernées par les travaux de reprise en vue de la levée des réserves, pour certains restés sans effet, au point qu'elle a été contrainte, par assignations en référé, de solliciter leur condamnation 'à procéder à la levée des réserves sur les ouvrages les concernant' sous astreinte, à la suite desquelles le juge des référés du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence a, par ordonnance du 3 mars 2009, ordonné une expertise et commis pour y procéder M. [B] [N].
Or il ressort du rapport de l'expert du 5 février 2010, qu'exception faite des 'fissurations des lambris sous face toit', les six autres réserves n'ont pas été levées, les travaux de reprise étant estimés à la somme TTC de 16 086,20 €.
Dans la mesure où la SCI LES HAUTS DE SEPTEMES avait conclu, lors de l'instance en référé aboutissant à l'ordonnance de condamnation susvisée, 'à ce qu'il lui soit accordé un délai pour procéder à la levée des dernières réserves subsistantes au regard de la liste figurant dans l'assignation', et 'à ce qu'il lui soit donné acte' de ce qu'elle se réservait 'le droit d'ester en justice à l'égard des entreprises défaillantes, du maître d'oeuvre et du pilote', elle était ainsi seule destinataire de l'injonction de levée des réserves qu'il lui incombait de mettre en oeuvre.
Puisque ladite SCI ne démontre pas l'existence d'une quelconque autre levée de réserve postérieurement au rapport précité, de sorte qu'elle supporte toujours l'obligation de 'levée des réserves affectant l'habitation de M. et Mme [V]' instituée par l'ordonnance de référé du 23 septembre 2008, faute d'y avoir satisfait entièrement dans le délai imparti.
Compte tenu de ce qu'elle a seulement rencontré des difficultés dans le processus d'exécution de l'obligation considérée, générées par les entreprises au sens de l'article 36 de la loi du 9 juillet 1991, qui ne constituent pas pour autant une 'cause étrangère' telle que visée par ce texte, s'agissant d'une injonction mise spécifiquement à sa charge ès qualités de maître d'ouvrage, le principe de la liquidation de l'astreinte soutenu par les appelants doit être retenu.
En conséquence la présente cour, statuant en cause d'appel comme juge de l'exécution, ne saurait, contrairement au dispositif des écritures de l'intimée, 'l'exonérer de l'astreinte encourue' sous peine de contrevenir aux dispositions de l'article 8 du décret du 31 juillet 1992 interdisant de modifier 'le dispositif de la décision qui sert de fondement aux poursuites' ou d'en suspendre l'exécution.
Faute pour la SCI LES HAUTS DE SEPTEMES d'avoir adopté un comportement de nature à parvenir concrètement à la levée de l'ensemble des réserves dans le délai précité de 4 mois, l'astreinte sera liquidée à la somme de 9 000 €, laquelle s'avère parfaitement appropriée aux données du présent litige et aux circonstances de l'espèce, en l'arrêtant de plus au 5 février 2010, date du rapport d'expertise judiciaire.
Le jugement entrepris sera dès lors infirmé en toutes ses dispositions.
L'équité commande de condamner la société intimée au paiement d'une somme de 1 500 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Reçoit l'appel,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau,
Condamne la SCI LES HAUTS DE SEPTEMES à payer à titre de liquidation de l'astreinte instituée par ordonnance de référé du 23 septembre 2008 la somme de 9 000 € (neuf mille) aux époux [V] arrêtée au 5 février 2010,
La condamne à payer aux époux [V] la somme de 1 500 (mille cinq cents) € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette toute autre demande,
Condamne la SCI LES HAUTS DE SEPTEMES aux entiers dépens, ceux d'appel étant recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier Le Président