COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
8e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 24 FEVRIER 2011
N° 2011/ 138
Rôle N° 09/12786
SAS FILCLAIR
C/
SA FLORTAL
Grosse délivrée
le :
à :
SCP LIBERAS
SCP SIDER
réf
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce d'AIX-EN-PROVENCE en date du 05 Mai 2009 enregistré au répertoire général sous le n° 2008/8016.
APPELANTE
SAS FILCLAIR,
prise en la personne de son prrésident en exercice, demeurant [Adresse 1]
représentée par la SCP LIBERAS - BUVAT - MICHOTEY, avoués à la Cour,
assistée par Me Nathalie COUSIN de la SCP LANDWELL & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS
INTIMEE
et APPELANTE INCIDENT
SA FLORTAL,
prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège, demeurant [Adresse 2]
représentée par la SCP SIDER, avoués à la Cour,
assistée par Me Jean Louis CHALMET, avocat au barreau de VILLEURBANNE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 20 Janvier 2011 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Catherine ELLEOUET-GIUDICELLI, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Guy SCHMITT, Président
Madame Catherine DURAND, Conseiller
Madame Catherine ELLEOUET - GIUDICELLI, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame France-Noëlle MASSON.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Février 2011.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé(e) par mise à disposition au greffe le 24 Février 2011,
Signé par Monsieur Guy SCHMITT, Président et Madame France-Noëlle MASSON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES :
La société de droit espagnol FLORTAL a fait assigner, devant le Tribunal de commerce d'AIX EN PROVENCE, la S.A.S. FILCLAIR pour obtenir sa condamnation à lui payer une somme de 250 000 euros au titre des commissions dues pour son intervention dans la conclusion d'un marché entre cette société et une société de droit mexicain, la société GILBERTO MARROQUINS SALVIDAR, ainsi que 55000 euros de dommages et intérêts pour l'avoir évincée du montage des serres, objets de ce marché, et 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par jugement du 5 mai 2009, le Tribunal a constaté que même si, comme le soutenait la défenderesse, le contrat conclu le 30 mai 2007 avec la société GILBERTO MARROQUINS SALVIDAR avait été résilié, il n'en demeurait pas moins que ce contrat avait été conclu grâce aux diligences de la société FLORTAL et il a condamné la société FILCLAIR à lui payer 55 000 euros à titre de dommages et intérêts du fait du préjudice subi en l'état de la rupture par la société FILCLAIR du contrat les liant, ainsi que 2000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il a aussi débouté la société FILCLAIR d'une demande reconventionnelle de dommages et intérêts qu'elle avait formulée au motif que, contrairement à ce que soutenait cette dernière, il ne pouvait être retenu que la rupture du contrat initial était imputable à la société FLORTAL.
La société FILCLAIR a relevé appel de cette décision.
Dans des conclusions du 12 avril 2010, tenues ici pour intégralement reprises, elle expose ses arguments et développe des moyens, auxquels il sera répondu, pour obtenir la réformation de la décision entreprise sauf en ce qu'elle a retenu qu'elle n'était pas redevable de commissions et la condamnation de l'intimée à lui payer 260 956 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait de la rupture du contrat, 10 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive et 3000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Dans des conclusions du 29 janvier 2010, tenues aussi pour intégralement reprises, la S.A. FLORTAL forme un appel incident et demande la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté la société FILCLAIR de sa demande reconventionnelle et lui a alloué 55 000 euros de dommages et intérêts, mais son infirmation en ce qu'il ne lui a pas fait droit à sa demande de commission et la condamnation de l'appelante à lui payer 250 000 euros à ce titre.
A titre subsidiaire, elle sollicite la confirmation de la décision déférée.
Elle demande aussi 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est du 20 janvier 2011.
MOTIFS DE L'ARRÊT :
Attendu que la société FILCLAIR soutient que si l'intimée est intervenue dans les discussions ayant abouti à la signature du contrat du 30 mai 2007, ce contrat prévoyait que la société FLORTAL devrait assurer le montage des serres qu'elle-même vendait, pour un coût de 2 euros du m², ce qu'elle n'a pas été en mesure de faire n'ayant pas les structures nécessaires au MEXIQUE, que cette carence de sa part entraîna le mécontentement de la société mexicaine et la résiliation du contrat,
que la société MARROQUINS lui demanda alors de faire en sorte que le projet initial soit réalisé avec une autre société mexicaine la société AGRICOLA LOLICOS S.A. dont elle connaissait la compétence, qu'un nouveau contrat fut donc signé le 23 juillet 2007, ainsi que des conventions de sous-traitance et de commissionnement avec la société AGRICOLA LOLICOS qui devait assurer le montage des serres pour un prix de 3,61 euros de m ²,
que c'est à tort que le premier juge a estimé que le premier contrat, bien que nul et non avenu, justifiait l'octroi d'une indemnisation au profit de FLORTAL, que c'est aussi à tort qu'il a refusé d'indemniser le préjudice subi par elle et résultant du fait qu'elle a dû consentir à un client, pour le montage de ses serres, un prix inférieur au coût réel du dit-montage,
qu'elle soutient ensuite que le premier contrat n'avait de toute façon pas d'existence légale puisque la société mexicaine n'avait pas obtenu de la société NATIXIS le crédit-acheteur qu'elle avait sollicité, qu'il s'agissait là d'une condition suspensive du contrat dont la non-réalisation rendait ce dernier caduc, qu'en conséquence la commission de concessionnaire de 250 000 euros qui lui est réclamée n'est pas due,
que la société FLORTAL ne pouvait pas non plus demander une commission d'indication puisqu'elle n'a jamais travaillé avec elle comme apporteur d'affaire, mais seulement comme concessionnaire en ESPAGNE,
que n'ayant subi aucun dommage elle ne peut avoir droit à des dommages et intérêts,
que, par contre, elle a, elle, subi un préjudice puisque du fait de l'incapacité de la société FLORTAL à réaliser le projet initial, un deuxième projet a dû être mis en place avec comme sous-traitant la société AGRICOLA LOLICOS, projet qui, du fait du coût du montage, entraîne une perte d'exploitation de 260 959 euros ;
Attendu que la société FLORTAL réplique que si le jugement doit être confirmé en ce qu'il lui a alloué des dommages et intérêts pour le préjudice qu'elle a subi du fait de la perte du contrat de montage des serres, il doit être infirmé en ce qu'il n'a pas fait droit à sa demande de commission, qu'en effet ce droit n'est pas sérieusement discuté par la société FILCLAIR qui reconnaît dans ses écritures que le contrat a été signé 'via la société FLORTAL et en sa présence' ce qui constitue un aveu judiciaire,
qu'elle lui a, de même, envoyé des courriels sous la signature de son président confirmant que la commission était de 250 000 euros, courriels distinguant en outre ce droit à commission, du marché de montage des serres qui devait être facturé 3euros de m²,
qu'aucun document ne soumet ce droit à commission à l'octroi d'un financement par NATIXIS, que d'ailleurs, les circonstances du retrait de cet organisme et son remplacement par la banque HSBC ne sont nullement précisées,
qu'enfin sa prétendue incapacité à réaliser le montage des serres n'est pas démontrée, qu'elle n'a même pas été en mesure de s'expliquer, sur ce point, avant la résiliation des accords ;
SUR CE :
Attendu qu'il apparaît au vu des explications des parties et des documents produits que la société FLORTAL, qui était le concessionnaire en ESPAGNE de la société FILCLAIR a, alors qu'elle n'était pas concessionnaire au MEXIQUE de cette société, négocié la vente d'une importante surface de serres par FILCLAIR à la société MARROQUINS,
qu'il résulte du courriel du 15 mai 2007, émanent de M. [M] représentant de la société FILCLAIR, qu'une 'Commission Flortal pour cette affaire 250 000 euros' était prévue, ce qui représentait un peu plus de 10 % du marché global de 2 364 400 euros,
que l'argument développé par la société FILCLAIR selon laquelle cette commission ne serait pas due dans la mesure où elle ne travaille jamais par commissions d'indication mais par un réseau de concessionnaires, ne peut être retenu dans la mesure où, si elle produit un contrat conclu pour le MEXIQUE avec un certain docteur [N], ce contrat n'est pas un contrat de concession exclusive et prévoit même la nécessité de mettre en place pour couvrir le pays, 4 à 6 concessionnaires,
qu'elle reconnaît en outre dans ces écritures qu'au moment où les négociations ont été menées avec la société MARROQUINS, elle 'envisageait' de confier à FLORTAL une concession,
que le contrat de concession commerciale avec AGRICOLA LOLICOS, société qui a, enfin de compte, été substituée à FLORTAL pour la gestion au niveau local, de l'ensemble de la gestion technique, commerciale, et de montage de ce projet, n'est que du 20 juillet 2007,
qu'il n'existe aucun contrat entre FILCLAIR et FLORTAL qui pourrait permettre de considérer que la commission prévue l'était en contre partie de la gestion locale du projet, qu'au contraire le contrat signé avec la société AGRICOLA LOLICOS montre que le versement au concessionnaire d'une commission de 10 % était prévu pour 'rechercher et fournir au mandataire toutes informations relatives aux besoins du marché, établir toutes relations d'affaires avec les clients potentiels, s'engager d'une manière générale à promouvoir les produits FILCLAIR et à assumer les coûts de cette promotion', ce qui est exactement ce qu'a fait la société FLORTAL ;
Attendu que si le premier contrat signé entre la société FILCLAIR et la société MARROQUINS n'a pas reçu exécution, la société FILCLAIR ne peut être admise à invoquer à la fois la caducité du contrat, pour non-réalisation d'une condition suspensive, et la faute de la société FLORTAL, dans la rupture de la convention par la société MARROQUINS,
qu'il n'appartient pas à la Cour, en l'état de l'absence aux débats de cette société de trancher entre la caducité du contrat ou sa rupture fautive ou non par MARROQUINS, étant précisé que l'exemplaire du contrat fourni par FILCLAIR, s'il fait état de l'existence d'un crédit acheteur, ne fait pas expressément de l'obtention de ce crédit une condition suspensive du contrat de vente et que le seul document produit par la société FILCLAIR pour justifier du refus d'un crédit est du 3 août 2007 est postérieur à la signature du second contrat du 23 juillet 2007,
que de toute façon, si le contrat est caduc en l'état de la non-réalisation d'une condition suspensive, aucune faute ne peut être imputée de ce fait à la société FLORTAL,
que par contre s'il a été résilié par la société MARROQUINS, comme le soutient aussi la société FILCLAIR, en l'état de l'incapacité de la société FLORTAL invoquée par la société FLORTAL à réaliser sa part du contrat, il est certain que, faute de mise en demeure d'exécuter ou de preuve d'une mauvaise exécution, la rupture du contrat ne peut être imputée à tort à la société FLORTAL et donner lieu de ce fait à une condamnation,
qu'elle le peut d'autant moins que le préjudice invoqué par la société FILCLAIR qui aurait consisté selon elle, en l'état des mauvaises négociations menées par la société FLORTAL, à devoir concéder à son client un coût de montage inférieur au coût réel est infondé puisque contrairement à ce qu'elle soutient le coût négocié par FLORTAL était selon le courriel ci-dessus évoqué de 3 euros du m2 et non de 2 euros et qu'ayant en outre négocié 'un deuxième contrat', elle retrouvait toute liberté de négociation ;
Attendu que même si le premier contrat n'a pas reçu exécution, il n'est pas contesté que la société FILCLAIR a, en fin de compte, effectivement vendu les serres à la société MARROQUINS, que donc la commission de 250 000 euros dont l'appelante démontre par les courriels échangés qu'elle est l'aboutissement de plusieurs mois de négociation est due ;
Attendu que la société FILCLAIR en acceptant la résiliation du contrat initial auquel la société FLORTAL était 'partie' ou du moins intéressée puisque dans la rubrique 'Montage : suivant accord commun, Assistance technique et commerciale assurée par Flortal, 'DISTRIBUTEUR AGREE DE FILCLAIR ' pour le Mexique', sans la mettre en demeure de s'expliquer sur le motif invoqué de cette résiliation a commis une faute qui justifie l'octroi de dommages et intérêts qui peuvent être évalués, faute de démonstration par la société FLORTAL de la réalité de la marge commerciale qu'elle invoque à 10 000 euros ;
Attendu que dès lors le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté la société FILCLAIR de toutes ses demandes, mais infirmé en ce qu'il a débouté la société FLORTAL de sa demande de commission et une somme de 250 000 euros doit lui être accordée à ce titre, ainsi qu'une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Attendu que l'équité justifie en la cause l'application de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de la société FLORTAL ;
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,
CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a débouté la société FILCLAIR de ces demandes,
Le REFORME pour le surplus et statuant à nouveau,
CONDAMNE la société FILCLAIR à payer à la société FLORTAL :
- 250 000 euros au titre de la commission convenue,
- 10 000 euros de dommages et intérêts,
- 10 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
La CONDAMNE aux dépens et autorise la S.C.P. SIDER, titulaire d'un office d'avoué à procéder à leur recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER : LE PRÉSIDENT :