COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
15e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 24 FEVRIER 2011
N° 2011/ 097
Rôle N° 10/00085
[B] [J]
[V] [H]
C/
[S] [F]
SA GROUPAMA BANQUE
Synd.copropriétaires IMMEUBLE L'ETOILE DE MER
Monsieur le TRESORIER DE NICE LA PLAINE (5EME DIVISION)
S.A. SOCIETE GENERALE
SCA GE MONEY BANK
Grosse délivrée
le :
à :
la SCP TOLLINCHI - PERRET-VIGNERON - BARADAT-BUJOLI-TOLLINCHI
la SCP LATIL - PENARROYA-LATIL - ALLIGIER
la SCP DE SAINT FERREOL - TOUBOUL
Me JAUFFRES
la SCP PRIMOUT - FAIVRE
la SCP LIBERAS - BUVAT - MICHOTEY
réf-27012011-RP
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Cour de Cassation de PARIS en date du 09 Décembre 2008 enregistré au répertoire général sous le n° J07/18/597.
APPELANTS
Monsieur [B] [J] pris en sa qualité de syndic de Monsieur [D] [Z], désigné à cette fonction suivant jugement déclaratif de faillite prononcé le 4 juin 1996 par le tribunal Civil de LIVORNO
demeurant [Adresse 11] (ITALIE)
Monsieur [V] [H] pris en sa qualité de syndic de Madame [Y] [U] épouse [Z], désigné à cette fonction suivant jugement rendu le 9 mai 2000 par la chambre des Faillites du Tribunal Civil de LIVORNO
demeurant [Adresse 10] (ITALIE)
représentéS par la SCP TOLLINCHI PERRET-VIGNERON BARADAT-BUJOLI-TOLLINCHI, avoués à la Cour, la SCP KLEIN, avocats au barreau de AIX EN PROVENCE.
INTIMES
Maître [S] [F] pris en sa qualité de liquidateur à la liquidation simplifiée de la SCI LE PHENICIA,
né le [Date naissance 1] 1949 à [Localité 6] (ALGERIE),
demeurant [Localité 3]
représenté par la SCP LATIL - PENARROYA-LATIL - ALLIGIER, avoués à la Cour
SA GROUPAMA BANQUE,
dont le siège social est : [Adresse 5]
représentée par la SCP DE SAINT FERREOL-TOUBOUL, avoués à la Cour, la SCP ROUILLOT GAMBINI, avocats au barreau de NICE substituée par Me Sophie BERLIOZ, avocat au barreau de NICE
Syndicat des copropriétaires IMMEUBLE L'ETOILE DE MER représenté par son syndic en exercice, le Cabinet [T],
dont le siège social est : [Localité 4]
représentée par la SCP DE SAINT FERREOL-TOUBOUL, avoués à la Cour
Monsieur le TRESORIER DE NICE LA PLAINE (5EME DIVISION), demeurant [Localité 9]
représentée par Me Jean-Marie JAUFFRES, avoué à la Cour
S.A. SOCIETE GENERALE
dont le siège social est : [Adresse 2]
représentée par la SCP PRIMOUT-FAIVRE, avoués à la Cour
*
SCA GE MONEY BANK,
dont le siège social est : [Adresse 8]
représentée par la SCP LIBERAS - BUVAT - MICHOTEY, avoués à la Cour, Me Julien CHAMARRE, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 13 Janvier 2011 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Serge KERRAUDREN, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Serge KERRAUDREN, Président
Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller
Mme Danielle DEMONT-PIEROT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Sylvaine MENGUY.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Février 2011.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Février 2011,
Signé par Monsieur Serge KERRAUDREN, Président et Madame Sylvaine MENGUY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DE L'AFFAIRE
M. et Mme [Z] ont été déclarés en faillite par des jugements du tribunal civil de Livourne (Italie) des 4 juin et 5 juillet 1996, désignant Messieurs [J] et [H] en qualité de syndics et revêtus de l'exéquatur par décision du 25 juin 1998.
Par jugement du 19 juillet 2001, la Chambre des criées du tribunal de grande instance de Nice a procédé à l'adjudication de biens immobiliers situés dans l'immeuble en copropriété 'L'Etoile de Mer', situé à [Localité 7], appartenant à M. [Z] et à Mme [U], pour le prix de 382.342,13 euros sur poursuites de la société GE MONEY BANK et de la société FINAMA.
Selon procès-verbal du 15 avril 2004, une procédure d'ordre a été ouverte à la requête de la société BANQUE FINAMA sous le numéro 53/03.
L'incompétence territoriale de la juridiction ayant été invoquée par les syndics et le principe de la loi applicable discuté, les parties ont été renvoyées devant le tribunal de grande instance de Nice, lequel, par jugement du 07 mars 2006 (n° 145), a mis hors de cause la SOCIETE GENERALE et le TRESORIER de NICE - LA PLAINE, dit que le juge chargé de la procédure d'ordres du tribunal de grande instance de Nice était compétent pour connaître des ordres judiciaires relatifs aux adjudications litigieuses et dit que la loi italienne au titre de l'admission des créanciers et la loi française de procédure pour trancher les difficultés afférentes aux concours entre créanciers en fonction de leurs privilèges, devaient être appliquées cumulativement.
Le 21 mars 2006, M. [J], ès qualités de syndic de M. [Z], et M. [H], ès qualités de syndic de Mme [U], ont formé un contredit contre cette décision.
Par acte d'huissier du 28 mars 2006, M. [J], ès qualités de syndic de M. [Z], et M. [H], ès qualités de syndic de Mme [U], ont relevé appel de cette décision.
Par un arrêt n° 781 du 16 novembre 2006, la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence a confirmé le jugement qui lui était déféré, a rejeté les autres demandes, a dit que l'instance se poursuivrait devant le juge chargé de la procédure d'ordre du tribunal de grande instance de Nice et a condamné les syndics, ès qualités, aux dépens.
Sur pourvoi formé par les syndics, la Cour de cassation, par un arrêt n° 1298 du 09 décembre 2008, a annulé la décision précitée en toutes ses dispositions au motif qu'en faisant application des articles 1b/ et 22 du règlement (CE) n° 1348/2000 du 29 mai 2000 (en réalité le réglement n°44/2001 du 22 décembre 2000) sans avoir invité les parties à présenter leurs observations sur cette application soulevée d'office, la Cour d'appel avait violé l'article 16 du Code de procédure civile.
Devant cette Cour, désignée comme juridiction de renvoi, M. [J] et M. [H], ès qualités, ont conclu le 22 décembre 2010.
Les autres parties ont conclu respectivement comme suit :
- la Société Générale le 14 octobre 2010,
- la SCA GE MONEY BANK le 21 octobre 2010,
- Maître [F], ès qualités de liquidateur de la SCI Le Phénicia, le 20 décembre 2010,
- la société GROUPAMA BANQUE, anciennement dénommée BANQUE FINAMA le 28 décembre 2010,
- le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble 'L'Etoile de Mer' le 29 décembre 2010,
- le Trésorier de Nice - La Plaine le 06 janvier 2010.
La Cour renvoie, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, à leurs écritures précitées.
MOTIFS
Attendu que la société MONEY BANK prétend que le règlement (CE) n° 44/2001 du 22 décembre 2000 n'est pas applicable au motif que la présente procédure a été engagée avant son entrée en vigueur ;
Attendu que les commandements de saisie immobilière ont été délivrés par la SOVAC (aux droits de laquelle se trouve la société MONEY BANK) et par FINAMA (actuellement dénommée GROUPAMA BANQUE), selon leurs indications non contestées, respectivement les 28 avril 1998 et 18 août 1998, soit avant l'entrée en vigueur, le 1er mars 2002, du règlement précité ;
Attendu cependant que ce règlement ne fait que reprendre textuellement, dans ses dispositions éventuellement applicables en la cause, celles de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, notamment du chef de l'exclusion des faillites, concordats et autres procédures analogues (article 1er dans les deux conventions) et de la compétence, en matière de droits réels immobiliers et d'exécution des décisions (article 16 pour la Convention, article 22 pour le règlement) ; qu'il s'ensuit que le moyen soulevé par la société MONEY BANK doit être écarté ;
Attendu que les syndics appelants soutiennent que ni la convention, ni le règlement, ne peuvent recevoir application dès lors que la présente action relèverait précisément de l'exclusion de l'article 1er susvisé, ce que contestent GROUPAMA et la SOCIETE GENERALE ;
Attendu qu'il ressort des principes dégagés par la jurisprudence que, pour être exclue du champ d'application de la convention, l'action doit dériver directement de la faillite et s'insérer étroitement dans le cadre de cette procédure collective ;
Attendu qu'en l'espèce les procédures de saisie immobilière et, à leur suite, d'ordres, ont été engagées de façon totalement indépendante de la procédure collective des époux [Z], et non par les liquidateurs qui ne sont intervenus à la saisie que par voie de subrogation ; que, notamment, FINAMA a poursuivi les époux [Z] en leur qualité de tiers détenteurs puisqu'elle était créancière de la SCI LE PHENICIA ; que, par ailleurs, il n'est pas prétendu que les créanciers susceptibles d'être colloqués dans la procédure d'ordres aient un lien quelconque avec le lieu d'ouverture de la procédure de faillite ; qu'il s'ensuit que la présente procédure ne dérive nullement de la faillite, de sorte qu'elle n'est pas exclue du champ d'application de la Convention ;
Attendu que, selon celle-ci et selon le règlement, sont seuls compétents, en matière de droits réels immobiliers, les tribunaux de l'Etat contractant où l'immeuble est situé, et, en matière d'exécution des décisions, les tribunaux de l'Etat contractant du lieu de l'exécution ;
Attendu que les créanciers bénéficiaires d'un droit de suite exercent un droit réel et que la distribution du prix consécutive à une saisie immobilière constitue la suite logique de la même procédure, laquelle a pour objet la vente d'un immeuble puis la répartition du prix de vente selon l'ordre entre créanciers bénéficiant d'un privilège ou d'une hypothèque ; qu'il y a donc lieu d'admettre qu'est compétente la juridiction du lieu de situation de l'immeuble, qui est aussi celle du lieu de l'exécution ;
Attendu que les appelants arguent de l'application de la Convention franco-italienne du 03 juin 1930 sur l'exécution des jugements en matière civile et commerciale ;
Attendu cependant que cette Convention a été remplacée par la Convention précitée du 27 septembre 1968, sauf à ce qu'elle continue à produire ses effets dans les matières où la Convention de Bruxelles n'était pas applicable ;
Attendu qu'en admettant même l'application de cette convention, alors que les dispositions de son titre II sur la compétence et la faillite n'ont pour objet que l'application de règles relatives à l'autorité de la chose jugée et à l'exécution de décisions entre les Etats, force est de constater que son article 25 al2 prévoit expressément que les contestations relatives aux privilèges et droits de préférence et à tout autre droit relatif aux immeubles sont jugées par les juridictions du pays où ces biens sont situés, de sorte que doit être retenue à nouveau la compétence de la juridiction française ;
Attendu que ces dispositions rejoignent au demeurant le droit commun, transposable dans l'ordre international, et selon lequel le juge compétent est celui du lieu où est situé l'immeuble en matière réelle immobilière ainsi que celui du lieu d'exécution de la mesure de saisie ;
Que la procédure d'ordre n'est que le prolongement de la saisie et que seules les décisions du juge des ordres français seront susceptibles d'exécution en France sans difficulté, en ce qu'elles mettent en cause le fonctionnement du service public de la Conservation des hypothèques ;
Attendu que les appelants se prévalent en vain des dispositions du droit français en vertu desquelles le liquidateur judiciaire du lieu d'ouverture de la procédure collective est compétent pour répartir le produit d'une vente et régler l'ordre, sous réserve des contestations ;
Attendu, d'abord, que cette argumentation se heurte à l'application de la Convention et du règlement visés plus haut ;
Attendu ensuite que ne peut être transposée à une faillite soumise au droit italien une règle du droit français de la faillite, de sorte que ne saurait être utilement invoquée celle qui, à la suite de la loi du 25 janvier 1985, a donné compétence au liquidateur pour dresser l'ordre entre les créanciers ; qu'au surplus, le vente n'a pas, en l'espèce, été ordonnée dans le cadre des opérations de faillite ;
Attendu en définitive que le jugement déféré doit être confirmé s'agissant de la compétence territoriale du tribunal de grande instance de Nice pour connaître de l'ordre judiciaire ouvert à la suite de la vente de l'immeuble litigieux ;
Attendu que toutes les parties admettent que, comme l'a décidé le tribunal, la loi italienne doit régir la détermination de l'existence des créances et l'admission des créanciers ;
Attendu, s'agissant de la loi applicable aux difficultés relatives au concours entre créanciers, que celle-ci ne peut qu'être la loi française ; qu'en effet, l'article 24 de la Convention invoquée par les appelants renvoie à la loi de l'Etat sur le territoire duquel sont situés les biens sur lesquels sont établis les privilèges et droits de préférence ; que, par ailleurs, en droit commun, la loi de situation de l'immeuble a également vocation à régir les difficultés afférentes aux sûretés constituées en vertu de la loi française ; que le jugement sera donc également confirmé sur ces points, l'instance devant se poursuivre devant le juge du tribunal de grande instance de Nice chargé des procédures d'ordres ;
Attendu enfin qu'il n'est pas contraire à l'équité que les appelants, GROUPAMA BANQUE et la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE supportent leurs frais irrépétibles de procédure ;
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 09 décembre 2008,
Confirme le jugement entrepris,
Dit que l'instance se poursuivra devant le juge du tribunal de grande instance de Nice chargé des procédures d'ordres,
Rejette toutes demandes contraires ou plus amples des parties, notamment sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamne M. [J] et M. [H], ès qualités de syndics de M. [Z] et de Mme [U] épouse [Z], aux dépens d'appel, y compris ceux de l'arrêt cassé, avec droit de recouvrement direct au profit des avoués de la cause, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT