COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
17e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 28 MARS 2011
N°2011/
GP/FP-D
Rôle N° 10/03185
(N°10/03190 joint)
SARL LOU CHICOU
C/
[J] [C]
Grosse délivrée le :
à :
Me Jean-Pierre POLI, avocat au barreau de NICE
Me Jean-Louis PAGANELLI, avocat au barreau de NICE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE en date du 18 Janvier 2010, enregistré au répertoire général sous le n° 08/1685.
APPELANTE
SARL LOU CHICOU, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Jean-Louis PAGANELLI, avocat au barreau de NICE
INTIME
Monsieur [J] [C], demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Jean-Pierre POLI, avocat au barreau de NICE substitué par Me Jean-Jérôme MONDOLONI, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 24 Janvier 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Jean-Marc CROUSIER, Président
Madame Martine VERHAEGHE, Conseiller
Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Monique LE CHATELIER.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Mars 2011.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Mars 2011
Signé par Monsieur Jean-Marc CROUSIER, Président et Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Monsieur [J] [C] a été employé par la SARL LOU CHICOU sur la base d'un temps de 169 heures mensuelles de travail, dans le cadre de trois contrats de travail à durée déterminée sur les périodes suivantes :
-du 21 octobre au 3 décembre 2006, en qualité de commis de salle,
-du 23 juillet au 4 novembre 2007, en qualité de barman,
-du 1er mai au 15 juillet 2008, en qualité de serveur.
Par requête du 18 décembre 2008, Monsieur [J] [C] a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement d'heures supplémentaires, de repos compensateurs et d'indemnités de rupture de son contrat de travail.
Par jugement du 18 janvier 2010, le Conseil de Prud'hommes de Nice a débouté Monsieur [J] [C] de sa demande relative aux heures supplémentaires, a requalifié la relation de travail qui a débuté le 21 octobre 2006 en contrat de travail à durée indéterminée, a constaté que la fin de la relation de travail au 3 décembre 2006 devait s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, a condamné la SARL LOU CHICOU à payer à Monsieur [C] les sommes de :
-1641,66 € à titre d'indemnité de requalification,
-1641,66 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 164,16 € au titre des congés payés y afférents,
-1300 € à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive,
a débouté les parties du surplus de leurs demandes et a condamné la SARL LOU CHICOU aux dépens.
La SARL LOU CHICOU et Monsieur [J] [C] ont interjeté appel par plis recommandés du 15 février 2010.
Les deux procédures d'appel enregistrées sous les numéros 10/03185 et 10/03190 doivent être jointes pour qu'il soit statué par le présent arrêt.
La SARL LOU CHICOU conclut à la confirmation du jugement aux fins de voir dire que les bulletins de salaire mentionnent le nombre d'heures effectuées par le salarié, à savoir 169 heures, sans que ce nombre n'ait jamais été contesté par le salarié, de voir constater l'absence de production par l'appelant d'élément permettant d'établir l'accomplissement effectif du volume d'heures supplémentaires prétendu, de voir débouter Monsieur [J] [C] de sa demande portant sur les heures supplémentaires, à la réformation du jugement en ce qu'il a requalifié la relation de travail du 21 octobre au 3 décembre 2006 en contrat à durée indéterminée, au débouté de Monsieur [J] [C] de l'ensemble de ses demandes et à la condamnation de Monsieur [J] [C] à lui verser la somme de 2000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Monsieur [J] [C] conclut à confirmation du jugement en ce qu'il a requalifié son contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, à la réformation du jugement aux fins de voir constater qu'il travaillait de 9 h 30 à 15 h 30 et de 17 h 30 à 24 h, 6 jours sur 7, de voir juger qu'il exécutait 75 heures de travail par semaine, de voir condamner la SARL LOU CHICOU à lui payer les sommes suivantes :
- 13 659,84 € d'heures supplémentaires,
- 1365,98 € de congés payés sur heures supplémentaires,
- 1434,90 € de repos compensateur,
-1641,66 € d'indemnité de requalification,
-1641,66 € d'indemnité de préavis,
- 164,16 € de congés payés sur préavis,
- 565,13 € d'indemnité de licenciement,
-20 000 € de dommages-intérêts pour rupture abusive,
de voir ordonner sous astreinte de 100 € par jour de retard la délivrance des bulletins de paie rectifiés et de l'attestation ASSEDIC rectifiée, de voir dire que les créances salariales porteront intérêts au taux légal capitalisés à compter de la demande en justice, et à la condamnation de la SARL LOU CHICOU à lui payer la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il est renvoyé au jugement entrepris, aux pièces de la procédure et aux conclusions des parties oralement reprises.
SUR CE:
Sur la requalification du contrat de travail :
Attendu que Monsieur [J] [C] soutient qu'il a été embauché par la SARL LOU CHICOU le 21 octobre 2006 sans contrat de travail écrit et que l'employeur s'est prévalu de l'échéance d'un contrat de travail à durée déterminée pour rompre ledit contrat ;
Attendu que la SARL LOU CHICOU produit la déclaration d'embauche de Monsieur [J] [C] auprès de l'URSSAF à la date du 14 août 2006, sans préciser à quel contrat de travail correspond cette déclaration d'embauche qui, en tout état de cause, ne comporte aucune indication sur la nature du contrat de travail ;
Attendu que la SARL LOU CHICOU produit par ailleurs deux contrats de travail saisonniers en date des 22 juillet 2007 et 1er mai 2008, dont la validité n'est pas discutée par le salarié, mais ne verse aucun contrat écrit correspondant à la période d'embauche du 21 octobre au 3 décembre 2006 ;
Attendu qu'à défaut de contrat écrit correspondant à l'embauche du salarié du 21 octobre au 3 décembre 2006, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a requalifié le contrat de Monsieur [J] [C] en contrat de travail à durée indéterminée, qui a été rompu à la date du 3 décembre 2006 ;
Attendu qu'il convient de réformer le jugement sur le quantum de l'indemnité de requalification allouée en application de l'article L.1245-2 alinéa 2 du code du travail compte tenu que le salarié percevait, lors de la rupture du contrat de travail requalifié, une rémunération mensuelle brute de 1537,11 €, tel que mentionné sur son bulletin de paie de novembre 2006 ;
Qu'il convient, en conséquence, d'allouer à Monsieur [J] [C] la somme de 1537,11 € à titre d'indemnité de requalification ;
Sur la rupture du contrat de travail du 21 octobre 2006 :
Attendu qu'eu égard à la requalification du contrat de travail du 21 octobre 2006 en contrat à durée indéterminée, la rupture de ce contrat à la date du 3 décembre 2006 en dehors de toute procédure de licenciement et de lettre motivée de licenciement est dépourvue de cause réelle et sérieuse ;
Attendu que Monsieur [J] [C] soutient qu'il a travaillé plus de six mois pour le compte de la SARL LOU CHICOU dans le cadre de plusieurs contrats de travail à durée déterminée successifs et réclame le paiement d'une indemnité compensatrice de préavis équivalente à un mois de salaire ;
Attendu, cependant, que lors de la rupture du contrat de travail à la date du 3 décembre 2006, le salarié présentait une ancienneté de moins de deux mois ;
Qu'il convient, en conséquence, de réformer le jugement sur ce point et de débouter Monsieur [J] [C] de sa demande au titre d'un mois de préavis et des congés payés y afférents ;
Attendu que, le salarié ayant moins d'un an d'ancienneté au sein de l'entreprise à la date du 3 décembre 2006, il y a lieu de le débouter de sa demande d'indemnité légale de licenciement ;
Attendu que Monsieur [J] [C] ne verse aucun élément sur l'évolution de sa situation professionnelle et sur ses ressources postérieurement à la rupture en date du 3 décembre 2006 ;
Qu'en considération de son ancienneté d'un mois dans l'entreprise et du montant de son salaire, la Cour confirme l'évaluation faite par les premiers juges à hauteur de 1300 € en réparation du préjudice de Monsieur [C] résultant tant de l'irrégularité que de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement ;
Sur les heures supplémentaires et repos compensateurs :
Attendu que Monsieur [J] [C], qui soutient avoir travaillé de 9 h 30 à 15 h 30 et de 17 h 30 à 1 h du matin, 6 jours sur 7, ne verse aucun élément susceptible d'étayer sa réclamation ;
Qu'il convient, par conséquent, de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes en paiement d'heures supplémentaires exécutées au-delà des 169 heures mensuelles réglées, de congés payés sur heures supplémentaires et de repos compensateurs sur heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel conventionnel ;
Attendu que le salarié soutient, au surplus, que le décret n° 2004-1536 du 30 décembre 2004 relatif à la durée du travail dans les hôtels, cafés, restaurants, maintenant la durée du travail équivalente à la durée légale à 39 heures, a été annulé par le Conseil d'État, par arrêt en date du 18 octobre 2006, avec effet rétroactif et réclame le paiement des majorations sur heures supplémentaires de la 36ème à la 39ème heure au taux de 25 % ;
Attendu, cependant, que les effets de la nullité du décret n° 2004-1536 du 30 décembre 2004 ont été écartés par la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, loi de validation qui établit un régime transitoire réglant rétroactivement, à compter du 1er janvier 2005, le problème de la durée du travail dans le secteur de l'hôtellerie ;
Qu'il convient, en conséquence, de rejeter la demande du salarié en paiement de majorations sur les heures de travail exécutées de la 36ème à la 39ème heure hebdomadaire sur la période du 21 octobre 2006 au 3 décembre 2006 ;
Attendu qu'il ressort de l'examen des bulletins de paie de Monsieur [C] qu'à compter du mois de juillet 2007, les heures qu'il a accomplies de la 36ème à la 39ème heure hebdomadaire lui ont été payées à hauteur de 110 % du taux horaire brut conformément aux dispositions de l'accord collectif du 5 février 2007 ;
Attendu qu'il y a donc lieu de débouter le salarié de l'ensemble de ses réclamations ;
Sur la remise des documents sociaux :
Attendu qu'il y a lieu d'ordonner la remise par la SARL LOU CHICOU d'une attestation ASSEDIC rectifiée, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette condamnation d'une astreinte ;
Sur l'article 700 du code de procédure civile :
Attendu qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, tel que précisé au dispositif ;
PAR CES MOTIFS:
LA COUR,
STATUANT PUBLIQUEMENT, EN MATIERE PRUD'HOMALE, PAR ARRET CONTRADICTOIRE,
Ordonne la jonction des procédures d'appel numéros 10/03185 et 10/03190,
Reçoit les appels en la forme,
Confirme le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [J] [C] de ses demandes en paiement d'heures supplémentaires et de repos compensateurs, en ce qu'il a requalifié la relation de travail qui a débuté le 21 octobre 2006 en contrat de travail à durée indéterminée et en ce qu'il a condamné la SARL LOU CHICOU à payer à Monsieur [J] [C] 1300 € de dommages-intérêts pour rupture abusive et 700 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Réforme pour le surplus,
Condamne la SARL LOU CHICOU à payer à Monsieur [J] [C] 1537,11 € à titre d'indemnité de requalification,
Ordonne la remise par la SARL LOU CHICOU d'une attestation ASSEDIC rectifiée en conformité avec le présent arrêt ;
Condamne la SARL LOU CHICOU aux dépens et à payer à Monsieur [J] [C] 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette toute autre prétention.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT