COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
1re Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 31 MARS 2011
MN
N° 2011/223
Rôle N° 10/03040
[M] [W]
C/
[G] [I] [E] [Y]
[J] [F]
[U] [L] [P]
Grosse délivrée
le :
à :
réf
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 26 Janvier 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 07/02736.
APPELANT
Monsieur [M] [W]
né le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 9] (MAROC), demeurant [Adresse 6]
Représenté par la SCP ERMENEUX-CHAMPLY - LEVAIQUE, avoués à la Cour,
Assisté de Me Christel MATHIEU, avocat au barreau de NICE
INTIMES
Monsieur [G] [I] [E] [Y]
né le [Date naissance 2] 1953 à [Localité 11] (CONGO), demeurant [Adresse 5]
Représenté par la SCP GIACOMETTI - DESOMBRE, avoués à la Cour,
Assisté de Me Michel DRAILLARD, avocat au barreau de GRASSE, substitué par Me Muriel MANENT, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE
Maître [J] [F],
notaire au sein de la SCP JARDILLIER MEUNIER RENUCCI SALLET
demeurant [Adresse 7]
Représenté par la SCP COHEN - GUEDJ, avoués à la Cour,
Assisté de Me Hélène BERLINER, avocat au barreau de NICE substitué par Me Philippe DUTERTRE, avocat au barreau de NICE
Madame [U] [L] [P]
née le [Date naissance 3] 1931 à [Localité 8], demeurant [Adresse 4]
Représentée par la SCP BOTTAI-GEREUX-BOULAN, avoués à la Cour
Ayant pour avocat Me BERARD, avocat au barreau de NICE
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 02 Février 2011 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, monsieur François GROSJEAN, président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur François GROSJEAN, Président
Monsieur Michel NAGET, Conseiller
Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mademoiselle Lugdivine BERTHON.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Mars 2011, qu'à cette date le délibéré par mise à disposition au greffe était prorogé au 17 Mars 2011 et qu'à nouveau, à cette date, le délibéré par mise à disposition au greffe était prorogé au 31 Mars 2011.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 31 Mars 2011,
Signé par Monsieur François GROSJEAN, Président et Madame Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :
Suivant acte reçu de Maître [J] [F], notaire associé à [Localité 10] le 11 février 2003, Monsieur [M] [W] a souscrit, auprès de Madame [U] [P] un emprunt d'un capital de 45.000,00 euros, remboursable dans un délai de quatre ans, soit au plus tard le 11 février 2007, productif d'un intérêt de 9 % l'an, payable par trimestrialité de 1.012,50 euros chacune. Ce prêt était garanti par une hypothèque, inscrite sur un immeuble appartenant à l'emprunteur, [Adresse 6].
Il convient de préciser que Monsieur [W] souffrait, depuis 1997, d'une pathologie cardiaque, et avait présenté des accidents vasculaires cérébraux. Licencié de son emploi, il avait recouru à un emprunt, du fait d'une diminution substantielle de ses revenus, mais de ses explications, il résulte que les prêts à la consommation, proposés par les banques et autres organismes de crédit lui étaient invariablement refusés. Il était donc entré en relation avec Monsieur [Y], conseiller en études financières, qui l'avait mis en relation avec Madame [P].
Pendant trois ans, Monsieur [W] a versé les intérêts de son emprunt, mais à partir du dernier trimestre 2006, il a cessé tout payement, en sorte que Madame [P] lui a fait délivrer, le 29 mai 2007, un commandement de saisie immobilière, pour avoir payement d'un arriéré de 51.418,72 euros.
C'est dans ces conditions, que suivant assignations en date des 15 et 16 mars, puis 18 avril 2007, Monsieur [W] a introduit, devant le Tribunal de Grande Instance de Nice, une demande dirigée à la fois contre Monsieur [G] [Y], Madame [U] [P] et contre Maître [F], et dont l'objet était d'obtenir l'annulation du prêt hypothécaire conclu le 11 février 2003, motif pris de l'existence d'un vice du consentement, dol ou erreur. Il demandait également l'annulation de l'hypothèque conventionnelle, en tant qu'elle aurait été abusive au regard du montant du prêt souscrit. Enfin, il sollicitait la condamnation in solidum des défendeurs à lui payer la somme de 30.000,00 euros à titre de dommages-intérêts, outre celle de 3.000,00 euros réclamée en application de l'article 700 du code de procédure civile. En l'état de ses dernières conclusions devant le Tribunal, il a également sollicité l'annulation de l'acte de prêt, par application de l'article 489 du code civil ( dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 5 mars 2007), en raison d'un trouble mental dont il se disait atteint à l'époque à laquelle le prêt a été conclu.
Par jugement en date du 26 janvier 2010, le Tribunal de Grande Instance l'a débouté de ces demandes, et condamné aux dépens, ainsi qu'au payement, envers chaque défendeur, d'une indemnité de 1.000,00 euros allouée en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur [W] a relevé appel de cette décision, par déclaration reçue au greffe de la cour le 16 février 2010.
Par conclusions du 10 décembre 2010, il en demande l'infirmation, et reprend purement et simplement ses prétentions de première instance, en soutenant une argumentation restée la même, fondée sur son état de santé déficient, et sur le fait qu'il n'aurait pas compris que ses payements trimestriels ne portaient que sur les intérêts du capital, dont le remboursement devait se faire en intégralité, pour la date d'expiration du contrat. Il reproche à Monsieur [Y] et à Madame [P] d'avoir abusé de sa vulnérabilité, et de sa détresse financière. Il fait également valoir que Monsieur [Y] et Maître [F] auraient manqué à leurs obligations d'information et de conseil.
De leur côté, les intimés ont conclu à la confirmation du jugement entrepris, et ont formé des demandes diverses de dommages-intérêts et d'indemnités réclamées en application de l'article 700 du code de procédure civile.
M O T I F S
A l'appui de son appel, Monsieur [W] soumet à la Cour une discussion d'ordre essentiellement médicale, à l'appui de laquelle il fournit une certain nombre de compte-rendus d'examens, et d'attestations de témoins, en vue de démontrer une insanité d'esprit à la date à laquelle le prêt en litige a été souscrit. En première instance, le Tribunal après s'être livré à un analyse méticuleuse des différentes pièces médicales qui lui avaient été soumises, est parvenu à la conclusion que Monsieur [W] avait présenté, depuis 1997, des troubles sérieux et très réels, mais qui n'avaient pas eu pour conséquence de le priver de discernement, au point de donner lieu à l'application de l'article 489 ancien du code civil.
En effet, l'historique de sa maladie fait apparaître en mars 1997, des accidents vasculaires cérébraux qui, dans un premier temps, n'ont pas été correctement diagnostiqués, et qui ont laissé des séquelles décrites, le 26 avril 2005, comme la conséquence de 'petits infarctus cérébraux multiples tant au niveau de la fosse postérieure que de la convexité'. Un compte-rendu D'IRM, établi le 21 avril 2010 par le Docteur [D] concluait :
'Multiples séquelles d'infarctus cérébraux. La confrontation aux anciens documents montre que les deux images séquellaires d'infarctus cérébelleux étaient déjà présentes en mars 1999. Le compte-rendu de mars 1999 relatait que ces images étaient sans modification par rapport à l'examen du mois de juillet 1983".
Monsieur [W] s'était, pour les besoins de la présente cause, soumis à l'examen du Docteur [O], médecin psychiatre inscrit sur la liste des experts de la Cour, lequel dans un rapport en date du 12 mai 2009, concluait :
'Certains accidents vasculaires cérébraux a minima peuvent occasionner des épisodes de type absence ou des états confusionnels passagers. C'est pour cette raison qu'il est des plus vraisemblables qu'au moment où il a signé un prêt hypothécaire, le 11 février 2003, il n'était plus apte à apprécier les conséquences de cet acte, et en mesurer l'importance'.
Monsieur [W] a donc fourni, à l'appui de son appel, de nouveaux éléments, notamment le rapport d'un autre expert, le docteur [T], en date du 8 décembre 2010, dont les conclusions ne sont guère plus significatives :
'Cette pathologie ne le rendait pas dément, mais le rendait vulnérable, réduisant ses capacité de compréhension et de l'attention'.
De même, un certificat délivré le 3 juin 2010 par le Docteur [N] parle de 'séquelles de petits infarctus cérébraux multiples', et affirme que 'son état de santé de l'époque le rendait vulnérable', ajoutant que ' ses capacité de troubles de concentration altéraient sérieusement sa compréhension pour tout engagement et signatures contenues dans l'acte de prêt de 2003".
Or, rien de tout ceci ne permet d'admettre que l'appelant n'aurait pas été 'sain d'esprit' au sens de l'ancien article 489 ancien du code civil, en sorte que le jugement entrepris doit être confirmé sur ce point.
En second lieu, le Tribunal ne pouvait davantage admettre la notion d'un dol, ou d'une erreur, susceptible d'avoir vicié son consentement. En effet, la preuve d'aucune manoeuvre dolosive n'est rapportée, à l'encontre de Madame [P], de Monsieur [Y], lequel est entré lui-même en contact avec ce dernier, afin d'obtenir un prêt que les établissements de crédit classiques refusaient de lui consentir.
A nouveau, Monsieur [W] essaye en vain de faire admettre une erreur de sa part, sur l'étendue des obligations mise à sa charge, dans la mesure où il n'aurait pas compris que les remboursements trimestriels prévus par le contrat ne portaient que sur l'intérêt du capital, mais sur ce point, le Tribunal a observé à juste titre que ces remboursements, d'un montant total de 4.050,00 euros par an, soit 16.200,00 euros en tout, ne pouvaient à l'évidence pas couvrir un capital emprunté de 45.000,00 euros. D'autre part, à moins d'ouvrir à nouveau le débat sur l'insanité d'esprit de l'emprunteur, non établi médicalement, l'acte de prêt ne peut être interprété de cette façon.
Il convient donc de confirmer sur ce point le jugement entrepris, dont la Cour adopte les motifs.
En dernier lieu, l'appelant ne démontre aucun manquement à une quelconque obligation de conseil ni d'information, l'acte ayant été établi en la forme notariée, et sans irrégularité démontrée, ni seulement alléguée, et Monsieur [W] se révélant incapable d'expliquer quelle précaution Monsieur [Y] ou le notaire auraient du prendre avec lui, à moins de le dissuader de contracter tout emprunt, conseil qu'à l'évidence l'intéressé n'était pas disposé à suivre.
Il convient donc de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf à décharger Monsieur [W], compte-tenu de sa situation matérielle et de ses graves problèmes de santé, des indemnités auxquelles il a été condamné par le Tribunal, en application de l'article 700 du code de procédure civile, et qui s'élèvent à 3.000,00 euros en tout. Les dépens de première instance et d'appel resteront néanmoins à sa charge.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,
Déclare Monsieur [M] [W] recevable, mais mal fondé en son appel du jugement rendu le 26 janvier 2010, par le Tribunal de Grande Instance de Grasse.
Confirme en conséquence le dit jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce que le Tribunal a condamné Monsieur [W] a payer à chaque défendeur la somme de 1.000,00 euros allouée en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Et statuant à nouveau sur ce point seulement,
Décharge Monsieur [W] de ces condamnations.
Le condamne néanmoins aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT