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31/03/2011 | FRANCE | N°10/04554

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre a, 31 mars 2011, 10/04554


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 31 MARS 2011



N°2011/236















Rôle N° 10/04554







[B] [L]





C/



SA JUGREMIX - HYPER U

SAS 3.14 DISTRIBUTION













































Grosse délivrée le :

à :

Mademoiselle [B] [L]

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Me Vincent VINOT, avocat au barreau de NIMES



Me Laure DEPETRY, avocat au barreau de MONTPELLIER



Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DIGNE-LES-BAINS en date du 08 Février 2010, enregistré au répertoire général sous le n° 08/171.





APPELANTE



Mademoiselle [B] [L], demeurant [Adresse 1]


...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 31 MARS 2011

N°2011/236

Rôle N° 10/04554

[B] [L]

C/

SA JUGREMIX - HYPER U

SAS 3.14 DISTRIBUTION

Grosse délivrée le :

à :

Mademoiselle [B] [L]

Me Vincent VINOT, avocat au barreau de NIMES

Me Laure DEPETRY, avocat au barreau de MONTPELLIER

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DIGNE-LES-BAINS en date du 08 Février 2010, enregistré au répertoire général sous le n° 08/171.

APPELANTE

Mademoiselle [B] [L], demeurant [Adresse 1]

comparant en personne, assistée de M. Alain BARD (Délégué syndical ouvrier)

INTIMEES

SA JUGREMIX - HYPER U, demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Vincent VINOT, avocat au barreau de NIMES

SAS 3.14 DISTRIBUTION, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Laure DEPETRY, avocat au barreau de MONTPELLIER

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 07 Février 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Michel VANNIER, Président

Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller

Madame Laure ROCHE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Nadège LAVIGNASSE.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 31 Mars 2011.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé(e) par mise à disposition au greffe le 31 Mars 2011

Signé par Monsieur Michel VANNIER, Président et Mme Nadège LAVIGNASSE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

PROCÉDURE

Par lettre recommandée postée le 5 mars 2010 Mme [L] a relevé appel du jugement rendu le 8 février 2010 par le conseil de prud'hommes de Digne-les-Bains la déboutant de ses demandes à l'encontre des sociétés Jugremix et 3.14 Distribution franchisées sous l'enseigne Super U.

La salariée poursuit devant la cour les condamnations suivantes :

contre la société Jugremix :

- 10 000 euros pour rupture illégitime,

- 3 116 euros, ainsi que 311 euros au titre des congés payés afférents, pour préavis,

- 2 077 euros au titre d'une indemnité de licenciement,

- 1 400 euros en paiement d'une prime de fin d'année,

- 1 500 euros pour frais irrépétibles.

contre la société 3.14 Distribution :

- 5 000 euros à titre de dommages-intérêts.

La société Jugremix excipe de la nullité de la procédure de première instance ; sur le fond, elle conclut à la confirmation du jugement déféré.

La société 3.14 Distribution conclut également à la confirmation de cette décision.

La cour renvoie pour plus ample exposé aux écritures reprises et soutenues par le délégué syndical et les conseils des parties à l'audience d'appel tenue le 7 février 2011.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nullité de la procédure de première instance :

Le conseil de la société Jugremix soutient que le délégué syndical qui assiste la salariée a seul signé l'acte de saisine du conseil de prud'hommes et que cet acte serait nul faute pour lui de justifier à cette date d'un mandat ad hoc.

Mais, à l'audience, Mme [L], sur interpellation du président, a déclaré que la signature figurant sur la demande de convocation devant le bureau de conciliation à elle matériellement présentée était la sienne, fait que le conseil de l'employeur admet désormais, fait au demeurant établi par une comparaison succincte entre la signature apposée sur cette pièce et la signature de la salariée apposée sur son acte d'appel.

Ce même conseil soutient encore que l'audience de conciliation fut viciée par le refus opposé par le délégué syndical sur le point de préciser ses réclamations à l'encontre de l'une ou de l'autre des sociétés attraites devant la juridiction consulaire ; il en déduit qu'en présence de deux dossiers prud'homaux distincts, il convenait de tenir deux audiences de conciliation distinctes.

.../...

Mais la salariée réclamait devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes de Digne-les-Bains la condamnation de ces deux sociétés à lui verser diverses sommes comme en font état ses deux demandes de convocation, de sorte qu'une seule audience devant le bureau de conciliation suffisait.

Puis, pour couper court à la chicane, le président de l'audience d'appel tenue le 7 février 2011 a invité les parties à se concilier avant tout débat au fond et a ensuite constaté l'absence de conciliation entre ces parties.

Les exceptions sont en conséquence rejetées au constat du respect de la procédure suivie.

Sur les demandes formées à l'encontre de la société Jugremix :

Mme [L] a été engagée par la société Jugremix à la date du 13 mars 2002 en qualité de caissière, puis, à compter du 1er janvier 2008, en qualité d'adjointe au responsable des caisses de cette grande surface à prédominance alimentaire.

Mme [L] a entretenu des relations intimes avec l'un des salariés de cette grande surface située à [Localité 3], une rupture étant intervenue peu avant la cessation de son contrat de travail.

L'intéressée a en effet démissionné par une lettre simple datée du 23 septembre 2008 sans évoquer dans cette correspondance un reproche à l'endroit de son employeur et elle a été embauchée dès le lendemain par la société 3.14 Distribution, située à [Localité 4], en qualité d'employée commerciale, sous réserve d'une période d'essai d'un mois.

Ce second employeur a mis fin à cette période d'essai dès le 3 octobre 2008, soit après seulement huit jours.

Cette salariée soutient que la société Jugremix l'a poussée à la démission pour l'écarter géographiquement du premier magasin afin de ménager l'humeur de son ancien compagnon.

Elle s'en ouvrait auprès de ce premier employeur dans un courrier simple daté du 3 octobre 2008 lequel s'est immédiatement défendu de ces accusations.

Cependant l'hypothèse d'une fausse démission dictée par le premier employeur aux fins d'écarter géographiquement la salariée doit être retenue à l'examen des pièces versées aux débats.

Première anomalie au regard des contraintes matérielles qui pèsent sur les employeurs, Mme [L] démissionne le 23 septembre 2008 et elle décide de son propre chef de ne pas effectuer son préavis, sa démission prenant immédiatement effet par la remise en mains propres de sa lettre manuscrite de démission à son directeur qui en accuse réception par une mention manuscrite datée du 23 septembre 2008 suivie de sa signature.

Sa dispense de préavis est accordée le jour même par une correspondance dactylographiée remise en mains propres lui indiquant qu'elle cesse de faire partie des effectifs à compter du 23 septembre 2008.

Le fait de répondre le jour même à sa démission et de la dispenser sans aucun temps de réflexion de l'exécution de son préavis permet de supposer que l'employeur savait que la démission de Mme [L] lui serait présentée.

La supposition devient certitude à la lecture du certificat de travail remis à la salariée et à la lecture de l'attestation destinée à l'Assédic qui mentionnent la date du 22 septembre 2008 comme étant le dernier jour travaillé.

Trop pressé de se débarrasser de Mme [L] pour les raisons qu'elle explique, le directeur de l'hypermarché U de Manosque s'est coupé en signant ces deux documents avant même de se faire remettre par l'intéressée sa lettre de démission.

Cette démission étant nécessairement équivoque, elle produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Mme [L] accusait au 22 septembre 2008 six ans et six mois d'ancienneté.

Âgée de 25 ans au moment de la rupture, l'intéressée a perdu un salaire net de 1 558 euros par mois et elle justifie d'une prise en charge par l'Assédic du 8 octobre 2008 au 31 mai 2009.

La salariée recevra les indemnités légales de rupture qu'elle réclame, dont les montants ne sont pas discutés, ainsi que l'indemnité d'un montant de 10 000 euros qu'elle réclame en réparation de son entier préjudice pécuniaire né de cette rupture illégitime de son contrat de travail.

.../...

Sur la demande en paiement de la somme de 1 400 euros au titre d'une prime de fin d'année 2008, le conseil de l'employeur s'y oppose en faisant valoir que cette prime n'est due que lorsque son bénéficiaire est présent au sein de l'entreprise au 31 décembre ; que Mme [L] ayant été radiée des effectifs à compter du 22 septembre 2008, elle ne peut prétendre au paiement de cette prime.

Cette défense sera retenue puisque l'article 3-7-2 de la convention collective nationale étendue du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, modifiée par l'avenant n° 14 du 31 janvier 2006, dispose effectivement que lorsque la prime annuelle est versée en une seule fois à la fin de l'année -comme c'est le cas en l'espèce- son bénéfice est subordonné à l'existence d'un contrat de travail en vigueur au moment de ce versement.

Si l'on ajoute à la période de présence de Mme [L] au sein de l'entreprise Jugremix deux mois au titre du préavis, cette salariée restait non titulaire d'un contrat de travail au 31 décembre 2008.

Sa demande sera en conséquence rejetée.

Sur la demande en paiement formée à l'encontre de la société 3.14 Distribution :

La salariée soutient que le directeur de la grande surface de [Localité 3] s'était acoquiné avec le directeur de la grande surface de [Localité 4] pour se débarrasser d'elle ce que ce second employeur dément fermement.

Mais à nouveau les faits sont parlants.

.../...

Lorsque ce second employeur fait signer à Mme [L] sa fiche de poste le jour même de la présentation de sa lettre de démission il lui fallait connaître sa situation de démissionnaire et il n'a pu en être informé que par le premier employeur qui avait censément pris lui-même connaissance de cette démission le jour même.

Le procédé était d'ailleurs assez astucieux car si Mme [L] avait été poussée à la démission sans retrouver immédiatement un emploi à qualification égale et à salaire égal -ce qui n'est pas le fruit du hasard- elle n'aurait peut-être pas accepté de se prêter à ce stratagème.

Lorsque enfin ce second employeur embauche Mme [L] à compter du 24 septembre 2008, cette embauche avait été précédée d'un entretien.

Cet entretien s'est déroulé selon la salariée, et le fait n'est pas contesté, le 19 septembre, alors qu'elle était encore à cette date au service de son premier employeur de [Localité 3], lequel n'a bien entendu vu aucun empêchement à la tenue de cet entretien bien que pris sur le temps de travail de la salariée.

A l'occasion de cet entretien la salariée n'est pas contredite lorsque indique que le poste lui fut immédiatement offert ce qui est contraire à toutes les pratiques d'embauche lorsque le candidat est dans les liens d'un contrat de travail.

Après la signature de son second contrat de travail il ne restait plus pour ce second employeur que de se débarrasser définitivement de la présence de Mme [L] pour rendre service au premier.

De tels procédés sont contraires à la loyauté qui sied à l'exécution du contrat de travail, peu important le fait que la rupture du second contrat de travail soit intervenue durant une période d'essai puisque la cour retient l'existence d'un abus de droit.

Ce second employeur versera à la salariée l'indemnité de 5 000 euros qu'elle lui réclame, seule à même de réparer son entier préjudice résultant d'une perte d'emploi par rupture abusive d'un contrat de travail à durée indéterminée.

Sur les demandes accessoires :

Les deux employeurs supporteront les entiers dépens et la société Jugremix versera à la salariée 1 500 euros pour ses frais non répétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 du code de procédure civile :

Infirme le jugement ;

Et, statuant à nouveau : condamne le société Jugremix à verser à Mme [L] la somme de 15 504 euros et condamne la société 3.14 Distribution à verser à Mme [L] la somme de 5 000 euros ;

Rejette la demande en paiement d'une prime annuelle ;

Condamne les deux intimées aux entiers dépens et condamne la société Jugremix à verser à Mme [L] 1 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre a
Numéro d'arrêt : 10/04554
Date de la décision : 31/03/2011

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9A, arrêt n°10/04554 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-03-31;10.04554 ?
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