COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
8e Chambre C
ARRÊT AU FOND
DU 07 AVRIL 2011
N° 2011/136
Rôle N° 09/01262
[O] [D]
[U] [X] épouse [D]
C/
SA CREDIT DU NORD
Grosse délivrée
le :
à :SIDER
MAGNAN
réf
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 08 Décembre 2008 enregistré au répertoire général sous le n° 2007F00855.
APPELANTS
Monsieur [O] [D]
né le [Date naissance 2] 1949 à [Localité 4], demeurant [Adresse 6]
représenté par la SCP SIDER, avoués à la Cour, assisté de Me NEVEU de la SCP NEVEU & CHARLES, avocats au barreau de NICE
Madame [U] [X] épouse [D]
née le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 5] (O6), demeurant [Adresse 6]
représentée par la SCP SIDER, avoués à la Cour, assistée de Me NEVEU de la SCP NEVEU & CHARLES, avocats au barreau de NICE
INTIMEE
SA CREDIT DU NORD, agissant poursuites et diligences de son Président Directeur Général en exercice, demeurant [Adresse 3]
représentée par la SCP Paul et Joseph MAGNAN, avoués à la Cour
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 25 Février 2011 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Jean-Louis BERGEZ, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Jean-Louis BERGEZ, Président
Monsieur Jean-Noël ACQUAVIVA, Conseiller
Madame Marie-Claude CHIZAT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Avril 2011.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Avril 2011,
Rédigé par Monsieur Jean-Louis BERGEZ, Président,
Signé par Monsieur Jean-Louis BERGEZ, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
LA COUR
Le 2 octobre 2007, le Crédit du Nord a fait assigner M. [O] [D] et son épouse [U] [X] en exécution d'obligations de caution souscrites en garantie d'un prêt consenti à la société ICS [D] mise en liquidation judiciaire.
M. [D], qui a subi des moins values sur un compte de titres assorti d'un mandat de gestion à orientation 'dynamique', a formé une demande reconventionnelle en indemnisation, faisant grief au Crédit du Nord, teneur du compte et mandataire, d'un manquement à l'obligation d'évaluation prescrite à l'article L 533-13 du code monétaire et financier.
Par jugement du 8 décembre 2008, le tribunal de commerce de Nice :
- a condamné les époux [D] à payer 'conjointement et solidairement' au Crédit du Nord la somme de 39 954,79€ ;
- a rejeté, dans les motifs de la décision, la demande reconventionnelle ;
- a alloué à la banque la somme de 1 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Les époux [D] sont appelants de ce jugement.
****
Vu les conclusions déposées le 17 juillet 2009 par le Crédit du Nord ;
Vu les conclusions déposées le 4 septembre 2009 par les époux [D] ;
Vu l'ordonnance de clôture du 25 janvier 2011 ;
MOTIFS DE LA DÉCISION
M. [D], qui ne conteste pas la somme réclamée au titre de son engagement de caution, fait valoir que la banque :
- lui a fait souscrire le 24 février 2000 un mandat de gestion à orientation 'dynamique' qui conférait au placement un caractère spéculatif pour être 'composé essentiellement d'actions' ;
- s'est réservée, dans le cadre du mandat de gestion, la faculté d'intervenir sur le MONEP sans lui remettre la notice afférente ;
- l'a orienté vers un mode de gestion 'totalement inadapté à son profil d'investisseur - emprunteur', faute d'avoir procédé à l'évaluation préalable prescrite à l'article L 533-13 du code monétaire et financier.
Les griefs tirés du caractère spéculatif du mode de gestion et d'un défaut de remise de la notice relative aux opérations sur le MONEP sont dépourvus de pertinence, dès lors qu'une intervention sur le marché des actions ne constitue pas en elle-même une opération spéculative et que M. [D] ne justifie, ni même n'allègue, que des opérations ont été initiées sur le MONEP.
Préalablement à la fourniture d'un service de conseil en investissement et de gestion de portefeuille, le Crédit du Nord était tenu, en vertu de l'article 58 de la loi du 2 juillet 1996 de modernisation des activités financières, devenu l'article L 533-13 du code monétaire et financier, d'un côté, de s'enquérir de la situation financière de M. [D], de son expérience en matière d'investissement et de ses objectifs en ce qui concerne les services demandés, d'un autre côté, de lui communiquer d'une manière appropriée les informations utiles.
La banque, qui doit rapporter la preuve de l'exécution de cette obligation, n'en justifie ni en se prévalant de la mention, non circonstanciée, portée sur les conditions générales du mandat selon laquelle l'objectif de gestion a été choisi à l'issue d'un entretien approfondi avec le client, ni en produisant une lettre portant proposition d'investissement, dépourvue de toute information quant à la situation financière de M. [D] et quant à son expérience en matière d'investissement, qu'elle lui aurait été adressée le 16 août 1999, ce que l'intéressé conteste.
Le préjudice qui résulte du manquement aux obligations prescrites par l'article L 533-13 du code monétaire et financier ne consiste que dans la perte d'une chance d'avoir pu, par un investissement ou une orientation de gestion plus judicieux, prévenir le dommage résultant des moins values subies par le placement.
Mais la perte de chance ne constitue un préjudice indemnisable que si la chance perdue est sérieuse, c'est à dire si la probabilité que l'événement favorable, en l'espèce un choix plus judicieux, survienne était importante.
M. [D], ancien dirigeant d'entreprise, ne justifie d'aucune protestation au cours de l'exécution du mandat de gestion quant aux pertes subies. Il n'a pas révoqué le mandat, ni réorienté l'objectif de gestion, alors que le nantissement consenti sur le compte, comme la saisie qui a été suivie d'une mainlevée, ne le privaient pas de la faculté de procéder à des opérations de gestion sur ce compte. Au surplus, il ne justifie pas de sa situation patrimoniale et n'invoque aucune circonstance de laquelle pourrait s'inférer la qualité de client non averti dont il se prévaut.
En considération de ces éléments, il n'est pas établi que M. [D] a perdu une chance sérieuse d'effectuer un choix d'investissement moins risqué.
Il s'ensuit que la demande en paiement de dommages-intérêts doit être rejetée.
Ni le mandat de gestion, ni la qualité de teneur d'un compte de titres ne confèrent au Crédit du Nord une créance sur le titulaire du compte.
Par suite, la demande tendant à la compensation entre la créance du Crédit du Nord et le solde provisoire du compte de titres, arrêté au 30 juin 2009, ne peut qu'être rejetée.
Le jugement attaqué est confirmé, sauf à ce que soit porté dans le dispositif le rejet de la demande reconventionnelle formée par M. [D] et précisé que la créance porte intérêts, à compter du 11 mars 2004, date de prononcé de la liquidation judiciaire, au taux de 6,40% dont il a été fait mention dans la déclaration de la créance au passif du débiteur principal.
M. [D], qui succombe, est condamné aux dépens.
L'équité ne commande pas, en cause d'appel, l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement attaqué,
Y ajoutant,
Dit qu'à compter du 11 mars 2004, la créance porte intérêts au taux de 6,40%,
Rejette la demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts formée par M. [O] [D],
Dit n'y avoir lieu en appel à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [O] [D] aux dépens,
Vu l'article 699 du code de procédure civile,
Autorise, si elle en a fait l'avance sans avoir reçu provision, la SCP d'avoués Magnan - Magnan à recouvrer les dépens d'appel directement contre M. [O] [D].
Le Greffier Le Président