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12/04/2011 | FRANCE | N°09/04388

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre c, 12 avril 2011, 09/04388


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre C



ARRÊT AU FOND



DU 12 AVRIL 2011



N° 2011/ 283













Rôle N° 09/04388





[C] [A]





C/



S.N.C EIFFAGE CONSTRUCTION PROVENCE









































Grosse délivrée le :



à :



-Me Vincent POINSO, avocat au barreau de MARSEILLE





-Me Michel FRUCTUS, avocat au barreau de MARSEILLE







Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 25 Février 2009, enregistré au répertoire général sous le n° 08/702.







APPELANT



Monsieur [C] [A], demeurant [Adresse 1]



comparant en personne, assisté...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre C

ARRÊT AU FOND

DU 12 AVRIL 2011

N° 2011/ 283

Rôle N° 09/04388

[C] [A]

C/

S.N.C EIFFAGE CONSTRUCTION PROVENCE

Grosse délivrée le :

à :

-Me Vincent POINSO, avocat au barreau de MARSEILLE

-Me Michel FRUCTUS, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 25 Février 2009, enregistré au répertoire général sous le n° 08/702.

APPELANT

Monsieur [C] [A], demeurant [Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Vincent POINSO, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

S.N.C EIFFAGE CONSTRUCTION PROVENCE, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Michel FRUCTUS, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 22 Février 2011 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur Christian BAUJAULT, Président

Monsieur Jean-Claude DJIKNAVORIAN, Conseiller

Monsieur Patrick ANDRE, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Avril 2011.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Avril 2011.

Signé par Monsieur Christian BAUJAULT, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [C] [A] a été embauché en qualité de directeur de projet par la société SOLGEC, filiale du groupe EIFFAGE selon contrat à durée indéterminée en date du 5 juin 2001.

Son poste initial de travail était basé à [Localité 5], et le 1er juin 2007, il a été muté à [Localité 4].

L'emploi est soumis à la convention collective nationale des cadres des travaux publics.

Le 2 janvier 2008, M. [C] [A] a été convoqué pour un entretien préalable par la SNC EIFFAGE CONSTRUCTION PROVENCE en vue d'un éventuel licenciement qui s'est tenu le 9 janvier 2008, suivi d'une lettre du 11 février 2008 l'informant de sa mutation sur la région centre-est.

Par lettre du 19 février 2008, M. [C] [A] a fait part à son employeur de son refus de mutation.

Le 21 février 2008, il a été à nouveau convoqué pour un entretien préalable qui a eu lieu le 29 février 2008.

Le 6 mars 2008, M. [C] [A] a fait l'objet d'un licenciement pour faute grave.

Le 11 mars 2008, M. [C] [A] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Marseille pour contester cette mesure et demander à l'encontre de son employeur le règlement des sommes dues.

Par jugement en date du 25 février 2009, le Conseil de Prud'hommes de Marseille a:

- dit que le licenciement de M. [C] [A] était pour cause réelle et sérieuse,

- condamné l'employeur à lui payer les sommes suivantes:

- indemnité de préavis : 18.000 euros

- indemnité de congés payés sur préavis: 1.800 euros

- indemnité de licenciement : 27.295,02 euros,

- frais irrépétibles: 1.000 euros.

En outre, l'employeur a été condamné à remettre les documents légaux.

Par lettre recommandée avec accusé de réception expédiée le 3 mars 2009 et reçue au greffe de la cour d'appel le 4 mars 2009, M. [C] [A] a interjeté appel, sauf en ce qui concerne le caractère de gravité de la faute et le principe de la condamnation subséquente (préavis, congés payés afférents, indemnité de licenciement).

Lors de l'audience du 2 février 2010, l'intimée a demandé que l'affaire soit examinée en formation collégiale, et un renvoi a dû être ordonné en conséquence.

Au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats, et auxquelles la Cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués, M. [C] [A] demande l'infirmation du jugement, sauf en ce que le jugement critiqué a écarté la faute grave. Il conteste en fait le caractère réel et sérieux de la mesure de licenciement qu'il qualifie à la fois de nul, sans cause réelle et sérieuse, et abusif. Il soutient que la lettre de mutation sanction du 11 février 2008 à l'entretien préalable est nulle pour ne pas avoir respecté le délai légal de cinq jours ouvrables. Il réclame les sommes suivantes:

- indemnité de préavis : 34.503 euros

- indemnité de congés payés sur préavis: 3.450 euros

- indemnité de licenciement : 47.293 euros,

- indemnité au titre de la nullité de la mutation sanction: 15.000 euros

- prime prévue le 25 juin 2007: 25.000 euros

- indemnité pour non respect procédure: 8.708 euros

- dommages intérêts pour licenciement abusif : 276.000 euros,

- frais irrépétibles: 3.000 euros.

Il demande la remise des documents légaux.

Au visa de ses conclusions écrites et réitérées lors des débats, et auxquelles la Cour se réfère quant aux prétentions et moyens invoqués, la SNC EIFFAGE CONSTRUCTION PROVENCE demande l'infirmation du jugement en ce que celui-ci a écarté la faute grave imputée au salarié. Elle réclame la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Subsidiairement, elle demande la confirmation du jugement et réitère l'allocation de la même somme au titre de ses frais irrépétibles.

A l'appui de ses demandes, elle soutient que la procédure de licenciement a été respectée, y compris en ce qui concerne la procédure disciplinaire relative à la sanction retenue contre le salarié pour refus de mutation.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l'appel

L'examen des éléments produits aux débats tant en ce qui concerne la formalité de la déclaration d'appel que le respect du délai légal applicable à ce recours, au regard de la date de notification du jugement, rend cet appel recevable en la forme.

Sur la sanction disciplinaire selon lettre du 11 février 2008

* - en ce qui concerne le respect du délai entre la convocation et l'entretien préalable

L'article L1232-2 du code du travail retient que l'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable. La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation. L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation.

En l'espèce, la lettre de convocation de M. [A] du 2 janvier 2008 en vue d'un entretien préalable prévu le 9 janvier 2008 avait pour objet une mesure de licenciement du salarié comme l'indique ce courrier. De ce fait, s'il est tenu compte de la date de première présentation de la lettre le lendemain 3 janvier 2008 et du 6 janvier 2008 seul jour non ouvrable, le respect du délai susvisé impliquait en principe un entretien préalable au plus tôt le 10 janvier 2008 seulement.

Toutefois, au regard des règles énoncées par les article L 1235-2, L 1332-2, et R 1332-1 et suivants du code du travail, dans la mesure où le licenciement n'a pas été prononcé à l'encontre du salarié dans la suite de cet entretien, et où aucun délai n'est prévu par la loi en ce qui concerne la date de fixation de l'entretien préalable afférent à une autre sanction disciplinaire, le délai de quatre jours écoulé entre la convocation et l'entretien préalable devant être considéré comme suffisant pour permettre au salarié de préparer sa défense, il n'existe aucun motif pour considérer que la procédure de convocation à l'entretien préalable le 9 janvier 2008 qui a donné lieu au prononcé de la mutation à titre de sanction est irrégulière.

Il s'ensuit que la demande d'indemnisation n'est pas fondée.

* - en ce qui concerne le respect du délai entre l'entretien préalable et la notification de la sanction

L'article L1332-2 du code du travail dispose que lorsque l'employeur envisage de prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l'objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n'ayant pas d'incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l'entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié. Au cours de l'entretien, l'employeur indique le motif de la sanction envisagée et recueille les explications du salarié. La sanction ne peut intervenir moins d'un jour franc, ni plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien. Elle est motivée et notifiée à l'intéressé.

L'article R1332-3 précise que le délai d'un mois prévu à l'article L. 1332-2 expire à vingt-quatre heures le jour du mois suivant qui porte le même quantième que le jour fixé pour l'entretien. A défaut d'un quantième identique, le délai expire le dernier jour du mois suivant à vingt-quatre heures. Lorsque le dernier jour de ce délai est un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, le délai est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant.

En l'espèce, il n'est pas remis en cause que la décision par lettre du 11 février 2008 de la SNC EIFFAGE CONSTRUCTION PROVENCE de sanctionner M. [A] par une mutation dans la région Centre-Est à compter du 15 février 2008 a donné lieu à expédition pour notification le jour même, M. [A] ayant indiqué qu'il en avait été destinataire le 13 février 2008.

Or, au visa des règles susvisées, notamment en ce qui concerne la computation des délais alors que le 9 février 2008 correspond à un samedi, il ne peut être reproché à l'employeur la notification de la sanction selon lettre du 11 février 2008, la date de présentation de la notification au salarié, contrairement à l'argumentation de l'appelant, n'étant pas le critère pour apprécier le respect de ce délai.

Par conséquent, le moyen soulevé par M. [A] n'est pas fondé.

* - en ce qui concerne les motifs de la sanction de mutation

La lettre du 11 février 2008 notifiée au salarié et lui faisant part de la décision de le muter dans la région Centre-est où celui-ci avait été affecté jusqu'en mai 2007, et ce à effet du 15 février 2008 fait référence au comportement inacceptable de M. [A] face à des décisions prises par sa hiérarchie, et plus particulièrement dans le cadre de l'étude de prix concernant l'opération de la Timone dont il assurait la direction du projet. Il lui était reproché de ne pas avoir su fédérer les équipes et d'avoir créer une animosité entre ces dernières et les partenaires ce qui aurait eu pour conséquence de faire déclarer l'offre du groupement non conforme aux exigences du code des marchés publics. Il lui est reproché d'avoir à ce titre contesté vivement et de manière anormale la décision des présidents de la société EIFFAGE CONSTRUCTION, de FORCLUM, et d'avoir imposer le choix du sous-traitant du lot 'électricité' pour un marché d'environ 25 M euros, et ce au détriment de la société FORCLUM représentant la branche électricité du groupe auquel appartient l'intimée. La lettre ajoute que le salarié aurait fait part de son refus de poursuivre sa mission et se serait absenté par un rendez vous dans la région Rhône Alpes pour pouvoir se retirer de son travail, et à la suite de cette réaction qualifiée d'épidermique, à l'issue d'une réunion du 17 octobre 2007, aurait entretenu des relations exécrables avec la direction et les partenaires dont le directeur régional de FORCLUM MEDITERRANEE [J] [U], le président de BEC CONSTRUCTION, [G] [Y] et sa hiérarchie, en la personne de [Z] [V].

Il est rappelé, au visa de l'article L 1332-4 du contrat de travail, qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

Pour justifier le défaut de prescription des faits sanctionnés et s'opposer à l'argumentation de M. [A], la société EIFFAGE CONSTRUCTION invoque principalement la lettre du 23 novembre 2007 transmise par le directeur de l'architecture et du patrimoine de l'Assistance publique des Hôpitaux de [Localité 4], soit dans le délai de deux mois précédent la convocation à l'entretien préalable, correspondance qui fait état, après examen par la commission d'appel d'offres le 6 novembre 2007, de la non conformité de l'offre à laquelle participait l'intimée pour la construction d'un bâtiment médico-technique.

Toutefois, s'il est constant que M. [A] avait en charge la direction du projet à propos duquel l'offre présentée dans le cadre des règles en matière de marchés publics a été écartée par cette commission, il ne peut se déduire de cette seule correspondance que les faits fautifs reprochés au salarié soient directement en relation avec cette décision qui se limite à retenir que l'offre du groupement n'était pas conforme aux exigences du code des marchés publics.

La lettre transmise ultérieurement par cette administration le 3 avril 2008, n'est pas de nature à remettre en cause ce qui précède dans la mesure où il est indiqué que l'offre ne présentait pas les exigences à caractère substantiel pour la poursuite de la procédure, sans qu'il soit indiqué les motifs par rapport au travail effectué par le salarié. De plus, il ne peut se déduire de ces correspondances l'origine des problèmes qui ont pu conduire à cette décision, et qui en tout état de cause sont antérieurs au 6 novembre 2007, date de la réunion de la commission.

Par contre, au vu de la lettre du 29 octobre 2007 transmise par le directeur de l'architecture et du patrimoine de l'Assistance publique des Hôpitaux de [Localité 4] à l'intimée, il est déjà établi qu'à cette date, celle-ci ne pouvait méconnaître le caractère incomplet du dossier dû au fait, indépendamment des raisons exactes, que la société FORCLUM ne justifiait pas de sa capacité à s'engager, et qu'elle-même, comme la société SNEF, n'avaient pas produits les certificats de capacité. De même, au vu d'un courriel du même jour, soit également au-delà du délai de prescription de deux mois, par rapport au 2 janvier 2008, l'intimée était présumée être déjà informée que l'acte d'engagement n'avait pas été signé par l'ensemble des partenaires du groupement, ce fait étant suffisant, si elle estimait qu'il était la conséquence d'un fait fautif imputable à M. [A], pour demander lui des explications dans les formes qu'elle entendait prendre.

De plus, l'analyse de l'ensemble des autres éléments et pièces produits par la société EIFFAGE CONSTRUCTION PROVENCE ne permet pas d'identifier des faits susceptibles d'avoir été commis ou constatés dans le strict délai non couvert par la prescription, y compris par réitération de faits antérieurs, et qui pourraient être mis à la charge de l'appelant dans le cadre du dépôt de l'offre susvisée.

Dans son attestation du 14 novembre 2008, M. [P], ingénieur de la société EIFFAGE, qui indique avoir travaillé sous les ordres de M. [A] jusqu'en décembre 2007 évoque les différences d'orientation et incompatibilités d'humeur entre ce dernier et sa hiérarchie dans le cadre de l'élaboration du projet relatif au marché programmé avec l'Assistance publique des Hôpitaux de [Localité 4], mais ne retient aucun fait précis postérieur qui permette de justifier la réalité de griefs, même réitérés au cours de la période non prescrite.

M. [F], responsable qualité et environnement, évoque les propos critiques du salarié envers sa hiérarchie, sans préciser la période, de telle sorte qu'il n'est pas établi que le comportement décrit à propos de M. [A] ait été constaté au cours de la période non prescrite.

Dans ses deux attestations du 18 novembre 2008, M. [D], directeur commercial de la société EIFFAGE, fait également mention des propos critiques tenus par l'appelant envers sa hiérarchie, en faisant référence à la période de fin d'année 2007, début 2008, mais lie toutefois les commentaires de M. [A] au déroulement des travaux afférents au projet susvisé, par rapport au choix du partenaire de l'employeur de telle sorte qu'il n'est pas établi que ces faits se soient situés dans la période non prescrite. En outre, à supposer que les critiques aient été évoquées postérieurement au 2 novembre 2007, les déclarations de M. [A] auprès d'un autre cadre, aussi critiques qu'elles aient pu être, ne peuvent s'inscrire dans les griefs retenus dans la lettre du 11 février 2008, qui font état d'une animosité entre les équipes et les partenaires, ou d'une contestation anormale des décisions de la direction, impliquant dans ce dernier cas une contestation manifestée directement à l'égard de la hiérarchie, et non à travers des propos échangés entre cadres de la société.

L'attestation de M. [E], ingénieur de EIFFAGE, n'apporte aucun élément supplémentaire à ce qui précède et ne permet pas d'établir un comportement fautif de M. [A].au cours de la période non prescrite. En effet, le rapprochement de ce témoignage avec celui établi par courriel par cette même personne en date du 6 mars 2008, conduit à retenir que leur collaboration a principalement eu lieu entre avril et juillet 2007, alors que M. [A] avait été nommé provisoirement sur un chantier à [Localité 3].

L'attestation établie le 25 novembre 2008 par [G] [L], directeur de travaux, qui fait référence à la période du chantier d'[Localité 3], ne fait mention d'aucun fait constaté lors de la période non prescrite.

L'attestation du 24 novembre 2008 de [W] [S], directeur administratif et financier d'EIFFAGE, qui se contente de faire état du comportement de M. [A] lors de l'élaboration du projet de marché avec l'Assistance publique des Hôpitaux de [Localité 4] ne donne aucune autre indication de nature à établir un grief afférent à la période non prescrite.

L'attestation de [K] [O] directeur département études et prix d'EIFFAGE, ne mentionne aucune référence de période concernant le comportement de M. [A] tel qu'il le décrit, et ajoute qu'il n'a jamais et de relations professionnelles directes avec l'appelant puisqu'ils n'intervenaient l'un et l'autre sur le même secteur.

M. [U], directeur régional de FORCLUM, témoigne le 26 novembre 2008 en évoquant le déroulement du projet pour l'Assistance publique des Hôpitaux de [Localité 4] et pour lequel son employeur était le partenaire de l'intimée. Aussi virulents qu'aient pu être les propos de M. [A] sur sa hiérarchie selon ce témoin, il n'est nullement établi que ce comportement se réfère à la période non prescrite, d'autant qu'il fait le lien entre ses déclarations et le rejet de l'offre qui a été faite à l'Assistance publique des Hôpitaux de [Localité 4].

La même analyse doit être retenue pour la correspondance de M. [Y], représentant de la société BEC CONSTRUCTION, lequel ne précise pas la date de l'entretien qu'il a eu avec M. [A].

Par ailleurs, les attestations des personnes qui relatent les déclarations de l'appelant lors de l'entretien préalable du 9 février 2008, et a fortiori pour celui du 29 février 2008, ne sauraient être invoquées pour établir la réalité d'une faute commise antérieurement par le salarié à l'origine de la sanction de mutation, et encore plus les témoignages qui se fondent sur des faits postérieurs (attestation de M. [H]).

Il résulte donc de ce qui précède que la société EIFFAGE CONSTRUCTION PROVENCE est mal fondée à considérer qu'elle n'a eu connaissance des faits imputés au salarié que dans la seule période non couverte par la prescription, les correspondances du 29 octobre 2007 présumant du contraire, et n'établit pas de nouveaux faits, voire un réitération de faits antérieurs dans la période précédant les deux mois de la convocation à l'entretien préalable.

Par conséquent, il doit être retenu que la démonstration de la réalité des faits fautifs reprochés au salarié dans la seule période non couverte par la prescription n'est pas établie et que la sanction disciplinaire retenue contre M. [A] par sa mutation dans une autre région n'est pas fondée.

Sur le licenciement

Le contenu de la lettre de licenciement en date du 6 mars 2008 qui fixe les limites du litige évoque l'échec résultant de la non conformité de l'offre relative au projet susvisé rejeté pour non conformité au code des marchés publics, qui aurait mis en évidence les divergences entre les parties et conduit à la prise de sanction de mutation, constate le refus du salarié exprimé par lettre du 19 février 2008 de prendre ses fonctions sur le lieu de sa nouvelle affectation, qu'elle analyse comme l'opposition à exécuter le contrat de travail, avant de faire part au salarié de sa décision de licenciement pour faute grave, sans qu'il y ait eu mise à pied à la suite de l'entretien préalable du 29 février 2008.

Or, outre le fait que le licenciement ne peut être fondé sur les motifs déjà évoqués dans le cadre de la sanction disciplinaire qui ont a eu pour effet d'épuiser le pouvoir disciplinaire de l'employeur sur ces faits, dans la mesure où la sanction de mutation qui reposait sur des faits couverts par la prescription ou n'étaient pas établis, n'était pas justifiée, M. [A] était, en ce qui le concerne, fondé à s'opposer à une modification du contrat de travail du fait d'un changement du lieu d'exercice de son emploi sans son accord.

Il s'ensuit que non seulement la faute grave retenue à son encontre n'est pas fondée, mais le licenciement qui repose sur ce refus est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les incidences indemnitaires

* - indemnité de préavis

Au visa des articles L 1234-1 et L 1234-5 du code du travail, et tenant compte de l'ancienneté dans l'entreprise et du salaire brut perçu à la date du licenciement, en l'absence de contestation de l'indemnité réclamée par le salarié sur la base des revenus annuels perçus et justifiés aux débats, M. [A] est en droit de prétendre à la somme de 34.503 euros, de telle sorte que le jugement doit être infirmé sur ce point, la somme de 3.450 euros en plus au titre des congés payés afférents.

* - indemnité de licenciement

Au visa des articles L 1234-9 et suivants du code du travail, ainsi que de la convention collective applicable à l'espèce, en l'absence de contestation de l'employeur sur ce point, M. [A] a droit à une indemnité de 47.293 euros.

* - en ce qui concerne la prime

Le contrat de travail stipulait le versement en faveur du salarié d'une gratification annuelle équivalente à un mois de salaire pour douze mois de présence au titre de l'année civile, laquelle devait être calculée prorata temporis.

M. [A] réclame à ce titre la somme de 25.000 euros en soutenant que l'absence invoquée par l'employeur résulte du licenciement injustifié.

L'intimée s'oppose à cette demande en faisant valoir que le salarié n'était pas présent au moment du versement de la prime.

En effet, tenant compte de la date d'expiration du préavis consécutif au licenciement du 6 mars 2008, M. [A] ne peut justifier d'une présence dans l'entreprise au terme de l'année civile 2008.

Le fait que le licenciement soit considéré comme injustifié ne peut dans ce cas que donner lieu à une indemnisation au titre des incidences financières qui en résultent.

* - indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse

M. [A] fait valoir une perte de revenus du fait de son licenciement, compte tenu des avantages dont il bénéficiait dans son emploi, son âge, la difficulté pour retrouver un emploi équivalent, et le préjudice sur ses points de retraite qui ne lui permettrait de ne percevoir qu'une somme évaluée à 2.000 euros par an sur 18 ans, soit 36.000 euros. Il réclame la somme de 276.000 euros à titre de dommages intérêts correspondant selon lui à deux années de salaire.

Au visa de l'article L 1235-3 du code du travail applicable en l'espèce, et tenant à l'ancienneté du salarié de 6 ans et demi, à son âge, sa qualification, et à sa rémunération, ainsi qu'aux circonstances de la rupture, et de tous éléments de préjudice soumis à appréciation, il convient de fixer l'indemnité à la somme de 95.000 euros, de telle sorte que le jugement infirmé sur ce point.

En application de l'article L 1235-4 du code du travail, à partir des éléments produits par la salariée, l'employeur devra rembourser à l'organisme intéressé les indemnités de chômage versées à cette dernière dans la limite du plafond prévu par ce texte.

Sur la demande de remise des documents légaux

Aucun motif ne s'oppose à cette demande, sans qu'il soit opportun de prévoir une astreinte à la charge de l'employeur.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile

L'équité justifie au regard des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile de faire droit à la demande de M. [C] [A] à hauteur de la somme de 2.000 euros.

Par contre, au visa du même principe d'équité, la demande de la SNC EIFFAGE CONSTRUCTION PROVENCE n'est pas fondée.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par décision prononcée par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en matière prud'homale,

Déclare l'appel recevable en la forme.

Infirme le jugement du 25 février 2009 du Conseil de Prud'hommes de Marseille, sauf en ce qui concerne les irrégularités soulevées à propos de la procédure disciplinaire initiale, les frais irrépétibles et la délivrance des documents légaux.

Statuant à nouveau sur les points infirmés

Dit n'y avoir lieu à déclarer le licenciement de M. [C] [A] nul.

Dit le licenciement de M. [C] [A] dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Condamne la SNC EIFFAGE CONSTRUCTION PROVENCE à payer à M. [C] [A] les sommes suivantes:

- indemnité de préavis : 34.503 euros

- indemnité de congés payés sur préavis: 3.450 euros

- indemnité de licenciement : 47.293 euros,

- prime prévue le 25 juin 2007: 25.000 euros

- dommages intérêts pour licenciement abusif : 95.000 euros,

Déboute M. [C] [A] de sa demande au titre de la prime annuelle.

Y ajoutant

Ordonne le remboursement par la SNC EIFFAGE CONSTRUCTION PROVENCE au profit de l'organisme intéressé des indemnités de chômage que celui-ci a versées au salarié dans la limite du plafond prévu par l'article L 1235-4 du code du travail,

Dit qu'une copie de la présente décision sera transmise à Pôle emploi par les soins du greffe.

Condamne la SNC EIFFAGE CONSTRUCTION PROVENCE à payer à M. [C] [A] la somme de DEUX MILLE CINQ CENTS EUROS (2.000 euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de la SNC EIFFAGE CONSTRUCTION PROVENCE en cause d'appel.

Condamne la SNC EIFFAGE CONSTRUCTION PROVENCE aux dépens de l'instance.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre c
Numéro d'arrêt : 09/04388
Date de la décision : 12/04/2011

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9C, arrêt n°09/04388 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-04-12;09.04388 ?
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