COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 13 AVRIL 2011
N°2011/
Rôle N° 10/17721
[L] [F]
C/
SAS TOPPAN PHOTOSMASKS FRANCE
Grosse délivrée le :
à :
Me Philippe RAFFAELLI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Me Johann SULTAN, avocat au barreau de PARIS
réf
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE en date du 30 Septembre 2008, enregistré au répertoire général sous le n° 07/726.
APPELANT
Monsieur [L] [F], demeurant [Adresse 4]
représenté par Me Philippe RAFFAELLI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
SAS TOPPAN PHOTOSMASKS FRANCE venant aux droits de la Société DUPONT PHOTOMASKS FRANCE, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Johann SULTAN, avocat au barreau de PARIS
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 16 Février 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Brigitte BERTI, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Alain BLANC, Conseiller faisant fonction de Président
Madame Brigitte BERTI, Conseiller
Madame Françoise GAUDIN, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Avril 2011.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé(e) par mise à disposition au greffe le 13 Avril 2011
Signé par Madame Brigitte BERTI, Conseiller et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
M. [F] a été employé par la société DUPONT PHOTOMASKS en qualité de technicien à compter du 10 juin 1983 suivant contrat de travail à durée indéterminée. Il a été licencié le 13 juillet 2004 pour motif économique dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi en date du 12 mai 2004.
La société TOPPAN PHOTOMASKS FRANCE a succédé à la société DUPONT PHOTOMASKS en raison du rachat de celle-ci par le groupe japonais TOPPAN le 28 mars 2005.
Suivant jugement rendu le 30 septembre 2008 le Conseil de Prud'hommes d'AIX-EN-PROVENCE a :
Dit le licenciement de M. [F] fondé pour motif économique
Débouté M. [F] de l'ensemble de ses demandes
M. [F] a relevé appel de cette décision par acte du 21 octobre 2008 dont la régularité n'est pas contestée.
Suivant arrêt en date du 8 septembre 2010, il a été sursis à statuer dans l'attente de la décision de la Cour de Cassation relative à la contestation de leur licenciement économique par quarante et un salariés de la société TOPPAN PHOTOMASKS FRANCE concernés par un plan de sauvegarde de l'emploi en date du mois de février 2003.
L'affaire a été remise au rôle de cette Cour sur requête de M. [F] en date du 27 septembre 2010.
Vu les conclusions de M. [F] développées oralement à l'audience par lesquelles il est demandé à la Cour de :
« INFIRMER le jugement déféré.
CONDAMNER la société TOPPAN PHOTOMASKS à payer à Monsieur [F] avec intérêts légaux à compter du jour de la demande en Justice, les sommes suivantes :
' la somme de 521,95 € à titre d'arriéré de prime d'ancienneté depuis le mois de février 2002,
' la somme de 2.378,22 € à titre d'arriéré de prime «data prép» à partir du mois de juillet 2002,
' la somme de 290,01 € à titre d'arriéré d'indemnité de congés payés par incidence
.DIRE ET JUGER que le Plan de Sauvegarde de l'Emploi du 26 avril 2004 est insuffisant et que par voie de conséquence le licenciement économique de Monsieur [F] est nul.
.CONDAMNER la société TOPPAN PHOTOMASKS à payer à Monsieur [F] les sommes suivantes :
' indemnité au titre de l'article L 122-14-4 alinéa 1 du Code du Travail Ancien pour nullité du licenciement 35.000,00 €
' dommages et intérêts pour infraction à l'article 40 de la C.C. 2 838,57 €
' dommages et intérêts pour harcèlements et discriminations 5.000,00 €
' indemnité au titre de l'article 700 du CPC 2.500,00 € »
Vu les conclusions de la société TOPPAN PHOTOMASKS FRANCE développées oralement à l'audience par lesquelles il est demandé à la Cour de confirmer le jugement entrepris, de débouter M. [F] de l'ensemble de ses demandes et de condamner celui-ci au paiement de la somme de 7.000 € pour frais irrépétibles.
MOTIFS DE LA DECISION
Dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi du mois de février 2003, M. [F] a sollicité de pouvoir bénéficier des dispositions dudit plan relatives au départ volontaire afin de créer sa propre entreprise, et ce, en vain, son poste n'étant alors pas supprimé ;
M. [F] s'est trouvé en position d'arrêt de travail pour maladie à compter du 28 avril 2003 et n'a pas repris son poste ;
Le 28 mai 2004, M. [F] s'est à nouveau porté volontaire à son licenciement pour motif économique au bénéfice des mesures prévues par le nouveau plan de sauvegarde de l'emploi, ayant le projet de créer une entreprise de plomberie/chauffagerie ;
Sur le licenciement :
M. [F] soutient que le motif économique tiré de la persistance des difficultés économiques et financières invoquée par la société DUPONT PHOTOMASKS postérieurement au plan de sauvegarde de l'emploi du 21 février 2003 est dépourvu de sincérité, s'agissant, en réalité, de « purger » l'entreprise d'une partie de son personnel afin de la rendre attractive aux acquéreurs ;
Il ressort des documents versés aux débats que la société DUPONT PHOTOMASKS a perdu, dès 2002, deux de ses principaux clients, ST MICRO ELECTRONICS et IBM ; qu'il s'en est suivi diverses mesures afin d'adapter l'entreprise à la crise économique traversée par le marché du semi-conducteur, entraînant une forte baisse de son activité ;
Postérieurement au plan de sauvegarde de l'emploi mis en place courant février 2003, la société DUPONT PHOTOMASKS a du faire face à la décision du client dénommé société INFINEON, qui représentait 30 % de l'activité du site de Rousset, de transférer ses commandes sur le site de Hambourg ;
La société TOPPAN PHOTOMASKS FRANCE justifie d'une perte de 16 % du chiffre d'affaires de la société DUPONT PHOTOMASKS pour l'exercice social 2004 et d'un résultat déficitaire de 9.614.391 € ;
Ce qui a amené cette dernière à présenter un plan de sauvegarde de l'emploi le 12 mai 2004, neuf postes de travail sur le site de Rousset étant affectés par la réorganisation envisagée ;
Par ailleurs, la cession de l'entreprise au groupe TOPPAN est intervenue fin mars 2005, délai qui ne permet pas de retenir la thèse de M. [F] relative à une prétendue volonté de « purger » l'entreprise ;
Enfin, la société TOPPAN PHOTOMASKS FRANCE justifie également des résultats déficitaires du groupe auquel appartenait la société DUPONT PHOTOMASKS pour les exercices 2002 à 2004 ;
M. [F] ajoute qu'il était jusqu'en janvier 2002 technicien interface au service des clients ; qu'il n'a jamais accepté officiellement son déclassement au poste de technicien interface à la gestion des commandes et que dans le cadre des tentatives de reclassement organisées par l'employeur, un poste de technicien interface au service des clients lui a été proposé, ce qui démontre, selon lui, que ledit poste, qui était, en réalité, resté le sien, n'a pas été supprimé ;
Toutefois, les tâches effectuées par M. [F] au moment de son licenciement correspondaient à un poste de technicien interface à la gestion des commandes dont la suppression n'est pas contestée ;
Dès lors, la réalité de difficultés économiques ayant entraîné la suppression du poste occupé par M. [F] est avérée ;
La lettre de rupture du 29 juin 2004 est ainsi libellée :
« Dans le cadre d'une mesure de licenciement collectif, telle que présentée au Comité d'Entreprise de Rousset le 12 mai 2004, nous sommes au regret de vous notifier par la présente votre licenciement pour motif économique.
La date de première présentation de cette lettre fixera le point de départ du préavis de 3 mois au terme duquel votre contrat de travail sera définitivement rompu.
Nous vous précisons cependant que nous vous dispensons de l'exécution du préavis et que vous percevrez donc au mois le mois l'indemnité compensatrice correspondante.
Depuis plus de 2 ans, la société connaît de graves difficultés économiques et financières persistantes, en termes de niveau d'activité et en termes de chiffre d'affaires. La décision récente du client principal de Dupont Photomasks de placer toutes ses commandes à Hambourg représente une nouvelle épreuve économique et sociale pour la société dans le prolongement des mesures de réorganisation industrielle mises en place en 2002.
La société est par conséquent contrainte de supprimer 9 postes qui sont directement ou indirectement impactés par le transfert de charge imposé par ce client.
A ce titre, vous vous êtes porté volontaire le 28 mai 2004 pour être licencié économique. Après acceptation de votre volontariat, nous vous avons proposé lors de notre entretien préalable du 25 juin 2004, un reclassement interne à Hambourg sur le poste de technicien interface et gestion des commandes
Vous avez refusé cette offre de reclassement le 28 juin 2004.
Nous vous avons par ailleurs, en date du 29 juin 2004, proposer un reclassement interne au poste de technicien service Client à Rousset que vous avez également refusé en date du 2 juillet 2004. »
M. [F] fait valoir que le plan de sauvegarde de l'emploi du mois de février 2003 a été jugé insuffisant par cette Cour comme ne donnant aucune indication quant aux postes disponibles dans les centres situés à l'étranger, la Cour de Cassation ayant rejeté le pourvoi formé par la société TOPPAN PHOTOMASKS FRANCE, et qu'il en ira de même pour le plan de sauvegarde de l'emploi du 12 mai 2004 qui n'est que le calque du précédent ;
A cet égard, le plan de sauvegarde de l'emploi en cause indique le nombre et la nature des postes proposés à HAMBOURG dans le cadre du transfert de postes supprimés à ROUSSET, avec diverses mesures d'accompagnement ;
Dès lors, les mesures de reclassement interne, assorties d'une procédure d'actualisation vers les sites de [Localité 3] et de [Localité 2], proposées par l'employeur apparaissent les plus aptes à maintenir l'emploi des salariés concernés dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi précité ;
M. [F] ajoute que, s'agissant du reclassement externe, il n'est pas envisagé avant le licenciement comme l'exige la convention collective applicable mais après et seulement au moyen de la mise en place d'un espace emploi-mobilité dont la mission a été limitée à neuf mois ;
A cet égard, et compte tenu du nombre de postes affectés (9) par le plan de sauvegarde de l'emploi, l'employeur a pu de manière légitime favoriser les mesures de reclassement interne ;
Par ailleurs, contrairement à ce que soutient M. [F], il n'apparaît pas que la cellule de reclassement n'a pas disposé des moyens nécessaires puisqu'au-delà de la durée de neuf mois initialement prévue, celle-ci a été prolongée au moins jusqu'au 23 février 2006, comme en justifie le dernier rapport de la commission de suivi qui démontre également la réalité de l'application des engagements pris par l'employeur dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi :
Compte tenu de l'ensemble des mesures qu'il contient, le plan de sauvegarde de l'emploi est suffisamment précis quant aux possibilités de reclassement des salariés tant en interne à l'intérieur du groupe qu'en externe ;
Doit en découler la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [F] en sa demande de nullité du licenciement ;
Sur la priorité de réembauchage :
La lettre de licenciement mentionne une telle priorité pour une durée d'une année au lieu de deux en application de la convention collective ;
Le défaut de mention exacte quant aux conditions de mise en 'uvre de ladite priorité cause nécessairement un préjudice au salarié que la Cour estime devoir réparer, en l'espèce, à hauteur de 500 € ;
Les créances indemnitaires ne produisent intérêts moratoires que du jour de leur fixation judiciaire et, il n'y a pas lieu, en l'espèce, de faire remonter, à titre d'indemnisation complémentaire, le point de départ du cours des intérêts au jour de la demande en justice ;
Sur le harcèlement et les discriminations :
M. [F] fait valoir qu'il a été contraint de saisir le juge des référés afin d'obtenir l'aide à la création d'entreprise de 20.000 € qui lui était promise dans le plan de sauvegarde de l'emploi ;
A cet égard, la société TOPPAN PHOTOMASKS FRANCE justifie que la commission de suivi composée de manière paritaire avait estimé en octobre 2005 que le projet professionnel de l'intéressé n'était « ni complet ni solide » ;
Sans attendre les indications dudit organisme afin de faire le point sur son dossier, M. [F] a saisi le juge des référés qui a condamné l'employeur à lui verser la somme susvisée à titre provisionnel ;
Une telle situation ne saurait révéler une attitude discriminatoire de l'employeur vis-à-vis de M. [F] ;
Le changement d'affectation de M. [F] intervenu en 2002 ne constitue pas une disqualification dans la mesure où son coefficient et son niveau hiérarchiques n'ont pas été modifiés, sa rémunération brute de base ayant été augmentée et la prime « data prep », dont le versement a été supprimé de manière progressive, correspondant à une sujétion particulière attachée au poste de technicien interface service clients ;
Il ne s'agit donc pas d'un fait permettant de présumer l'existence d'un harcèlement ;
Pas plus que le contrôle médical du 25 avril 2003 qui constitue un droit pour l'employeur ;
Par une exacte analyse des faits, les premiers juges ont rejeté les arguments de M. [F] relatifs au remboursement des frais de stage et aux chèques de bons d'achat ;
Doit en découler la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [F] de sa demande de dommages et intérêts ;
Par des motifs pertinents que la Cour approuve, les premiers juges ont débouté M. [F] en ses demandes en paiement d'arriérés de prime d'ancienneté et de prime « data prep ».
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
- Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté M. [F] en sa demande de dommages et intérêts pour défaut de mention exacte de la priorité de réembauchage,
Et statuant à nouveau de ce chef,
- Condamne la société TOPPAN PHOTOMASKS FRANCE à payer à M. [F] la somme de 500 € à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de la notification du présent arrêt,
- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- Condamne la société TOPPAN PHOTOMASKS FRANCE aux entiers dépens.
Le GreffierPour le Président empêché
Madame Brigitte BERTI, Conseiller
En ayant délibéré