COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
1re Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 14 AVRIL 2011
FG
N° 2011/260
Rôle N° 09/14024
SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE MEDITERRANEE - CIFMED
C/
[G] [F]
SA CNP ASSURANCES - CAISSE NATIONALE DE PREVOYANCE
S.C.P. [S] [H] [K] [M]
Grosse délivrée
le :
à :
réf
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 08 Juin 2009 enregistré au répertoire général sous le n° 07/2957.
APPELANTE
SA CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE MEDITERRANEE - CIFMED,
Siren n° 391654399 , RCS de [Localité 6] sous le n° B 391654399 agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège, [Adresse 4]
représentée par la SCP Paul et Joseph MAGNAN, avoués à la Cour, assistée de Me Bernard JACQUIER, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEES
Madame [G] [F]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2010/005533 du 06/07/2010 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX EN PROVENCE)
née le [Date naissance 1] 1950 à [Localité 6],
demeurant [Adresse 2]
représentée par la SCP JOURDAN - WATTECAMPS, avoués à la Cour, assistée de Me François TENDRAIEN, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
LA CAISSE NATIONALE DE PREVOYANCE ' CNP ASSURANCES' , SA -, dont le siège social est [Adresse 3], poursuites et diligences de son Directeur en exercice y domicilié
représentée par la SCP TOLLINCHI PERRET-VIGNERON BARADAT-BUJOLI-TOLLINCHI, avoués à la Cour, assistée de Me Pascal CERMOLACCE, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Stéphanie LACROIX, avocat au barreau de MARSEILLE
S.C.P. [S] [H] [K] [M],
notaires associés
[Adresse 5]
prise en la personne de son représentant légal en exercice.
représentée par la SCP COHEN - GUEDJ, avoués à la Cour, et ayant Me Valérie GERSON-SAVARESE avocat au barreau de MARSEILLE
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 09 Mars 2011 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur François GROSJEAN, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur François GROSJEAN, Président
Monsieur Michel NAGET, Conseiller
Monsieur Hugues FOURNIER, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Avril 2011.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Avril 2011,
Signé par Monsieur François GROSJEAN, Président et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DES FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS,
Mme [G] [F], née le [Date naissance 1] 1950 à [Localité 6], exerçant la profession de courtier en immobilier, a acquis un bien immobilier à [Localité 6], par acte authentique reçu le 15 janvier 1997 par M°[Y] [K], notaire associé de la SCP [S] [H] [K] et [M], titulaire d'un office notarial à [Localité 6], moyennant un prix hors taxe de 200.000 francs, plus 41.200 francs de TVA.
Mme [F] avait un projet de construction.
A l'acte d'acquisition ont participé deux organismes prêteurs dont la société anonyme de Crédit Immobilier pour deux prêts, l'un de 151.000 francs sur 204 mois et l'autre de 38.000 francs sur 18 mois.
Pour ces deux prêts Mme [F] avait souscrit une assurance garantie perte d'emploi auprès de la Caisse Nationale de Prévoyance.
Mme [F] a été licenciée le 31 octobre 2003. La Caisse Nationale de Prévoyance a pris en charge le remboursement de ses emprunts du 12 mai 2004 au 11 novembre 2005, soit selon les termes du contrat, pendant 540 jours au cours d'une même période de chômage.
Mme [F], estimant qu'elle avait été trompée, croyant que la prise en charge était plus longue, tant qu'elle était en chômage , a fait assigner le 9 mars 2007, Mme [F] a fait assigner la société Delta Assurances et le Crédit Immobilier de France devant le tribunal de grande instance de Marseille en responsabilité.
Le 3 mai 2007, Mme [F] a fait ensuite assigner la SCP [S], [H], [K], [M], notaires, en responsabilité.
Par jugement en date du 8 juin 2009, le tribunal de grande instance de Marseille a :
- dit que le Crédit Immobilier de France et la SCP [S], [H], [K], [M] ont manqué à leurs obligations respectives et doivent réparer le préjudice qui en résulte,
en conséquence,
- dit que le Crédit Immobilier de France et la SCP [S], [H], [K], [M] sont tenus in solidum de prendre en charge le paiement des mensualités restant dues au titre des emprunts de 151.000 F et 38.000 F contractés par Mme [F] suivant actes du 8 janvier 1997,
- ordonné l'exécution provisoire,
- débouté les parties de leurs autres demandes,
- condamné in solidum le Crédit Immobilier de France et la SCP [S], [H], [K], [M] à verser 1.000 € à Mme [F] en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que la CNP conservera la charge des frais irrépétibles et des dépens qu'elle a exposés,
- dit que le Crédit Immobilier de France et la SCP [S], [H], [K], [M] supporteront in solidum les autres dépens.
Par déclaration de la SCP MAGNAN, avoués, en date du 21 juillet 2009, la SA Crédit Immobilier de France Méditerranée a relevé appel de ce jugement.
Par déclaration de la SCP COHEN GUEDJ, avoués, en date du 15 novembre 2009, la SCP [S] [H] [K] [M] a relevé appel de ce jugement.
Par ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 8 mars 20112, la SA Crédit Immobilier de France Méditerranée demande à la cour d'appel de :
- déclarer recevable en la forme et justifié au fond l'appel interjeté,
- constater que le Crédit immobilier a satisfait à son obligation de conseil et d'information envers Mme [F],
- dire que la clause limitative de garantie l'assurance assistance en cas de perte d'emploi,
- réformer en conséquence le jugement et dire n'y avoir lieu à condamnation du Crédit immobilier,
- subsidiairement, constater que Mme [F] ne peut prétendre à aucun préjudice indemnisable,
- dire irrecevable, en application de l'article 564 du code de procédure civile, la demande de Mme [F] en paiement des sommes de 9.555,90 € et 12.000 €,
- constater que la prise en charge au titre de l'assurance assistance en cas de perte d'emploi a été effectuée conformément aux modalités du contrat,
- dire qu'en toute hypothèse, le montant des dommages et intérêts ne peut être équivalent à une indemnisation au titre de l'assurance-chômage pour toute la durée du prêt,
- très subsidiairement,
- condamner la SCP [S] [H] [K] [M] à la relever et garantir de toute condamnation,
- condamner tout succombant au paiement d'une somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner solidairement Mme [F] et la SCP [S] [H] [K] [M] aux entiers dépens, dont ceux d'appel distraits au profit de la SCP MAGNAN, avoués,
- encore plus subsidiairement, dans l'hypothèse d'une prise en charge du prêt dire que celle-ci s'effectuera au profit exclusif du Crédit immobilier.
Par ses conclusions, déposées et notifiées le 17 novembre 2010 la SCP [S] [H] [K] [M] notaires associés, demande à la cour d'appel de :
- réformer le jugement,
- constater que le notaire n'est pas intervenu dans la rédaction du contrat de prêt,
- dire en conséquence que le notaire n'a failli appel abusif aucune de ses obligations,
- constater que Mme [F] n'apporte pas les éléments nécessaires à justifier d'un préjudice,
- débouter le Crédit Immobilier de France Méditerranée de son appel en garantie,
- condamner tout succombant au paiement de la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de la SCP COHEN GUEDJ, avoués.
Par ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 25 juin 2010, la Caisse Nationale de Prévoyance CNP Assurances demande à la cour d'appel de :
- au principal de confirmer le jugement en ce qu'il a mis hors de cause la société Delta Assurances et accueilli l'intervention volontaire de la CNP,
- lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte sur la demande concernant la responsabilité du Crédit immobilier,
- confirmer le jugement sur la demande de dommages et intérêts de Mme [F],
- subsidiairement, constater que Mme [F] ne forme aucune demande contre elle, dire que Mme [F] a déclaré avoir eu connaissance des conditions d'assurance, qu'elle a déclaré avoir reçu la notice d'information, que la limite maximale de durée de prise en charge ayant été atteinte, c'est à bon droit que la CNP a cessé la prise en charge, débouter Mme [F] de toutes ses demandes de prise en charge au titre de la garantie perte d'emploi,
- dire que la CNP n'a pas manqué à son obligation de devoir et de conseil,
- à titre infiniment subsidiaire, dire que toute éventuelle prise en charge ne pourrait s'effectuer que dans les termes et limites du contrat au profit de l'organisme prêteur, bénéficiaire du contrat d'assurance,
- reconventionnellement, condamner Mme [F] au paiement d'une somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de la SCP TOLLINCHI - PERRET-VIGNERON - BARADAT-BUJOLI-TOLLINCHI, avoués.
Par ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 3 décembre 2010, Mme [G] [F] demande à la cour d'appel, au visa de l'article 1147 du code civil, de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que le Crédit Immobilier de France et la SCP [S] [H] [K] [M], notaires, ont manqué à leur devoir d'information à son égard, et en ce qu'il les a condamnés à garantir Mme [F] du règlement des crédits immobiliers,
- le réformant partiellement, condamner in solidum le Crédit Immobilier de France et la SCP [S] [H] [K] [M], notaires à lui verser la somme de 13.215,55 € en remboursement des prêts à compter de la date de sa perte d'emploi et jusqu'au 31 juillet 2009 inclus,
- condamner in solidum le Crédit Immobilier de France et la SCP [S] [H] [K] [M], notaires, à supporter à ses lieu et place les échéances des prêts objets de la présente instance, et jusqu'à leur échéance, soit a minima la somme de 9.555,90 €,
- condamner in solidum le Crédit Immobilier de France et la SCP [S] [H] [K] [M], notaires, à régler à Mme [F], à titre de préjudice complémentaire, tant financier que moral, la somme de 12.000 €,
- condamner in solidum le Crédit Immobilier de France et la SCP [S] [H] [K] [M], notaires, à lui payer 1.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens, distraits en tenant compte de l'aide juridictionnelle.
L'instruction de l'affaire a été déclarée définitivement close, d'accord des représentants des parties, le 9 mars 2011, avant les débats.
MOTIFS,
Lors de son acquisition et de son investissement immobilier Mme [G] [F] a souscrit trois prêts :
- un prêt de 70.000 F (10.671,43 €) auprès de la Société Financière de l'Habitat PACA, prêt complémentaire Ministère du logement au taux de 0%, remboursable sur 228 mois, avec une assurance décès invalidité,
- un prêt conventionné de 151.000 F ( 23.019,80 €) auprès de la société Financière de l'Habitat PACA représentée par le Crédit Immobilier de France PACA, remboursable en 180 mois, selon offre acceptée le 8 janvier 1997, avec une assurance décès invalidité et une assurance perte d'emploi, avec un taux effectif global de 8,76 %,
- un prêt à caractère social de 38.000 F (5.793,06 €), auprès du Crédit immobilier des Bouches-du-Rhône, offre acceptée le 8 janvier 1997 avec une assurance décès invalidité et une assurance perte d'emploi, avec un taux effectif global de 4,72 %.
Si l'assurance invalidité a pour vocation de s'appliquer pendant toute la durée de l'invalidité, Mme [G] [F] ne pouvait ignorer qu'une garantie d'assurance chômage n'a pas vocation à suppléer indéfiniment à la carence du débiteur qui pourrait ainsi décider de rester sans emploi pendant toute la durée du prêt, mais supplée à cette carence pendant un temps conventionnel.
Elle a souscrit à l'assurance groupe de la société de prêt auprès de CNP Assurances.
Elle avait une option entre deux formules, clairement indiquées dans les documents contractuels:
-option n° 1 : délai de carence de 180 jours, prise en charge d'un montant progressif selon la durée du chômage indemnisé, prestations servies au plus pendant 540 jours au titre d'une même période de chômage, 1.080 jours au total en cas de plusieurs période de chômage,
-option n° 2 : délai de carence de 90 jours, prise en charge d'un montant progressif selon la durée du chômage indemnisé, prestations servies au plus pendant 630 jours au titre d'une même période de chômage, 1.260 jours au total en cas de plusieurs période de chômage.
Mme [F] a opté sur le bulletin d'adhésion à l'assurance assistance en cas de perte d'emploi pour la formule un.
Ce document a été signé en même temps que Mme [F] a formé ses demandes de prêts, le 13 novembre 1996.
Par la suite Mme [F] a reçu ses offres de prêts.
Et ensuite seulement elle a signé l'acte de vente devant M°[K] le 15 janvier 1997.
Les organismes prêteurs sont intervenus à l'acte.
L'acte a incorporé les prêts déjà convenus entre Mme [F] et les organismes prêteurs et a rappelé l'existence des contrats d'assurance perte d'emploi pour les deux prêts qui bénéficiaient de ces contrats.
Le bulletin d'adhésion de Mme [F] aux contrats d'assurance est clair; il précise qu'il s'agit de l'option numéro un.
Mme [F] prétend qu'elle ignorait ce qu'était cette option.
Sur le bulletin d'adhésion Mme [F] a signé la mention selon laquelle elle certifiait avoir reçu la notice d'information de l'assurance et le contrat d'assistance.
Aucun manquement de l'organisme prêteur à son obligation d'information et de conseil n'est établi.
Il faut relever que Mme [F] s'est présentée comme courtier immobilier, professionnel de l'immobilier, et à ce titre était un co-contractant particulièrement avisé en ce qui concerne les prêts immobiliers et les assurances souscrites à ces occasions.
Le notaire a rappelé les contrats de prêts, les contrats d'assurance décès invalidité et les contrats d'assurance chômage, tous contrats que Mme [F] avait déjà préalablement signés avant l'intervention du notaire.
Mme [F] avait déjà contracté les assurances, elle avait déjà fait ses choix lorsque le notaire a mentionné ces contrats d'assurance. Le notaire n'avait pas à reprendre l'intégralité des contrats d'assurance déjà pré-signés pour les commenter en en soupesant les avantages et les inconvénients alors que Mme [F] s'était décidée avant et que la remise en cause de ces contrats aurait remis en cause les prêts déjà obtenus sur ces bases, et négociés hors la présence du notaire.
M°[K] n'a commis aucun manquement à ses obligations de conseil.
L'action de Mme [F] n'est pas fondée.
La question de l'appel en garantie est sans objet.
Par équité, chaque partie conservera ses dépens et ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS,
Statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,
Infirme le jugement rendu le 8 juin 2009 par le tribunal de grande instance de Marseille en toutes ses dispositions,
Déboute Mme [G] [F] de toutes ses demandes,
Dit que chaque partie conservera ses dépens et ses frais irrépétibles.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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