COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
1re Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 24 MAI 2011
J.V.
N° 2011/
Rôle N° 05/16520
[I] [F]
[E] [R]
C/
[B] [A]
[V] [K] épouse [A]
Grosse délivrée
le :
à :la SCP TOLLINCHI - PERRET-VIGNERON - BARADAT-BUJOLI-TOLLINCHI
la SCP MAYNARD - SIMONI
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 18 Mars 2005 enregistré au répertoire général sous le n° 04/3630.
APPELANTS
Monsieur [I] [F]
né le [Date naissance 3] 1958 à [Localité 7] (ALLEMAGNE) (99), demeurant [Adresse 8] (ALLEMAGNE)
représenté par la SCP TOLLINCHI VIGNERON TOLLINCHI, avoués à la Cour, assisté par Me Michaéla SCHREYER, avocat au barreau de NICE
Madame [E] [R]
née le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 4] (GRANDE BRETAGNE) (99), demeurant Chez M. [F] - [Adresse 8] (ALLEMAGNE)
représentée par la SCP TOLLINCHI VIGNERON TOLLINCHI, avoués à la Cour,
assistée par Me Michaéla SCHREYER, avocat au barreau de NICE
INTIMES
Monsieur [B] [A]
demeurant [Adresse 2]
représenté par la SCP MAYNARD - SIMONI, avoués à la Cour,
assisté par Me Pascal ALIAS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Audrey CIAPPA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Madame [V] [K] épouse [A]
demeurant [Adresse 2]
représentée par la SCP MAYNARD - SIMONI, avoués à la Cour,
assistée par Me Pascal ALIAS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Audrey CIAPPA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 12 Avril 2011 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, M.LAMBREY, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Gérard LAMBREY, Président
Monsieur Jean VEYRE, Conseiller
Monsieur Bernard ROUSSEAU, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mademoiselle Patricia POGGI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Mai 2011.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Mai 2011,
Signé par Monsieur Gérard LAMBREY, Président et Mademoiselle Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Vu le jugement rendu le 18 mars 2005 par le Tribunal de Grande Instance de GRASSE dans le procès opposant Madame [E] [R] et Monsieur [I] [F] à Monsieur [B] [W] et son épouse née Madame [V] [K],
Vu la déclaration d'appel de Monsieur [F] et Madame [R] du 5 avril 2005,
Vu l'arrêt rendu par la cour le 9 janvier 2007,
Vu le rapport d'expertise déposé par Monsieur [P] le 1er décembre 2010,
Vu les conclusions récapitulatives déposées par Monsieur et Madame [A] le 31 mars 2011,
Vu les conclusions récapitulatives déposées par Monsieur [F] et Madame [R] le 8 avril 2011,
SUR CE
Attendu que Monsieur [F] et Madame [R] ont acquis de Monsieur et Madame [A] suivant acte reçu par Maître [M] [X], notaire à [Localité 6], le 8 août 2011, une propriété sur le territoire de la commune de [Localité 5], pour une contenance de 16 ares 60 centiares comprenant une maison avec deux appartements, un garage et une piscine au prix de 358.255, 19 euros ;
Qu'aux termes de cet acte se trouvait exclu par une clause spéciale, l'ensemble des vices apparents ou cachés, et qu'il a été porté à la connaissance de l'acquéreur que le vendeur déclare qu'il a agrandi une partie de la maison et n'a pas souscrit d'assurance ; que cet acte comporte en outre, une condition particulière relative à un mur qui s'était effondré et qui avait été reconstruit, faisant actuellement l'objet d'un litige relatif au moment des travaux de réparation, le vendeur prenant à sa charge les suites et conséquences pouvant résulter de cette procédure ;
Que Monsieur [F] et Madame [R] ont demandé devant le Tribunal de Grande Instance de GRASSE la condamnation de Monsieur et Madame [A] à leur payer 92.000 euros à titre de dommages-intérêts au visa des articles 1641 et suivants du Code civil, exposant que très rapidement après leur aménagement dans la maison qui constituait pour eux une résidence secondaire, ils avaient découvert les vices cachés suivants, qui étaient nécessairement connus des vendeurs :
- basculement du mur de soutènement du jardin et de la villa,
- non fonctionnement de la fosse septique,
- basculement du mur de soutènement de la planche de la piscine,
- basculement du garage en absence de toute fondation des murs périphériques de cet ouvrage,
- importantes infiltrations d'eau dans le studio du rez de jardin, dues à l'absence totale de vide sanitaire,
- infestation de la charpente de la maison par des insectes xylophages (attaque caractérisée de capricornes en voie de généralisation) ;
Qu'une expertise judiciaire sollicitée par Monsieur et Madame [A], dans une instance les opposant à leurs voisins et confiée à Monsieur [U], avait en effet révélé que les murs de soutien tant de la maison que du jardin présentaient de grande faiblesse structurelle et que l'expert avait préconisé d'importants travaux de reprise et stabilisation, qui ne paraissaient pas avoir été exécutés ;
Qu'en l'absence d'éléments suffisants sur les autres désordres invoqués par Monsieur [F] et Madame [R], la cour a ordonné une autre expertise, confiée à Monsieur [P] ; qu'au vu des conclusions, ceux-ci sollicitent la condamnation de Monsieur et Madame [A] à leur payer 181.500 euros en application des dispositions des articles 1109, 1116 et 1382 du Code civil ;
Attendu que cette demande n'étant pas fondée sur la garantie des vices cachés mais sur la réticence dolosive des vendeurs et leur manquement à leur devoir d'information, les dispositions de l'article 1648 du Code civil sur l'exigence d'agir à bref délai, qui ne concernent que l'action en garantie pour vice caché prévue par les articles 1641 et suivants du ce code, sont sans application en l'espèce ; qu'outre la nullité du contrat, la victime d'un dol peut exercer une action en responsabilité délictuelle pour obtenir réparation de son préjudice et que Monsieur [F] et Madame [R] sont recevables à demander l'allocation de dommages-intérêts en application de l'article 1116 du Code civil ;
Attendu que la clause de non-garantie insérée dans l'acte de vente du 8 août 2001 ne peut exonérer les vendeurs, s'ils ont manqué à leur devoir d'information, en se gardant d'avertir leurs contractants des vices de la chose vendue dont ils avaient connaissance ;
Attendu, sur le basculement du mur de soutènement du jardin, que Monsieur [P] a précisé qu'il préexistait antérieurement à la vente, qu'il présentait un devers important nécessitant sa reconstruction sur de bonnes fondations, que sa stabilité précaire le rendait impropre à sa destination, et que les vendeurs ne pouvaient pas l'ignorer du fait des avertissements reçus de la part de leurs voisins, des procédures en cours et du rapport de Monsieur [U], alors que les acquéreurs ne pouvaient avoir connaissance des défauts de conception et de réalisation de ce mur qu'après la vente ; que la clause de l'acte du 8 août 2001, précisant que 'ce mur qui s'est effondré, a été reconstruit, fait actuellement l'objet d'un litige relatif au montant des travaux de réparation', ne révélait nullement les faiblesses qu'il présentait entraînant un basculement évolutif ; que Monsieur et Madame [A] ne pouvaient les ignorer puisqu'elles avaient été soulignées par le rapport de Monsieur [U] ; que Monsieur [F] et Madame [R] sont en conséquence fondés à reprocher une réticence dolosive, Monsieur et Madame [A], qui ne démontrent pas les avoir informés de l'état réel de ce mur ;
Attendu, sur le mur de la planche piscine, que Monsieur [P] a constaté que ce mur, construit par Monsieur [A] était affecté d'un basculement et d'une importante fissure, ce qui ne pouvait être constaté qu'en pénétrant dans la propriété voisine ; qu'il a estimé, pour les mêmes motifs que pour le mur de soutènement du jardin, que les vendeurs ne pouvaient pas ignorer ces vices, et que ceux-ci, ne prouvant pas en avoir avisé les intimés, doivent en répondre en application de l'article 1116 du Code civil ;
Attendu, sur l'infestation de la charpente par des insectes xylophages, que Monsieur [P] a constaté qu'ils étaient visibles sur la première ferme intermédiaire du garage, qu'il fallait un oeil exercé et habitué pour déceler ce phénomène et qu'une observation d'ensemble ne permettait pas de la déceler et que peut être les vendeurs n'en étaient pas conscients eux-même ; que dans ces conditions il n'est pas démontré que, s'agissant de ce désordre, Monsieur et Madame [A] aient manqué à leur obligation d'information ;
Attendu, sur le vice affectant la fosse sceptique, que Monsieur [P] a indiqué qu'elle était hors d'usage, que ce désordre préexistait à la vente et qu'il ne pouvait être décelé qu'en période d'utilisation, que l'expertise de Monsieur [U] avait avant la vente relevé ce dysfonctionnement auquel les travaux effectués en 1996 par Monsieur et Madame [A] n'avaient manifestement pas remédié et que ceux-ci, en ne le signalant pas aux intimés, ont engagé leur responsabilité à l'égard de ces derniers ;
Attendu, sur l'état du garage et du studio, que Monsieur [P] a constaté qu'il présentait des lézardes, préexistantes à la vente et précisé : 'les fissures du mur du garage ont été recouvertes par une fine couche d'enduit qui n'a pas la même teinte que celle du fond, ces fissures n'étaient pas visibles des acquéreurs, mais étaient connues des vendeurs, ... des infiltrations d'eau dans le garage ne pouvaient être visibles des acquéreurs que si leur visite des lieux s'était faite lors de périodes de fortes pluies', ce qui n'était pas le cas, puisque la villa a été vendue en période estivale; que l'expert a ainsi estimé que ces défauts étaient nécessairement connus des vendeurs puisque préexistants et n'avaient pas été portés à la connaissance des acquéreurs ; que la clause dans l'acte de vente mentionnant que les ouvrages avaient été réalisés par le vendeur lui-même et sans souscription d'une assurance ne peut être considérée comme une information complète sur les problèmes structurels de ces ouvrages, et qu'il convient de retenir leur dissimulation par les vendeurs et le manquement de ces derniers à leur devoir d'information ;
Attendu, sur l'évaluation du préjudice subi par les intimés, que leur demande en paiement d'une somme de 181.500 euros apparaît parfaitement fondée au vu de l'estimation par Monsieur [P] des travaux de reprise des désordres dont Monsieur et Madame [A] doivent répondre et dont ceux-ci ne discutent pas le montant et qu'il convient d'y faire droit pour ce montant ;
Attendu que Monsieur et Madame [A], qui succombent au principal, doivent supporter les dépens et qu'il apparaît équitable de les condamner à payer à leurs adversaires une somme totale de 3000 euros au titre des frais irrépétibles exposées tant en première instance qu'en cause d'appel ;
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Réformant le jugement entrepris,
Condamne Monsieur et Madame [A] à payer à Monsieur [F] et Madame [R] 181.500 euros ainsi que 3000 euros au titre des frais irrépétibles exposés tant en première instance qu'en cause d'appel,
Condamne Monsieur et Madame [A] aux dépens et dit qu'ils seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,