COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
8e Chambre C
ARRÊT
DU 26 MAI 2011
N° 2011/ 226
Rôle N° 09/04365
[N] [D]
[S] [D]
C/
SA LYONNAISE DE BANQUE
Grosse délivrée
le :
à :ST FERREOL
SIDER
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce d'ANTIBES en date du 20 Février 2009 enregistré au répertoire général sous le n° 2007 05687.
APPELANTS
Monsieur [N] [D]
demeurant [Adresse 2]
représenté par la SCP DE SAINT FERREOL-TOUBOUL, avoués à la Cour, assisté de Me THOMAS Vivian de la SCP KLEIN, avocats au barreau de NICE
Madame [S] [D]
née le [Date naissance 1] 1935 à [Localité 4] (MAROC) demeurant [Adresse 2]
représentée par la SCP DE SAINT FERREOL-TOUBOUL, avoués à la Cour, assistée de Me THOMAS Vivian de la SCP KLEIN, avocats au barreau de NICE
INTIMEE
SA LYONNAISE DE BANQUE, prise en la personne de son représentant légal en exercice, dont le siège est sis [Adresse 3]
représentée par la SCP SIDER, avoués à la Cour, assistée de Me Muriel MANENT, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE substituant la SELARL DRAILLARD, avocats au barreau de GRASSE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 12 Avril 2011 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Jean-Louis BERGEZ, Président
Monsieur Jean-Noël ACQUAVIVA, Conseiller
Madame Marie-Claude CHIZAT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Mai 2011.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Mai 2011,
Rédigé par Monsieur Jean-Noël ACQUAVIVA, Conseiller,
Signé par Monsieur Jean-Louis BERGEZ, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES.
Suivant convention de compte du 28 février 1990, la S.A. GIFTOYS ayant pour activité de commerce en gros de jouets, a ouvert un compte courant auprès de la S.A. LYONNAISE DE BANQUE (la banque) qui lui a consenti divers concours sous forme notamment de facilités de caisse.
Suivant actes sous seing privé du 10 juin 1997, Monsieur [N] [D] administrateur et associé et Madame [S] [C], son épouse, présidente du conseil d'administration de la S.A. GIFTOYS, se sont portés cautions solidaires de tous engagements de cette dernière à l'égard de la banque.
La S.A. GIFTOYS rencontrant des difficultés à faire face à ses engagements financiers, un mandataire ad hoc a été désigné à l'effet de négocier avec les créanciers un plan d'apurement de sa dette.
C'est dans ces conditions qu'un protocole d'accord transactionnel a été conclu le 28 juillet 1999 par la S.A. GIFTOYS, les époux [D] et divers créanciers dont la S.A. LYONNAISE DE BANQUE.
Cet accord a été homologué par jugement du 27 juillet 2001, un délai de 24 mois étant accordé à la S.A. GIFTOYS pour s'acquitter des facilités de caisse qui lui avaient été consenties.
Par jugement en date du 30 juin 2006, la S.A. GIFTOYS a été déclarée en redressement judiciaire, ultérieurement converti en liquidation judiciaire par décision du 1er septembre 2006.
La banque, après avoir déclaré une créance d'un montant de 145.586,82 euros à titre chirographaire en vertu de l'accord transactionnel du 22 mars 1999 et mis vainement en demeure les époux [D] d'exécuter leur obligation, les a fait assigner, par acte d'huissier du 7 août 2007, devant le Tribunal de commerce d'ANTIBES.
Après avoir, par jugement du 9 mai 2008, retenu sa compétence déclinée par les époux [D], le tribunal, par jugement du 20 février 2009 a condamné ces derniers solidairement au paiement d'une somme de 120.167,03 euros, , majorée des intérêts au taux légal à compter du 31 janvier 2007, sans capitalisation et d'une somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par déclaration de leur avoué du 20 février 2009, les époux [D] ont relevé appel de cette décision.
Vu les conclusions signifiées le 15 mars 2010 par les époux [D],
Vu les conclusions signifiées par la S.A. LYONNAISE DE BANQUE le 30 mars 2010,
Vu l'ordonnance de clôture du 15 mars 2011.
MOTIFS DE LA DÉCISION.
- Sur la validité de l'acte introductif d'instance.
Attendu que les appelants soutiennent que l'assignation est nulle pour avoir été délivrée par un huissier territorialement incompétent ce à quoi la banque oppose que :
- s'agissant d'une exception de procédure, celle-ci est irrecevable faute d'avoir été soulevée in limine litis, les époux [D] ayant conclu précédemment au fond, le 30 juin 2009,
- que les époux [D] ne peuvent invoquer un quelconque grief, ayant pu organiser leur défense,
- qu'enfin, la cause de nullité a disparu, dès lors que le décret du 11 mai 2007 entré en vigueur le 1er janvier 2009 a étendu la compétence des huissiers au ressort du Tribunal de Grande Instance.
Mais attendu que l'irrégularité de l'acte tenant à l'incompétence territoriale de l'huissier instrumentaire constitue une irrégularité de fond ;
que les exceptions de nullité fondées sur l'inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure peuvent être proposées en tout état de cause, qu'elles ne sont pas susceptibles de régularisation et doivent être accueillies sans que celui qui les invoque ait à justifier d'un grief;
que par suite, les moyens opposées par la banque sont inopérants ;
qu'il convient, en conséquence, de dire que les époux [D] sont recevables à soulever la nullité de l'acte introductif d'instance .
Attendu que selon l'article 5 du décret n° 56-222 du 29 février 1956, les huissiers de justice sont compétents pour faire concurremment les actes de leur ministère dans le ressort du tribunal d'instance de leur résidence ;
qu'en l'espèce, l'acte d'assignation à comparaître devant le Tribunal de commerce d'ANTIBES a été délivré aux époux [D] résidant sur le territoire de la Commune de [Localité 5], située dans le ressort du tribunal d'instance de CAGNES-sur-MER par la SCP CIBRARIO-RAGUE titulaire d'un office d'huissier de justice à la résidence d'ANTIBES, siège du tribunal d'instance d'ANTIBES ;
qu'à cet égard, la circonstance que la juridiction saisie se trouve dans le ressort du tribunal d'instance de la résidence de l'huissier ne peut emporter prorogation de compétence territoriale à son profit et l'autoriser à délivrer des actes à des personnes domiciliées dans le ressort des tribunaux d'instance voisins dépendant du même Tribunal de grande instance ;
que par ailleurs, s'il résulte des dispositions combinées du décret du 2 novembre 1959, du décret du 24 mars 1988 portant création du tribunal d'instance de CAGNES-sur-MER et de l'arrêté du 17 novembre 1992 que les huissiers de justice établis dans les ressorts des tribunaux d'instance de GRASSE, CANNES, ANTIBES et CAGNES-sur-MER, dépendant territorialement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE sont autorisés à effectuer concurremment des actes dans l'ensemble des ressorts des dits tribunaux d'instance, cette prorogation est expressément limitée aux seuls actes prévus à l'article 6 du décret n°56-222 du 29 février 1956 et ne concerne par suite que les seuls exploits et actes du ministère d'huissier de justice relatifs aux causes portées devant les tribunaux d'instance et tribunaux de police ;
que par suite, cette prorogation exceptionnelle de compétence ne peut être étendue aux actes afférents à des instances portées devant d'autres juridictions que celles limitativement énumérées ;
qu'il convient en conséquence de prononcer la nullité de l'acte introductif d'instance comme ayant été délivré par un officier ministériel incompétent territorialement et par voie de conséquence, la nullité du jugement, le tribunal n'ayant pas été valablement saisi.
Attendu que l'appel se trouvant dans ce cas privé de tout effet dévolutif, la cour ne peut se prononcer sur le fond du litige.
- Sur les dépens.
Attendu que la banque qui succombe doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
- Sur la demande présentée sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Attendu qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR ;
STATUANT publiquement, contradictoirement ;
DIT que les époux [D] sont recevables à soulever l'exception de nullité de l'assignation introductive d'instance.
CONSTATE que l'assignation introductive d'instance a été délivrée par un huissier de justice incompétent territorialement.
PRONONCE la nullité de l'assignation introductive d'instance.
PRONONCE par voie de conséquence, la nullité du jugement déféré.
CONDAMNE la BANQUE POPULAIRE PROVENÇALE ET CORSE aux dépens de première instance et d'appel.
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile.
DIT qu'il sera fait application au profit de la SCP d'avoués DE SAINT FERREOL-TOUBOUL des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT