COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
3e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 26 MAI 2011
N° 2011/255
Rôle N° 10/06273
[I] [F]
C/
S.A.R.L. JP DECOR
GAN EUROCOURTAGE IARD S.A.
Grosse délivrée
le :
à : SCP BLANC
Me JAUFFRES
SCP JOURDAN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 03 Mars 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 2008F782.
APPELANT
Monsieur [I] [F]
né le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 4] (92)
demeurant [Adresse 6]
représenté par la SCP BLANC-CHERFILS, avoués à la Cour,
plaidant par Me Rose-Marie FURIO-FRISCH, avocat au barreau de NICE substituée par Me Emmanuelle VIAL, avocat au barreau de NICE
INTIMEES
S.A.R.L. JP DECOR
RCS NICE B 409 878 725
en dissolution depuis le 31/12/07 et sans activité selon PV d'Assemblée Générale du 20/02/08
prise en la personne de son représentant légal en exercice
sise [Adresse 2]
représentée par Me Jean-Marie JAUFFRES, avoué à la Cour,
plaidant par Me Michèle ROCCA, avocat au barreau de GRASSE
GAN EUROCOURTAGE IARD S.A.
prise en la personne de son représentant légal en exercice
prise en sa qualité d'assureur en garantie décennale de la SOCIETE JP DECOR
sise [Adresse 3]
représentée par la SCP JOURDAN - WATTECAMPS, avoués à la Cour,
plaidant par la SCP ASSUS-JUTTNER, avocats au barreau de NICE substituée par Me Cyril OFFENBACH, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 06 Avril 2011 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Michel CABARET, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Anne BESSON, Présidente
Monsieur Gilles ELLEOUET, Conseiller
Monsieur Michel CABARET, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Lydie BADEL.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Mai 2011.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Mai 2011,
Signé par Madame Anne BESSON, Présidente et Madame Lydie BADEL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
PROCEDURE
Dans le cadre d'une opération de réhabilitation de sa maison, [I] [F], a suivant devis du 10 janvier 2007, confié à la SARL JP DECOR la réalisation des lots, menuiserie, huisserie, fermeture, cuisine, fourniture d'appareils sanitaires.
Le chantier ayant débuté au mois de février, les travaux étaient suspendus par les services de la Ville de LA TURBIE ' en raison du défaut d'autorisation de construire '.
En l'état des modifications du projet la SARL JP DECOR a établi de nouveaux devis au mois de mai 2007.
La société JP DECOR établissait le 03 octobre 2007, ses factures définitives. Celles-ci étaient adressées suivant courrier du 18 octobre 2007 (pièce 8) à M [F].
Dès le 07 novembre 2007, M. [F] faisait constater par Me [D], Huissier de Justice à [Localité 5], ce qu'il qualifiait de ' abandon de chantier ', ' malfaçons ', ' inachèvements ' etc...
Sur la base de ce PV de constat, contenant plusieurs pages de doléances et soutenant que la société JP DCOR ' s'est vue confier une mission complète de maîtrise d'oeuvre ' , il saisissait le juge des référés du tribunal de grande instance de Nice aux fins notamment de voir désigner un expert judiciaire.
Par ordonnances de référé rendues en date des 24 juin 2008 et 21 octobre 2008, Monsieur [L] était désigné en qualité d'expert.
En lecture du rapport [I] [F] a fait assigner la SARL JP DECOR devant le tribunal de commerce en indemnisation de ses préjudices.
Par jugement rendu le 3 mars 2010 le Tribunal de Commerce de Nice a :
Ordonné la jonction des instances enrôlées sous les N° 2008F00782 et 2009F00225 comme connexes.
Dit que le rapport d'expertise ne peut être retenu dans sa globalité contre la SARL JP DECOR.
Dit que la réception tacite et sans réserve des travaux confiés à la SARL JP DECOR est fixée au mois d'août 2007
Dit qu'aucune maîtrise d''uvre n'a été assurée par la SARL JP DECOR.
Condamné la SARL JP DECOR au remplacement de la vitre défectueuse.
Dit que la valeur du remplacement du vitrage, s'il n'est pas réalisé par la SARL JP DECOR, ne pourra être supérieur à la valeur des travaux facturés par la SARL JP DECOR pour cet ouvrage, majoré de l'indice BT 45 de révision de prix à compter du mois d'octobre 2007 et jusqu'à la date du présent jugement.
Condamné la SARL JP DECOR à rembourser à Monsieur [I] [F] le montant réglé par ce dernier sur présentation par celui-ci de la facture acquittée faite par l'entreprise réalisant l'ouvrage.
Dit n'y avoir lieu au paiement de dommages intérêts.
Prononcé la mise hors de cause de la SA GAN EUROCOURTAGE IARD.
Condamné la SARL JP DECOR à payer à Monsieur [I] [F] la SA GAN EUROCOURTAGE IARD la somme de 500 € (cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Débouté Monsieur [I] [F], la SARL JP DECOR et la SA GAN EUROCOURTAGE IARD de toutes leurs autres demandes, fins et conclusions.
Condamné la SARL JP DECOR aux entiers dépens.
[I] [F] a régulièrement interjeté appel de ce jugement suivant déclaration enregistrée le 31 mars 2010.
Vu les conclusions déposées le 2 mars 2011 par l'appelant ;
Vu les conclusions déposées le 23 mars 2011 par la SARL JP DECOR
Vu les conclusions déposées le 9 décembre 2010 par la SA GAN EUROCOURTAGE IARD ;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 29 mars 2011 ;
Sur ce ;
Sur la procédure
La SARL JP DECOR ayant conclu le 6 avril 2011, jour de l'audience de plaidoiries, c'est à bon droit que [I] [F] conclut au rejet de ces écritures, qui sont irrecevables comme ayant été déposées après l'ordonnance de clôture sans qu'une cause gave n'en justifie le rabat.
En revanche, [I] [F] n'est pas fondé en sa demande d'irrecevabilité concernant les écritures déposées le 23 mars 2011, soit six jours avant l'ordonnance de clôture, ce qui lui laissait un délai raisonnable pour y répliquer.
Sur la réception.
Aux termes de l'article 1792-6 du code civil, la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement.
[I] [F] et la SARL JP DECOR qui n'ont signé aucun procès verbal de réception contradictoire s'accordent sur une réception tacite des travaux au mois d'août 2007, tandis que la SA GAN EUROCOURTAGE IARD en discute la réalité.
La réception tacite doit être caractérisée par la volonté non équivoque du maître de l'ouvrage d'accepter les ouvrages.
Il est établi par la production des factures que [I] [F] a réglé leur montant les 19 janvier (25.400euros), 9 juillet (17.000 euros) et courant août 2007 (20.000 euros), un solde de 277.14 euros subsiste à la date du 3 octobre 2007.
[I] [F] a pris possession des lieux en cours de chantier en juillet 2007.
Le 7 novembre 2007, [I] [F] a fait établir un constat d'huissier en exposant à l'officier ministériel que les travaux étaient inachevés et que les travaux réalisés comportent de nombreuses malfaçons. L'huissier a relevé l'existence d'un vitrage fêlé, l'absence de pose de la cheminée, l'absence d'un garde corps métallique dans l'escalier, l'absence d'un système de câbles tendus avec éclairage, l'absence d'achèvement du système d'éclairage de la cuisine, l'absence de raccordement de la hotte aspirante, l'aspect dissymétrique du châssis de la porte fenêtre de la cuisine, l'exiguïté du cabinet d'aisance,, l'absence de pose des portes coulissantes des placards, l'absence de coffrage des installations électriques et de distribution d'eau courant, l'absence de dispositif de fermeture des volets, l'absence de coffrage des nourrices de distribution d'eau courante, garde corps extérieur non posé.
Par exploit délivré à la SARL JP DECOR le 8 janvier 2008, [I] [F] a demandé au juge des référés de désigner un expert afin de vérifier les non-conformités, les inachèvements, les désordres et afin de constater l'abandon de chantier fin septembre 2007, en demandant qu'il lui soit donné acte de faire effectuer à ses frais avancés les travaux de mise en sécurité et de conservation de sa maison.
Il s'évince de l'ensemble de ces éléments, que la prise de possession en cours de chantier s'analyse en une prise de possession forcée dans le cadre d'une opération de réhabilitation.
L'attitude du maître de l'ouvrage, qui a considéré que les travaux étaient inachevés et que la SARL JP DECOR avait abandonné le chantier, est de nature à démontrer le caractère équivoque de l'acceptation des ouvrages.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a jugé que la réception tacite était intervenue au mois d'août 2007.
[I] [F] fonde exclusivement ses demandes sur l'article 1792 du code civil. En l'absence de réception, la présomption de responsabilité des constructeurs n'a pas vocation à s'appliquer.
En l'absence de recherche de la responsabilité contractuelle de la SARL JP DECOR, le débouté s'impose.
La demande de la SARL JP DECOR fondée sur le caractère abusif de la procédure initiée par [I] [F] ne sera pas accueillie car ce dernier n'a fait qu'user de l'exercice d'une voie de recours.
L'équité n'impose pas l'application de l'article 700 du code de procédure civile
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant publiquement par arrêt contradictoire
Déclare irrecevables les conclusions déposées le 6 avril 2011 par la SARL JP DECOR ;
Infirme le jugement déféré ,
Statuant à nouveau,
Constate l'absence de réception par [I] [F] des ouvrages réalisés par la SARL JP DECOR ;
Déboute [I] [F] des ses demandes ;
Déboute la SARL JP DECOR de sa demande de dommages-intérêts ;
Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne [I] [F] aux dépens de la procédure incluant les frais d'expertise qui seront distraits au bénéfice des avoués de la cause justifiant en avoir fait l'avance par provision
LA GREFFIERELA PRESIDENTE
L. BADELA. BESSON