COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 09 JUIN 2011
N°2011/
Rôle N° 09/23462
[T] [X]
C/
SAS RENAULT TRUCKS
Grosse délivrée le :
à :
Me Isabelle MIMRAN, avocat au barreau de NIMES
Me Joseph AGUERA, avocat au barreau de LYON
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE en date du 15 Décembre 2009, enregistré au répertoire général sous le n° 08/01062.
APPELANTE
Madame [T] [X], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Isabelle MIMRAN, avocat au barreau de NIMES
INTIMEE
SAS RENAULT TRUCKS, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Joseph AGUERA, avocat au barreau de LYON substitué par Me Jean-Baptiste TRAN-MINH, avocat au barreau de LYON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 28 Mars 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Alain BLANC, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Alain BLANC, Conseiller faisant fonction de Président
Madame Brigitte BERTI, Conseiller
Madame Françoise GAUDIN, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Mai 2011prorogé au 09 Juin 2011.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Juin 2011
Signé par Monsieur Alain BLANC, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES
Madame [T] [X] est régulièrement appelante d'un jugement rendu le 15 décembre 2009 par le Conseil de Prud'hommes d'Aix-en-Provence qui l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes présentées à l'encontre de la SAS RENAULT TRUCKS.
Par des moyens qui seront analysés dans le corps du présent arrêt, l'appelante demande à la Cour de condamner la société intimée au paiement des sommes suivantes:
- 60 000,00 euros à titre d'indemnité de départ à la retraite avec intérêts au taux légal à compter du 1er janvier 2007;
- 273 927,00 euros à titre de dommages et intérêts;
- 28 380,00 euros d'indemnité pour travail dissimulé ;
- 20 000,00 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La société intimée demande à la Cour de déclarer l'appel irrecevable.
A titre subsidiaire, elle conclut au rejet de l'ensemble des demandes de l'appelante et à sa condamnation à lui payer la somme de 3 500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Vu les conclusions des parties oralement reprises à l'audience;
Attendu que l'appelante a conclu, le 3 juillet 1994, un contrat intitulé ' convention de prestations de service ' avec la société RENAULT V I portant sur une activité en ALGÉRIE et qu'elle prétend qu'à cette époque, la situation politique dans ce pays et le climat d'insécurité en résultant pour les ressortissants étrangers interdisaient l'embauche d'un salarié français pour assurer la responsabilité du bureau de liaison de la société RENAULT;
que ce contrat stipulait que l'intéressée, ingénieur conseil, mettrait ses compétences professionnelles à la disposition de notre Bureau de Liaison, pour effectuer toutes démarches administratives et financières, tant auprès de la clientèle que des administrations concernées sur le territoire algérien avec également les travaux de comptabilité du bureau;
que le contrat précisait que l'appelante s'engageait à faire son affaire de toute déclaration fiscale, de sécurité sociale, d'assurance personnelle et tout autre suggestion de caractère administratif local, et dégageait la responsabilité de RENAULT V I;
qu'il est soutenu par la société intimée que, conformément à l'article 3 du contrat, l'appelante était rémunérée sur la base de factures qu'elle établissait ;
qu'il apparaît qu'à partir de l'année 2002, l'appelante a accompli ses prestations pour le compte de la société RENAULT TRUCKS ALGÉRIE, société de droit algérien ayant son siège à [Localité 3] et qu'elle a émis des factures de prestations de service libellées en dinars algériens ;
qu'à compter de l'année 2004, l'appelante a fait part à la société intimée de son intention de mettre un terme à ses activités professionnelles en ALGÉRIE, pour la fin de l'année 2006, afin de rentrer en FRANCE et liquider ses droits à retraite;
qu'elle a alors contesté les conditions de la cessation de son activité et prétendu qu'elle était en fait salariée de la société RENAULT TRUCKS, venue aux droits de la société RENAULT V.I;
Sur la recevabilité de l'appel:
Attendu que c'est en vain que la société intimée soutient que seule la voie du contredit était ouverte dès lors que non seulement les premiers juges ont statué sur la compétence mais également sur le fond , en statuant sur les conditions d'existence du contrat de travail et en déboutant l'appelante de l'ensemble de ses demandes;
Sur la relation contractuelle:
Attendu que la société intimée fait valoir que l'appelante a été liée par un contrat de prestation de services pour le compte de la SAS RENAULT TRUCKS ALGÉRIE, société de droit algérien et qu'elle a toujours émis des factures libellées en monnaie algérienne pour les prestations effectuées;
que son activité s'exerçait en Algérie en se soumettant à la réglementation algérienne et toujours au titre du bureau de liaison de droit algérien et que ni elle ni le groupe RENAULT n'ont cotisé en FRANCE aux diverses Caisses de retraite;
que la société intimée fait également valoir que l'appelante s'était engagée à faire son affaire de toute déclaration fiscale, de sécurité sociale et d'assurance personnelle;
Attendu qu'il est versé aux débats une carte de visite et une attestation faisant état de des fonctions de Responsable Commerciale et Grands Comptes de la Société RENAULT TRUCKS ALGÉRIE et un certificat de travail de ' RENAULT VÉHICULES INDUSTRIELS, BUREAU DE LIAISON pour l' ALGÉRIE ' qui mentionne que l'appelante a fait partie de son personnel, en qualité d'assistante de direction, du 1 er décembre 1994 au 30 septembre 2002 ;
qu'il est produit une attestation de travail émanant de la S.A.R.L. RENAULT TRUCKS ALGÉRIE mentionnant que l'appelante a fait partie de son personnel à compter du 1 er octobre 2002, le numéro d'immatriculation de la société RENAULT TRUCKS ALGÉRIE figurant sur les extraits du registre de commerce et des sociétés algérien versés aux débats est celui de la société ayant établi l'attestation de travail ;
que la société intimée fait en outre valoir que les parties au contrat de prestation de service n'ont pas fait le choix de la loi applicable ;
qu'il est constant que l'appelante n'a jamais travaillé sur le territoire français pour aucune des sociétés du Groupe RENAULT TRUCKS, qu'elle a été domiciliée en Algérie pendant toute la période et qu'elle s'est soumise volontairement à la réglementation algérienne et payée en dinars algériens;
Attendu qu'il n'est par ailleurs pas sans intérêt d'observer que l'appelante n'a pas attrait devant la juridiction prud'homale la société RENAULT TRUCKS ALGÉRIE, société de droit algérien indépendante;
Attendu qu'il est également constant que l'appelante vivait et travaillait depuis de nombreuses années en ALGÉRIE lorsqu'elle a conclu la convention précitée avec la société RENAULT V.I, le 3 juillet 1994 alors qu'elle ne revendique pas ni un statut de salarié détaché ni expatrié;
Attendu que la société intimée fait valoir que l'appelante avait le statut de travailleur indépendant, délibérément choisi dans le cadre du contrat précité et qu'elle a assuré, soit en son nom personnel, soit par le biais d'une ALPAGA INTERNATIONAL LIMITED, la représentation commerciale d'autres sociétés françaises ne pouvant détacher ou expatrier des salariés sur le territoire algérien;
qu'il est produit des attestations établies par la société DESAUTEL, société spécialisée dans la protection incendie, et la société NICOLAS, spécialisée dans la fabrication de remorques de transports routier exceptionnels, selon lesquelles l'appelante avait, par l'intermédiaire de la société ALPAGA ou en son nom propre, signait des contrats dans le cadre de relations d'affaires;
Attendu qu'il est également justement fait valoir que l'appelante ne communique aucune pièce concernant ces relations contractuelles pendant la période ;
Attendu enfin que les pièces versées aux débats ne font pas apparaître l'existence d'un lien de subordination , la production d'une note du 13 mars 1995 informant le personnel du Bureau de Liaison en ALGÉRIE que l'intérim de la Direction était assurée par l'appelante n'étant pas contradictoire avec le statut de prestataire de services ;
qu'en outre, c'est en vain que l'appelante argue d' instructions de la Direction Générale de comptes-rendus et bilans d'activités, du lien avec les administrations ou de la relation avec les clients dès lors qu'il n'est pas sérieusement contesté qu'il s'agissait de mesures temporaires propres à la situation existant à cette époque en Algérie;
que le lien de subordination invoqué est contredit par le fait que l'appelante ne travaillait pas exclusivement avec la société RENAULT TRUCKS mais également en relation avec les sociétés précitées;
Attendu enfin qu'il est constant qu'un ressortissant français ayant travaillé dans un pays n'ayant pas signé d'accord de Sécurité Sociale avec la FRANCE peut, s'il est salarié, et souhaite percevoir une retraite émanant d'une Caisse de Retraite Française, souscrire une assurance volontaire auprès de la Caisse des Français de l'Étranger ce qui ne le dispense pas de cotiser auprès d'une caisse locale;
que s'il est commerçant, artisan ou exerçant une profession libérale, il peut souscrire une assurance volontaire pour le risque vieillesse auprès des régimes de retraite des travailleurs indépendants;
qu'il apparaît que l'appelante produit une carte d'affiliation volontaire auprès de la Caisse Interprofessionnelle de Prévoyance des Cadres, à effet du 1 er janvier 1969, alors qu'elle résidait déjà en ALGÉRIE, démontrant ainsi qu'elle était parfaitement au courant des possibilités s'offrant à elle pour assurer le risque vieillesse;
Attendu dès lors que les premiers juges ont pu valablement estimer que l'appelante avait accompli ses prestations de services pour le compte de la société RENAULT TRUCKS ALGÉRIE , émis des factures de prestation de services libellées en dinars algériens et n'avait jamais cotisé en FRANCE aux diverses caisses de retraite alors que parallèlement, la convention de prestation de services conclue avec la société RENAULT VI prévoyait expressément qu'elle s'engageait à faire son affaire de toute déclaration fiscale, de sécurité sociale et d'assurance personnelle;
qu'ainsi, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que l'appelante a travaillé en Algérie en qualité de travailleur indépendant;
Attendu en conséquence que l'appelante sera déboutée de ses demandes en paiement d'une indemnité de départ en retraite, d'une indemnité pour travail dissimulé et de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour défaut de déclaration aux caisses de retraite;
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en matière prud'homale,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté Madame [T] [X] de l'ensemble de ses demandes;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
Condamne l'appelante à supporter les entiers dépens.
Le Greffier Le Président