COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
8e Chambre A
ARRÊT SUR CONTREDIT
DU 16 JUIN 2011
N° 2011/ 436
Rôle N° 11/04101
SAS STATION 7
C/
SAS MARSEILLE ALIMENTATION
Grosse délivrée
le :
à :
SCP TOUBOUL
Me J.L. BOISNEAULT
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 24 Février 2011 enregistré au répertoire général sous le n° 11/05.
DEMANDERESSE SUR CONTREDIT
SAS STATION 7,
demeurant [Adresse 3]
représentée par la SCP DE SAINT FERREOL-TOUBOUL, avoués à la Cour,
assistée par Me Michel DOSSETTO, avocat au barreau de MARSEILLE
DEFENDERESSE SUR CONTREDIT
SAS MARSEILLE ALIMENTATION,
demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Jean-Louis BOISNEAULT, avocat au barreau de MARSEILLE demeurant [Adresse 1]
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 04 Mai 2011 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Isabelle VERDEAUX, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Guy SCHMITT, Président
Madame Catherine ELLEOUET - GIUDICELLI, Conseiller
Madame Isabelle VERDEAUX, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame France-Noëlle MASSON.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Juin 2011.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Juin 2011,
Signé par Monsieur Guy SCHMITT, Président et Madame France-Noëlle MASSON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCEDURE - PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
La société MARSEILLE ALIMENTATION est propriétaire d'un immeuble [Adresse 3] qu'elle loue à la société MARSEILLE CARBURANT qui exploite sous le nom commercial STATION 7 une concession d'automobiles de marque BMW et MINI. La société MARSEILLE ALIMENTATION et la société MARSEILLE CARBURANT ont conclu un bail commercial le 14 décembre 2001 et un avenant au bail le 17 janvier 2007.
La situation de l'immeuble, dans le périmètre d'aménagement de la CITE DE LA MEDITERRANEE à [Localité 4], a contraint le propriétaire à en négocier la vente à un des groupes chargés de la réhabilitation du quartier.
Afin de pouvoir reloger la concession automobile que Monsieur [F] s'apprêtait à vendre, des contacts ont été pris avec le promoteur, la société MEUNIER IMMOBILIER D'ENTREPRISE (MIE), qui deviendra BNP PARIBAS IMMOBILIER et plusieurs accords concernant la vente de l'immeuble et de la concession vont être signés :
- Le 23 mars 2008, signature d'un protocole aux termes duquel la société MARSEILLE ALIMENTATION s'engage à vendre l'immeuble à la société MEUNIER IMMOBILIER D'ENTREPRISE et cette dernière s'engage à fournir au futur concessionnaire deux baux en état futur d'achèvement dans des immeubles qu'elle a en construction sur un site voisin.
- Le 18 juin 2008 et le 18 juillet 2008, la société MIE signe avec la société STATION 7, futur acquéreur de la concession, deux baux en état futur d'achèvement dans le but de transférer ultérieurement la concession automobile, la société STATION 7 envisageant d'acquérir le fonds de commerce de la SAS MARSEILLE CARBURANT et de poursuivre l'exploitation de la concession automobile BMW.
- Le 30 juillet 2008, la société MARSEILLE CARBURANT, le vendeur de la concession, cède à la société MARSEILLE CARBURANT, le fonds de commerce d'acha t et vente de véhicules automobiles comprenant notamment les contrats de concession BMW et MINI, à l'exclusion du droit au bail. Cet accord est également signé par la société MARSEILLE ALIMENTATION en qualité de bailleur des locaux.
- Le 21 novembre 2008, la société MARSEILLE ALIMENTATION confirme à la société BNP PARIBAS IMMOBILIER la vente de l'immeuble, la libération des locaux au 30 juin 2011 étant une des conditions suspensives de la promesse synallagmatique de vente de l'immeuble, [Adresse 3].
La société STATION 7 informait la société BNP PARIBAS IMMOBILIER qu'elle renonçait aux deux baux en l'état futur d'achèvement. BNP PARIBAS IMMOBILIER en prenait acte le 12 août 2010.
La société BNP PARIBAS IMMOBILIER portait à la connaissance de la société MARSEILLE ALIMENTATION qu'elle n'entendait pas renoncer à la condition suspensive de l'accord de vente des terrains, soit une libération des locaux au 30 juin 2011, qui était une condition déterminante de son engagement d'acquérir le terrain de la société MARSEILLE ALIMENTATION.
- Le 8 octobre 2010, la société MARSEILLE ALIMENTATION faisait sommation à la société STATION 7 d'avoir à libérer les lieux avant le 31 décembre 2010 et d'avoir à lui payer une indemnité d'occupation.
- Le 20 décembre 2010, la société MARSEILLE ALIMENTATION assignait la société STATION 7 devant le Tribunal de Commerce de Marseille aux fins de :
* prononcer l'expulsion de la société STATION 7, sans terme ni délai, sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard courant à compter d'un délai de 8 jours de la signification du jugement à intervenir ;
* dire et juger qu'au cours de la période d'occupation, l'indemnité correspondante due par la société STATION 7 ne pourra être inférieure à la valeur locative des locaux soit la somme annuelle de 518 520 euros HT, soit la somme de 620 149 euros TTC ;
* condamner la société STATION 7 pour le 4ème trimestre 2010, à la somme de 155 037 euros TTC de laquelle il convient de déduire la provision versée de 90 725 36 euros, soit un solde dû de 64 312 euros ;
* condamner la société STATION 7 au paiement de la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens.
Par jugement rendu le 24 février 2011, le Tribunal de Commerce de Marseille a :
- déclaré qu'il était matériellement compétent ;
- rejeté l'exception de litispendance ;
- ordonné la réouverture des débats ;
- enjoint aux parties de conclure sur le fond du litige ;
- condamné la société STATION 7 au paiement des frais de remise au rôle de l'affaire ;
- dit que le défaut de remise au rôle emporte absence de saisine de la juridiction ;
- condamné la société STATION 7 aux dépens.
Par courrier en date du 28 février 2011, la société STATION 7 a formé un contredit.
Par conclusions déposées le 28 avril 2011, la société STATION 7 prétend que le Tribunal de Commerce de Marseille n'est pas compétent, car elle est titulaire d'un bail commercial qui n'a pas été résilié.
Elle affirme qu'elle a poursuivi les baux commerciaux en cours, lorsqu'elle a acquis le fonds de commerce et soutient avoir payé des loyers et avoir reçu des quittances de loyer et prétend en conséquence que les contestations relatives à l'exécution d'un bail commercial doivent être portées devant le Tribunal de Grande Instance, en application de l'article R 145-23 du Code de Commerce et que le Tribunal de Commerce est incompétent.
Elle fait également valoir que six jours avant d'être assignée par la société MARSEILLE CARBURANT devant le Tribunal de Commerce de Marseille, elle avait assigné la société MARSEILLE ALIMENTATION devant le Tribunal de Grande Instance de Marseille, et soulève une exception de litispendance;
La société MARSEILLE ALIMENTATION demande à la Cour de rejeter le contredit, soutenant qu'il s'agit d'un litige entre deux personnes commerciales par nature qui trouve sa cause dans un acte de commerce, une cession de fonds de commerce et que par conséquent la juridiction consulaire est compétente en application de l'article L. 721-3 du Code de Commerce.
Elle soutient que le litige a trait à une cession de fonds de commerce sans transfert de bail commercial et que la société STATION 7 ne peut se prévaloir des baux commerciaux passés entre les sociétés MARSEILLE ALIMENTATION et MARSEILLE CARBURANT qui ont été expressément exclus de la cession.
Elle conclut également au rejet de l'exception de litispendance, en raison du caractère infondé de la demande tendant à faire établir des baux commerciaux par le Tribunal de Grande Instance.
Elle conclut à l'évocation du fond par la Cour et sollicite 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur l'exception d'incompétence :
Attendu que pour revendiquer la compétence du Tribunal de Grande Instance, la société STATION 7 prétend que dans le cadre de l'acquisition du fonds de commerce d'achat et de vente de véhicules automobiles auprès de la société MARSEILLE CARBURANT, par acte sous seing privé du 30 juillet 2008, elle a poursuivi les baux commerciaux en cours et conclus initialement entre la société MARSEILLE ALIMENTATION et la société MARSEILLE CARBURANT ;
Attendu toutefois que l'acte de cession auquel est intervenu la société MARSEILLE ALIMENTATION, d'une part, au titre des éléments du fonds de commerce cédé, ne comporte nullement le droit au bail revendiqué par la société STATION 7, mais encore l'exclut expressément ;
Attendu en effet que cet acte précise en son article V, intitulé -Droit au bail - Accords particuliers ; 'la société CARBURANT a informé la société STATION 7 que la société MARSEILLE ALIMENTATION a signé avec la société MEUNIER IMMOBILIER D'ENTREPRISE un protocole d'accord, le 21 mars 2008, en vue de l'acquisition par cette dernière de l'immeuble : [Adresse 3] dans lequel le fonds cédé est exploité : en conséquence de quoi le droit au bail ne lui est donc pas transmis' ;
Attendu que l'acte de cession du fonds de commerce précise également que la société MEUNIER IMMOBILIER D'ENTREPRISE et la société STATION 7 ont convenu le 18 juin 2008, de deux baux en état futur d'achèvement et que la société STATION 7 libérera l'immeuble [Adresse 3] dès que les nouveaux locaux seront mis à sa disposition ; qu'il est également prévu que la société STATION 7 ne pourra prétendre à aucune indemnité puisque le fonds de commerce ne lui est cédé qu'en raison de son acceptation de libérer les locaux afin de permettre leur reconstruction ;
Attendu qu'en l'absence de toute signature d'un bail commercial ou de convention d'occupation précaire entre les parties, la société STATION 7 qui ne justifie pas davantage d'un bail verbal, n'est pas fondée à revendiquer ni l'application de l'article L 145-15 du Code de Commerce ni la compétence du Tribunal de Grande Instance alors que sa présence dans les locaux de la société MARSEILLE ALIMENTATION résulte de la cession à son profit du fonds de commerce qui ne comporte aucune transmission de bail commercial par le cédant et qui prévoit son départ dans d'autres locaux, objet de baux en l'état futur d'achèvement qui lui ont été consentis et auxquels elle a renoncé ; que cet acte est à l'origine du litige qui oppose les parties et son appréciation relève de la compétence du Tribunal de Commerce ;
Sur l'exception de litispendance :
Attendu que l'assignation de la société MARSEILLE ALIMENTATION par la société STATION 7 le 14 décembre 2010 devant le Tribunal de Grande Instance de Marseille aux fins de voir constater qu'aucune résiliation des baux conclus le 14 décembre 2001 et le 17 janvier 2007 n'est intervenue, qu'aucun congé n'a été délivré à la société STATION 7, que la société STATION 7 est titulaire des deux baux en question et qu'elle n'est redevable d'aucune indemnité d'occupation, n'a pas le même objet que la présente instance qui vise à obtenir l'expulsion de la société STATION 7 et l'obtention d'une indemnité d'occupation sur le fondement d'un accord commercial signé entre les deux sociétés qui relève de la compétence du Tribunal de Commerce ; qu'il y a lieu de rejeter cette exception de litispendance ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu à évocation du fond du litige dont l'examen sera renvoyé au Tribunal de Commerce de Marseille ;
Attendu que l'équité justifie l'allocation au profit de la société MARSEILLE ALIMENTATION d'une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile et de rejeter la demande formée à ce titre par la société STATION 7.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement,
Rejette le contredit formé par la société STATION 7.
Renvoie l'examen du fond du litige devant le Tribunal de Commerce de Marseille.
Condamne la société STATION 7 à payer à la société MARSEILLE ALIMENTATION la somme de 1 000 € (mille euros) au titre de l'article 700 du Code de procédure Civile.
Déboute les parties de toutes autres ou plus amples demandes.
Condamne la société STATION 7 aux dépens.
LE GREFFIERLE PRESIDENT