COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
15e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 24 JUIN 2011
N° 2011/353
Rôle N° 09/10950
SAS GENESYL
C/
Société SARA
Grosse délivrée
le :
à : la SCP COHEN-GUEDJ
la SCP BOTTAI-GEREUX-BOULAN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 02 Juin 2009 enregistré au répertoire général sous le n° 08/7387.
APPELANTE
SAS GENESYL, prise en la personne de son représentant légal en exercice, demeurant [Adresse 1]
représentée par la SCP COHEN - GUEDJ, avoués à la Cour, assistée de Me Alain BERDAH, avocat au barreau de NICE substitué par Me Pascale DIEUDONNE, avocat au barreau de NICE
INTIMEE
Société Anonyme Roquebrunoise d'Aménagement (S.A.R.A.), prise en la personne de son représentant légal en exercice, demeurant [Adresse 2]
représentée par la SCP BOTTAI GEREUX BOULAN, avoués à la Cour, assistée de la SELARL d'Avocats LLC et Associés, avocats au barreau de DRAGUIGNAN
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 11 Mai 2011 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Christian COUCHET, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame France-Marie BRAIZAT, Président
Monsieur Christian COUCHET, Conseiller
Monsieur Olivier BRUE, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 Juin 2011.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 Juin 2011,
Signé par Madame France-Marie BRAIZAT, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
La Société Anonyme Roquebrunoise d'Aménagement, société d'économie mixte de droit privé dite SEM SARA, a consenti un compromis de vente sur des parcelles de terrain sises lieu dit [Localité 3] à [Localité 5] au profit de la société GENESYL, aménageur, qui devait se charger d'y implanter une zone artisanale.
Par ordonnance en date du 26 août 2008 du juge de l'exécution de ce siège, la société GENESYL a obtenu l'autorisation de pratiquer une saisie conservatoire sur les comptes détenus par la société SEM SARA auprès de la Caisse d'Epargne de Côte d'Azur sur le fondement d'une créance de restitution de sommes versées à titre d'acomptes en cas de non résiliation de la vente, et la saisie a été pratiquée le 02 septembre 2008 et dénoncée le 05 septembre 2008.
Par jugement du 2 juin 2009 le juge de l'exécution du tribunal de grande instance a rétracté son ordonnance sur requête du 26 août 2008 et ordonné la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée le 2 septembre 2008 sur les comptes ouverts au nom de la société SAR auprès de la Caisse d'épargne de la Côte d'Azur, outre condamnation de la SAS GENESYL au paiement de la somme de 1.000 € au profit de la SEM SARA en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 11 juin 2009 la SAS GENESYL en a relevé appel et, par conclusions du 8 octobre 2009 a conclu ainsi :
Considérant qu'elle avait été victime de manoeuvres dolosives l'ayant entraînée à contracter par erreur et considérant que le promettant vendeur était défaillant dans ses obligations, la société GENESYL a présenté, le 22 aooût 2008, une requête aux fins de saisie conservatoire, acceptée par ordonnance du 26 août 2008.
Attendu qu'il convient à titre liminaire de préciser que la rétractation et la mainlevée ordonnées par la décision déférée ont comme motivation exclusive que la société GENESYL ne détenait aucune créance contre la SEM SARA en raison de la cession par la société GENESYL au profit de la banque PALATINE de la créance de restitution.
La promesse de vente du 2 février 2007 est une promesse synallagmatique de vente sous conditions suspensives, c'est-à-dire qu'il s'agit d'une vente pure et simple subordonnée à la seule réalisation de conditions suspensives stipulées au profit du bénéficiaire de la promesse.
La promesse de vente du 2 février 2007 stipulait le versement par la société GENESYL de 2 acomptes d'un montant total de 760.000 €, ayant une destination contractuelle précise : 'Dans l'hypothèse où l'acte authentique ne pourrait être réalisé, la SOCIETE VENDERESSE s'engage à rembourser à l'acquéreur déchu l'intégralité des acomptes versés par lui'.
Cette destination contractuelle excluait toute possibilité pour la SEM SARA d'utiliser les fonds versés par la société GENESYL à une autre fin et notamment il ne lui était pas loisible d'utiliser ces fonds pour ses besoins personnels.
La saisie pratiquée révèle que ces fonds n'ont pas été bloqués dans l'attente de la réalisation de la vente et que bien plus le montant des acomptes versés ne se retrouve pas dans les actifs de la SEM SARA.
Attendu que la SEM SARA soutient que la somme de 690.000 € 'n'a pas été versée par la société GENESYL mais directement par la banque PALATINE', laquelle banque a payé 'à l'appui d'une cession DAILLY' qui aurait pour effet, selon la SEM SARA, de rendre la seule banque PALATINE créancier de la SEM SARA aux lieu et place de la société GENESYL de sa qualité à agir pour obtenir le remboursement de la créance.
Attendu qu'une telle analyse est erronée : qu'en effet, elle a contracté un emprunt sous forme de découvert en compte courant auprès de la banque PALATINE, et en garantie du remboursement de ce compte courant elle lui a cédé la créance de remboursement dont elle était titulaire à l'encontre de la SEM SARA, et elle verse aux débats la convention de cession à titre de garantie intervenue avec la banque PALATINE suivant acte sous seing privé fait à [Localité 4].
Elle estime qu'il résulte de ces dispositions contractuelles qui ne sont que le reflet des dispositions légales régissant la matière et de la jurisprudence subséquente, disposer d'un intérêt et de la qualité à agir contre la SEM SARA tant pour garantir que pour recouvrer la créance cédée.
La promesse de vente du 2 février 2007 est une promesse synallagmatique de vente sous conditions suspensives, c'est-à-dire pour reprendre la terminologie de la SEM SARA qu'il s'agit d'une vente pure et simple subordonnée à la seule réalisation de conditions suspensives stipulées au profit du bénéficiaire de la promesse.
Cette promesse stipule tout à la fois que l'entier terrain est constructible (et donc qu'il n'existe aucune zone inconstructible) et qu'il n'existe aucune zone inondable sur ledit terrain.
Ces stipulations résultent des déclarations et engagements du promettant vendeur de la SEM SARA, et il est aujourd'hui établi et constant qu'il existe sur les terrains objet de la promesse un espace boisé classé de 9 ha, et une zone inondable de 3 ha.
La société GENESYL considère justifier de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de sa créance de remboursement, puisque la SEM SARA a publié à une date inconnue mais certainement postérieure au 22 août 2008 les comptes 2007 révélant une perte de 38.792 €, en sorte qu'elle demande à la cour :
- d'infirmer en conséquence la décision entreprise en toutes ses dispositions,
- de débouter la SEM SARA de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- et de la condamner à payer lui payer la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, et une indemnité de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions signifiées le 2 décembre 2009 la Société Anonyme Roquebrunoise d'Aménagement, société d'économie mixte de droit privé dite SEM SARA réplique :
La saisie pratiquée par GENESYL se fonde sur deux créances qu'elle prétend avoir sur la SEM SARA l'une de 70.000 € correspondant à un acompte versé à la signature du compromis et l'autre de 690.000 € correspondant à un autre acompte versé à la fin de l'année 2007.
Pourtant, force est de constater que la somme de 690.000 € n'a pas été versée par GENESYL, mais comme indiqué précédemment directement par la banque PALATINE.
En effet, par courrier du 25 octobre 2007, le Directeur de la société GENESYL a écrit que la somme de 690.000 € 'sera réglée directement par notre banque', et ce à l'appui d'une 'cession Dailly notifiée que vous voudrez bien accepter au préalable'.
C'est ainsi que le 14 novembre 2007, la BANQUE PALATINE a notifié à la SEM SARA la cession de créance intervenue avec la société GENESYL.
Le 21 novembre 2007, la SEM SARA acceptait ladite cession de créance.
Aux termes de cet acte, était cédée par la société GENESYL à la banque PALATINE la créance consistant en 'l'engagement de remboursement d'acompte par la SEM SARA stipulé page 5, paragraphe Prix de la promesse de vente signée le 2/02/2007 portant sur diverses parcelles de terrain lieu dit [Localité 3] à [Localité 5], échéance 31/10/2008, montant 760.000 €.
Le virement de la somme de 690.000 € a été effectué sur le compte courant de la SEM SARA le 12 décembre 2007.
L'intimée conclut qu'en l'espèce, force est ainsi de constater la société GENESYL (cédant) a cédé sa créance de remboursement à la banque PALATINE (cessionnaire), que cette cession de créance a été notifiée à la SEM SARA, débiteur potentiel de ladite créance de remboursement, et que la Banque PALATINE a fait défense à la SEM SARA de payer la créance de remboursement entre les mains de la société GENESYL, ce dont il résulte de l'ensemble de ce qui précède que :
- la créance de remboursement des sommes versées par la socité GENESYL à l'occasion de l'exécution du compromis a été cédée à la banque PALATINE,
- que créance cédée est d'un montant de 70.000 €,
- que la banque PALATINE a notifié cette cession à la SEM SARA lui faisant interdiction de payer la société GENESYL, laquelle ne justifie pas avoir désintéressé la banque PALATINE,
- et que dès lors la société GENESYL ne dispose en l'état d'aucune créance contre la SEM SARA, cette créance à la supposer existante étant dans le patrimoine de la banque PALATINE et non dans celui de la société GENESYL.
Elle fait valoir que sa bonne santé financière s'explique simplement par sa nature juridique, en tant que société d'économie mixte à capitaux privés et majoritairement public (80 %) chargée de missions d'intérêt général, dont notamment la commune de [Localité 5], et la Caisse d'Epargne, et sollicite de la cour de :
- constater qu'au jour de la saisie conservatoire la société GENESYL ne pouvait se prévaloir d'une créance de 760.000 € à son égard,
- constater que la société GENESYL ne dispose d'aucune créance fondée en son principe ni menacée en son recouvrement pour solliciter une mesure conservatoire, et en conséquence,
- et de confirmer le jugement rendu par le juge de l'exécution près le tribunal de grande instance de Draguignan le 2 juin 2009, tout en condamnant la société GENESYL à lui payer les sommes de 75.000 € de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis et de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 septembre 2010.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
L'analyse des éléments du présent litige révèle que la promesse synallagmatique de vente et d'achat passée entre les parties par acte sous seing privé du 2 février 2007 aux fins de réalisation d'un projet immobilier commercial, soumise à certaines conditions suspensives telles notamment l'autorisation administrative d'exploiter des commerces et celle de construire les bâtiments destinés à les abriter, stipulait le versement par la société GENESYL de 2 acomptes d'un montant total de 760.000 €, dont la destination contractuelle précisait que 'Dans l'hypothèse où l'acte authentique ne pourrait être réalisé, la SOCIETE VENDERESSE [SEM SARA] s'engage à rembourser à l'acquéreur déchu l'intégralité des acomptes versés par lui'.
De plus cette promesse mentionnait que l'entier terrain était constructible, sans aucune zone inconstructible, et qu'il n'existait pas de zone inondable sur ledit terrain, stipulations expressément énoncées par les déclarations et engagements du promettant vendeur, pour lesquelles il est aujourd'hui démontré et non contesté par celui-ci, que les terrains objet de la promesse de vente comportent au contraire un espace boisé classé de 9 ha, comme l'a souligné le premier juge en référence à une ordonnance de référé du tribunal administratif de Nice du 29 mai 2008 décidant la suspension de l'exécution de la délibération en date du 17 octobre 2007, par laquelle le conseil municipal de la commune de Roquebrunne sur Argens a approuvé la 8ème modification générale du plan d'occupation des sols... approuvé le 30 mars 1990'.
Dès lors la société appelante dispose d'une créance fondée en son principe au sens des articles 67 de la loi du 9 juillet 1991 et 210 du décret du 31 juillet 1992, eu égard au versement des acomptes lui incombant d'un montant total de 760.000 €, et de l'absence de concrétisation du compromis susvisé de par les obstacles indépendants de sa volonté.
À cet égard l'argumentation de la société intimée, relative au paiement de la somme précitée à titre d'acompte, directement par la banque PALATINE ne saurait être retenue.
En effet le versement des fonds a été opéré à hauteur de la somme de 70.000 € par la société intimée, et de 690.000 € par la banque PALATINE en exécution d'un emprunt accordé à la SAS GENESYL sous forme de découvert en compte courant, assorti d'une garantie de remboursement en faveur de ladite banque matérialisée par la cession de la créance détenue à l'égard de la SEM SARA, destinataire d'une lettre recommandée avec avis de réception valant notification de la cession de créance.
Il apparaît par ailleurs que la saisie pratiquée a révélé que les fonds n'ont pas été bloqués dans l'attente de la réalisation de la vente par la société intimée, et que leur montant ne se retrouve pas dans les actifs de celle-ci.
Enfin ne contestant pas sérieusement les pertes d'exploitation arguées par la société appelante en fonction d'une fiche 'Infogreffe' indiquant au 31 décembre 2008 un résultat négatif de son chiffre d'affaires de 304.819 €, l'intimée se limite à communiquer copie de l'attestation du Cabinet Blion-Audicompta, spécifiant uniquement le dépôt au greffe du tribunal de commerce de Fréjus, le 27 juin 2008, de ses 'comptes annuels', sans pour autant communiquer - au vu de la liste de ses pièces - le moindre élément concret se rapportant à sa situation financière.
L'existence de ces circonstances est donc de nature à menacer le recouvrement de la créance fondée en son principe de la société GENESYL, en application des articles 67 et 210 susmentionnés.
Le jugement entrepris est en conséquence infirmé en toutes ses dispositions, la mesure conservatoire de créance devant être maintenue.
L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
Les demandes de dommages et intérêts formées par les parties sont rejetées en l'absence de preuve d'un quelconque préjudice.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,
Reçoit l'appel,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau,
Dit et juge qu'il n'y a pas lieu de rétracter l'ordonnance sur requête rendue par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Draguignan le 26 août 2008,
Dit n'y avoir lieu a application de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d'appel,
Rejette toute autre demande,
Condamne la Société Anonyme Roquebrunoise d'Aménagement aux entiers dépens, ceux d'appel étant recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier Le Président