COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
3e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 20 OCTOBRE 2011
N° 2011/392
Rôle N° 10/14218
[K] [I]
[R] [I]
C/
[Y] [H]
Grosse délivrée
le :
à : SCP DE ST FERREOL
SCP TOLLINCHI
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 15 Juin 2010 enregistré au répertoire général sous le n° 06/01790.
APPELANTS
Monsieur [K] [I]
né le [Date naissance 3] 1943 à [Localité 7]
demeurant [Adresse 5]
représenté par la SCP MJ DE SAINT FERREOL ET COLETTE TOUBOUL, avoués à la Cour
Madame [R] [I]
née le [Date naissance 2] 1958 à [Localité 6]
demeurant [Adresse 5]
représentée par la SCP MJ DE SAINT FERREOL ET COLETTE TOUBOUL, avoués à la Cour
INTIME
Monsieur [Y] [H]
né le [Date naissance 4] 1942 à [Localité 8] (TUNISIE)
demeurant [Adresse 1]
représenté par la SCP TOLLINCHI VIGNERON TOLLINCHI, avoués à la Cour, plaidant par Me Didier ARENA, avocat au barreau de GRASSE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 07 Septembre 2011 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Michel CABARET, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Christine DEVALETTE, Présidente
Monsieur Gilles ELLEOUET, Conseiller
Monsieur Michel CABARET, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Lydie BADEL.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Octobre 2011.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Octobre 2011,
Signé par Madame Christine DEVALETTE, Présidente et Madame Lydie BADEL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
PROCEDURE
Suite à leur acquisition d'une propriété à [Localité 7], les époux [I], domiciliés au Gabon, en ont confié la rénovation à [Y] [H] au cours de l'année 1999.
L'entrepreneur leur ayant réclamé le 2 juin 2001 un solde de facture de 150.000 francs (22.867,35 euros), les époux [I] ont saisi le juge des référés qui a désigné Monsieur [M] en qualité d'expert suivant ordonnance rendue le 15 mars 2002.
En lecture du rapport, [Y] [H] a fait assigner les maîtres de l'ouvrage pour obtenir leur condamnation au visa de l'article 1779 du code civil à lui payer une somme de 357.762.73 euros. Reconventionnellement, les époux [I] ont sollicité la réparation de leur préjudice.
Par jugement, assorti de l'exécution provisoire rendu le 15 juin 2010 le Tribunal de Grande Instance de Nice a, au visa des articles 1315, 1779 et suivants du code civil,
condamné Monsieur et Madame [K] [I] solidairement à payer à Monsieur [Y] [H] la somme de 167 902,36 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du 21 février 2006;
débouté Monsieur [H] du surplus de ses prétentions indemnitaires;
débouté les époux [I] de leur demande reconventionnelle de dommages et intérêts;
condamné solidairement Monsieur et Madame [I] à payer à Monsieur [H] la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
condamné solidairement Monsieur et Madame [I] aux dépens qui pourront être distraits au profit des avocats de la cause dans les conditions fixées par l'article 699 du code de procédure civile.
Les époux [I] ont régulièrement interjeté appel de ce jugement suivant déclaration enregistrée le 26 juillet 2010.
Vu les conclusions déposées le 25 mars 2011 par les époux [I] ;
Vu les conclusions déposées le 18 février 2011 par [Y] [H] appelant incident ;
Vu l'ordonnance de clôture en date du 7 septembre 2011 ;
Sur ce ;
Sur la nature du marché.
Les parties s'opposent sur la nature du contrat d'entreprise et sur le solde des prestations dues à l'entrepreneur.
Aux termes des dispositions de l'article 1793 du code civil lorsqu'un entrepreneur s'est chargé de la construction à forfait d'un bâtiment d'après un plan arrêté et convenu avec le propriétaire du sol, il ne peut demander aucune augmentation de prix, ni sous prétexte de l'augmentation de la main d''uvre ou des matériaux, ni sous celui des changements ou d'augmentation faits sur ce plan, si ces changements ou augmentations n'ont pas été autorisés par écrit et le prix convenu avec le propriétaire.
En l'espèce, les maîtres de l'ouvrage ont confié la rénovation de l'immeuble qu'ils ont acquis le 12 avril 1999 à [Y] [H] sans avoir conclu un marché global.
La première démonstration de l'accord des parties est constituée par un document faxé par l'entrepreneur aux maîtres de l'ouvrage aux termes duquel une information leur est donnée sur les ouvrages à réaliser et sur le prix des prestations concernant les postes suivants :
-ouverture du mur porteur, cuisine et salle à manger attenante
-sol en marbre de toute la villa
-terrasse pergola, barbecue et salle à manger importante
- revêtement de tous les murs et plafonds en blanc avec beaucoup de métrage.
- Terrasse extérieur - Pergola 84.000 F. H.T.
- Cuisine et cellier 79.200 F. H.T.
- Salle à manger 86.100 F. H.T.
- Rez de chaussée 157.920 F. H.T.
- 1er étage 151.890 F. H.T.
- Rampes d'escaliers 54.300 F. H.T.
TOTAL H T 613.410 F. H.T soit 93.513,75 euros
A titre indicatif, l'entrepreneur précise que :
-Le revêtement terrasse sera en pierre ou dalle de terre cuite à 178 F le m2 prix d'achat
-Le revêtement de la villa sera en marbre MARFIL premier choix à340 F le m2 prix d'achat
Le 15 mars 1999, [Y] [H] a adressé un devis détaillé de ses prestations pour un coût total de 613.410 FRANCS HT soit 739.772 francs TTC, soit 112.777,51 euros.
Le 22 avril 1999, il leur a transmis un devis concernant le coût des fournitures et de la main d''uvre pour un coût de 501.194 francs HT, soit 76.406,53 euros
Le 26 juillet 1999, il adressait aux maîtres de l'ouvrage les plans définitifs de l'implantation de leur maison accompagnés du relevé du coût des travaux à faire réaliser par des sous traitants pour des prestations distinctes totalisant une somme de 899.431 francs TTC, soit 137.117,37 euros, portant le montant total à 1.400.000 francs, soit 213.428,62 euros TTC.
Ce document précise que ne sont pas comprises dans ce coût les prestations suivantes :
-façade de toute la villa, balcon et baie vitrée,
-faux plafond de toute la villa,
-plus values sanitaires, douche, baignoire,
-plus value électricité,
-portes menuiseries intérieures et portes d'entrée,
-fontaine, mosaïque décor et cheminée,
Le 21 février 2000, [Y] [H] leur adressait un devis pour la réalisation d'une cuisine aménagée comportant la fourniture des appareils ménagers pour un coût total de 197.728 francs TTC soit 30.143.44 euros.
Le 5 mai 2000, il leur adressait un devis concernant une terrasse de barbecue, des travaux relatifs à la réalisation du parking principal, le portail d'entrée de la villa et la clôture pour un coût de 272.200 francs HT soit 41.496,62 euros HT.
Ces documents non contestés par les maîtres de l'ouvrage démontrent l'absence de convention originelle sur le prix définitif du marché en ce que le volume, la nature et les modalités des travaux n'ont pas été déterminés avec précision, et ce dans la mesure où de nouvelles prestations ont nécessité de nouveaux devis, portant sur différents éléments de l'ouvrage.
En conséquence, le moyen tiré de l'existence d'un marché à forfait soutenu par les époux [I] est inopérant.
Sur le compte des parties.
Les deux parties sont en désaccord sur le montant des sommes dues à [Y] [H] qui réclame à titre principal une somme de 357.762,73 euros, tandis que les époux [I] s'estiment créanciers d'un trop perçu à hauteur de la somme de 22.902 euros.
Ces divergences sont fondées sur l'existence de travaux supplémentaires revendiqués par l'entrepreneur.
Dans le cadre de l'expertise judiciaire les époux [I], qui ont pris possession de leur bien au mois de juin 2001, se sont prévalus de malfaçons affectant les ouvrages réalisés par [Y] [H].
A ce titre l'expert a notamment objectivé des malfaçons affectant la cheminée, les branchements défectueux des appareils ménagés dans la cuisine, les enduits de façades, il a précisé qu'un pool house réalisé par [Y] [H] avait été démoli avant ses opérations, en ce qu'il avait été réalisé sans autorisation administrative.
Ces éléments sont de nature à démontrer que [Y] [H] a réalisé diverses prestations complémentaires qui ont été acceptées par les maîtres de l'ouvrage ( ravalements de façades, construction du pool house).
L'expert judiciaire qui a pris en considération l'ensemble des documents analysés ci-avant par la cour a objectivé le coût des travaux réalisés en retenant la somme de 363.568,65 euros TTC, à laquelle il a régulièrement ajouté le coût concernant des prestations effectivement réalisées, dont la cour observe qu'elles avaient été expressément exclues de la proposition du 26 juillet 1999.
[Y] [H] a produit en cours d'expertise une facture récapitulative concernant le montant des prestations qu'il prétend avoir réalisées pour un montant de 354.974,35 euros HT. L'homme de l'art a observé qu'il ne pouvait pas retenir la totalité des travaux de gros 'uvre en l'absence de précisions suffisantes sur la nécessité de les réaliser et surtout de l'incohérence concernant les coûts calculés soit à l'heure, soit au forfait, soit au prix unitaire.
En l'absence de démonstration par l'entrepreneur que des suppléments aient été commandés et acceptés par les maîtres de l'ouvrage suivant des modalités de tarification variables, ce décompte définitif sera écarté.
Le montant des prestations objectivement réalisées s'élève à un coût total de 584.377.75 euros.
Les époux [I] ont réglé à [Y] [H] la somme de 370.705.40 euros.
Après déduction des moins values et des malfaçons totalisant 45.769.99 euros, il résulte un solde de 167.902, 36 euros en faveur de l'entrepreneur, qui n'établit pas l'existence d'une créance supérieure.
Après avoir écarté la proposition de [Y] [H] de solder les comptes à hauteur de 150.000 francs, en ce que cette proposition avait été refusée par les maîtres de l'ouvrage, c'est à bon droit que le tribunal a condamné les époux [I] au paiement de la somme de 167.902,36 euros.
Les époux [I] invoquent la responsabilité contractuelle au titre des fautes commises par [Y] [H], sans requérir l'indemnisation de leur préjudice qui ne peut s'entendre d'une réduction du prix des prestations complémentaires mais d'une demande en dommages-intérêts. Les désordres ayant été pris en considération dans le compte des parties, les époux [I] ne sont pas fondés à s'opposer au paiement du solde du marché.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant publiquement par arrêt contradictoire
Confirme le jugement déféré
Dit n'y avoir lieu en cause d'appel à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne les époux [I] aux dépens de la procédure qui seront distraits au bénéfice des avoués de la cause justifiant en avoir fait l'avance par provision
LA GREFFIERELA PRESIDENTE
L. BADELC. DEVALETTE