COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
10e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 07 DECEMBRE 2011
N° 2011/ 487
Rôle N° 09/07958
[N] [F]
MUTUELLE ASSURANCE DES COMMERCANTS ET INDUSTRIELS DE FRANCE - MACIF
C/
MATMUT - MUTUELLE ASSURANCE DES TRAVAILLEURS MUTUALISTES
Compagnie L'EQUITE SA
CAISSE DE COMPENSATION DES SERVICES SOCIAUX DE [Localité 12]
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES ALPES MARITIMES
Grosse délivrée
le :
à :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 16 Février 2009 enregistré au répertoire général sous le n° 05/3781.
APPELANTS
Monsieur [N] [F]
né le [Date naissance 1] 1950 à [Localité 8], demeurant [Adresse 3]
représenté par la SCP BLANC CHERFILS, avoués à la Cour,
assisté de Me Bernard ROSSANINO, avocat au barreau de GRASSE
MUTUELLE ASSURANCE DES COMMERCANTS ET INDUSTRIELS DE FRANCE - MACIF, prise en son centre de gestion à [Adresse 6]
poursuites et diligences de son représentant légal y domicilié, [Adresse 10]
représentée par Me Jean marie JAUFFRES, avoué à la Cour,
assistée de la SCP COURTOIS G. - ROMAN J.P & ASSOCIES, avocats au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEES
SA MATMUT , MUTUELLE ASSURANCE DES TRAVAILLEURS MUTUALISTES RCS ROUEN 493 147 003, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège, [Adresse 4]
représentée par la SCP SIDER, avoués à la Cour,
assistée de Me Etienne DE VILLEPIN, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
COMPAGNIE L'EQUITE, RCS PARIS B 572 084 697 prise en la personne de son Président Directeur Général en exercice, domicilié es qualité audit siège, [Adresse 5]
représentée par la SCP J F JOURDAN - P G WATTECAMPS, avoués à la Cour, assistée de la SCP TROEGELER J.M - GOUGOT M. - BREDEAU-TROEGELER E., avocats au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
CAISSE DE COMPENSATION DES SERVICES SOCIAUX DE [Localité 12], prise en la personne de son Dirigeant en exercice domicilié en cette qualité au siège [Adresse 2]
ASSIGNEE,
défaillante
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES ALPES MARITIMES, prise en la personne de son dirigeant en exercice domicilié en cette qualité au siège, [Adresse 13]
défaillante
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 02 Novembre 2011 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Mme Brigitte VANNIER, Présidente, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Mme Brigitte VANNIER, Présidente
Madame Laure BOURREL, Conseiller
Madame Patricia TOURNIER, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Geneviève JAUFFRES.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Décembre 2011.
ARRÊT
Réputé contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Décembre 2011,
Signé par Mme Brigitte VANNIER, Présidente et Madame Geneviève JAUFFRES, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
I - Exposé du litige :
Le 11 juillet 2002 monsieur [N] [F] a été victime d'un accident de la circulation alors qu'au guidon de sa motocyclette il circulait [Adresse 7].
Le 31 mai 2005 monsieur [F] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Grasse la société d'assurances mutuelles MATMUT et la société l'Equité pour voir juger que les véhicules que ces sociétés assurent, conduits respectivement par monsieur [S] [Z] et par monsieur [X] [T], préposé de la société Aiglon Livraisons, sont impliqués dans l'accident dont il a été victime et pour voir condamner ces assureurs à réparer son préjudice. Il a assigné également son propre assureur la société Mutuelle assurance des commerçants et des industriels de France (la MACIF) ainsi que la Caisse de compensation des services sociaux de [Localité 12].
En cours d'instance le juge de la mise en état a ordonné une expertise médicale de la victime.
Par jugement du 16 février 2009 assorti de l'exécution provisoire le tribunal a
- dit que les véhicules conduits par monsieur [S] [Z] assuré à la MATMUT et par monsieur [X] [T] assuré à l'Equité sont impliqués dans l'accident de la circulation dont a été victime monsieur [N] [F] le 11 juillet 2002
- dit que monsieur [N] [F] n'avait pas perdu la qualité de conducteur d'un véhicule terrestre à moteur lorsqu'il a été heurté par les véhicules impliqués
- dit que les fautes commises par monsieur [F] sont de nature à limiter l'indemnisation des dommages qu'il a subis suite à l'accident de la circulation du 11 juillet 2002, celui-ci ne pouvant dès lors prétendre à une indemnisation de son préjudice qu'à due concurrence d'un quart
- condamné en conséquence in solidum la MATMUT et l'Equité à payer à monsieur [F] la somme de 129.268,39 € déduction faite des indemnités journalières servies par la Caisse de compensation des services sociaux de [Localité 12] et ce avec intérêts au taux légal à compter du jugement
- condamné en outre les deux assureurs in solidum à payer à monsieur [F] la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile
- condamné in solidum les deux assureurs aux dépens qui comprendront les frais d'expertise.
Monsieur [F] puis la MACIF ont interjeté appel de ce jugement.
Monsieur [F] demande à la cour de
- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que les véhicules conduits par monsieur [Z] et par monsieur [T] sont impliqués dans l'accident dont il a été victime
- l'infirmer pour le surplus
- dire qu'il avait perdu la qualité de conducteur de véhicule terrestre à moteur lorsqu'il a été heurté par les véhicules impliqués conduits par monsieur [Z] et par monsieur [T]
- dire qu'aucune faute inexcusable cause exclusive de l'accident ne peut être retenue à son encontre et qu'il a encore moins recherché le dommage qu'il a subi
- à tout le moins, s'il devait être considéré comme conducteur, dire qu'il n'a commis aucune faute de nature à limiter ou à exclure son indemnisation
- condamner solidairement la MATMUT et l'Equité à lui payer les sommes suivantes
° incapacité temporaire : 40.266 €
° incapacité permanente : 180.000 €
° assistance par une tierce personne : 250.000 €
° souffrances endurées : 30.000 €
° préjudice esthétique : 6.000 €
° préjudice d'agrément : 20.000 €
° préjudice économique : 200.000 €
outre 20.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile
- condamner solidairement les assureurs aux dépens.
La MACIF demande à la cour de
- dire que le droit à indemnisation de monsieur [F] est entier
- condamner solidairement la MATMUT et l'Equité à réparer l'ensemble des conséquences dommageables de l'accident subi par monsieur [F]
- condamner la MATMUT et l'Equité à lui rembourser la somme de 13.000 € qu'elle a consentie à monsieur [F] à titre d'avance ainsi que toutes les sommes versées au titre de l'accident en ce compris le règlement des créances des organismes sociaux
- condamner la MATMUT et l'Equité à lui payer la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La MATMUT et l'Equité forment appel incident.
La MATMUT demande à la cour de
- dire que le véhicule de monsieur [Z] n'est pas impliqué dans le dommage corporel subi par monsieur [F]
- subsidiairement dire que les fautes de ce dernier sont de nature à exclure l'indemnisation de ses dommages
- encore plus subsidiairement confirmer le jugement en ce qu'il a limité à un quart le droit à indemnisation de monsieur [F]
- réformer le jugement en ce qu'il a alloué à monsieur [F] la somme de 129.450,40€
- dire que l'ensemble des préjudices de monsieur [F] sera évalué à 269.801,62 € et qu'il lui reviendra le quart soit 67.450,40 €
- dire que l'Equité devra la garantir de la moitié des sommes allouées
- condamner monsieur [F] à lui payer la somme de 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
L'Equité demande à la cour
- de dire que les fautes commises par monsieur [F] sont la cause exclusive de l'accident dont il a été victime et sont de nature à exclure sont droit à indemnisation
- débouter monsieur [F] de ses demandes
- le condamner à lui rembourser la somme de 67.016,72 € qu'elle lui a versée en exécution du jugement avec intérêts au taux légal à compter des conclusions valant mise en demeure
- subsidiairement confirmer le jugement en ce qu'il a dit que les fautes commises par monsieur [F] étaient de nature à limiter son droit à indemnisation à un quart
- surseoir à la liquidation de son préjudice dans l'attente de la production du recours de la Caisse de compensation des services sociaux de [Localité 12].
La Caisse de compensation des services sociaux de [Localité 12], assignée à personne, n'a pas comparu, mais elle a fait parvenir le montant définitif de ses débours.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, la Cour se réfère à la décision critiquée et aux dernières conclusions déposées par les parties : par monsieur [F] le 26 septembre 2001, par la MACIF le 1er juillet 2011, par l'Equité le 10 novembre 2010, par la MATMUT le 26 avril 2011, les conclusions de la MATMUT déposées le 19 octobre 2011, alors que l'ordonnance de clôture avait été rendue le 18 octobre, étant irrecevables en application de l'article 783 du code de procédure civile.
II - Motifs
Au soutien de ses prétentions tendant à voir juger à titre principal que les véhicules assurés par la MATMUT et par l'Equité sont impliqués dans l'accident de la circulation dont il a été victime le 11 juillet 2002, monsieur [F] verse aux débats les procès-verbaux établis par les services de police.
Il ressort du procès-verbal de synthèse que monsieur [F] conduisait une motocyclette Yamaha Tenere sur l'[Adresse 7] à [Localité 9], roulant en direction de [Localité 11] ; qu'il effectuait le dépassement d'un véhicule, resté non identifié ; que ce véhicule s'est déporté sur sa gauche, heurtant et déséquilibrant le motocycliste qui a franchi le terre-plein central, a heurté le véhicule conduit par monsieur [Z] qui circulait en sens inverse et a fini sa course contre l'avant du camion conduit par monsieur [T], qui suivait le véhicule de monsieur [Z].
Monsieur [F] a déclaré qu'il effectuait le dépassement sur la gauche d'une file de voitures qui roulait à environ 60 ou 70 km/h ; qu'arrivé à hauteur du premier véhicule de cette file, le conducteur s'est déporté à gauche, touchant sa moto à la poignée droite au niveau du frein, le bateau tracté par cette voiture touchant le top case arrière ; qu'il a été déséquilibré et obligé de monter sur le terre-plein central ; qu'il a chuté sur la chaussée adverse, sa moto heurtant deux véhicules venant en face.
Monsieur [Z] a déclaré que, alors qu'il roulait [Adresse 7], il a vu, en sens inverse, un véhicule suivi d'une moto à environ deux mètres, qui semblait vouloir le dépasser ; que soudain le motocycliste a perdu le contrôle de son engin, sans qu'il puisse dire pourquoi, et est monté sur le terre-plein ; que la moto s'est couchée, le pilote étant éjecté ; que la moto est partie droit sur sa voiture, le pilote également, sans qu'il sache s'il a touché son véhicule ; que le pilote a heurté 'également' le camion qui circulait derrière lui.
Monsieur [T] a déclaré avoir vu la moto positionnée parallèlement à une voiture comme si elle s'apprêtait à la dépasser ; que la voiture s'est déportée sur sa gauche, coinçant le motard qui a perdu l'équilibre, est monté sur le terre-plein central, l'a traversé et a glissé vers le véhicule Nissan (celui de monsieur [Z]) qui le précédait ; que le motard et son engin ont percuté ce véhicule et que, suite au choc, la moto et son pilote ont rebondi sur l'avant gauche de sa camionnette.
Le plan des lieux annexé aux procès-verbaux montre que la chaussée sur laquelle circulait monsieur [F] est composée d'une voie de 4,80 mètres de large, bas côté droit inclus, et qu'elle est séparée de la chaussée qui était empruntée par messieurs [Z] et [T] par un terre-plein central composé de gros galets cimentés.
Monsieur [F] verse aux débats un schéma qui complète ce plan en faisant apparaître que la voie de circulation est large de 2,80 m, le bas-côté de 1,30 m et qu'il est bordé à droite par un trottoir.
Il justifie encore par une attestation de l'adjoint au maire de la ville de [Localité 9], que sur la portion de voie où s'est produit l'accident, la vitesse autorisée est de 70 km/h.
De ces éléments il s'infère que les services de police ont à juste titre retenu que monsieur [F], après sa chute, avait heurté les deux véhicules circulant en sens inverse, monsieur [T], qui, seul, avait une position lui permettant de voir si le motard avait touché le véhicule de monsieur [Z] étant affirmatif sur ce point et monsieur [Z] lui-même n'excluant pas cette hypothèse.
Il suit de là que c'est à bon droit que le premier juge a retenu que les deux véhicules étaient impliqués, au sens de l'article 1 de la loi du 5 juillet 1985, dans l'accident de la circulation dont monsieur [F] a été victime.
Monsieur [F] est donc bien fondé à exercer contre l'assureur de chacun de ces véhicules l'action directe que lui offre l'article L.124-3 du code des assurances.
La question se pose de savoir en quelle qualité monsieur [F] exerce cette action, lui-même prétendant qu'il avait perdu la qualité de conducteur de son véhicule terrestre à moteur au moment du choc avec les deux véhicules circulant en sens inverse, les assureurs lui déniant la qualité de piéton.
Les procès-verbaux font apparaître que monsieur [F] pilotait sa motocyclette au moment où, déséquilibré au cours d'une manoeuvre de dépassement, il a mordu sur le terre-plein central, ce qui l'a fait chuter et glisser sur la chaussée opposée où il est rentré en contact avec les véhicules circulant en sens inverse.
L'accident au cours duquel monsieur [F] a été blessé apparaît donc unique et indivisible, de sorte que le fait qu'il n'ait plus été en contact avec sa motocyclette au moment du choc avec les deux véhicules, ne peut avoir pour effet de lui faire perdre sa qualité de conducteur.
En application de l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985, les assureurs des véhicules impliqués opposent à monsieur [F] ses fautes qu'ils estiment de nature à exclure son droit à indemnisation.
Les procès-verbaux et les deux autres pièces produites par monsieur [F] ne permettent pas de retenir comme certain que celui-ci roulait à une vitesse excessive.
En revanche ils établissent que monsieur [F] qui roulait au guidon de sa motocyclette Yamaha Tenere sur une portion de route à une seule voie de 2,80 m de largeur utile selon ses propres constats, bordée à gauche par rapport à son sens de circulation par un terre-plein interdisant tout déport, a entrepris, après avoir remonté une file de véhicules, de dépasser le premier véhicule de cette file qui tractait un bateau, sans prendre garde à l'étroitesse de la voie de circulation, sans prendre en compte l'encombrement de son propre véhicule ni celui du véhicule qu'il dépassait et donc sans s'assurer avant d'entreprendre sa manoeuvre qu'il lui serait possible de maintenir entre sa motocyclette et l'ensemble routier dépassé une distance de sécurité latérale.
Il a, ce faisant, effectué une manoeuvre perturbatrice qui, par sa nature et sa gravité exclut son droit à indemnisation, sans qu'il y ait lieu, comme le demande l'Equité, de rechercher si les fautes de monsieur [F] sont la cause exclusive de l'accident, ces fautes devant être appréciées abstraction faite du comportement des conducteurs des véhicules impliqués dans l'accident.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a simplement limité le droit à indemnisation de monsieur [F].
*
Le présent arrêt infirmatif constituant le titre ouvrant droit à restitution des sommes versées en exécution du jugement, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de l'Equité tendant à ce que monsieur [F] soit condamné à lui rembourser les sommes qu'elle lui a versées, étant observé que les sommes devant être restituées ne porteront intérêts au taux légal qu'à compter de la notification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution.
*
La solution donnée au litige conduit au rejet des demandes de remboursement formulées par la MACIF.
Elle rend sans objet le recours de la MATMUT à l'encontre de l'Equité.
*
Monsieur [F] et la MACIF qui succombent supporteront les dépens de première instance et d'appel.
L'équité commande cependant qu'il ne soit pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs :
LA COUR :
- Déclare irrecevables les conclusions déposées par la MATMUT le 19 octobre 2011
- Confirme le jugement déféré en ce qu'il a dit que les véhicules conduits par monsieur [S] [Z] assuré à la MATMUT et par monsieur [X] [T] assuré à l'Equité sont impliqués dans l'accident de la circulation dont a été victime monsieur [N] [F] le 11 juillet 2002 et dit que monsieur [N] [F] n'avait pas perdu la qualité de conducteur d'un véhicule terrestre à moteur lorsqu'il a été heurté par les véhicules impliqués
- L'infirme pour le surplus
- Dit que les fautes de monsieur [F] excluent son droit à indemnisation
- Rejette toutes demandes plus amples ou contraires
- Condamne monsieur [F] et la MACIF in solidum aux dépens de première instance, qui comprendront les frais d'expertise, et aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 code de procédure civile.
Le Greffier,Le Président,