COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
8e Chambre C
ARRÊT AU FOND
DU 08 DECEMBRE 2011
N° 2011/ 510
Rôle N° 09/14811
S.A. CREDIT LOGEMENT
C/
[F] [D]
Grosse délivrée
le :
à :BLANC
ERMENEUX
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 24 Mars 2009 enregistré au répertoire général sous le n° 06/9702.
APPELANTE
S.A. CREDIT LOGEMENT, prise en la personne de son président directeur général en exercice, dont le siège est sis [Adresse 6]
représentée par la SCP BLANC CHERFILS, avoués à la Cour, assistée de Me Béatrice DELESTRADE, avocat au barreau de MARSEILLE de la SELARL CARISSIMI A. - D'JOURNO.T - PROVANSAL.A, avocats au barreau de MARSEILLE
INTIME
Monsieur [F] [D]
né le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 7] (ALGÉRIE), demeurant [Adresse 5]
représenté par la SCP ERMENEUX-CHAMPLY - LEVAIQUE, avoués à la Cour, assisté de Me Véronique ALDEMAR, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 28 Octobre 2011 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Jean-Louis BERGEZ, Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Jean-Louis BERGEZ, Président
Monsieur Jean-Noël ACQUAVIVA, Conseiller
Madame Marie-Claude CHIZAT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Décembre 2011.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Décembre 2011,
Rédigé par Monsieur Jean-Louis BERGEZ, Président,
Signé par Monsieur Jean-Louis BERGEZ, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
LA COUR
Par acte notarié du 22 mai 1989, le Crédit lyonnais a consenti à M. [F] [D] une ouverture de crédit de 95 500F destinée à financer des travaux de rénovation dans un appartement situé [Adresse 4].
La déchéance du terme a été prononcée le 24 juin 2004 à la suite d'incidents de paiement.
Le 8 septembre 2005, le Crédit logement, agissant en qualité de mandataire du Crédit lyonnais, a fait signifier à M. [D], débiteur d'une somme de 4 557,50€, un commandement aux fins de saisie immobilière de l'appartement situé [Adresse 3].
La signification a été effectuée à cette adresse, selon exploit remis en mairie.
L'immeuble a été adjugé le 2 février 2006 au prix de 102 000€.
Le 24 août 2006, M. [D] a fait assigner le Crédit logement en nullité de la vente et en responsabilité, lui reprochant d'avoir provoqué la vente de l'immeuble en faisant signifier le commandement de saisie immobilière à une adresse qui n'était pas la sienne. En cours de procédure, il a renoncé à la demande en nullité de la vente.
Par jugement du 24 mars 2009, le tribunal de grande instance de Marseille a retenu que le Crédit logement a commis une faute en introduisant une procédure de saisie immobilière en vertu d'un commandement de saisie signifié en mairie, sans que l'huissier ait procédé à des diligences établissant l'impossibilité d'une signification à personne, ni vérifié par des constatations suffisantes la réalité du domicile et alors même qu'il résulte du procès-verbal descriptif dressé, le 4 octobre 2005, à la requête du Crédit logement que l'appartement était abandonné et que toutes les pièces étaient en travaux. Le Crédit logement a été condamné à payer à M. [D] la somme de 18 000 € à titre de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal se capitalisant à compter du jugement, ainsi que la somme de 1 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Crédit logement est appelant de ce jugement.
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Vu les conclusions déposées le 12 septembre 2011 par le Crédit logement ;
Vu les conclusions déposées le 17 octobre 2011 par M. [D] ;
Vu l'ordonnance de clôture du 18 octobre 2011 ;
MOTIFS DE LA DÉCISION
L'acte notarié d'ouverture de crédit du 22 mai 1989 dressé en présence de M. [D] mentionne dans la rubrique relative à l'identification des parties que ce dernier est domicilié [Adresse 4]. L'acte comporte en annexe les conditions générales et les conditions particulières du crédit établies par la banque. Les conditions particulières font mention d'un domicile situé [Adresse 2].
L'introduction de la procédure de saisie immobilière a été précédée de mises en demeure délivrées les 24 mai et 24 juin 2004 à M. [D] sur l'initiative du Crédit logement, à l'adresse mentionnée dans l'acte de prêt notarié comme étant celle de l'emprunteur ([Adresse 3]), par voie de lettres recommandées avec demande d'avis de réception, lesquelles ont été retournées à l'expéditeur au motif 'non réclamé' et non pas au motif, allégué par M. [D] (page 2 de ses conclusions), qu'il n'habitait plus à cette adresse.
Le commandement aux fins de saisie immobilière a été délivré, le 8 septembre 2005, à M. [D] à la même adresse, qui était également celle de l'immeuble faisant l'objet de la saisie, par un acte remis en mairie. Le procès-verbal de remise mentionne que l'huissier de justice s'est transporté à l'adresse du destinataire, que personne n'a répondu à ses appels et qu'il a vérifié le domicile par les éléments suivants : 'appartement au 3ème étage, avis de passage laissé sur place à 10 heures 30".
Cet acte a été suivie de la signification, le 4 novembre 2005, d'une sommation de prendre connaissance du cahier des charges, délivrée à la même adresse par un procès-verbal de remise à mairie, après que l'huissier a vérifié le domicile du destinataire 'par les éléments suivants : présence du nom du destinataire sur la boîte aux lettres ; appartement au 3ème étage ; présence du nom du destinataire sur le tableau des occupants'.
Monsieur [D] fait grief au Crédit logement :
- d'avoir introduit une procédure de saisie immobilière en faisant délivrer le commandement à une adresse qui n'était pas la sienne, alors, d'un côté, qu'il avait formé par une lettre simple (pièce 55) adressée au Crédit lyonnais le 11 mai 1989, soit quelques jours avant la signature de l'acte notarié, 'une demande de domiciliation au 122/24 F. [N] en ce qui concerne le prêt référencé' et que ce changement de domicile a été porté à la connaissance du notaire par le Crédit lyonnais le 17 mai 1989 (pièce N° 67 visée dans les conclusions page 10), d'un autre côté, que les conditions particulières de l'acte de crédit, qui prévalent sur les conditions générales, mentionnent qu'il est domicilié [Adresse 2], enfin, que les vérifications opérées par l'huissier de justice dans l'acte de signification sont manifestement insuffisantes, en sorte que le Crédit logement devait rechercher son domicile au moyen des renseignements dont il disposait, notamment auprès de l'employeur mentionné dans la demande de crédit ;
- d'avoir poursuivi la procédure de saisie immobilière, alors qu'il lui a fait connaître, par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 24 janvier 2006, soit antérieurement au jugement d'adjudication du 2 février 2006, son nouveau domicile, son opposition à la vente et son souhait de parvenir à une transaction.
M. [D] estime que le Crédit logement a fait preuve d'une 'négligence coupable' (page 7 de ses conclusions), et demande, d'une part, que soit prononcée la nullité du commandement de saisie, d'autre part, l'allocation de dommages-intérêts en réparation des préjudices résultant de la vente de l'immeuble.
Mais, en premier lieu, M. [D], qui a renoncé à la demande en nullité du jugement d'adjudication formée dans l'acte introductif d'instance, ne peut plus poursuivre la nullité du commandement de saisie dont la conséquence nécessaire serait la nullité du jugement d'adjudication. Au surplus, le moyen de procédure invoqué au soutien de la demande en nullité du commandement, tiré de l'irrégularité du mode de délivrance de l'acte, est irrecevable dès lors que l'adjudication ne peut être remise en cause par des moyens tenant à la procédure de saisie immobilière.
En deuxième lieu, M. [D] ne justifie nullement avoir informé le Crédit lyonnais de sa nouvelle domiciliation au 124 et non [Adresse 4]. La lettre simple qu'il prétend avoir adressée à l'établissement de crédit le 11 mai 1989 ne fait pas preuve, en l'absence de justification de son envoi. La pièce N° 67 qu'il produit est également dépourvue de force probante, dès lors qu'elle consiste dans une correspondance qui lui a été adressée par le Crédit lyonnais 17 mai 1989 en ces termes : 'Nous vous prions de bien vouloir trouver, sous ce pli, copie de la lettre que nous adressons ce jour à M° [V], notaire à Marseille' et qu'est agrafée à cette correspondance, non pas la copie d'une lettre au notaire, mais une copie des conditions particulière du prêt, faisant mention d'un domicile [Adresse 2], sans que ce dernier document puisse être rattaché à la lettre de transmission du 17 mai 1989.
En troisième lieu, l'adresse mentionnée dans les conditions particulières de l'acte de crédit annexé à l'acte notarié ([Adresse 2]) ne prévalait nullement sur celle portée dans l'acte authentique établi postérieurement en présence de M. [D] ([Adresse 3]). Au surplus, le moyen tiré d'un défaut de signification à l'adresse portée sur les conditions particulières est sans portée, dès lors que M. [D] reconnaît qu'il n'y était pas domicilié et qu'il ne résulte d'aucune des pièces communiquées aux débats qu'il y a été effectivement domicilié, les nombreuses factures qu'il produit, notamment quant aux travaux effectués dans l'appartement vendu, n'ayant été établies qu'à l'adresse située [Adresse 3] ou à son adresse actuelle ([Adresse 5]).
En quatrième lieu, le Crédit logement, qui avait adressé à M. [D], au [Adresse 3], des lettres de mise en demeure revenues avec la mention 'non réclamée' ne disposait d'aucun élément de nature à remettre en cause les vérifications effectuées par l'huissier de justice à cette adresse dans l'acte de signification du commandement de saisie et, en l'absence d'indications quant à un autre domicile, il ne peut lui être fait grief d'avoir fait délivrer cet acte au dernier domicile dont il avait connaissance puis poursuivi la procédure de saisie après avoir eu connaissance, en des termes généraux, par le procès-verbal descriptif établi le 4 octobre 2005, que 'l'appartement...est totalement abandonné' et que 'toutes les pièces de cet appartement sont en travaux'.
Enfin, le Crédit logement n'a pas commis de faute en ne demandant pas une suspension de la procédure de saisie immobilière, à la suite de l'intervention de M. [D] quelques jours avant la date fixée pour la vente, dès lors que ce dernier, tout en reconnaissant qu'il était en mesure de payer la dette, s'est borné à proposer une transaction.
Les fautes imputées au Crédit logement n'étant pas fondées, M. [D] est débouté de sa demande en paiement de dommages-intérêts.
Le jugement attaqué est infirmé.
M. [D], qui succombe, est condamné aux dépens et, en considération de l'équité, au paiement de la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Crédit logement, qui ne démontre pas un abus dans le droit d'agir en justice, est débouté de sa demande en paiement de dommages-intérêts.
PAR CES MOTIFS
La Cour
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement attaqué,
Statuant à nouveau
Rejette les demandes en nullité du commandement de saisie immobilière et en allocation de dommages-intérêts formées par M. [F] [D],
Rejette la demande en paiement de dommages-intérêts formée par le Crédit logement,
Condamne M. [F] [D] aux dépens et au paiement de la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu l'article 699 du code de procédure civile,
Autorise, si elle en a fait l'avance sans avoir reçu provision, la SCP d'avoués Blanc - Cherfils à recouvrer les dépens d'appel directement contre M. [F] [D].
Le Greffier Le Président