COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
8e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 08 DECEMBRE 2011
N° 2011/ 794
Rôle N° 10/11511
SAS LA BOUTIQUE DU GLACIER
C/
S.A. FRANFINANCE LOCATION
SAS OPTELIA INTELLIS
Grosse délivrée
le :
à :
SCP PRIMOUT
SCP ERMENEUX
SCP MAYNARD
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce d'AIX-EN-PROVENCE en date du 27 Avril 2010 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 2009/11292.
APPELANTE
SAS LA BOUTIQUE DU GLACIER
dont le siége social est [Adresse 1]
représentée par la SCP PRIMOUT FAIVRE, avoués à la Cour,
assistée par Me Claude RAMOGNINO, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEES
S.A. FRANFINANCE LOCATION,
dont le siége social est [Adresse 3]
représentée par la SCP ERMENEUX-CHAMPLY - LEVAIQUE, avoués à la Cour,
assistée par Me Carole CAVATORTA, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE
SAS OPTELIA INTELLIS,
dont le siége social est [Adresse 2]
représentée par la SCP MAYNARD SIMONI, avoués à la Cour,
assistée par Me Hugues MOULY, avocat au barreau de NARBONNE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 02 Novembre 2011 en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Guy SCHMITT, Président
Madame Catherine DURAND, Conseiller
Madame Catherine ELLEOUET - GIUDICELLI, Conseiller rapporteur
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame France-Noëlle MASSON.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Décembre 2011.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Décembre 2011,
Signé par Monsieur Guy SCHMITT, Président et Madame France-Noëlle MASSON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Le 4 décembre 2007, la S.A.S. BOUTIQUE DU GLACIER a conclu avec la S.A.S. OPTELIA INTELLIS un contrat de location de matériel vidéo informatique pour une durée de 63 mois moyennant un loyer hors taxes de 1170 € trimestriel.
La société OPTELIA a acquis le matériel auprès de la société LBG CONCEPT qui l'a livré à la société BOUTIQUE DU GLACIER.
Le 11 décembre 2007, la société OPTELIA INTELLIS a cédé le contrat à la société FRANFINANCE.
La S.A.S. BOUTIQUE DU GLACIER a fait assigner, devant le Tribunal de commerce d'AIX EN PROVENCE, la S.A. OPTELIA et la S.A. FRANFINANCE LOCATION pour obtenir que soit prononcée à leurs torts la résolution du contrat de location conclu le 4 décembre 2007, voir dire qu'elle ne sera plus tenue au règlement du loyer trimestriel prévu par ce contrat et qu'elle était fondée à interrompre immédiatement son paiement, les entendre condamner solidairement à lui payer une somme de 4555,56 euros en remboursement des loyers réglés et à lui rembourser tous les loyers qu'elle pourrait être amenée à payer dans l'avenir, 5000 € de dommages et intérêts et 3000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle demandait aussi qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle tenait le matériel objet du contrat à leur disposition.
La société OPTELIA a sollicité sa mise hors de cause en faisant valoir que la société BOUTIQUE DU GLACIER avait expressément renoncé dans le contrat à tout recours à son encontre et que ce contrat avait été cédé à la société FRANFINANCE. A titre subsidiaire, elle a demandé que la résiliation du contrat soit prononcée aux torts de la société BOUTIQUE DU GLACIER. Elle sollicitait également 5000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société FRANFINANCE a conclu au débouté de la demanderesse et à sa condamnation à lui payer 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement en date du 27 avril 2010, le Tribunal a déclaré irrecevable l'action intentée à l'encontre de la société OPTELIA INTELLIS et infondée celle à l'encontre de la société FRANFINANCE et condamné la demanderesse à payer, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, 1000 € à la première société et 500 € à la seconde.
La S.A.S. BOUTIQUE DU GLACIER a relevé appel de cette décision.
Dans des conclusions du 15 septembre 2011, tenues ici pour intégralement reprises, elle expose que le contrat de location n'a été signé que parce que la société LBG CONCEPT avait pris l'engagement de lui rembourser le montant des loyers en contrepartie d'un partenariat publicitaire, que cependant l'intégralité du matériel ne lui a pas été livré, puisqu'elle n'a pas reçu l'imprimante, et le matériel vidéo a cessé de fonctionner, qu'en outre, elle n'a reçu de la société LBG CONCEPT qu'un remboursement d'un montant de 6987,60 €, que donc, à ce jour, elle continue toujours à rembourser les loyers alors que l'intégralité du matériel ne fonctionne pas et qu'elle ne reçoit plus aucun remboursement au titre du partenariat publicitaire avec la société LBG CONCEPT, qu'elle subit donc un préjudice financier particulièrement important, et est manifestement victime de malversations de la part de la société OPTELIA INTELLIS et de la société LBG CONCEPT, que, contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal, l'action à l'encontre de la société OPTELIA INTELLIS est recevable puisqu'elle a été victime d'un dol résultant des manoeuvres frauduleuses commises par les deux sociétés qui lui permettent de demander la nullité du contrat de location, que la preuve de ces manoeuvres résulte du fait que l'huissier qui a tenté de délivrer l'assignation à la société OPTELIA INTELLIS a découvert qu'en réalité celle-ci était domiciliée à la même adresse que la société LBG CONCEPT, et, qu'ayant contracté avec cette société, elle dispose bien d'une action directe à son encontre et n'est pas obligée de mettre en cause la société LBG CONCEPT, d'autant que le contrat passé entre le FRANFINANCE et OPTELIA INTELLIS prévoit que ' le vendeur conserve des relations commerciales avec le locataire pour cette opération'.
Elle précise que si elle n'a pas mis en cause la société LBG CONCEPT, c'est que cette dernière a fait l'objet d'une liquidation judiciaire et que cette mise en cause n'apporterait rien au débat.
Sur le fond, elle soutient que le contrat de location est lié au contrat de diffusion publicitaire et que la société OPTELIA INTELLIS lui a loué un matériel pour un prix très nettement supérieur à sa valeur réelle en raison du partenariat publicitaire prévu, que donc, faute d'exécution du second contrat, le premier doit être résolu.
En ce qui concerne la société FRANFINANCE, elle soutient que celle-ci est impliquée directement dans son préjudice et qu'elle est fondée à solliciter la résolution du contrat à ses torts.
Elle demande en conséquence la réformation du jugement et sollicite que soit prononcée, aux torts exclusifs des sociétés intimées, la résolution du contrat, qu'il soit dit qu'elle n'est plus tenue au paiement des loyers, que les sociétés intimées soient condamnées à lui rembourser la somme de 4555,56 euros au titre des loyers payés au 31 décembre 2009, ainsi que les loyers qui pourront être payés jusqu'à la mise en oeuvre de la résolution du contrat, qu'il soit constaté qu'elle tient le matériel loué à leur disposition, que les intimées soient également condamnées solidairement à lui payer 5000 € à titre de dommages et intérêts et 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans des conclusions du 23 novembre 2010, tenues aussi pour intégralement reprises, la société OPTELIA INTELLIS réplique qu'elle n'a eu, dans le dossier, qu'un rôle purement financier et que, depuis la cession du contrat de location à la société FRANFINANCE, elle n'a plus aucune relation contractuelle avec la société BOUTIQUE DU GLACIER, que contrairement à ce que soutient cette société, elle n'a jamais eu connaissance des accords conclus entre elle et la société LBG CONCEPT, que si elle a la même adresse que cette société, dans une zone où sont localisées de nombreuses sociétés, ce n'est qu'une pure coïncidence et qu'elle n'a déménagé dans ces nouveaux locaux que bien postérieurement à la conclusion du contrat, que donc le jugement devra être confirmé en ce qu'il a reconnu que l'action intentée à son encontre était irrecevable, qu'il doit d'autant plus l'être que, même si un dol était établi du fait de la société LBG CONCEPT, il ne pourrait, à son égard, constituer une cause de nullité de la convention.
Elle demande en conséquence la confirmation du jugement et, à titre subsidiaire, si la Cour entendait prononcer la résolution du contrat, que cette résolution soit prononcée aux torts exclusifs de l'appelante, qu'il soit ordonné à cette dernière de remettre, sous astreinte, le matériel loué et qu'elle soit condamnée à payer loyers restant dus assortis d'une indemnité de 10 % .
Elle sollicite également, en toute hypothèse, la condamnation de l'appelante à lui payer 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans des conclusions du 31 mai 2011, tenues ici pour intégralement reprises, la société FRANFINANCE LOCATION soutient que, pour sa part, si elle a financé l'achat du matériel informatique objet du contrat de location, elle ne connaît que ce contrat et est totalement étrangère au contrat de mise en place de publicités, que le matériel objet du contrat a été livré et que l'appelante a continué à régler les échéances du contrat, que dès lors le jugement doit être confirmé pour ce qui la concerne et l'appelante condamnée à lui payer de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est du 19 octobre 2011.
MOTIFS DE L'ARRÊT :
Attendu que la société BOUTIQUE DU GLACIER a signé le 4 décembre 2007 avec la société LBG CONCEPT, un bon de commande, portant 'offre de partenariat', prévoyant la 'mise en place' d'une imprimante, d'un écran, d'un lecteur DVD et d'un appareil photo, moyennant 63 loyers mensuels de 390 euros, et le versement, semble-t-il à son profit, de deux chèques de 5850 euros et la reprise du matériel au 30 ème mois du contrat, aussi que la création de 15 DVD par la société LBG concept, DVD comprenant les photographies de la BOUTIQUE DU GLACIER et des publicités de LBG CONCEPT,
qu'un deuxième document, intitulé 'contrat de diffusion' a été signé entre ces deux parties le 4 décembre 2007 qui ne prévoit lui aussi que 'la mise en place du matériel' et la réalisation de DVD par la société LBG,
qu'un troisième document, intitulé contrat de location, a été signé sans date entre la société BOUTIQUE DU GLACIER et la société OPTELIA INTELLIS, contrat qui a été cédé, par avenant du 13 décembre 2007, à la société FRANFINANCE,
que cependant le contrat de location ayant été acceptée par la société BOUTIQUE DU GLACIER dans le bon de commande signé avec la société LBG CONCEPT, que donc ces deux contrats sont indissociablement liés ;
Attendu qu'il résulte aussi des documents produits par l'appelante qu'un premier chèque de 6996,60 euros TTC lui a été remis et que 2 DVD ont été réalisés,
qu'il n'est pas discuté que le deuxième chèque et les autres DVD n'aient pas été remis ou réalisés et que surtout la société LBG n'ait pas repris, comme elle s'y était engagée, le matériel au bout de 30 mois et n'a pas repris, bien sûr, le paiement des mensualités restantes,
que si la société BOUTIQUE DU GLACIER ne justifie pas à l'appui de sa demande de résolution du contrat de ce que l'ensemble du matériel ne lui ait pas été livré,
qu'elle démontre, par contre, l'existence de manoeuvres dolosives résidant d'une part dans le fait que la société OPTELIA qui déclare un siège social à [Localité 4] a été touchée à une adresse très proche de celle de la société LBG CONCEPT, mais aussi dans le fait que le matériel acquis par OPTELIA de LBG CONCEPT pour le louer à la société LA BOUTIQUE DU GLACIER, soit une imprimante decojet, un écran 26 pouces et un lecteur DVD a été facturé 23 561, 20 euros ce qui représente, aux termes de l'attestation d'un vendeur de matériel informatique, qui n'est pas contestée, une multiplication minimum par 20 de la valeur du matériel,
que la preuve que la société OPTELIA a participé aux manoeuvres dont elle a été victime réside aussi dans le fait, qu'alors que la société LA BOUTIQUE DU GLACIER n'avait signé à l'origine qu'un document prévoyant qu'au bout de 30 mois la société LBG reprendrait le matériel, et donc nécessairement le paiement de 33 mensualités restantes, elle n'a établi le contrat de location qu'au nom de la société BOUTIQUE DU GLACIER et pour la durée totale de 63 mois,
que donc la résolution du contrat doit être prononcée à l'encontre de la société OPTELIA qui, en l'état des manoeuvres qui lui sont imputables, ne peut être mise hors de cause du seul fait de la cession du contrat,
que cette résolution doit aussi être déclarée opposable à la société FRANFINANCE qui tient ses droits de la société OPTELIA et qui n'a exercé aucun contrôle sur le contrat acquis, pas même un contrôle minimum sur la valeur du matériel loué ;
Attendu que la société BOUTIQUE DU GLACIER qui aura réglé à la date du prononcé de la décision environ 48 mois de loyers, ne sera plus tenue de payer les loyers restant à la société FRANFINANCE,
qu'elle aura versé 48 mois de loyers, sur lesquels, comme elle le reconnaît, doit s'imputer le remboursement de 6996,60 euros, qu'elle a reçu,
que donc c'est une somme de 15 750 euros qui doit lui être remboursée mais seulement par la société OPTELIA, auteur, avec la société lBG, des manoeuvres dolosives dont elle a été victime ;
Attendu qu'à l'appui de sa demande de dommages et intérêts, l'appelante ne justifie pas d'un préjudice autre que celui qui sera réparé par le remboursement des loyers et le paiement, qui doit être mis à la charge de la seule société OPTELIA, d'une somme de 3000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,
INFIRME le jugement entrepris,
PRONONCE la résolution du contrat conclu entre la société BOUTIQUE DU GLACIER et la société OPTELIA INTELLIS, en l'état des manoeuvres dolosives commises par cette société,
DÉCLARE cette résolution opposable à la société FRANFINANCE,
DIT en conséquence que la société la BOUTIQUE DU GLACIER ne sera plus tenue de payer les loyers résultant du contrat à compter du prononcé de la présente décision,
CONDAMNE la société OPTELIA INTELLIS à rembourser à la société LA BOUTIQUE DU GLACIER une somme de 15 750,12 euros au titre des loyers réglés,
DONNE acte à la société LA BOUTIQUE DU GLACIER qu'elle tient le matériel loué à la disposition de la société FRANFINANCE,
CONDAMNE la société OPTELIA INTELLIS à payer à la société BOUTIQUE DU GLACIER 3000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNE les sociétés OPTELIA INTELLIS et FRANFINANCE aux dépens de première instance et autorise la S.C.P. PRIMOUT FAIVRE, titulaire d'un office d'avoué à procéder à au recouvrement de ceux exposés au titre de l'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER : LE PRÉSIDENT :