COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
11e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 09 DECEMBRE 2011
N° 2011/ 480
Rôle N° 09/21186
SARL AIDA
C/
[U] [E]
[W] [E]
[Y] [E]
[Z] [E]
Grosse délivrée
le :
à :
SCP BOTTAI
SCP COHEN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 12 Novembre 2009 enregistré au répertoire général sous le n° 04/1791.
APPELANT
SARL AIDA, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège, demeurant [Adresse 5]
représenté par la SCP BOTTAI GEREUX BOULAN, avoués à la Cour,
Assistée de Me Michèle GRUGNARDI, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMES
Monsieur [U] [E]
né le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 7], demeurant [Adresse 6]
représenté par la SCP COHEN GUEDJ, avoués à la Cour,
Assisté de la SCP Monique CHAMLA / Franck-Clément CHAMLA, avocats au barreau de MARSEILLE
Monsieur [W] [E]
né le [Date naissance 3] 1966 à [Localité 7], demeurant [Adresse 6]
représenté par la SCP COHEN GUEDJ, avoués à la Cour,
Assisté de la SCP Monique CHAMLA / Franck-Clément CHAMLA, avocats au barreau de MARSEILLE
Monsieur [Y] [E]
né le [Date naissance 4] 1965 à [Localité 7], demeurant [Adresse 6]
représenté par la SCP COHEN GUEDJ, avoués à la Cour,
Assisté de la SCP Monique CHAMLA / Franck-Clément CHAMLA, avocats au barreau de MARSEILLE
Monsieur [Z] [E]
né le [Date naissance 2] 1972 à [Localité 7], demeurant [Adresse 6]
représenté par la SCP COHEN GUEDJ, avoués à la Cour,
Assisté de la SCP Monique CHAMLA / Franck-Clément CHAMLA, avocats au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
11ème A - 2011/480
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 02 Novembre 2011 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Monsieur Jean-Claude DJIKNAVORIAN, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Daniel ISOUARD, Président
Monsieur Jean-Claude DJIKNAVORIAN, Conseiller
Madame Zouaouia MAGHERBI, Vice président affecté à la cour par ordonnance spéciale du Premier Président
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Mireille LESFRITH.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Décembre 2011.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Décembre 2011,
Signé par Monsieur Daniel ISOUARD, Président et Madame Mireille LESFRITH, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
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FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
A la suite d'une annonce parue dans 'Le quotidien d'ORAN' (vends au centre ville ... 13 chambres + 7 T1 - FDC 350.000 F - loyer 12.000 F) les consorts [E], propriétaires, ont conclu avec Monsieur [B] le 22 mai 2002 une promesse de bail commercial sur un immeuble à usage d'hôtel situé à [Adresse 5], moyennant un droit d'entrée de 53.357,15 euros, un loyer mensuel de 1830 euros et la prise en charge des travaux de mise en conformité ;
Le bail a été signé le 15 mars 2003 moyennant un pas de porte de 22.570 euros, un loyer annuel de 27.440 euros et 120 euros par mois de provisions sur charge ainsi que l'exécution par la locataire des travaux précités dans le cadre du périmètre de restauration immobilière en vigueur, suivant devis joint de 100.790 euros de la société HDM dans un délai de deux ans ;
Après jugement avant dire droit du 03 septembre 2007 commettant Maître [J] [L] comme constatant et dépôt le 26 mars 2008 de son rapport du 15 janvier 2008, le tribunal de grande instance de Marseille a statué comme suit :
- rejeté la demande de résiliation du bail,
- condamné la société AIDA à payer 10.670,32 euros de complément de loyers de mars 2008 à mai 2009 et 7.522 euros de charges pour la période 2003 à 2007.
Vu les conclusions d'appel de la société AIDA du 30 septembre 2011 aux fins suivantes :
- dire que le montant du loyer mis à la charge de la SARL AIDA sera rabattu à la somme de 1.524,49 euros au lieu de 2.286 euros par mois en l'état de l'inexécution du contrat du fait du propriétaire du fait de la délivrance partielle du bien matérialisée notamment le nombre de chambres inférieur à ce qui était prévu au contrat,
- infirmer la décision du tribunal de grande instance de Marseille qui a condamné la concluante au paiement de la somme de 10.670,52 euros au titre du complément de loyer de mars 2008 à mars 2009,
- ordonner le remboursement de la somme de 30.489,80 euros avec intérêts à compter du jour de la demande,
- infirmer la condamnation au titre des charges pour la période de 2003 à 2007,
- subsidiairement, désigner tel expert qu'il appartiendra pour donner tout élément concernant les lieux,
- condamner conjointement et solidairement les consorts [E] au paiement d'une somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.
Vu les conclusions du 23 juin 2010 des consorts [E] aux fins suivantes :
- réformer le jugement entrepris,
- prononcer la résiliation du bail commercial du 15 janvier 2003,
- ordonner l'expulsion de la SARL AIDA ainsi que de tous occupants de son chef le cas échéant
avec le concours de la force publique,
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- fixer une indemnité d'occupation égale au montant du loyer soit la somme de 2.286,67 euros par mois,
- condamner la SARL AIDA à payer les sommes suivantes :
* 66.309,66 euros au titre des loyers au 30 septembre 2008,
* 10.610,52 euros au titre des charges,
* 9.237 euros au titre des taxes foncières,
- condamner la SARL AIDA à payer la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les prétentions de la société AIDA
L'inexécution partielle par les bailleurs de leurs obligations de délivrance s'avère caractérisée quant à l'occupation des locaux, au nombre de chambres et à l'impossibilité d'une exploitation hôtelière régulière ;
Elle ressort de cette circonstance, commune, que la délivrance a été postérieure à la conclusion du bail visant l'entrée en jouissance et l'état des lieux à intervenir dans le futur ainsi que des éléments et considérations particuliers suivants ;
Quant à l'occupation des locaux
L'inexécution résulte non de la présence constante d'occupants mais du caractère incertain de leur qualité ou titre d'occupation qui n'était pas sûrement celle de clients de l'hôtel ou un contrat hôtelier alors, d'une part, que certains soutenaient une présence depuis 1993 et 1999, la qualité de locataire et le paiement de loyers (constat du 1er février 2003 et rapport de Maître [L] du 15 janvier 2008) et, d'autre part, qu'aucune activité régulière d'hôtellerie n'était antérieurement exercée par les bailleurs (extrait KBIS du 24 novembre 2009) ;
Cependant la société AIDA ne justifie pas du caractère concrètement préjudiciable de ces occupations toujours en cours en 2008 ;
Quant au nombre de chambres
Le bail vise, par référence au titre de propriété, 21 chambres qui, existantes lors du constat du 15 janvier 2008 après l'exécution des travaux par la locataire, apparaissent n'avoir pas existé en ce nombre à la délivrance ;
Le constat d'huissier du 1er février 2003, effectivement entaché d'une erreur sur le 2ème étage pour citer 6 chambres et n'en dénombrer que 4, compte 18 chambres (respectivement par niveau 3,4,5,6) dont deux (chambre n°1 du 1er étage et chambre n° 8 du 3ème étage) comportant une deuxième pièce se présentant comme une cuisine mais susceptible d'avoir été modifiée à cette dernière fin, en sorte qu'il y avait au plus 20 chambres ; l'annonce précitée du 06 octobre 2001 cite d'ailleurs 13 chambres et 7 T1 ;
Dans le constat du 15 janvier 2008 la déclaration de l'architecte énonce 18 chambres et un logement de fonction lequel, dans son plan, produit, se situe au 1er étage et a une cuisine annexe;
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En toute hypothèse ce manquement s'avère mineur, les 21 chambres ayant pu être constituées par les travaux exécutés dont le projet en contenait d'ailleurs 24 ;
Quant à l'impossibilité d'exploitation régulière
Malgré les termes du constat précité du 15 janvier 2008 sur la déclaration de la société Marseille Aménagement de l'archivage du dossier de l'immeuble et d'absence de décret de fermeture actuel, la société AIDA justifie d'une fermeture administrative de cet hôtel meublé du 08 avril 1979 jusqu'au 19 décembre 2009 ;
Il ressort en effet de l'avis de la commission communale de sécurité du 04 avril 2003, de l'arrêté municipal du 1er avril 2003 joint et de l'arrêté municipal du 18 décembre 2009 que la fermeture au public de l'hôtel a été prescrite le 09 avril 1979, maintenue le 1er avril 2003 après avis défavorable de la commission précitée du 28 mars 2003 et l'ouverture autorisée le 18 décembre 2009 après avis favorable de la commission du 04 décembre 2009 ;
Par ailleurs les bailleurs ne justifient pas avoir informé la locataire de cette fermeture qui n'est pas évoquée dans le cadre même des travaux mis à la charge de cette dernière, le bail se cantonnant à une référence et une décharge, inopérantes, relatives au cahier des charges de la restauration immobilière, et dont l'objet n'englobait pas, suivant le devis HDM annexé, l'entière mise en sécurité requise ;
En effet ce devis, examiné par rapport à la notice de sécurité établie par l'architecte précité, ne contient aucune rubrique de cette qualification spécifique et comprend seulement certains travaux y afférents (VMC, extracteur) alors que la notice prévoit une installation complète incluant notamment une centrale incendie, une alarme sonore, un éclairage de sécurité, une trappe de désenfumage et des extincteurs ;
Une telle délivrance des locaux affectés à l'exploitation de tous commerces et concrètement à l'hôtellerie contrevient à l'obligation incombant légalement et contractuellement aux bailleurs;
Compte tenu de la privation de jouissance qu'elle a causé à la SCI AIDA elle justifie, en réparation, une réduction du loyer mensuel à 1.524,49 euros de janvier 2003 à fin décembre 2009, somme effectivement payée par la société AIDA qui ne justifie pas de l'accord prétendu non formalisé sur la sommation du 31 février 2003 ;
La demande de 30.489,80 euros n'apparaît pas fondée sur la base avancée de l'enrichissement sans cause, ayant été versée à titre d'acompte sur un droit d'entrée de 53.357,15 euros dans le cadre de la promesse de bail, ainsi qualifiée malgré l'annonce visant la vente d'un fonds de commerce, et 22.870 euros figurant au titre du pas de porte dans le bail ultérieur, la somme des deux versements correspondant quasiment au droit d'entrée précité ;
Sur les prétentions des consorts [E]
Quant aux travaux :
Aucune des parties n'établit la situation actuelle des lieux, et notamment pas la société AIDA l'exécution de tous les travaux ayant fait l'objet d'un devis de 125.038,61 euros, mais il apparaît constant qu'ils ont été pour l'essentiel exécutés, au regard notamment de l'arrêté précité du 18 décembre 2009, mais avec retard ;
Les sommations du 23 juillet et du 17 août 2003 n'ont pu faire jouer la clause résolutoire comme délivrés de manière prématurée ;
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Le prononcé de la résiliation judiciaire ne se justifie pas à défaut de manquement suffisamment grave à cet effet compte tenu des éléments et considérations qui précèdent sur la délivrance ;
Quant aux loyers et charges :
Le commandement de payer du 21 février 2005 n'a pu lui-même faire jouer la clause résolutoire, la société AIDA étant fondée à y opposer, compte tenu de la gravité des manquements retenus contre son cocontractant avec réduction du loyer, l'exception d'inexécution ;
De même la demande relative aux soldes de loyers pour la période courant jusqu'à fin décembre 2009 n'est pas fondée ; seule sera allouée la somme de 3.810,90 euros au titre des soldes de janvier à mai 2010 incluse dans sa demande globale ;
Les taxes foncières sont dues conformément au bail et les consorts [E] justifient de leur demande additionelle de 1.715 euros au titre de l'année 2008 à rajouter à celle de 7522 euros retenue au titre des années 2003 à 2007 incluse par le premier juge ;
En revanche ils ne justifient toujours pas, suivant les termes même du bail, des charges correspondant aux provisions mensuelles non versées, et seules réclamées, qui ne peuvent, dès lors, leur être allouées pour la période passée en cause de mars 2003 à mai 2010, comme constitutives d'avances appelant une dette liquide et exigible ;
* * *
Les dépens de première instance, y compris les frais des constatations prescrites, et d'appel seront partagés entre les parties qui succombent partiellement en leurs prétentions respectives sans application, par considération d'équité, de l'article 700 du Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement,
Reçoit les appels formés à titre principal et incident,
Confirmant pour partie le jugement entrepris, le réformant sur le surplus, statuant à nouveau, y ajoutant et le complétant,
Condamne la société AIDA à payer aux consorts [E] les sommes de 3.810,90 euros à titre de solde de loyers dus au 31 mai 2010 et 9.237 euros de charges,
Déboute les parties de toutes leurs autres demandes,
Fait masse des dépens de première instance, y compris les frais de constatations, et d'appel qui seront partagés entre les parties à concurrence de la moitié chacune,
Autorise le recouvrement prévu par l'article 699 du Code de procédure civile.
La greffièreLe Président