COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 09 DECEMBRE 2011
N°2011/863
Rôle N° 10/18020
[D] [S]
C/
SARL MARS
Grosse délivrée le :
à :
Me Anne-Marie BENET, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Louis LEFEVRE, avocat au barreau de MARSEILLE
Copie certifiée conforme délivrée le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MARSEILLE en date du 04 Octobre 2010, enregistré au répertoire général sous le n° 09/2359.
APPELANTE
Madame [D] [S],
demeurant [Adresse 1]
comparant en personne,
assistée de Me Anne-Marie BENET, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
SARL MARS prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis, [Adresse 2]
représentée par Me Louis LEFEVRE, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 17 Octobre 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Michel VANNIER, Président
Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller
Madame Laure ROCHE, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Fabienne MICHEL.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Décembre 2011.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Décembre 2011
Signé par Monsieur Michel VANNIER, Président et Mme Nadège LAVIGNASSE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
PROCÉDURE
Par lettre recommandée postée le 7 octobre 2010 Mme [S] a relevé appel du jugement rendu le 4 octobre 2010 par le conseil de prud'hommes de Marseille la déboutant de ses demandes formées à l'encontre de la société Marketing Action Résultat Stimulation (M.A.R.S.).
Devant la cour, la salariée poursuit la condamnation de l'employeur à lui verser 90 000 euros pour licenciement illégitime, 1 770,60 euros en complément de l'indemnité de licenciement, 10 000 euros pour harcèlement moral, ainsi que de délivrer un document social ; elle chiffre à 2 000 euros ses frais irrépétibles.
L'employeur conclut à la confirmation du jugement déféré, sauf à condamner l'appelante à lui verser une indemnité de 5 000 euros pour procédure abusive.
La cour renvoie pour plus ample exposé aux écritures reprises et soutenues par les conseils des parties à l'audience d'appel tenue le 17 octobre 2011.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le harcèlement moral :
Mme [S] a été au service de la société Mars, en qualité d'assistante de direction, durant 14 ans ; elle a été licenciée pour inaptitude par une lettre du 29 décembre 2010.
La salariée établit un ensemble de faits permettant de présumer, et seulement de présumer, l'existence d'un harcèlement moral de la part de son employeur : certificats médicaux mentionnant un syndrome anxio-dépressif, surmenage, reproches injustifiés, privation de sa ligne téléphonique.
Il appartient dès lors à l'employeur de prouver que ces faits étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral.
Pour cette démonstration, dont il a la charge, l'employeur prouve que la surcharge de travail donnée à la salariée était due au départ de deux salariés, ce dont Mme [S] convient dans une note dactylographiée remise à la cour ; elle précise dans ce document qu'une partie des tâches de travail en souffrance en raison de ces départs fut confiée à d'autres salariés, de sorte que l'employeur n'a pas fait de son cas un cas ciblé.
Sur l'altercation entre Mme [S] et la cogérante Mme [B], le 22 avril 2009, cette dernière s'est sentie très coupable (courriel du 22 avril 2009) en apprenant que le reproche fait publiquement à cette salariée d'arriver tard et de partir tôt l'avait anormalement affecté.
L'attitude ce jour de Mme [B], dont plusieurs témoignages mentionnent son attention au confort de tous ses salariés, est un fait inhérent à son propre surmenage et l'intéressée a ensuite fait montre de compassion envers sa salariée le jour même.
Cet incident reste étranger à tout harcèlement moral.
.../...
Reste une dégradation de l'état de santé de Mme [S], à compter du 22 avril 2009, dont le médecin conventionné [G] écrit le 24 septembre 2009, sans le savoir, qu'il s'agit d'une dépression réactionnelle à un harcèlement professionnel.
En effet, l'incident survenu le 22 avril 2009, dont on rappellera qu'il fut immédiatement suivi d'une attention toute particulière de son auteur envers la salariée, n'était pas objectivement de nature à entraîner un traumatisme invalidant.
Sur la privation, très temporaire, de sa ligne téléphonique, le salarié [V] témoigne du fait que l'entreprise a changé d'opérateur en téléphonie au mois d'avril 2008, cette circonstance expliquant une perturbation subie par tous.
Si donc, de bonne foi, Mme [S] s'est sentie harcelée, son employeur prouve qu'il n'en fut rien.
Elle ne recevra donc pas 10 000 euros.
Sur le licenciement :
Le second avis d'inaptitude délivré le 19 novembre 2010 mentionne que Mme [S] est inapte au poste actuel, mais apte pour un poste dans un autre contexte organisationnel et relationnel.
L'employeur mentionne dans la lettre de licenciement avoir proposé le 2 décembre 2010 deux postes au titre de l'exécution de bonne foi de son obligation de reclassement,
Le médecin du travail mentionne avoir réalisé le 15 novembre 2010 une étude de poste.
Une étude de poste suppose que ce médecin du travail, à la demande de l'employeur, s'est rendu dans l'entreprise.
Par un courrier en date du 25 novembre 2010 la société M.A.R.S. a proposé à Mme [S] deux postes de ' télé acteur ' ou de ' télé vendeur ' avec la possibilité de travailler à distance, ce qui permettait à l'intéressée de s'écarter de son contexte organisationnel et relationnel puisque cette situation de travail autorisait le travail à domicile.
Mais, et sur ce point l'employeur ne s'explique pas, ces deux postes étaient rémunérés au Smic, sans rémunération variable pour le premier, avec une prime liée aux objectifs pour le second, alors qu'il est constant que le dernier salaire versé à Mme [S] était d'un montant brut de 1.893,37 euros, la partie fixe de cette rémunération mensuelle s'élevant à 1 524,49 euros bruts.
Cette très sensible diminution de revenus explique le refus de Mme [S] d'accepter l'une ou l'autre de ces solutions de reclassement.
L'employeur, qui ne verse pas aux débats le livre d'entrée et de sortie du personnel, ne justifie pas qu'il ne disposait que de ces deux postes de travail pour satisfaire à son obligation de reclassement qui doit être exécutée avec une bonne foi qui fait défaut au cas d'espèce.
En conséquence, infirmant, la cour juge sans cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé.
Âgée de 60 ans au jour de la rupture de son contrat de travail, prononcée en l'état d'une ancienneté de 14 ans, au sein d'une entreprise occupant habituellement plus de 10 salariés, Mme [S] dit être encore à ce jour demandeur d'emploi.
Mais les pièces justifiant de son devenir professionnel n'établissent en rien cette situation puisque la cour ne dispose pour évaluer son nécessaire préjudice que d'une demande de Pôle emploi lui réclamant des pièces justificatives de sa situation.
En conséquence, son indemnisation empruntera la mesure légale, soit 6 mois de salaire brut, soit encore 9 147 euros.
La cour note que la demande initiale présentée par Mme [S] du chef de l'indemnisation de son licenciement sans cause réelle et sérieuse s'élevait à la somme de 15 000 euros portée, sans raison apparente, à la somme de 90 000 euros en cause d'appel.
.../...
Sur le complément de l'indemnité de licenciement, la salariée a fait calculer son montant sans tenir compte de la longue période de suspension de son contrat de travail liée à une maladie non professionnelle, cette période de suspension de son contrat de travail n'entrant pas dans le calcul de son indemnité puisque la convention collective des bureaux d'études techniques applicable aux rapports de travail ayant existé entre les parties ne contient pas de dispositions plus favorables sur ce point.
Le calcul de cette indemnité par l'employeur, à nouveau détaillé, ne souffre pas la contestation.
Sur la demande de délivrance d'une attestation rectifiée destinée à Pôle emploi :
L'attestation délivrée par l'employeur mentionne 32,5 jours de congés payés, représentant la somme de 1 899,20 euros, alors que la salariée, singulièrement, soutient qu'il ne lui été dû que la contrepartie pécuniaire de 26,5 jours de congés payés.
De fait, le dernier bulletin de salaire versé aux débats -du 31 juillet 2009- mentionne un reliquat de congés payés de 26,10 jours.
L'attestation sera rectifié en ce sens.
Sur l'appel incident :
La cour jugeant que le licenciement de Mme [S] est sans cause réelle et sérieuse, sa demande en justice était légitime.
La société M.A.R.S. ne recevra donc pas 5 000 euros pour appel abusif.
Sur les dépens :
L'employeur, qui succombe au principal, supportera les entiers dépens.
.../...
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 du code de procédure civile :
Infirme le jugement déféré ;
Et, statuant à nouveau :
Condamne la société Marketing Action Résultat Stimulation (M.A.R.S.) à verser à Mme [S] 9 147 euros pour licenciement illégitime, ainsi qu'à lui délivrer une attestation destinée à Pôle emploi mentionnant que le reliquat de congés payés était de 26,10 jours et non de 32,5 ;
Rejette le surplus des demandes de la salariée et les fins de l'appel incident ;
Condamne l'employeur aux entiers dépens et le condamne à payer à la salariée 1 800 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT